mardi, décembre 27, 2005

"Car l'ancien monde s'en est allé" Ap 21

Catherine Lestang
25 décembre 2005

« Car l’ancien monde s’en est allé… »

"A vin nouveau, outres neuves."

Il s’agit aujourd'hui de mettre dans l'écrit ce qui s'est passé pour moi ce matin de Noël 2005. A l'origine, il y a des apports liés à la veillée de Noël à laquelle j’ai participée et au travail sur le livre du premier livre d’Isaïe. Cela a pris "corps"ce matin là. Sorte d’engendrement si l’on peut dire. Mais rendre compte de telles expériences dans un désir de transmission à d’autres qu’à soi (journal) reste un peu difficile.

Le premier mot qui m’est venu ce matin de Noël c’est le mot de Germe. Si quand Isaïe parle du « germe » on peut penser qu’il y a comme une annonce de Jésus ; il n’en demeure pas moins que pour qu’il y ait germe et germination, il faut la destruction du support nourricier qui permet au germe de naître et de croître. Le germe nécessite un support, qui l'alimente et lui permette de croître. Pour moi, si quelque chose doit germer en moi, doit naître en moi, cela veut dire aussi que je dois accepter une certaine destruction pour que du neuf puisse advenir.

Et alors autre chose est venue : il s’agit de la phrase de Paul « De deux peuples il n’en n’a fait qu’un par le sang de la croix ». Elle s’est éclairée autrement. La première image qui est venue est celle d’une intersection de deux ensembles : le « peuple juif » et les « nations ». L’intersection des deux ensembles donne quelque chose qui est différent qui n’est pas les morceaux de l’un et de l’autre, qui est du neuf. Quand l’ovule et le spermatozoïde se rencontrent, il y a « mort » d’une certaine manière de ces deux constituants et c’est un être neuf qui naît.


Il me semble aussi que le jour de la Pentecôte un nouveau peuple est né, un peuple fécondé par l’Esprit. C’est celui là, qui va faire intersection avec les gentils eux aussi fécondés par l’Esprit, et l’un et l’autre doivent abandonner quelque chose de leur histoire, de leur passé, pour que ça germe. Quelque chose doit être détruit, pour que le nouveau se mette en marche. « Mais à vin nouveau, outre nouvelle ». Il faut bien faire du neuf, du nouveau, pas un mélange de deux avec de l’hébraïque d’un coté et de l’hellénique de l’autre.

L’image de l’olivier des romains m’est alors apparue autrement : pourquoi ne serait ce pas un arbre neuf, un arbre nouveau qui apparaîtrait; au lieu d’avoir toujours cette référence à l’olivier franc qui donne la vie à l’olivier sauvage. L’olivier sauvage aussi a un potentiel de vie et il est important qu’il ne soit pas assimilé, dévoré par l’olivier franc.

Je me rends compte que ce qui m’intéresserait aujourd’hui ce serait de comprendre quel est le Dieu « père » conçu par Paul. Car ce Dieu là, me semble à première vue bien trop enlisé dans les représentations du premier testament et pas suffisamment dans celles du deuxième et de ce que Jésus annonce. Le Dieu du premier testament reste pour moi, beaucoup trop un dieu vengeur, à l’image de ce que nous sommes alors que le Dieu de Jésus est un Dieu qui certes juge, mais le jugement n’est pas la vengeance ! Le Dieu du jugement dernier,est presque toujours présenté non comme un Dieu de vengeance ou de colère, mais comme un Dieu de justice, même su la justice de Dieu, nous échappe, à nous qui n'avaons pas forcément les mêmes notions du bien et du mal.

Si Jésus parle -et cela se trouve dans les trois synoptiques- de « vin nouveau « et d’outres neuves, c’est bien que le monde ancien doit s’en aller et que du neuf doit advenir, et qu’il est nécessaire de créer d’autres contenants et cela c’est peut-être là où nous avons à être créateurs.


Puis, m'est revenu une phrase de l’apocalypse:"voici que l’ancienne terre s’en est allée".Une nouvelle terre est née, des cieux nouveaux sont là, avec cette présence de ce petit enfant qui vient dans le monde.

Pour que cette terre advienne quelque chose doit partir, doit mourir, puisque c’est comme cela que cela se passe dans notre" ici bas". Mais l'important est de faire de" l'un" qui soit différent, qui soit autre, à partir d'un deux qui est finalement appelé à mourir pour se transformer ou pour être transformé, transmuté. Dans le" ici haut", on ne sait pas quelles sont les règles, mais j’aimerai bien les connaître.!

21 1Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n'y en a plus.

21 2Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu; elle s'est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux.

21 3J'entendis alors une voix clamer, du trône: "Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu.

21 4Il essuiera toute larme de leurs yeux: de mort, il n'y en aura plus; de pleur, de cri et de peine, il n'y en aura plus, car l'ancien monde s'en est allé."

21 5Alors, Celui qui siège sur le trône déclara: "Voici, je fais l'univers nouveau." Puis il ajouta: "Ecris: Ces paroles sont certaines et vraies."

21 6"C'en est fait, me dit-il encore, je suis l'Alpha et l'Oméga, le Principe et la Fin; celui qui a soif, moi, je lui donnerai de la source de vie, gratuitement.

21 7Telle sera la part du vainqueur; et je serai son Dieu, et lui sera mon fils.

vendredi, décembre 16, 2005

"la fatigue ou la lassitude de Dieu". Esaïe chapitre 43

Catherine Lestang

Réflexions « en vrac » sur le début du "second Isaïe".Musique du texte et lassitude de Dieu.

Nous lisons en petit groupe ce livre d’Isaïe, composé en principe au temps de l’Exil.

Après la lecture des deux premiers chapitres, j’avais noté en lisant le début du chapitre 42, le premier chant du serviteur, que la « tonalité » changeait brusquement. Et j’ai pensé à une espèce de version orchestrale avec des musiques correspondant à des thèmes différents. D’ailleurs ce mot même de « chant » renvoie bien à une autre musique. Je l’entendrai bien comme une flûte ; avec peut-être un peu de violoncelle… Cette conception musicale de ces textes est importante et riche pour moi.

Car on peut comme entendre d’autres mélodies beaucoup plus vigoureuses et violentes, plus symphoniques, qui représentent différents aspects souvent opposés et même déconcertants, du Dieu présenté et raconté dans cet écrit. Les tonalités se suivent et s’opposent : tantôt brutales, tantôt douces, tantôt chaleureuses, tantôt glaciales. Mais elles reviennent comme des leitmotive musicaux. Il y a un Dieu créateur, majestueux, mais il y a aussi un Dieu qui dévaste tout, qui punit, qui se venge sur Israël et sur les autres peuples, et un dieu qui n’oublie pas le passé et la filiation avec ce peuple qu’Il s‘est choisi.

On trouve un Dieu qui se plaint, qui tempête, qui promet la pluie et le beau temps, qui change d’attitude d’une manière très rapide, qui promet des lendemains qui chantent, mais aussi la destruction, la famine, la sécheresse. Il souffle le chaud et le froid, comme s’il essayait de faire comprendre quelque chose sur Lui à ceux qu’Il a choisis, élus !

Ayant regardé récemment un reportage sur certains miracles, j’ai été frappé par une phrase prononcée par une jeune femme hindoue : « On attend de Dieu qu’Il nous protège, alors pour obtenir sa protection, on lui donne des offrandes et on le nourrit » Et de fait, même si nous ne le disons pas, si nous nous tournons vers un Dieu quand ça ne va pas c’est bien parce que au fond de nous, comme des enfants, nous attendons un protection d’un être qui est dit tout puissant et qui nous doit sa protection, si nous avons fait « alliance » avec lui. On peut bien penser qu’à l’époque où le livre prophétique a été rédigé, l’exil pouvait sembler signer l’échec de ce rôle !

Mais ce qui transparaît, c’est que ce Dieu, qui semble avoir abandonné son peuple, même quand Il « attaque » et détruit, reste présent. Il veut que ces événements prennent sens. Autrement dit, qu’Il protège ou qu’Il ne protège pas, qu’Il console ou qu’Il détruise, Il demeure présent dans l’histoire de son peuple. Son but c’est que ce peuple choisi apprenne à le connaître, à le reconnaître, à ne pas l’assimiler aux dieux des autres nations ou aux dieux « domestiques », et à reconnaître que Sa loi est une loi qui peut faire vivre; même si on vit des conditions de vie dramatiques.

S’il crée le bonheur et le malheur, ce n’est pas qu’il crée le mal, mais le mal advient parce qu’il espère qu’ainsi son peuple comprendra e que cela ne sert à rien de s’adresser à des faux dieux, bâtis de mains d’homme !

Dieu est un peu comme un parent qui cherche par tous les moyens à faire comprendre à son fils qu’Il est là, même si le fils refuse d’ouvrir les yeux, et les oreilles.

Mais dans ce texte il y a un mot qui m’a interpellé, c’est le mot «fatigué», qui est un adjectif qui concerne Yahvé. Dans d’autres bibles, le mot employé est «lassé».

Is 42, 24 Tu n’as pas acheté pour moi à prix d’argent du roseau aromatique et tu ne m’as pas rassasié de la graisse de tes sacrifices ; mais tu m’as astreint à l’esclavage par tes péchés, tu m’as fatigué par tes fautes.

J’ai pensé à la phrase « fatiguer la salade », qui évoque l’image de tourner et retourner la salade dans la vinaigrette, pour bien l’imprégner ! Et il m’a semblé que Dieu ; comme une salade été mis en contact très proche avec le « péché » de son peuple, que ce soit la non reconnaissance de lui comme Le dieu ou le non respect de l’autre (le courbé, le faible, le pauvre).

Quand nos enfants ont des comportements ou des attitudes qui nous obligent à réagir, ne dit on pas qu’ils nous fatiguent. Fatigue de répéter toujours la même chose, face à quelqu’un qui n’en tient pas compte, fatigue due à l’usure, fatigue équivalent parfois de tristesse ou de dépression !

Si on regarde dans le deuxième livre de rois ou le deuxième livre des chroniques, le comportement du roi Achaz, on peut bien comprendre la « lassitude » ou la fatigue de Yahvé (ou de son prophète) face à ce roi offre ses enfants en sacrifice, qui déplace le temple de Jérusalem à Damas et qui utilise les richesses du temple pour son usage personnel ! Il n’en fait qu’à sa tête, et le peuple le suit ! « Est-ce trop peu pour vous de lasser les hommes que vous lassiez aussi le seigneur votre Dieu » Is 7, 33. Cette phrase s’entend alors bien.. Un Dieu fatigué, lassé de ce rejet. Car en sacrifiant à d’autres divinités, on lui fait comprendre qu’Il n’est pas capable de protéger son peuple. On doute de sa force et de sa puissance. Peut-être y a t il de quoi se mettre en colère ! Et comme cette attitude est assez générale tant en Samarie qu’en Juda, il y a bien « une fatigue ».

On dirait que Yahvé essaye tout ce qui est en son pouvoir pour sortir son peuple de ces détournements. Le malheur, les défaites, les déportations, ne servent qu’à cela : obliger les gouvernants et le peuple à réfléchir. Dans cette optique là, c’est bien Yahvé qui crée le bonheur et le malheur (Is 45, 7) ce qui veut dire que quels que soient les événements, Il est présent, il ne se « fatigue « pas, il reste attentif aux motions de ce peuple.

L’alternance de promesses de restauration et de destruction me pose quand même question. Car à chercher dans tout élément négatif qui m’arrive une punition d’une éventuelle offense me dérange considérablement. Cela crée une sorte de culpabilité latente dont je ne veux pas.

Comment se dégager de cette vision trop humaine de Dieu ? Comment passer du Dieu protection au Dieu relation ?

A suivre….

mardi, novembre 29, 2005

A propos du livre de l'ecclésiaste

Le livre de Qohélet.Premières réactions

Il est une attitude pour commenter les textes de l’écriture qui consiste d’une certaine manière a toujours dédouaner Dieu de tout ce qui pourrait être interprété négativement. Mettre du négatif revient plus ou moins à soupçonner Dieu de ne pas être le tout bon. Or bien souvent certains événements douloureux de notre vie, (ces événements qui nous font dire, qu’est ce que j’ai fait au bon dieu pour que...) ne prennent un sens positif que longtemps après. Pour moi, ce n’est pas soupçonner Dieu d’être mauvais ou méchant, c’est exercer l’intelligence qu’Il m’a donnée pour aller ailleurs, pour ne pas l’enfermer dans des schémas ou des images, mais essayer d’actualiser ce qui a été révélé à un moment donné.

J’ai choisi pour le moment lorsque je lis un texte de la bible de me laisser prendre par le texte brut, de le lire peut-être avec l’outil « psychologue »qui est le mien, de l’analyser, de le laisser prendre son envol, sans chercher à voir forcément la bonté de Yahvé.

En travaillant en groupe le texte de Quohélet, j’ai été au-delà de la beauté de l’écriture très étonnée par le pessimisme et de l’athéisme de ce texte. On peut dire que se contenter de ce que l’on a, est une philosophie, et dénote un certain optimisme. Je n’en suis pas sûre. A aucun moment l’auteur n’aborde la possibilité d’une véritable relation entre l’homme et son Dieu. Ilse livre à une critique sévère de la religion enseignée à son époque, il en montre les limites, les incohérences, les insuffisances. La « sagesse » ne débouche pas sur une vie spirituelle.

Je sais que la conservation de ce texte parmi les livres inspirés ne s’est pas faite sans mal et cela se comprend. Mais il reste pour moi un petit chef d’œuvre d’écriture et tout ce qui est art peut être entendu comme une sorte de Révélation.

Je voudrai donc juste « parler » un peu de ce livre, tel que je le ressens aujourd’hui.

1, 7Tous les fleuves coulent vers la mer et mer n'est pas remplie. Vers l'endroit où coulent les fleuves, c'est par là qu'ils continueront de couler.

Quohélet

Souviens toi que le temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi,

Le jour décroît; la nuit augmente ; souviens-toi !

Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide. Baudelaire, « Les fleurs du mal ». L’horloge.

Si j’ai choisi ces deux textes, c’est qu’un parallèle peut être fait. Cette phrase très connue de Quohélet, me rappelle aussi que pour les juifs la mer est un lieu de mort. Ce lieu maléfique, peut être vu non comme le bel océan dont nous avons l’habitude, vaste étendue miroitant sous le soleil, mais comme une sorte de bouche désireuse d‘avaler tous les hommes qui vont ainsi finir leur vie -qu’elle soit heureuse ou malheureuse- dans ce gouffre. L’homme n’a pas le choix, la mort est là, elle le guette, et sera la plus forte.

Ceci permet le parallèle avec le poème « l’horloge », de Baudelaire. Le temps est l’équivalent de la mer, de la mort, et il se nourrit de la vie des hommes. « Le gouffre a toujours soif, la clepsydre se vide ».

C’est donc une vision assez noire assez négative du destin humain.

Le texte de l’ecclésiaste, je le connais depuis mon enfance. Mon père le citait souvent, mais en retenait des maximes qui me faisaient un peu peur, comme « ce qui est courbé ne pourra pas être redressé » et surtout « tout est vanité » que je ne comprenais pas du tout et qui me faisait penser au monsieur vaniteux du petit Prince !

En reprenant aujourd’hui ce texte dans un petit groupe, je suis prise autant par la facture de ce texte que par son négativisme et peut-être par une sorte d’athéisme ou de rejet d’un certain Dieu, celui de la rétribution.

A aucun moment contrairement aux psaumes qui magnifient le travail de Dieu dans le monde, et pour son peuple, Quohélet apprécie la beauté de ce qui lui est donné. Il n’en voit que le côté négatif. Que le style employé soit superbe est une chose, mais il n’en demeure pas moins que la désillusion est omni présente.

Il me semble que comme dans une parabole, à mots peut-être couverts car il faut être entendu par l’assemblée, le discours de Quohélet traduit sa perplexité devant l’illusion de croire en la rétribution, puisque de toutes les manières, juste ou méchant, riche ou pauvre, on n’emporte rien avec soi dans l’au-delà. Peut-être serait donc important de se déprendre de cette croyance en la rétribution ici bas, puisque de toutes les manières dans l’au-delà elle n’a pas cours. La critique est tellement cinglante, que l’on peut se demander si cette analyse n’est pas un moyen de virer à l’athéisme. Au lieu de se réjouir de ce qui est donné, Quohélet se lamente de ce qui est perdu. Et le regard donné par la religion ne lui est d’aucun secours.

Si on pense aux textes mésopotamiens qui retracent l’épopée de Gilgamesh, lorsqu’il descend aux enfers à la recherche de la plante de vie il lui est dit la vie de l’homme est bornée par la mort, que celle-ci est inéluctable. Il lui est alors conseillé de se réjouir du boire, du manger et du plaisir pris avec son épouse. Cela peut se dire comme « vis l’instant présent, et contente toi de cela ; car au-delà, il n’y a rien. Il semble bien que deux mille ans plus tard, le constat est identique.

Ce qui est étonnant dans ce texte, c’est du moins dans les 9 premiers chapitres, l’absence de référence à un Dieu sauveur, à un Dieu « juste ». Certes le mot Dieu est cité, mais d’une manière très laïque, car il s’agit d’une entité un peu lointaine, qui n’a rien à voir avec le Dieu (le Seigneur) qui s’est révélé sur le Sinaï. Ceci est en soi très différents des autres textes appartenant à la littérature sapientielle.

Les chapitres 1 à 8, renvoient à un regard de désespoir sur le monde existant. Par certains côtés cela m’évoque les « romantiques » du 19°. Ce monde est mauvais, la jouissance n’apporte rien puisque la mort en est le terminus.

En filigrane se trouve la question de la rétribution du juste et du méchant, mais il faut passer une certain nombre de versets pour avoir une sorte de réponse. Est-ce dangereux de la mettre en question ouvertement ?

On trouve par exemple au chapitre 3, la question du jugement. 3,17« Je m’étais dit en moi-même, le juste et le criminel, Dieu les jugera, car il y a un temps pour toutes choses et pour toute action ici ». Mais cette phrase reste sans réponse explicite. Une première réponse très ambiguë est donnée : Dieu n’intervient pas ; les épreuves qu’Il envoie apprennent à l’homme (lui font comprendre) qu’il a un comportement de bête (peut on dire animal) et que comme l’animal, il meurt. La réponse n’est pas la justice, mais la mort et une mort sans espoir puisque « un chien (homme du peuple) vivant » vaut mieux « qu’un lion (roi) mort ».

Mais la vraie réponse est donnée au verset2 du chapitre 9 : « Tout est le même pour tous un sort unique, pour le juste et le méchant, le bon et le mauvais, pour le pur et l’impur, pour celui qui sacrifie et qui ne sacrifie pas, pour le bon et le pécheur, pour celui qui prête serment et qui craint de prêter serment. La conclusion est alors : C’est un mal, parmi tout ce qui se fait sous le soleil, qu’il y ait le même sort pour tous.

Quohélet met donc fortement en cause la théorie de la rétribution, qui avait d’ailleurs déjà été mise à mal dans le livre de Job. Car si Job retrouve une certaine crainte du Seigneur, celle-ci lui permet de découvrir un Dieu Autre, ce qui n’est pas le cas de Quohélet.

Mais il y a une autre critique, c’est que le « comportement » de Dieu est incompréhensible ; il semble ne pas respecter les règles du jeu. Car si le méchant vit longtemps, mais pas toujours, si le juste meurt jeune et pauvre, mais pas toujours, alors comment savoir quel est le dessin de Dieu ? Et une deuxième critique apparaît : 8,11 : « Parce que la sentence contre celui qui fait le mal n’est pas vite exécutée le cœur des fils d’Adam, est plein de l’envie de mal faire ».

« Que le pécheur fasse cent fois le mal, il survit »

Ce qui est profondément injuste et contraire à la rétribution.

« Mais il n’arrive pas de bien au méchant et que comme l’ombre, il ne prolongera pas ses jours parce qu’il est sans crainte devant Dieu ».

Alors qui croire ? Il y a comme une incohérence…

« Mais moi, je sais aussi qu’il arrive du bien à ceux qui craignent Dieu parce qu’ils éprouvent de la crainte devant lui, »

Parfois le juste est récompensé, mais ce n’est pas systématique, donc difficile à comprendre.

Donc, comment comprendre le chemin divin quand tout semble aussi absurde, sans règles établies.

Quel est ce Dieu qui vit au- dessus du soleil, qui donne des règles stables aux éléments, mais si incohérentes pour l’homme ?

Ce Dieu peut-on l’atteindre ? Est Lui qui donne à l’homme le bonheur ? Il n’y a me semble t il aucune réponse explicite à cette question ce qui peut s’entendre comme un doute, somme toute très contemporain !

Ce qui est aussi étonnant, c’est que à aucun moment Quohélet ne s’extasie devant la beauté d’un coucher de soleil, le scintillement des étoiles. On dirait que cela n’est pas pour lui et cette répétition de même est finalement profondément déprimante.

Car si riche soit-il si béni de Dieu soit-il (puisque normalement la richesse est un signe de bénédiction), il n’en tire pas de la joie. Il est omnubilé par la disparition, par la mort. D’une certaine manière, Quohélet semble être un grand déprimé (ou un grand boulimique, ce qui revient à peu près au même). Il vit dans un manque que rien ne peut combler. Il entasse richesses sur richesses, expériences sur expériences, pour ressentir au fond de lui cette sensation d’une injustice totale, la mort qui dépossède et qui nivelle les différences. Il y a en lui un manque et normalement sa sagesse aurait du ouvrir, proposer une ou des solutions.

Ce que je trouve frappant dans ce texte, qui date de -330, donc à une époque où la philosophie grecque était connue de tous, c’est l’absence totale de propositions. A aucun moment il ne sort de sa bulle pour être en relation avec les autres, pour leur proposer une relation. La crainte de Dieu est elle relation ? Je n’en suis pas sûre !

Il propose de trouver un mode de vie où l’on n’est pas trop juste, pas trop sage, pas trop méchant, bref pas trop d’excès, car l’excès raccourcit la durée de la vie. 7, 16. C’est une espèce de vie à minima qu’il semble proposer. Même la sagesse ne peut être bonne: « J’ai dit je serai sage, mais c’est hors de ma portée (7, 23). Pas d’excès, profil bas : se soumettre aux ordres des puissants (qui ont le pouvoir de mettre à mort) et même dans l’étude du monde, savoir que la compréhension n’est pas pour l’homme (trop de choses lui échappent).

La relation à l’autre, qui est tellement valorisée par la torah et les prophètes, est elle aussi comme a minima : « donne ton pain à sept ou huit, car tu ne sais quel malheur peut venir sur la terre » Qo 11, 2, mais on n’est pas me semble t il dans la gratuité : donne parce que cela peut toujours servir ! De fait, dans ce texte, l’autre n’existe que comme objet d’étude, et non comme être de relation.

Quant à la relation à Dieu, peut-être peut-on entendre une louange : « Souviens toi de ton créateur aux jours de ton adolescence, avant que ne viennent les jours mauvais et qu’arrivent les années dont tu diras, je ne les aime pas » Qo 12, 1, mais la finale du texte : Qo12,13 « crains Dieu et observe ses commandements, car c’est là tout l’homme : oui, Dieu fera venir toute œuvre en jugement, tout ce qu’elle recèle de bon ou de mauvais », me semble être d’une écriture tout autre que celle du texte initial, et donc peut-être trace (rajoutée) d’une époque où la rétribution post mortem commence à faire son chemin dans le cœur du peuple d’Israël.

Et je ne peux m’empêcher de penser à Bouddha (-600). Comme Qohélet, il est prince donc à l’abri du besoin, il possède des richesses, une femme, la beauté, le luxe. Mais lui décide de sortir des murailles qui l’enferment et reçoit de plein fouet le choc de la misère, de la souffrance et de la mort. Il va essayer de donner une réponse à cette vie, en proposant une manière de vivre, une manière d’être qui permette d’accéder au bonheur. Car l’accès au bonheur est bien la question qui taraude tout être humain compte tenu de la vie qui est loin d’être un chemin de roses.

Quohélet sort aussi, mais il revient dans son confort. Il voit, il observe et la sagesse qu’il dit avoir, quelle est elle ? Si on se réfère au premier livre des rois, il s’agit du discernement. Si on se réfère à d’autres écrits, la sagesse est comme la manifestation de la présence du divin. Et la sagesse de Quohélet est autre. En quoi consiste t elle ? En fait elle dit que le monde est absurde, qu’il n’y a pas de lois sauf celles de la répétition (qui chez Freud est régie par la pulsion de mort) que les promesses de Dieu ne sont pas tenues, et que la vie est un non sens.

Alors que conclure ? Peut-être faudrait il ne pas séparer ce texte de celui qui le suit directement dans notre Bible, à savoir « le cantique des cantiques » qui lui est célébration de la relation.

« Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, ni les fleuves le submerger »Can 8,7

dimanche, novembre 13, 2005

"Tu ne te présenteras pas devant ton Dieu, les mains vides

Catherine Lestang

Tu ne te présenteras pas devant ton Dieu les mains vides Ex 23, 15

La première fois que j’ai lu ce précepte en travaillant le livre de l’Exode, ma réaction a été : Il est gonflé ce YHWH. Pourquoi veut-Il qu’on lui apporte quelque chose alors qu’Il possède tout ? Ne fait Il pas dire au psalmiste : Ps 50,12 « Si j'ai faim, je n'irai pas te le dire, car le monde est à moi et son contenu ». Et puis demander des offrandes dans le désert loin « des villes habitées », quand on a quitté sa maison en grande hâte, même si on eu des cadeaux des égyptiens, c’est un peu paradoxal ! Je sais bien que les descriptions un peu pharaoniques de l’Exode montrent un peuple nombreux, avec des grands troupeaux, mais dans la réalité de ces tribus qui quittaient l’Egypte, qu’en était il ? Et ces troupeaux dans le désert, il faut bien les nourrir !

Je sais bien qu’entendre cette phrase au premier degré, dans sa matérialité, ce n’est peut-être pas ce qu’il faut faire, mais avant de passer à un sens plus spirituel, j’ai besoin d’explorer ce précepte tel quel qu’il est écrit. Car c’est bien le même précepte dont parle implicitement Jésus dans l’épisode de l’obole de la veuve en Luc 21,2-3.

Il m’est d’ailleurs venu à l’esprit que cette phrase pouvait fort bien avoir été écrite par les prêtres, car ce sont bien ces dons matériels, concrets, qui leur permettent de subsister. Et sous couvert d’un ordre divin, c’est quand même plus facile!

Je sais aussi, bien que cet aspect ne me soit apparu que tardivement dans mes réflexions sur cette phrase que le Tu n’est pas un tu qui va avec le je, donc qui me serait directement adressé, mais, que c’est un Tu qui est un Vous et qui comme dans les commandements s’adresse au peuple.

Ce qui revient de fait, à faire une double lecture de ce verset.

Le peuple, par l’intermédiaire des prêtres et des lévites, doit lorsqu’il prie son Dieu lui faire des offrandes, qui ont des rôles très précis(le livre du Lévitique est très explicite à ce sujet). Si on lit un peu l’histoire d’Israël, on voit l’importance de ces sacrifices. Il suffit de se référer par exemple au transfert de l’arche à Jérusalem 2,Sam 7,15-20, ou à l’inauguration du temple par Salomon 1R 8,5, ou encore aux livres d’Esdras et de Néhémie, lors du retour de l’exil. par exemple en Es3,1 dès que l’autel est restauré, des victimes animales sont offertes. Elles servent à la fois à purifier le temple de toutes les « horreurs et profanations » qui s’y sont passées, mais surtout de rendre à YHWH sa place de Dieu de l’Univers, à la fois tout puissant et créateur. Ce type de culte peut aussi s’entendre comme un moyen d’apaiser YHWH, d’éviter que sa colère ne s’enflamme et que à nouveau le peuple restant soit menacé de destruction. Car un Dieu qui ne reçoit pas d’offrande, risque fort de se retourner contre son peuple et de l’abandonner. L’offrande va avec l’alliance. D’une certaine manière le faible, manifeste son allégeance au fort en lui faisant des dons, et en contre partie il reçoit la protection.

Je peux aussi entendre dans ce don obligé, comme une contrepartie de ce que YHWH a fait pour son peuple en lui donnant la « libération ». Cela est alors rappel, mémoire. YHWH a fait sortir d’Egypte en rendant au peuple sa liberté, et en lui permettant de conquérir une terre pour y vivre, Il a donné la liberté. Alors le sacrifice, ici peut s'entendre comme donner comme pour remercier.

Il m’est encore possible d’y voir une notion de pardon : ce don servirait à se faire pardonner ! Cette notion d’holocauste pardon est fréquente dans les psaumes. « Tu n’as voulu ni offrandes, ni sacrifices, alors j’ai dit je viens » Ps40. D’ailleurs, n’est ce pas ce que l’on fait parfois quand on a mauvaise conscience ! Faire un cadeau peut désarmer l’ennemi ! A défaut de pardon, le cadeau peut servir à faire « comme si » on était réconcilié, à condition d’ailleurs d’accepter le cadeau. A ce moment là, on est dans une sorte de rituel de réparation. Et si on regarde un peu le lévitique, il y a de nombreux sacrifices prescrits pour le « péché ». Mais on peut remarquer que dans les discours prophétiques, ce n’est pas tant l’holocauste qui est demandé qu’une conversion du cœur ce qui est d’un tout autre registre.

Seulement quand je reprends la perspective du ‘’tu qui va avec le je’’, c'est-à-dire si j’entends cette phrase comme s’adressant à moi, aujourd’hui, je me rends compte que j’ai beaucoup de mal avec cette représentation d’un Dieu qui réclame. Est ce pour bien signifier sa « divinité » sa différence d’entre Lui et les humains qu’il a crées ? Si comme on le dit, il se dit Père, l’important pour un parent, n’est ce pas de savoir ses enfants à l’abri du besoin ? Alors qui est Il ce Dieu ou plutôt que désire t Il?

Et il m’est venu, qu’avec Jésus, la relation devient radicalement différente. Ne lit on pas dans l’apocalypse au chapitre 3 : « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe » ce qui est une relation de confiance et non plus de crainte. Dans l’Exode, Dieu a frappé les premiers nés qui vivaient dans des maisons dont les portes ne portaient pas de sang de l’agneau ou du chevreau. Violence peut-être nécessaire, mais violence quand même! Et là, dans le second testament, il y a une porte quipeut s'ouvrir, et promesse d’une rencontre, d’un souper ‘’d’amoureux’’. Faut il avoir les mains pleines ou les mains vides ? L’important n’est il pas juste d’ouvrir la porte pour que la relation s’établisse ?

Or il se trouve que dans mon éducation cette phrase : « ne pas se présenter devant celui qui invite les mains vides » ou autrement dit « arriver avec un cadeau quand on est invité » a été un des précepte de mon enfance, avec un certain nombre de résonances que je vais conjuguer maintenant, et qui peuvent peut-être expliquer ma réactivité négative à ce verset.

Etre invité chez nous, n’était pas une mince affaire. Il fallait se faire beau, et surtout ne pas arriver les mains vides ! Quant à inviter c’était encore autre chose, il fallait donner une image de soi tellement différente de la réalité quotidienne, que cela me dépassait un peu. J’ai toujours eu du mal avec le faire semblant. Que faut il cacher ?

Je ne me suis d’ailleurs souvent demandé pourquoi il ne fallait pas arriver sans rien, juste avec ce que l’on est, avec sa satisfaction d’être invité et de se mettre les pieds sous la table. J’avais une tante qui notait sur un petit carnet la composition du repas servi à ses invités pour ne pas faire la même chose lors d’une prochaine invitation. Que de tracas pour éviter que les autres puissent penser que vous n’êtes pas une bonne hôtesse. Importance de l’image donnée. Narcissisme quand tu nous tiens.

Pourtant l’hospitalité ce devrait être un partage amical, un plaisir à être ensemble. Simplement dans ma famille il y avait une sorte de rituel. On ne pouvait pas se permettre d’arriver les mains et de ne pas rendre l’invitation. C’eut été une marque de mauvaise éducation (ce qui aurait voulu dire que ma mère «était une mauvaise mère) et moi je devais être une petite fille bien élevée (donner aussi de ma mère une bonne image), ce qui explique que mon Surmoi se soit emparé de cette injonction maternelle.

Curieusement, encore aujourd’hui, si j’apprécie de recevoir un petit quelque chose quand je reçois des amis ou même la famille, je suis ravie (mon esprit enfant rebelle) quand les amis arrivent les mains vides, parce que cela veut dire que la relation est vraiment de l’échange et qu’ils se sentent bien dans notre maison. Quant à compter les invitations pour les rendre….Non !

Et puis il y a aussi Jésus, qui rappelle que inviter des personnes qui peuvent rendre l’invitation n’est pas forcément ce qu’il y a de mieux, comme si dans son message à Lui, ce n’était pas le « donnant donnant » qui avait la préférence. Ce qui renvoie à la phrase citée par Paul : « Il y a plus de plaisir à donner qu’à recevoir ». Mais soyons honnêtes, recevoir fait souvent très plaisir, et se plaindre de l’ingratitude, et donc de la blessure ressentie quand on n’est pas reconnu comme un bon objet, est une attitude bien fréquente. Tout cela pour dire qu’un petit cadeau qui est comme un merci, fait plaisir, mais qu’il n’est pas nécessaire.

Pour rester dans cette optique, il me semble que dans mon enfance cette notion de « ne rien devoir à personne » était aussi très importante. La dette cela crée une obligation et on ne sait pas jusqu’où cela peut mener ou en fait on le sait trop bien. Est-on en dette avec Dieu comme on est censé l’être envers ses parents ? Dans la vie sociale, ne rien devoir, c’est un principe bien humain ! Le « donnant donnant » est à la base de tout échange et crée une relation relativement égalitaire. Quand on doit et qu’on ne peut « rendre », on rentre dans des processus qui peuvent mener à l’esclavage. On devient dépendant de l’autre. On dit bien aujourd’hui que lorsqu’il y a une catastrophe naturelle les membres de certaines églises viennent aider, ce qui leur permet ensuite de recruter ensuite plus facilement car il y a dette. En d’autre terme, la dette crée comme un devoir de reconnaissance. Peut-être peut on dire merci autrement que par un don matériel. Il y a des sourires qui font bien plus chaud au cœur qu’un bouquet de fleurs !

Je crois qu’il y avait aussi, dans ma famille, une notion qui m’est un peu étrangère, à savoir : on nous fait l’honneur à nous qui ne sommes pas de la famille, d’être dans l’intimité (relative) de cette famille. Ceci renvoie à une représentation d’infériorité, peut-être de fausse humilité qui me semble étrange. Mais effectivement si un Dieu vous fait l’honneur à vous, pauvre petit humain de vous inviter chez lui, alors peut-être faut il ne pas de présenter devant lui les mains vides. Simplement pour moi, le fait d’être un humain avec toutes ses limites mais aussi ses grandeurs, ne me dérange pas.

Dans l’Evangile, Jésus s’invite souvent et même si on met apparemment les petits plats dans les grands, d’autant qu’il ne se déplace pas seul, il ne semble pas qu’il se préoccupe beaucoup de la composition du repas. Ce n’est pas là-dessus qu’il juge celui qui le reçoit. A la limite c’est Lui qui fait honneur ! Mais que représente aujourd’hui cette notion ?

Une autre question qui me traverse, est la suivante: et si je me présente devant Dieu ; les mains vides, juste comme je suis, que va-t-il m’arriver ? Va t Il se fâcher ? Va t Il me mettre dehors (ce qui en soi ne serait pas très cohérent pour un Dieu qui se dit Père). Pourquoi mettre sur Dieu une représentation tellement humaine de la relation de parenté ! De toutes les manières, une fois le don fait (et accepté) on se retrouve bien les mains vides !

En fait, il me semble que la peur qui m’a été transmise dans mon enfance est la suivante : si je n’apporte pas un cadeau, je risque de ne plus être invitée par la suite, donc d’une certaine manière d’être mise à la porte et de devoir vivre seule, sans amitié, comme si l’amitié cela s’achetait. Il y avait finalement la peur du rejet, la peur de l’abandon. Et il me semble bien que cette peur là, elle a été projetée sur Dieu. Je ne parle pas d’un niveau conscient, mais d’un niveau inconscient. Et cela, parce que au fond de nous, nous attendons de Dieu une protection, comme le petit enfant en attend une de ses parents, alors que ce qui nous est proposé c’est d’abord une relation.

Alors finalement pourquoi se présenter devant Dieu avec une offrande ? De quoi s’agit il ? Peur d’un rejet ? Peur d’un abandon ? Une de phrase clés de l’évangile n’est elle pas « n’aie pas peur » ? Et pourtant cette peur semble rester encore très présente dans nos rituels, en particulier celui de la messe.

Si je rebascule dans l’optique du Tu est un Vous qui s‘adresse au peuple, il semble bien que tout le rituel de notre messe soit très centré sur le « donnant donnant ». Le peuple, par son prêtre (le célébrant) offre à Dieu un sacrifice qu’Il ne peut que recevoir et accepter(puisqu'il est parfait: Dieu Fils) et qui assure une réconciliation, donc -si je suis me permettre ce raccourci-, la certitude que Dieu ne se mettra pas en colère et ne tuera pas le peuple (pécheur mais sauvé) que Son Fils lui a donné. La mort de Jésus, symboliquement agneau immolé le jour de la Pâques, (fête de la libération), don total, permet la restauration de la relation entre l’homme et Dieu.

Mais si comme l’écrit J. Moingt[1] avec Jésus c’est la fin de l’ère sacrificielle, pourquoi ce mot de sacrifice, revient il si souvent dans le rituel de la messe ?

Pourquoi faut il offrir encore et encore à un Dieu Père (qui sait de quoi l’homme est fait), ce sacrifice de réconciliation (comme si un Dieu était capable d’oubli)[2].

Alors parfois je me dis que ce n’est pas Dieu, lui qui est devenu Père en laissant son Fils aller jusqu’au bout de son désir, qui a besoin qu’on lui rappelle le sacrifice de son fils. C’est nous qui devons en faire mémoire pour ne pas oublier que Dieu Père nous a fait don de son Fils et que ce don nous permet d’être dans l’Esprit.

Je veux dire qu’il est nécessaire de me rappeler(à moi, comme à ceux qui m'ont précédés et ceux qui me suivront) ce qui s’est un passé un soir de l’an 30 ou 33, à savoir un repas « prophétique », suivi d’une réalisation : un corps mis à mort (holocauste) du sang qui coule (purification et vie) et de la réssurection.

Seulement moi dans cette histoire, je dois dire que je me sens (et je me sais) les mains vides. Je reçois, je partage, mais mes mains sont vides. Et si elles sont vides, elles peuvent être remplies, si elles sont occupées à tenir, elles ne le peuvent pas.

S’il y a une chose dont je suis sûre, c’est que si je peux savoir ce que l’on reçoit, il est bien plus difficile de savoir ce que l’on donne. Je sais ce que j’ai reçu, professionnellement parlant, de tous ceux avec lesquels j’ai travaillé et ils sont finalement très nombreux, mais de là à leur avoir donné quelque chose, c’est beaucoup plus un espoir qu’une certitude. Aujourd’hui, si j’espère être « remplie » et travaillée par le souffle de l’Esprit, j’ai en moi la certitude de ne rien donner, de ne rien rendre, d’avoir des mains avec des doigts écartés, qui prennent appui sur le courant divin, comme un nageur sur l’eau, mais qui ne retiennent pas donc qui ne peuvent donner ou rendre. J’espère juste parfois transmettre, au sens d’être traversée par, mais sans retenir.

L’important pour moi, et là encore c’est une espèce de profession de foi, c’est de croire que ce qui permet à l’homme de sortir de l’animalité qui est en lui (et qui est nécessaire) ; c’est d’être en relation avec Dieu et que cela a été rendu possible par la présence de Jésus ; qui a ouvert « les cieux » c'est-à-dire qui a permis une relation dès maintenant entre l’homme et le divin.

Quand un couple décide d’avoir un enfant, il va donner de sa vie pour que ce petit être devienne un humain. Je dirai que le don des parents fabrique de l’humain. Si moi aujourd’hui, je peux donner un peu de mon temps à mon Dieu, peut-être que dans un échange un peu mystérieux, je peux contribuer à « faire » du Dieu, et que ainsi dans une mutualité qui se nourrit en permanence, l’Un de l’autre et l’autre de l’Un, je peux déjà aujourd’hui faire advenir la présence de Dieu en moi et la laisser agir. Etre créateur de Dieu en toute humilité, n’est ce pas un projet magnifique ?

Voici, je me tiens à la porte et je frappe;

Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte,

J'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi



[1] J. Moingt. La rémission des péchés. DDB 2004

[2] Je fais un peu exprès ici dans un esprit assez polémique de ne pas développer l'aspect "sacrifice de louange"

lundi, octobre 24, 2005

"Qui nous roulera la pierre" Marc, chapitre 16,verset 1

Catherine Lestang

23 octobre 2005

Qui nous roulera la pierre ?(1)

Cette phrase s’est mise à résonner en moi et quand une phrase résonne (raisonne ?), en général, il me faut lui laisser prendre son envol. Je pense que ce n’est par hasard, car il y a des dates anniversaires qui font remonter un passé, une histoire.

Cette phrase, quand je l’écoute, elle renvoie à une inquiétude. Je peux imaginer les femmes chargées de jarres contenant les aromates et tout ce qu’il faut, pour faire du corps de Jésus un beau corps. Parce que ces représentations d’un Jésus bien propre, à la chair couleur de marbre à la descente de la croix, ne peuvent être celles de cet homme meurtri, abîmé n’ayant plus figure humaine. Le lieu où il repose, je sais qu’elles l’ont bien visualisé, qu’elles peuvent le retrouver, mais de là à pouvoir pénétrer, entrer ? Est-ce la pierre qui est trop lourde pour elles ? Est-ce une autre inquiétude ? Que vont-elles trouver la derrière ? Dans quel état va t Il être ? Et si on ne laissait pas entrer ? Et si et si…

Qui nous roulera la pierre ?

L’inquiétude, cette peur de trouver un obstacle quand on « doit » faire quelque chose, obstacle qui risque de faire capoter ce projet, n’est ce pas un sentiment relativement permanent ? De quoi l’avenir sera-t-il fait ? Ce qui est drôle c’est que cette peur qui se focalise sur cette pierre, met au deuxième plan ce qui en est de la tristesse, des larmes. La centration sur un certain agir, évite les sentiments, dont la tristesse, le deuil. Comment faire ? Comment s’y prendre ? A qui demander ? Et cela c’est tellement humain, tellement normal. On s’y (je m’y) reconnais bien dans cette inquiétude qui empêche presque de penser, tellement (je) on est omnubilé par ce « comment faire, comment s’y prendre, ». En d’autres termes aussi, comme en filigrane; la peur de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur, la peur de l’échec. Et puis, souvent, « faire » colmate l’angoisse, car on se sent vivant.

Qui nous roulera la pierre ?

J’ai beau savoir que l’inquiétude cela ne sert pas à grand-chose, ce n’est pas si facile de ne pas la ressentir. Il y a ce beau verset de 1P5, 7 : « de toute votre inquiétude déchargez vous sur Lui, car Il a soin de vous », mais ce n’est pas si simple ! Dans cette histoire, Jésus est mort depuis deux, non trois jours. Il faut le laver, le préparer, cela est bon, c’est le travail des femmes. Mais les soldats l’entendront ils de cette oreille ? Ne vont-ils pas les soupçonner de vouloir l’enlever ? Et la mort en tant que telle, n’est elle pas question, inquiétude pour nous les vivants ? Alors la peur de la mort, on peut la projeter sur autre chose, la peur de ne pouvoir rouler la pierre : désir et peur de « voir ».

Qui nous roulera la pierre ?

Alors je suis déjà allé lire les textes et je me suis rendue compte que seul Marc et non Luc (comme je le croyais) note cette peur, cette inquiétude. Et ces lectures dans leur diversité sont très éclairantes. Mais ce qui se donne à lire c’est que la pierre a été roulée, que le tombeau a été ouvert et que Celui pour lequel elles étaient venues n’était plus là dedans. Ce que je ne sais pas, c’est depuis quand Il n’y était plus, mais ce que je sais ou crois savoir, c’est qu’Il n’avait pas eu besoin de rouler la pierre pour sortir. Finalement est ce que cela valait la peine de s’inquiéter ? Il avait bien dit qu’Il redeviendrait vivant, mais était ce si facile de faire confiance ?

Qui nous roulera la pierre ? Se laisser « rouler » par les textes.


Je reviens maintenant aux textes qui parlent de « cette pierre » qui bloque l’entrée, de cette pierre qui est bien lourde et que de toutes les manières on ne peut déplacer sans aide. Des histoires de pierres il y en a beaucoup dans la bible. Il y a celles qui bouchent les puits, et celles qui sont érigées en mémoire d’une manifestation de Yahvé. Des pierres mémoire… Des pierres qui tuent, qui lapident. Des meules que l’on met au cou de celui par qui le scandale arrive. Alors cette pierre là ? Elle ferme, elle protège, elle isole. Elle sépare aussi. De qui fait elle mémoire ?

+ Dans l’évangile de Matthieu (chapitres 27 et 28), la question ne se pose même pas !


Le soir de sa mort, Jésus est déposé dans un tombeau et la pierre est roulée par Joseph d’Arimathie. Le lendemain, bien que ce soit un jour de shabbat, la pierre est scellée et gardée par des soldats. Rouler la pierre pour accéder au corps et l’embaumer devient un acte très périlleux. Cela ne décourage ni Marie de Magdala, ni l’autre Marie, qui étaient restées assises en face du sépulcre le soir du vendredi.

Et c’est leur arrivée qui d’une certaine manière déclenche une scène étonnante. Il y a « un tremblement de terre ». De telles manifestations sont bien souvent le signe de la présence (et parfois de la Colère) de Yahvé, que ce soit dans l’Exode (Ex 19), Elie (1R 19) et le jour de la Pentecôte (Ac2). Elle est suivie par une apparition de l’Ange du Seigneur, ce qui provoque la débandade des gardes (qui comme les apôtres lors de la transfiguration tombent aussi face contre terre) et enfin de paroles données par l’ange. Peut-être peut-on les mettre en lien avec les paroles données à Joseph (Mt1/20) au tout début de cet évangile, puisque ces mots sont en fait la réalisation de ce qui avait été annoncé à Joseph quant à la nomination de cet enfant.

Curieux cet « L’ange du Seigneur » qui se manifeste ici. Il est celui qui parle à Moïse dans le buisson ardent, juste avant que Yahvé se manifeste lui-même. Parfois il a un nom, parfois il n’en a pas. Mais il est dans la tradition le messager, l’envoyé, le lieu-tenant de Yahvé. De même qu’il n’est pas Yahvé, il n’est pas Jésus. Mais Jésus finalement comme Yahvé (Ex3) se manifeste en personne juste après et confirme les directives données par l’ange : « aller en Galilée ». Peut-être que ce parallélisme avec le buisson ardent montre que Jésus est devenu « Je Suis » ou comme il était annoncé au début de cet évangile « Dieu avec nous ».

Dans cet épisode, il semble que les femmes ne se posent pas la question de savoir qui va rouler la pierre. Elles assistent et elles transmettent. Rôle de femme ? Elles étaient venues pour veiller, maintenant il leur est peut-être donné d’éveiller !

+ Dans le récit de Marc, la question « qui nous roulera la pierre », est posée explicitement.


Le corps a été déposé dans le tombeau, la pierre roulée pour fermer l’ouverture ; et cette pierre est lourde. Mais si un homme est capable de la pousser, on peut quand même imaginer qu’à deux ou trois il est possible de la rouler. Alors pourquoi cette inquiétude ? Savent elles que le tombeau est gardé et la pierre scellée ? Si le fait rapporté par Matthieu est exact, on peut bien imaginer qu’elles sont au courant, et que au petit matin, les soldats seront encore présents. Est-ce l’absence d’autorisation que les effrayent ? Je veux dire que l’inquiétude, ce n’est pas le poids de la pierre, ce n’est pas se savoir « faibles », c’est peut-être de se demander si les soldats vont accepter ou non qu’elles donnent les soins nécessaires. Se dire solidaires de cet homme, n’est ce pas dangereux ? Affronter une soldatesque n’est pas une mince affaire !

Si je reprends le fil du récit, j’y lis que le vendredi soir, les deux mêmes femmes sont là qui regardent, comme pour mémoriser l’endroit. Le troisième jour (mais je dois dire que j’ai du mal avec cette manière de compter, parce qu’il faut se référer à la genèse, où les jours partent du soir au soir, pour arriver au troisième jour, alors que dans ma logique européenne, il n’y a que deux nuits depuis la mort de Jésus) les femmes viennent pour faire le travail. Il est évident que pour elles, la résurrection n’est pas pensable. Elles ont comme oublié ce qui a été annoncé. Alors elles vont faire leur travail de femme, réparer et préparer ce corps qui ne devait pas être bien beau.

Comme pour répondre à leur préoccupation, la pierre a été déplacée, elles peuvent entrer dans cette espèce de grotte. La vision ici est beaucoup moins imposante que chez Matthieu : un jeune homme vêtu de blanc. Simplement quand on s’attend à trouver un cadavre, cela doit faire un choc ! Et de ce choc elles ne s’en remettent pas, puisque le message donné n’est pas transmis, la peur est trop intense ! Elles, on peut dire qu’elles ont vécu un traumatisme ! La peur n’est pas vaincue. Ce qui est étonnant dans la suite du texte, c’est que Marie de Magdala (qui entre temps a vu Jésus) arrive à dépasser sa peur pour raconter sa rencontre. Et sa parole n’est comme rejetée. Dans cet évangile, le témoignage humain n’est pas reçu et Jésus doit se manifester lui-même. Même si la pierre est roulée, ce n’est pas si facile de croire, de faire confiance !

+ Quant à Luc, c’est très sobre. Lc 23/ 50 et suivants.


Joseph prend le corps, l’installe dans une tombe taillée dans le roc. Les femmes sont là et comme il fait nuit, on a à nouveau l’impression qu’il leur faut repérer l’endroit pour pouvoir le retrouver ultérieurement. Quand elles arrivent elles ne se posent pas de question quant à la pierre qui ferme la tombe car le caveau est ouvert. Elles entrent, ne trouvent pas le corps. Là on peut imaginer et leur surprise et leur inquiétude. A nouveau, une apparition transmet un message qui est ici différent : se rappeler les paroles concernant la résurrection, les transmettre aux apôtres. Mais ces paroles ne seront pas acceptées, trop « folles » et elles sont traitées «de radoteuses ». Pierre quand même se posera des questions et ira voir. D’une certaine manière la fin de ceci ce sera la rencontre avec les disciples d’Emmaüs.

+ Dans l’évangile de Jean, Jn 20 et suivants, on peut presque parler de panique.


Parce que là, la pierre a été roulée et elle n’aurait pas du l’être. C’est la pierre qui est signe que quelque chose est arrivé qui n’aurait pas du se passer ! Alors Marie de Magdala(2) en réfère aux apôtres, qui entrent l’un après l’autre, voient les linges mais pas de corps, qui semblent réagir différemment mais sans mots à cette absence de corps, et qui semblent ignorer la femme ! Ce n’est que après leur départ qu’elle s’autorise à rentrer, pour trouver elle aussi des personnages inconnus, qui semblent ne pas avoir été vus par Pierre et Jean. Mais pour elle, c’est quand même la panique : qui a pris le corps de son Seigneur, car pour elle, la résurrection n’est pas imaginable ni représentable. La disparition n’est pas la résurrection mais vol. Les deux hommes, cela ne la concerne pas. Elle, elle voit juste que de corps n’y est plus, qu’il a disparu, qu’il a été pris. Et cela peut éveiller une grande peur, car un mort doit avoir une sépulture. Là encore il y a ce doublet des mots prononcés par les anges et repris par Jésus. Il me semble que ces phrases différentes d’un récit à l’autre, traduisent comme une grande tendresse : dire à chacun les mots qu’il peut entendre. Puis c’est la rencontre ou la reconnaissance avec Jésus, le Un qui est devenu Autre.

+ Alors quatre récits, quatre présentations différentes, quatre réactions différentes.

La pierre qui était là pour fermer, pour obturer a été roulée et le jour pénètre et montre que le corps terrestre a disparu. Un Autre va advenir, un Autre à reconnaître dans une présence-absence, un Autre qu’on ne peut retenir ou posséder.

Il y a là comme un dévoilement. Peut-on dire une apocalypse ? Un autre temps est alors possible, le temps de l’Esprit où la peur sera balayée parla présence de celui dont le corps n’est plus.

Qui roulera la pierre ?

Quand j’étais petite, il y avait près de chez moi un mausolée construit par un anglais qui aimait la ville où j’habitais et qui avait voulu y être enterré, comme pour ne pas la quitter. Moi, cette grande construction vide m’inquiétait, car je ne savais pas à quoi elle servait et qui était dedans. Et puis, je trouvais que une seule personne c’était beaucoup trop grand. Et en même temps j’avais l’impression que le lieu n’avait pas été choisi au hasard. Il était tout en haut d’un chemin qui dominait d’un côté la mer et de l’autre une église où se trouvait sous l’autel dans une chasse, une statue en cire de la sainte protectrice de la ville. Je pense que je faisais un lien entre cette statue et ce mausolée. Sans trop savoir lequel.

J’ai longtemps cru que cette fidélité qui consistait à « monter la garde » devant un mausolée vide et de s’y complaire était peut-être que je devais faire. Et un jour, je me suis rendue compte que le mausolée était vide, et que cette astreinte volontaire était de la folie. On ne peut et on ne doit rester prisonnier du passé, même pour faire plaisir à une injonction qui vient de l’enfance.

Je n’ai pas roulé la pierre parce que je ne crois pas que l’on puisse faire cela tout seul. Un jour la pierre a été roulée, la lumière a pu entrer et j’ai peut-être pu commencer à me regarder autrement, à vivre autrement, à me sentir autrement.

Mais des pierres à rouler, il n’y en pas une mais un certain nombre. Il me semble avoir lu autrefois des commentaires de cette phrase qui se centraient sur les zones tombeaux qui sont en nous. Je ne suis pas sûre que ce soit une chose saine que de se centrer là-dessus. Les zones d’ombre, elles font aussi partie de nous, simplement l’important est d’éviter de faire comme si elles n’existaient pas.

Je sais juste que quand cette pierre a été roulée, « la vie s’est manifestée ».1Jn 1,2 et que cette manifestation là, même si elle n’a pas pris sens tout de suite, elle a été libération.

+++++++++++++



[1] Mc 16,1

[2] Si cette Marie est la sœur de Lazare, rendu à la vie au bout de 4 jours par Jésus, cela peut paraître curieux qu’elle ne se soit pas remémorée ce que Jésus avait été capable de faire ! Mais elle c’est autour du corps disparu que se focalise sa peur.

mardi, septembre 13, 2005

L'évangile du centurion Luc7,1-10

Catherine Lestang

12 septembre 2005

L’évangile du centurion.

Le commentaire sur ce texte, à la messe d'aujoud'hui, était centré essentiellement sur la « bonne distance » trouvée par le centurion avec Jésus. Avec une toute petite incidence sur le fait que le centurion étant non juif, est par définition impur et que Jésus n’a pas à se commettre avec lui. Et sur le fait qu’il s’agit d’une guérison accordée à quelqu’un qui ne l’a pas demandée en son nom propre.


Comme cette notion de distance manifestement ne faisait pas écho en moi, je suis partie sur d’autres pistes.

Ce qui est venu en premier c’est que le centurion qui appartient aux troupes d’occupation romaine peut, par ses ordres, tuer ou de laisser vivre, mais il n’est pas en son pouvoir de donner la vie quand celle-ci s’en va. Là il est comme tous les humains confronté à un échec, à un impossible.

Peut-être a-t-il prié le Dieu des juifs, puisque s’il a construit une synagogue, on peut penser qu’il est un « craignant dieu », mais sans résultats.

Alors comme il sait que Jésus est là et que Jésus est un guérisseur il fait appel à lui.

Si on se base sur les chapitres qui précédent cet épisode, on y trouve un certain nombre de guérisons le jour du shabbat et les relations de Jésus avec les pharisiens ne sont pas franchement cordiales. Alors pour un craignant Dieu qui veut peut-être adhérer à la religion juive faire appel à Jésus, peut-être prophète, mais déjà apparemment en rupture avec les pharisiens, n’est pas évident !

On comprend alors mieux les deux délégations qu’il envoie à Jésus.

Le premier groupe de juifs, exprime une demande.

Le second a une autre fonction. Demander à Jésus de ne pas entrer dans une maison impure. On peut entendre cela comme si cet homme ne voulait pas mettre Jésus dans une situation délicate. Car Jésus est très doué pour se mettre en contravention par rapport aux règles, en particulier sur le pur et l’impur. J’admire cette délicatesse chez un homme d’arme.

Je l’admire autant que la foi en la parole de Jésus.

Quand il dit : je ne suis pas digne que tu entres dans ma maison, j’entends, je ne veux pas te mettre en difficulté avec tes coreligionnaires. Ne viens pas, je sais que ta parole est forte et qu’elle donne la vie.

D’une certaine manière Jésus obéit à la parole de cet homme là. Et cela aussi c’est bon.

Peut-être aussi lui est il reconnaissant de lui éviter de contrer les lois de pureté.

Et un Jésus reconnaissant, ma foi, cela me plait bien !

lundi, septembre 12, 2005

Le Mal est il nécessaire au bien de l’homme ?

CatherineLestang

lundi 12 septembre 2005

Le Mal est il nécessaire au bien de l’homme ?

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« Je façonne la lumière et je crée les ténèbres, je fais le bonheur et je crée le malheur, c'est moi, Yahvé, qui fais tout cela » Is 45 ,7

A dire vrai, j’aime beaucoup ce verset, un peu paradoxal, parce que d’une certaine manière, amputer Dieu du « malheur » ce serait en faire essentiellement une entité protectrice, qui veille sur ceux qui vivent selon sa loi. Or même si j’ai besoin de me sentir protégée, je ne suis pas certaine que Dieu puisse se réduire à la « protection ». Car ni le malheur, ni la mort n’épargnent personne. Croire en Dieu n’élimine pas le malheur, même si croire en dieu (au sens large) permet parfois de donner sens au malheur quand il est là ou de se poser des questions sur la qualité de relation entre Dieu et soi, que ce soit à un niveau individuel ou a un niveau plus collectif, car « nul n’est une île ».

Ce qui suit, est dans la logique qui est la mienne, le besoin de mettre des mots, en utilisant ma culture de psychologue, sur ce que je ressens aujourd’hui comme un véritable clivage entre un Dieu tout bon et le Mal (qu’il est aujourd’hui parfois difficile de personnifier). Tout semble se passer dans la culture judéo chrétienne, comme si Dieu de devait jamais être partie prenante du mal, sauf quand sa Colère s’exerce et ma foi, elle s’exerce quand même bien souvent. Mais si les connaissances scientifiques d'autrefois, ne permettaient pas de comprendre certains phénomènes naturels, il n’en va pas de même aujourd’hui et considérer certains cataclysmes comme punition est pour moi inacceptable. Par contre que ce soit l’occasion de poser des questions sur ce je fais pour empêcher cela, et me sentir partie prenante de ce qui se passe dans ce monde, oui. Et là, je veux bien entendre que dans ces signes, Dieu peut parler, interpeller, questionner peut-être même provoquer et parfois intervenir. De fait, vouloir un Dieu tout bon (à défaut de tout puissant) me dérange. Est-ce que cela n’éliminerait pas la liberté, ma propre liberté ?

J’ai trop souvent l’impression que les discours autour de Dieu, Père de Jésus Christ sont des discours qui dédouanent ce « Dieu qui a aimé l’homme jusqu’à lui donner son propre et unique fils », du mal et du malheur dans lequel l’humanité se débat à sa manière depuis l’origine des temps. On n’a pas le droit d’accuser (le soupçon c’est le travail de Satan, donc du malin, donc du mal) Dieu. Comme si accuser serait d’une certaine manière attirer sur soi la « colère » ou ses foudres, voire même Le rendre malheureux !

Ce Dieu « parfait » hérité du judaïsme, ne devrait pas avoir le moindre lien avec le mal. Et pourtant, en son nom, des tribus sont exterminées, des hommes sont mis à mort(1), sans parler de Jésus, qui est mis à mort parce qu’Il se fait Dieu, blasphème total.

Alors qui est Il ce Dieu qui crée le bonheur et le malheur ? Pourquoi faut il encore aujourd’hui rester dans ce clivage ? Ce clivage aurait-il une utilité ? D’un point de vue psychanalytique, le passage du « bon ou mauvais »au « bon et mauvais » marque un grand progrès dans l’évolution psychique de l’enfant. Ce passage du ou au et, permet une structuration psychique, non sur un mode psychotique, mais sur un mode névrotique. On quitte l'angoisse de destruction de l'être à une angoisse de perte au niveau de l'avoir, ce qui ne touche plus à l'intégrité de la personne. Peut-être faut il faire le pas, car cela n’enlève rien à Dieu. Cela nous oblige peut-être à accepter de ne pas rester dans un vocabulaire et une problématique peut-être un peu obsolète, même si elle est sécurisante.

Pour moi, d’un point de vue pragmatique, il ne s’agit pas d’accuser Dieu d’avoir eu un dessein pervers en laissant le mal dans notre univers, mais de reconnaître que le mal même s’il ne s’explique pas logiquement, rationnellement, est pour notre monde un moteur très puissant, et qu’il peut curieusement contribuer à l’humanisation de l’être humain. Les mouvements de solidarité qui se créent aujourd’hui en cas de désastre sont très impressionnants.

Je pose en fait deux hypothèses. La première correspond à la notion de l’humain qui est la mienne. La seconde est centrée sur une possible utilité du mal sans pour autant négliger l’impérative nécessité de le combattre.

Première hypothèse : L’homme n’est pas « tout mauvais ».

Si c’était le cas, il ne pourrait pas « aimer » or même si aimer n’est pas si simple, c’est aussi inscrit dans le coeur de l’homme, et pas seulement pour assurer la survie de l’espèce. Et c’est bien parce que cela existe en lui que des changements sont possibles. Je pense même que s’il n’existait pas du bon en lui, il lui serait impossible de s’ouvrir à l’autre et même à Dieu. Comment croire au soleil si on est aveugle ? Le narcissisme ne devient pathologique que lorsqu’il ne permet plus de se décentrer de soi. On est alors tellement « courbé » sur son soi, que l’on ne peut plus se redresser et regarder l’environnement. Parfois seul un miracle (la femme courbée depuis 18 ans de l’évangile de Luc 13,11) permet de se redresser.

Deuxième hypothèse Dans notre univers, notre réalité, le mal est nécessaire pour la survie de l’espèce, voir pour son progrès, même si c’est aussi pour plus de malheur.
Autrement dit, la lutte pour la vie est le moteur de base, qui oblige l’humain, à trouver des « parades » à cette fin qui menace chaque individu, chaque groupe humain.

Après avoir énoncé ces hypothèses, j’ai réfléchi aussi la ou les représentations de dieu(2) et je me suis rendue compte qu’il m’est nécessaire dans mon cheminement, de passer d’un dieu protecteur, semblable aux parents idéalisés de l’enfance, à un dieu qui ne protège pas, mais qui se réjouit de l’autonomie de l’homme qui devient apte à reconnaître ce qu’il y a de divin en lui et hors de lui.

Pour moi, il est devenu fondamental de me déprendre de l’image d’un Dieu qui peut tout, même si par ailleurs cela reste dans les possibles et si cette image est sécurisante.Ps 90,1-2

Qui demeure à l’abri du très haut,

Et loge à l’ombre du tout puissant,

Dit au seigneur mon rempart mon refuge,

Mon Dieu en qui je me fie.

Le problème c’est que dans notre inconscient qu’il soit collectif ou individuel, la mort est la conséquence d’une désobéissance, et qu’il est bien difficile de regarder les choses autrement, car dans la psychologie humaine, la séparation (figure de la mort) est bien souvent entendue comme réponse à la culpabilité engendrée par le désir de tuer une partie ou la totalité de la mère qui ne répond pas à l’attente de son tout petit. Je fais ici référence aux travaux de Freud et des psychanalystes anglais (3).

Ce questionnement autour de la désobéissance comme explication et possible origine du mal qui détruit l’homme, court dans toute la bible. Ces quelques versets du psaume 44 sont pour moi, exemplaires :

44,18 Tout cela nous advint sans t'avoir oublié, sans avoir trahi ton alliance,

44,19 sans que nos coeurs soient revenus en arrière, sans que nos pas aient quitté ton sentier:

44,20 tu nous broyas au séjour des chacals, nous couvrant de l'ombre de la mort.

44,21 Si nous avions oublié le nom de notre Dieu, tendu les mains vers un dieu étranger,

44,22 est-ce que Dieu ne l'eût pas aperçu, lui qui sait les secrets du coeur?

44,23C'est pour toi qu'on nous massacre tout le jour, qu'on nous traite en moutons d'abattoir.

44,24Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur? Réveille-toi, ne rejette pas jusqu'à la fin!


En d’autres termes « Pourquoi nous fais Tu vivre un tel malheur, alors que nous sommes restés fidèles, ce n’est pas juste. ». C’est aussi le questionnement de Job et le questionnement de tout homme qu’il soit ou non croyant quand le malheur s’abat sur lui. Et pourtant, aujourd’hui, il est possible de dire que la catastrophe de l’exil a été un « bien » pour Israël. Nous profitons aujourd’hui de toute la relecture qui a été faite à cette époque et qui a donné lieu à la rédaction du pentateuque.

Une interprétation possible du mythe de la genèse, est que la faute (pour moi, non obéissance plus que désobéissance) crée une rupture entre deux univers : le divin et l’humain (très entaché d’animalité). Il ne s’agit pas uniquement de mettre l’arbre de la vie hors d’atteinte des convoitises humaines et de protéger Dieu de la convoitise humaine, mais peut-être de créer un lieu objet du désir, qui permettra peu à peu à l’homme de trouver un chemin vers le divin. Jésus l’homme redevenu vivant, crée un nouveau chemin pour y accéder librement. Le salut, c’est pouvoir être vivant dans ces deux dimensions.

Quand Jésus termine le Notre Père par la phrase : « délivre nous du mal » ne faut il pas entendre délivre nous du mal qui est en nous, qui tend à casser la relation avec Toi et non pas délivre nous du malheur. Si j’opte pour cette lecture, c’est que Jésus a guéri mais qu’il n’a pas donné pas d’explications à ces maux, il aurait même tendance à sortir du schéma classique de l’époque qui lie malheur et péché. Ceci est vrai dans l’épisode de l’aveugle né, mais aussi pour la tour de Siloé.

Alors du mal peut-il sortie du bon ? Dans notre monde il est là, et il oblige à trouver des parades à tout ce qui peut condamner l’homme à mort.

Les réflexions qui suivent, sont dues en grande partie au livre de Alain Houziaux(4) : « Les grandes énigmes du credo »en particulier tout ce qui concerne la toute puissance de Dieu. Je sais qu’elles risquent d’être profondément choquantes pour les personnes qui ont été volontairement détruites dans leur corps ou dans leur personnalité par ce que l’on nomme pudiquement des sévices. Il y a des choses qui ne s’effacent pas, qui laissent de toutes les manières d’importantes cicatrices. Le mal est ce qui fait mal (5) et peut-on pardonner à celui qui vous a détruit. Mais mon propos, n’est pas une réflexion sur le comment répondre au mal, mais sur le rôle possiblement positif du mal dans notre évolution, ce qui permettrait de comprendre un peu mieux la phrase citée en liminaire.

Une des raisons qui me permet de dire que le mal peut avoir une valeur positive intrinsèque en soi, c’est ce que j’ai appris par la psychanalyse précoce du développement du tout petit dans les premiers mois de la vie. A cette époque là, l’infans n’a pas l’équipement intellectuel pour comprendre ce qu’il vit, et ceci l’oblige malgré tous les soins de sa maman, à inventer des mécanismes de clivage, de projection, d’introjection, de créer un dedans (bon) et un dehors (mauvais) ce qui est fondamental pour la constitution du psychisme. Ces mécanismes se mettent en place parce que la mère ne répond pas comme dans l’utérus à tous les besoins. Quant à la culpabilité qui se met en place quand le bébé se rend compte qu’il a fait du mal à sa mère, c’est un moteur très puissant qui pousse à la réparation, à la symbolisation et à la sublimation. Mais elle aussi peut se dévoyer et devenir un frein à la vie.

Avoir une mère qui répond à tous les besoins même quand l’enfant pourrait être capable de créer des substituts, est en général une catastrophe. La curiosité est au cœur de l’homme. J’ai toujours été surprise par le fait que les polynésiens qui ont des conditions de vie paradisiaques, ne s’en soient pas contentés et soient devenus de bons explorateurs. Aller dehors est une des caractéristiques de l’être humain et c’est aussi une de ses grandeurs.

Si Adam était resté dans son jardin, que serait il devenu ? Ne serait-il pas allé un jour dehors, pour voir ce qui se passe à l’extérieur et ne serait il pas « sorti » de toutes les manières, car la curiosité est quand même un des moteurs de l’homme, avec comme tout dans notre monde, du positif et du négatif. Il me semble qu’il y a un midrash qui va dans ce sens. Pour grandir, il faut sortir, partir, se séparer, quitte à revenir ensuite. Certes il n’y aurait pas eu « faute », mais est ce la vocation de l’homme crée à l’image de Dieu de ne pas être lui aussi créateur, chercheur découvreur ?

Si le prince Gautama, n’était pas (en désobéissant) sorti du palais où son père le tenait à l’abri de la vision de la mort et de la souffrance, le bouddhisme n’eut pas existé. Si Moïse était resté dans les murs de son palais, aurait il tué l’égyptien, pris la fuite, rencontré Dieu à l’Horeb? Sortir de l’environnement est toujours source de peur, perte de la protection, mais cela permet d’apprendre à se faire confiance et de faire confiance à celui qui vous demande de sortir. C’est bien ce que fait Yahvé dans la théophanie de l’exode, quand il oblige le peuple à quitter la sécurité des murs du camp. Répondre totalement à la demande de l’autre, c’est d’une certaine manière le condamner à mort !

Nous sommes dans un univers où trop de vie peut conduire à la mort mais aussi où la mort peut conduire à la vie. La division cellulaire, qui est une sorte de mort permet bien la vie ! La mort, c’est aussi bien souvent ce qui précède la vie, qui la permet. La décomposition de l’humus, donne de l’engrais qui permet la croissance ! Le printemps succède à l’hiver qui est un temps où la terre dort ! « Si le grain de blé ne meurt, dit Jésus, il demeure seul. La mort est à l’origine du fruit.

Dans la psychose maniaco-dépressive, l’emballement de la pulsion de vie ; conduit à la mort. Il en va de même pour la cellule cancéreuse, qui se multiplie sans que rien ne vienne entraver sa croissance, et qui en envahissant tout, mène à la mort. Dans notre univers, mort et vie sont mêlées et qu’il y a sans cesse interaction entre ces deux forces. Elles sont nécessaires au développement et à la croissance de l’homme dans cet univers qui est le notre.

Ceci pour dire que le trop, n’est pas la réponse à nos besoins. Et bien souvent, c’est ce que nous attendons de Dieu (ou du moins d’un certain dieu qui est forgé sur des représentations de la prime enfance).

Par ailleurs, la confrontation permanente à la mort; oblige à la recherche, à la lutte, à la créativité. La capacité d’exploration, d’invention, est bien liée à cette peur de la disparition.

En d’autres termes, si de manière individuelle, la mort est une fin, ne peut-on pas penser qu’à un niveau collectif, au niveau de l’espèce « homme » la mort est un superbe moteur ? Je veux dire par là que si la mort n’existait pas, si nous n’avions pas à nous battre contre l’environnement, contre la maladie, contre la mort, qui serions nous devenus ? Aurions nous évolué ? Aurions nous pu nous servir de nos capacités intellectuelles et sociales.

Je crois, je me donne le droit d’oser soupçonner ce Dieu « tout bon » non pas, de ne pas vouloir le bonheur, c'est-à-dire l’humanisation de l’homme (en lui donnant d’abord par une loi, puis par la présence de l’Esprit donné à tous par son Fils), mais d’utiliser le mal pour que l’homme puisse d’une certaine manière grandir, créer, lutter. Je ne sais pas s’Il crée le mal, mais Il le laisse agir et cela comme tout ce qui est dans notre univers est positif et négatif.

Dans les religions hindoues, il y a divinisation de la destruction. La destruction renvoie certes à la mort, mais parfois et même souvent il est nécessaire de détruire ou de faire place nette pour que du neuf puisse advenir. Ces temps de « nuit » de « désert » décrits par tant de saints, ont une grande utilité. C’est peut-être parce que Job est confronté à la perte de tout ce qui le faisait « riche et juste » aux yeux de sa communauté, qu’il a pu découvrir que Dieu était autre: « avant je te connaissais par ouïe dire, mais maintenant mes yeux t’ont vu »Job 41/5.

Alors, la mort est elle seulement conséquence d’une désobéissance, donc une punition, ou est elle une caractéristique de notre univers un moteur ?

Dans un système théocratique, elle est une explication de la difficulté de la vie et de la mort. Elle donne énormément de pouvoir aux représentants de Dieu qui savent ce qui est bien ou mal et qui peuvent exclure de la communauté, voir mettre à mort.

Dans un système plus laïc, lorsqu’elle débouche sur la convoitise, l’envie, elle est mauvaise. Lorsqu’elle pousse (avec la même force de la graine qui sort de terre au printemps), sur la réparation, sur l’altruisme, la créativité, elle permet à l’homme de donner en luttant contre elle, ce qu’il y a de meilleur en lui et de développer ce qui lui est peut-être propre, l’amour de l’autre

Le moteur « mort » peut donc avoir une valence positive, et c’est ce que Jésus a montré par sa mort, quand il s’agit de don, mais aussi la valence négative (et c’est cela le plus courant) chaque fois que chaque fois que pour un humain, l’autre revient une chose à asservir, à humilier.

Alors comment regarder le mal ? Je pense qu’il y a deux attitudes possible face au mal et encore faut il être intellectuellement suffisamment armé(6), soit le combattre en trouvant des parades, soit se laisser faire par lui et là, le risque est grand car accepter le mal met souvent du côté de la puissance ou de la recherche de puissance et ce au détriment des autres, mais aussi de soi-même. Et surtout il crée une espèce de cécité: on s’aveugle soi même, on perd un contact avec la réalité.

Peut-être que à la fin des temps, le combat entre le bien et le mal se terminera et le bien sera enfin vainqueur, mais qu’est ce qu’un bien absolu, parfait ? Pouvons nous nous le représenter ? Là encore c’est une thématique omniprésente de notre culture.

De quelle mort désirons nous être sauvés ? Il y a la mort liée à l’oubli, alors contre cela la procréation ou la création (culture) sont de bons moyens. Et il y a la mort physique, psychique et même spirituelle. Si Jésus est venu pour sauver de la mort de quelle mort s'agit il?

Jésus est l’homme qui en donnant sa vie, en ne prenant pas la fuite (cela il aurait pu le faire et les disciples auraient trinqué à sa place), en acceptant d’être physiquement détruit, mais sans rien renier de ce qu’il a été, en acceptant l’humiliation, est redevenu vivant. Mais ce Vivant là n’a -me semble't'il- rien à voir avec l’homme de 30 ans, mis à mort. Il a en quelque sorte crée une brèche un passage entre l’humain et le divin, brèche dans laquelle nous pouvons nous engouffrer pour que le mal puisse être transformé par l’amour. En mettant Jésus à mort, c’est une parole que l’on a voulu tuer. Et cela s’est révélé impossible. Car la parole est devenue Vie. Et une certaine forme du mal a été vaincue.

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[1] La conquête du pays de Canaan est assez exemplaire sans parler des livres des Maccabées où les morts se comptent par milliers. Même s’il s’agit du genre épique, il n’en demeure pas moins que la mort est omniprésente.

[2] Dieu sans majuscule correspond au mot générique. Pas au Dieu de la Bible !

[3] Je fais ici référence aux travaux de l’école anglaise, qui travaille beaucoup sur les mécanismes précoce de défense contre ce que l’on appelle le mauvais sein. En particulier Winnicott, Mélanie Klein, Hanna Ségal, et Frances Tustin

[4] Alain Houziaux. Les grandes énigmes du credo. DDB. 2005

[5] Lytta Basset : guérir du malheur. 1999

[6] Je fais ici référence au développement intellectuel, des européens, développement décrit par Piaget. Il y a de la séduction dans le mal et il n’est pas toujours facile de s’en rendre compte !