mardi, octobre 10, 2006

Anne et Samuel 1Sam 1-3

Catherine Lestang

Anne, mère de Samuel.


La Bible rapporte un certain nombre de naissances hors normes. Ceux qui viennent au monde sont des "héros". Ils ont une mission à accomplir; ce sera le cas d’Isaac, de Joseph, de Moïse, de Samson, de Samuel et de Jésus.

Comme j’aime raconter des histoires en m’appuyant sur la Bible, je voudrais aujourd’hui parler d'Anne, la mère du dernier Juge qu’Israël ait eu: de cet homme qui a intronisé le premier roi Saül, et qui a dû au nom de Yahvé le révoquer, ce qui a provoqué par la suite des guerres de succession, comme dans tous les peuples où existe la lutte pour le pouvoir.



Lettre ouverte à mon fils Samuel, l’enfant donné par Dieu


Samuel, tu es mon fils mon premier-né. Tu résides à Silo, là où jadis demeurait Eli qui est un homme important pour toi et pour moi. Maintenant ton père Elquana est mort, ainsi que sa première femme Pennina.

Tu ne peux pas imaginer ce que j’ai pu souffrir lors des premières années de mon union avec ton père, moi la seconde femme, de ne pas porter d’enfant. Et cette souffrance était encore augmentée par la manière dont la première épouse me traitait. J’ai compris ce que notre mère Sarah avait pu endurer jadis du fait d'Agar. Aujourd’hui, j’éprouve le besoin de te reparler un peu de mon histoire et de la tienne.

Tu es juge sur Israël, et moi, je sais que tu es le dernier. D’une certaine manière tu cumules les fonctions de prêtre, de prophète et de Chef. En effet, tu offres des sacrifices à Yahwé, comme le faisait Eli qui t’a élevé et enseigné; tu diriges le peuple, comme le faisaient avant toi Moïse et Josué; et surtout tu es un prophète de notre Dieu, car depuis ton enfance Il te parle et tu L’écoutes, et tu indiques à notre peuple ce qu’il doit faire pour se libérer du joug des Philistins. Je sais qu’ un jour tu seras amené à choisir un roi pour Israël, que ce jour te sera difficile, car tu sais combien être roi et serviteur de notre Dieu est compliqué.

Mais comme tu as quitté notre maison très tôt, et que je vais peut-être rejoindre bientôt le Schéol, j’ai envie encore une fois de raconter l’histoire de ta venue dans ce monde.

Comme je l’ai dit, j’étais la seconde femme de ton père. Je sais qu’il m’aimait infiniment plus que sa première femme, mais mon sein était fermé et j’en souffrais énormément. Être une femme stérile est une vraie malédiction. Utiliser une servante, comme l’avaient fait avant moi Sarah et Rachel, me paraissait impensable. L’enfant devait être porté par moi et non par une autre.

Chaque année nous montions au temple pour offrir, ainsi que cela est prescrit, un sacrifice à notre Unique Dieu. Une fois de plus Pennina s’était moquée de moi, et j’en pleurais. Ton père était très irrité, et moi je souffrais intensément et je dois reconnaître que j’en voulais beaucoup à notre Dieu qui refusait ce que je lui demandais et qui est normal pour une femme.

Pendant qu’ils étaient tous à consommer le sacrifice donné à notre Dieu, Béni soit Il, je m’éclipsai dans le temple désert, et allai seule prier. Le prêtre Eli était là, mais je ne l’avais pas vu. Ce jour-là, j’ai demandé d’avoir un petit d’homme, pas pour moi, mais pour ce Dieu qui semblait ne pas m’entendre, pour ce Dieu capable de prodiges. Car cet enfant, il serait pour Lui. Je lui ferais don de ce qu’Il accepterait de me donner. Aucun son ne sortait de mes lèvres et Eli vint à moi en me demandant de cuver mon ivresse ailleurs, comme si moi, j’avais usé de ce vin si lourd qui enivre plus qu’il ne désaltère, comme si j’avais bu de ce vin pour oublier…. Quel homme maladroit!. J’espère que tu ne deviendras jamais comme lui. Tu ne peux savoir combien je me suis sentie blessée, humiliée, incomprise.

Je lui ai quand même expliqué le sens de ma prière, et à ma grande surprise il m’a annoncé que je serais exaucée. Je n’arrivais pas à le croire, mais c’est ce qui est arrivé et tu as reçu le nom de Samuel, car tu as été demandé à Yahvé. Je t’ai gardé auprès de moi durant trois années, le temps que tu sois sevré, sans monter à Siloé avec les autres. Puis quand tes trois ans ont été révolus, je suis montée avec toi et comme je l’avais promis, je t’ai cédé à Yahvé. Eli a alors pris soin de toi.

Tandis que je me prosternais devant Yahvé, un peu pour cacher mes larmes, car j’avais l’impression de t’abandonner, de te perdre, un chant est monté en moi. Un chant de louange, car Il m’avait entendue et tout en moi exultait de joie et d’allégresse, un chant qui le chantait Lui, notre Dieu, qui est un Dieu plein de savoir, un Dieu qui entend les humbles et les faibles, un Dieu qui entend la détresse et qui exauce. Et je t’ai laissé.

Tous les ans, je montais te voir en te donnant un petit éphod de lin. Lors de l’une de ces visites si chères à mon cœur, car j’avais toujours peur que tu ne te sentes abandonné et surtout que tu ne me reconnaisses plus, Eli nous a béni ton père et moi-même et moi la stérile, je suis devenue une femme comblée.

J’ai su par Eli que notre Dieu t’avait parlé et mon cœur s’est réjoui. Tu es ensuite devenu le prophète que le peuple attendait, puis le Juge dont il avait besoin, mais il va te falloir maintenant abandonner ces fonctions de gouvernant, pour être totalement dans Sa main.

Tes frères et sœurs sont là pour prendre soin de moi et je suis une femme comblée si ne n’est que l’absence de ton père m’est lourde à supporter, mais béni soit Yahvé dont je suis la servante!

dimanche, octobre 08, 2006

En vrac 2: Petit dictionnaire

Catherine Lestang

A comme Attendrir.

J’ai entendu un prêtre qui lors d’une homélie disait que nos mérites (là il était question des mérites du centurion qui a bâti une synagogue ne peuvent attendrir Dieu. M’est venu l’image de la viande que l’on attendrit soit en lui tapant dessus soit en la déchirant avec des lames en métal. De là à penser à Jésus sur la croix, il n’y a qu’un pas à faire et ma foi, j’ai osé le faire. Car tout le rituel de la messe est bien de rappeler que la réconciliation a été donnée à l’homme par l’unique sacrifice de Jésus sur la croix (corps lacéré par les coups et cloué). Le mérite d’un seul sauvant l’humanité. Dieu se laissant enfin attendrir par la chair de sa chair. Je dois dire que je n’aime pas du tout cette manière de voir les choses. Quel adulte n’est pas attendri par la maladresse d’un petit enfant ? Pourquoi Dieu ne serait-il pas attendri par ce que nous essayons bien maladroitement de faire par amour ?

J’ai toujours pensé que le Dieu de l’ancien testament est devenu le Dieu Père du Nouveau testament en acceptant que son fils meurt comme un malpropre sur une croix, sans bouger. Il a laissé le fils aller jusqu’au bout de son désir et là, le changement s’est fait. Ce n’est pas qu’Il ne soit pas le Dieu tout puissant, mais il est devenu le Dieu qui n’a pas à montrer sa toute puissance et qui dans son impuissance voulue et désirée permet à l’homme d’accéder à la véritable filiation.


D comme déborder.
Quand le juste « déborde » d’allégresse, faut-il faire venir un plombier, car toute fuite peut être dangereuse… Une baignoire ou une rivière qui débordent et risquent de tout inonder! Mais parfois les inondations, en particulier celles du Nil, peuvent être bénéfiques.

Le rêve, ce serait de pouvoir mettre cette allégresse dans des petites fioles et s’en servir dans les moments de désespérance. Mais l’allégresse c’est comme la manne, on ne peut pas en faire de réserves. Et pourtant, avec le débordement on est dans le registre de la surabondance. Cela coule comme on le voit parfois dans certains miracles où des statues produisent de l’huile et une huile qui guérit. Cette allégresse le dépasse lui-même, car il n’en n’est pas la source mais le réceptacle. C’est comme s’il se transformait en fontaine qui donne en permanence de l’eau fraîche et renouvelée, qui permet à tous de se désaltérer.


M comme Messe.

Dans le livre de l’exode (premier testament) il est question de faire mémorial du passage de l’esclavage à la liberté. Il y a en fait deux actions. L’une autour du pain sans levain, et le pain est ce qui nourrit, l’autre autour de l’agneau dont le sang répandu sur les linteaux des portes a permis la vie sauve aux premiers-nés du peuple choisi. Faire ces gestes régulièrement, ensemble crée une identité, une fraternité. Ce qui se passe ensuite soit au temple soit à la synagogue est autre chose.Il y a une personne désignée qui sert d’intermédiaire entre YHWH et le peuple qu’il s’est choisi et qui a la fois, loue et intercède, pour que la postérité (et non la destruction) soit sur le peuple.

Quand Jésus crée ses propres mémoriaux : le pain et le vin, il crée ainsi des gestes qui vont permettre à ceux qui se réclament de lui de trouver leur identité. Ce sont des gestes connus qui prennent un sens nouveau : nouvelle alliance qui ont pour possible de créer entre ceux qui se réclament de Jésus un lien fort de partage : consommer du même et aussi faire advenir la présence sans pour autant aller au temple et avoir besoin d’un pontife.

La notion de partage est fondamentale, elle crée la famille, elle crée le corps, elle crée l’unité. Elle permet aussi par la remémoration de rendre présent et d’une certaine manière de créer du dieu.
Car ce partage-là, en rappelant le geste de la mort et de la résurrection, rend aussi symboliquement Jésus présent, mais Jésus ressuscité, Jésus le tout Autre. Le premier né de la nouvelle création.
Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu de vous. Est il alors nécessaire qu’il y ait un pontife et un rituel ?

Le rituel est nécessaire, car d’une certaine manière, l’eucharistie concerne des initiés, des baptisés. Le rituel est aussi un lien. Il différencie ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors.

Seulement le rituel a pris une telle place, que l’arbre cache la forêt.

Dans nos messes du dimanche, qui ont pris un caractère obligatoire ; si pas de messe, alors péché, alors exclusion et damnation, où est l’amour ?

On est tellement centré sur la beauté du sacrifice du Christ qui sauve les choses misérables que nous sommes censés êtres que l’idée de partage avec l’autre n’existe plus. J’aimerai arriver à penser que celui qui me précède et qui me succède dans la file, reçoit le même que moi et que cela crée une fraternité, une unité, même si parfois, je ne les connais pas ou même ne les aime pas beaucoup.

En fait dans la messe, la seule chose qui crée la « communion » c’est l’indignité, c’est le péché.Ce qui est proposé c’est tout autre chose : c’est un partage qui crée un corps, un partage qui fait vivre, un partage qui permet à Dieu de vivre en nous.

P comme Paradis.

Quand un enfant vient au monde, il est totalement dépendant de sa mère. Il n’a aucune autonomie et pourtant c’est durant ce temps de ses commencements qu’il fait un avec elle, qu’il devient sa propre source et vit pour quelques semaines dans la « toute puissance ». C’est lui qui fait apparaître (crée) le sein dont il besoin quand la faim le dévore. Ceci ne dure qu’un temps, puis compte tenu de son développement physique et psychique, il va connaître la dépendance vis-à-vis de cet externe (interne) dont il dépend et qu’il aime à sa manière.

Quand Adam et Eve se trouvent dans le jardin, ils ont d’après ce que nous pouvons imaginer tout ce dont ils ont besoin pour vivre dans de bonnes conditions. Alors de là à oublier qu’ils ne sont pas la source de ce qu’ils reçoivent, c’est facile, comme le petit être humain se prend pour la mère, ils peuvent aussi de prendre pour Dieu. Alors peut-être que l’arbre qu’ils ne peuvent « consommer » est là pour leur rappeler que de fait, ils ne sont pas tout puissants, ils n’ont pas tout, ils ne sont pas Dieu.

De ce fait la tentation du serpent prend bien tout son sens… Mais consommer de cet arbre, d’une certaine manière c’est faire disparaître la distance entre l’homme et l’Autre (son créateur, sa source) et c’est non pas l’incorporer pour devenir « comme » mais c’est la faire mourir, la faire disparaître.

Tout le travail psychique de la première année de la vie de l’enfant c’est cela : renoncer à l’incorporation pour passer à l’identification.

Alors le Paradis, ce jardin où tout pousse, où la vie est donnée, ce serait de fait comme une figure d’un lieu où justement il faut apprendre que la source n’est pas en nous mais au dehors et que à vouloir se l’approprier on la tue et on se met à mort avec .