lundi, août 07, 2006

Petit dictionnaire théologique, révisable à tout moment...

Catherine Lestang
7 Août 2006


Souvent les mots employés par la tradition ont pour moi perdu leur sens. J’ai besoin de leur retrouver un parfum, une odeur, une saveur. Peut-être ai-je besoin de leur redonner un nouveau sens, en tous les cas du sens pour moi, aujourd’hui. Cela ne veut pas dire que ce sens sera définif.

Parfois, il sera « impertinent » non pas au sens de non pertinent, mais avec un sourire derrière. Par exemple quand j’entends la phrase :« Dieu, fais nous revenir », j’imagine Dieu en cuisinier, avec une immense poêle, dans laquelle il nous fait revenir comme on fait revenir des petits légumes. Pour rester dans le culinaire, quand Jésus parle du jugement dernier comme un filet qui ramène à lui les poissons
bons et mauvais et que ces derniers sont jetés dans le feu éternel, je me dis que cela fait un sacré barbecue et que ça doit sentir le poisson grillé pendant un bon bout de temps. Les anges sont-ils sensibles aux odeurs.

Peut-être ai-je envie de faire une sorte de dictionnaire, ce qui explique la présentation par ordre alphabétique. Ce qui veut dire qu’au fil du temps, il y aura des ajouts, des suppressions, ces modifications.

A comme Alliance.

Alliance éternelle… Pas toujours facile ce Dieu là, qui semble tellement susceptible.Heureusement que nous sommes moins durs avec nos enfants, peut-être moins exigeants aussi.

J’ai parfois l’impression que le bénéfice pour l’homme de faire alliance avec ce Dieu là, c’est de retrouver l’immortalité qu’il croit avoir eu dans une vie très très antérieure. Car un moyen de ne pas disparaître, de ne pas mourir est d’avoir une postérité, une terre. On dit bien « faire souche». Faire alliance avec Yahvé permet d’une certaine manière de « perdurer », de ne pas mourir, de laisser une trace. Pour cela il faut reconnaître que Yahvé est l’Unique Dieu, au-dessus de tous les autres (qui sont de faux dieux), et de respecter sa loi et ses commandements. Il s’agit d’obtenir de bonnes choses dès ici bas!

Dans le second testament, ce mot d’alliance n’apparaît peu. On le trouve lors de la Cène : alliance en mon sang. Ce que Jésus donne à celui qui le suit (respecter sa loi et ses commandements), c’est beaucoup d’ennuis sur cette terre, mais la certitude d’avoir une vie « éternelle » dans un ailleurs.
Et surtout la permanence de sa présence. Or une des peurs des plus fondamentales de l’homme c’est la peur de l’abandon. La présence « discrète » de Jésus est une excellente défense contre cette peur.

Pour qu’une alliance existe, elle doit être scellée entre les deux protagonistes. Le sang est beaucoup plus fort que l’argent. On peut payer un tribut en espèces sonnantes, pour obtenir la protection. Une alliance qui est scellée avec le sang est de l’ordre de l’indestructible.

A comme aveuglement.
Quand la lumière arrive dans l’obscurité, on peut avoir peur d’avoir mal aux yeux et une partie de soi refuse la lumière, car on a peur d’être aveuglé. Mais la lumière peut ne pas aveugler, mais illuminer et là c’est un changement. Il peut rester en soi longtemps la crainte de la violence de la lumière, parce que l’on croit qu’elle va rendre aveugle ou plutôt faire mal, alors qu’elle éclaire petit à petit, comme le soleil qui se lève le matin en été. Sortir des fausses certitudes, accepter de les laisser se dissoudre, c’est sortir de l’aveuglement.




C Comme consolation.
Consoler ce n’est pas guérir, c’est réconforter en apportant de l’apaisement et rendre moins pénible une peine. Ce n’est pas ôter, c’est alléger. C’est normalement un des dons de l’esprit sain : l’esprit consolateur.

C comme Communion. Partager et échanger du Même
J’ai fait, il y a peu de temps une expérience qui a été assez intense. J’ai un chat malade, un peu en fin de vie. Elle était contre moi, je la tenais tout contre (un peu comme dans le psaume 131). Je lui communiquais de ma propre force et elle me donnait sa chaleur. Ni elle ni moi ne sommes propriétaires de ces énergies, elles nous sont données, mais nous pouvons les partager, les échanger en quelque sorte, sans en être propriétaire. C’est pour moi un mouvement circulaire. Je ne me contente pas de donner, je reçois. Elle ne se contente pas de recevoir, elle donne. La communion pour moi aujourd’hui c’est cela. C’est la certitude d’avoir en moi l’Esprit (qui peut ou non se manifester sensiblement) et de savoir que les autres l’ont en eux différemment, qu’un partage, une circulation est possible.

Ce que j’ai je le donne mais en même temps je reçois. Or dans la « communion » liturgique, la centration est faite sur la réception alors que dans la constitution du geste, le soir de la Cène, il y a partage. On reçoit du même et on donne du même. Et cela fait corps, crée un corps, constitue un corps.

E comme endurcissement.
Aujourd’hui je préfère remplacer ce terme par aliénation.
Quand on a la tête prise par un certain système de pensées, de croyances, on s’y attache tellement que l’on croit exister par cet attachement. On est alors comme aveuglé par ses certitudes. Et c’est aussi ce qui se passe avec l’endurcissement. On devient incapable de souplesse, de changement. Et en même temps c’est rassurant. Mais il s’agit bien d’un aveuglement. Je ne suis pas certaine que l’être humain soit capable de se dé-durcir tout seul. Et c’est ce que montre l’évangile : ce travail de Jésus qui est un travail d’ouverture.

L comme louer ou louanger.
La louange n’est pas remercier. La louange c’est s’extasier devant ce qui est donné par ce Dieu que l’on reconnaît comme vivant et présent dans tout ce qui se passe, même si on n’y comprend pas grand chose, même si parfois la révolte gronde en nous.


Jésus.
On dit de Jésus qu’il est « vrai Dieu » et « vrai homme ». Sauf que dans le credo, le « et » n’y est pas. Il y a juxtaposition de termes.
Si on se souvient que dans le Lévitique, il y a des interdits concernant les « mélanges », on peut se poser la question suivante : quand Jésus était un parmi d’autres sur la terre de Galilée était-il un héros au sens mythologique, demi dieu devenant dieu après sa mort, ou était il un homme au sens plein du terme, c’est à dire en lien fort (homme de Dieu est il souvent dit de lui, homme habité par Dieu) ?
J’aimerai bien l’hypothèse où Jésus est homme, pleinement homme avec des pouvoirs qui restent des apanages de l’humain, même si ces pouvoirs sont rares. Seulement quand il pardonne les péchés du paralytique, il se situe comme Dieu. Que se passe t il alors ?
Quand il apaise la tempête avec cette autorité, qui est il ? Car dans le premier testament, même si Elie fait venir la pluie, il est dans l’inquiétude…

Le pardon des péchés est quelque chose qui nous est demandé, sauf que nous n’en sommes pas très capables alors que lui, il a une parole agissante. La parole agissante est certes l’apanage de Dieu, mais aussi de l’homme qui est en lien avec le divin sans pourtant être le divin.

Il y a le Jésus des synoptiques, qui évoque l’homme vrai, qui change d’ailleurs de stratégie au fil du temps : un temps de guérisons et de miracles qui ne conduisent pas à créer un cœur « nouveau », le temps de la transfiguration qui fait « tournant » et le temps qui va conduire à la mort, donc à l’homme nouveau.Mais il y a aussi le Jésus décrit par Jean. S’agit il d’une relecture, s’agit il d’une autre perception, mais celui là est homme et dieu.

M comme Mission.
Quand Jésus commence à envoyer ses disciples en mission, il leur demande en quelque sorte de faire du « battage » pour annoncer sa venue. La caravane du tout de France cycliste qui distribue des cadeaux : chasser les démons, guérir de toutes maladies et enfin annoncer que le royaume est proche. Il me semble que c’est bien à partir de ce moment-là que les foules commencent à être collantes et envahissantes. Simplement cette mise en scène permet les discours peut-être plus importants que les actes.Et puis à lire les synoptiques, on a l’impression que ce pouvoir leur monte un peu à la tête…

P comme Péché
Par définition le péché renvoie à la saleté. Mais quand un vivant sort du ventre maternel il est « sale » sang, liquide et c’est la salive de la mère l’eau qui le nettoie mais surtout qui crée le lien entre la mère et l’enfant. C’est antérieur à la fonction alimentaire et ça la met en route, à cause de la stimulation de certaines zones. Il y a comme une odeur et cette odeur permet une reconnaissance. Peut-être que le péché est d’une certaine manière ce qui permet la relation entre l’humain et dieu…Les anges ne sont pas dans ce cas semble t il, mais ils ne sont pas tirés de l’humus eux…
Maître Eckhart, parle quelque part de « l’odeur de Dieu ». peut-être que le péché c’est l’odeur de l’homme qui lui permet d’être reconnu par Dieu. Et peut-être que cette odeur peut se transformer en odeur « de sainteté ». A se demander si toutes les offrandes de parfums que l’on fait à Dieu ne sont pas là pour masquer la « mauvaise odeur de l’homme ». Ce subterfuge (cela fait très conte de fée où l’on trompe celui qui peut donner la mort, l’ogre en particulier) permettant à l’homme impur de continuer à vivre avec tout son stock de mauvaises choses.
A noter aussi que YHWH ne s’y laisse pas prendre car Il dit avoir horreur de l’odeur des sacrifices et que ce qu’il demande c’est un cœur qui Le reconnaisse.

P Comme Passion.
Difficile de trouver un début à la passion de jésus. Mais quand il est au jardin des Oliviers, il me semble que lorsqu’il demande que le calice soit retiré et qu’il l’accepte il se passe quelque chose de fondamental. Avant de donner, voir de se donner ou de donner sa vie, il faut d’abord accepter de prendre en soi (avaler, aspirer), ce qui rend l’autre malade. Il y a ce calice avec ce vin et sa lie qu’il faut avaler pour que dans ce calice vide, un vin nouveau puisse venir remplir et donner la vie. Mais on ne peut pas mélanger le bon avec le mauvais, du moins là.

P.Comme Punition
Le but d’une punition est de faire passer l’envie de recommencer. Si Jésus a été flagellé par Pilate (qui veut de fait ne pas le faire mourir), c’est pour faire comprendre à cet agitateur, cet empêcheur de calme et de la paix romaine que s’il recommence ce sera la mort. La mort étant la punition suprême car là, on ne peut plus recommencer. Du point de vue de Pilate, il peut bien y avoir faute : troubler la paix romaine. Or pour nous, on dit qu’il est battu à cause de nos péchés : c’est nos péchés qu’il portait et c ‘est pour cela qu’il a été mis à mort, car il n’avait pas de péché. En fait cela dépend de quel côté on se place.
Du côté romain : il y a faute.
Du côté juif, il y a faute : se prendre pour le messie et déclencher une émeute et se dire fils de Dieu.
Du côté des disciples : il n’ y a pas de faute ni de péché (offense envers Dieu). Il y a donc une injustice. Donc cette punition doit avoir un but : porter les péchés des autres, être humilié à cause des autres, être mis à mort injustement. Il s’agit donc de donner du sens à cette mort « injuste » et injustifiée, acceptée en toute liberté, voire cherchée.

R comme (se) renoncer
Ne pas se prendre comme le centre du monde, se décentrer, accepter la vie comme elle vient et suivre un autre, donc ne pas se prendre comme modèle.


R comme Réparation.
Peut on considérer Jésus comme le réparateur de l’homme ? Il répare dans la mesure où il change, mais il ne fait pas de bricolage. Il fait du nouveau. À vin nouveau, outres neuves.
Si je relis cette phrase bien connue du prophète Jérémie : « Sache que je te donne aujourd'hui autorité sur les peuples et les royaumes, pour arracher et abattre, pour démolir et détruire, pour bâtir et planter ».Jr 1 ;10, j’y entends que son travail est de mettre à bas, de détruire et ce n’est qu’ensuite qu’il sera possible de refaire non pas de l’identique, mais du neuf. De même la phrase d’Ezéchiel : Et je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair.Ez36,26 montre qu’il y a deux temps : un temps pour ôter et un temps pour changer.
Quand Jésus parle de « violence », il a raison, car ce changement là, ne se fait pas dans la douleur.


R comme rien
À celui qui n’a rien on ôtera même ce qu’il a. Rien, ôté à rien cela donne rien. Il s’agit donc d’une autre logique. Celui qui n’a rien, il a de fait quelque chose qui occulte le manque (de Dieu). Ce remplacement (la citerne qui fuit de Jérémie) nécessite une destruction et cela peut être douloureux, même si c’est nécessaire. Ôter le rien permet de fait l’accès au manque réel, au lâchage de l’objet imaginaire qui colmate et empêche le mouvement de vie et permet alors la guérison.

R Comme repas
Boire à la même coupe, partager le même pain (la même bouchée de pain), cela fait que l’on se sent de la même famille, cela crée la famille. ( Entendu à propos de Shabbat). Si l’eucharistie pouvait réellement être partage et non pas recevoir, car on oublie que celui qui vient devant ou derrière vous reçoit aussi le même, peut-être que cela redonnerait le sens du partage qui unit.

S comme Salut
Simplement être vivant.

Sang comme vie
La femme qui perd son sang est guérie quand l’hémorragie se stoppe. Nous, nous sommes sauvés quand par sa mort (son sang visible) Jésus nous donne la vie éternelle (à condition dans ce temps là de croire en lui.Peut-être est il possible de remplacer Sang par vie.


Signe.
Pour communiquer avec les sourds, il a fallu inventer le langage des signes. Parfois je me demande si avec Dieu, pour parler Dieu, il ne faut pas apprendre à parler un nouveau langage. Le seul problème c’est qu’il n’y a pas de manuel, mais peut-être que l’E manuel peut nous donner le code.
Car lui, il possède et notre code et celui de Dieu.

Si on admet que Dieu se manifeste par des signes, ces signes sont souvent difficiles à décoder, surtout quand il s’agit de temps difficiles à vivre. Souvent je me dis que pour entendre les signes, il faut comme avec les sourds apprendre le langage de Dieu pour décoder et communiquer et ma foi ce n’est pas

Visitation
J’ai toujours été frappée en entendant le texte par l’enfant qui « tressaille » dans le ventre. Pour avoir attendu trois enfants, les premiers « tressaillements » ont lieu vers la fin du troisième mois et ont une douceur qu’ils n’auront plus par la suite. De fait je me demande si ce qui se passe pour Elisabeth et qui est rapporté par Luc, n’est pas une « effusion de l’Esprit » qui bien souvent se traduit physiquement, par une sensation de chaleur dans le ventre, chaleur qui se répand ensuite et qui donne une joie intense et qui peut tout à fait s e manifester par un chant de louange, ce qui est ce qui se passe. La réponse de Marie est une sorte de réponse à cette présente de l’Esprit saint tant chez elle que chez sa cousine.