lundi, novembre 26, 2007

"Ceci n'est pas un midrash".

L'évangile d'aujourd'hui était celui que l'on appelle "l'obole de la veuve", cette dame, âgée ou pas, qui met dans le trésor du temple l'argent qui correspond certainement à ce dont elle a besoin pour manger. Ce qui peut laisser à supposer qu'elle est dans un état de détresse et qu'il ne lui reste plus qu'à mourir.

J'ai alors pensé à l'épisode de la veuve de Sarepta dans le premier livre des rois au chapitre 7, versets 7 à 15.Il y a aussi une veuve qui n'a plus rien à manger sauf un peu de farine et un peu d'huile. Elie d'une certaine manière est en danger de mort: il fuit et le roi et la famine. Il lui demande d'utiliser pour son usage à lui Elie ce qui lui reste de nourriture. Et on arrive à ces lignes que j'ai toujours entendues comme une comptine:

Jarre de farine ne s'épuisera,
Cruche d'huile ne se videra,
jusqu'au jour où Yahvé enverra
La pluie sur la face de la terre.

Une idée m'est venue: la veuve de "l'obole"a donné son nécessaire à Dieu. Et si en rentrant chez elle, elle trouvait dans leur coupelle les deux piécettes qu'elle vient de donner?

Ses deux piécettes trouvera
jusqu'au jour où Yahvé
son Fils ressuscitera
à la face de la terre.

Inutile de dire que je n'ai pas trop suivi les développements de l'homélie.

A noter aussi que comme Elie, Jésus est en danger de mort, puisque sa mort est résolue, mais que dans le temple il ne craint rien, puisque le peuple est suspendu à ses lèvres.

samedi, novembre 24, 2007

"Le narrateur omniscient".

Il y a dans les évangiles synoptiques deux passages où Jésus est seul, sans témoins, et pourtant nous savons ce qui se passe. Quelqu'un nous raconte ce que vit Jésus alors qu'il est seul.

Le premier c'est la tentation au désert, le second l'agonie aux monts des Oliviers. Ces deux moments me semblent très importants car l'un inaugure le début de ce qu'on appelle "la vie publique" et l'autre la clôt.

La tentation arrive juste après l'effusion de l'Esprit. D'une certaine manière les 40 jours qui suivent sont tout ce travail qui se fait en Jésus pour lui permettre de prendre conscience de qui il est. J'aimerais appeler cela un éveil. Le fait que "les anges viennent le servir" montrent d'une certaine manière que la connexion entre le divin et le terrestre est possible.

Peut-être peut-on déjà parler d'une conciliation entre ces deux univers, le ciel et la terre (ce qui fait d'ailleurs écho aux anges de la nativité). Je note aussi que dans l'évangile de Luc, Lc22,43, au jardin des Oliviers, un ange apparaît qui le réconforte, ce qui va dans le même sens en tous les cas pour cet évangéliste. Car l'éveil c'est bien cette ouverture à un autre monde, ce qui permet de voir les choses d'une manière radicalement différente.

L'agonie du jardin des oliviers est donc pour moi un autre éveil, car le Jésus de la Passion est un Jésus bien différent de celui qu'il nous donné de voir dans tout ce qui précède.

J'ai choisi de réfléchir sur l'évangile de Marc, chapitre 14, les versets de 32-42, car c'est le texte qui donne le plus de détails.

Quand Jésus dit: "mon coeur est triste à en mourir" j'ai aujourd'hui l'impression d'entendre la plainte d'un bon nombre de personnes que je connais et qui sont dans un tel état de souffrance qu'elles voudraient arracher leur coeur. Car c'est à la fois du psychique, mais aussi du somatique qu'il est question (Luc parlera des gouttes de sang). Le coeur fait tellement mal, le coeur saigne, on voudrait l'arracher ou s'enfuir dans la mort.

Ce que les disciples ont entendu eux, c'est "Demeurez avec moi et veillez". Cela c'est bien ce qu'attendent toutes les personnes qui sont dans un tel état de souffrance. Et répondre à cette demande est souvent bien difficile. La solitude qui renvoie à l'abandon augmente encore la douleur morale. Le rester avec est la seule chose positive que les amis de Job ont pu faire avec lui, avant de se lancer dans leurs discours moralisateurs. De cet appui humain, Jésus est privé. Viennent alors les phrases qui sont pour moi source d'une autre approche.

" Et il priait pour que s'il était possible, cette heure passât loin de lui et et il disait Abba, tout t'est possible: éloigne de moi cette coupe; pourtant non pas ce que je veux, mais ce que tu veux".Mc14,34-35

Ces phrases, j'avais toujours cru qu'elles évoquaient ce qui allait advenir dans les heures suivantes et que le désir de Jésus était "éloigne de moi ce qui va m'arriver, éloigne l'arrestation et tout ce qui va suivre. Cela me terrifie, j'ai peur de ce futur".

Il y avait donc l'idée d'une anticipation liée à la conception d'une certaine divinité de jésus qui sait ce qui va arriver.Je crois que là j'avais fait un contre-sens.

Ce qui nous est montré là c'est la souffrance physique et psychique qui tombe d'un coup sur un être humain et qui le terrasse. Ce n'est pas celle d'une vision qui de qui va advenir. Il est dit en effet: "il tombait à terre" au verset 35.

Et face à cette douleur là, qu'il ne cherche pas à fuir, il se tourne vers son Père. Il ne lui demande pas d'évacuer ce qui se passe, mais de lui donner du sens. Et d'une certaine manière cette attitude me semble bien proche de l'attitude de louange, telle que je la conçois: ce que je vis est pire que l'enfer, mais si c'est ce que tu veux pour moi, aujourd'hui, maintenant, dans mon présent, alors je l'accepte parce que c'est cela qui est bon.

Peut-être peut-on dire, puisque dans cet épisode où il y a une sorte d'aller et venue entre Jésus et ses disciples qui dorment et ce par trois fois, qu'il y a une sorte de parallélisme avec les trois tentations. La victoire de Jésus c'est certainement déjà là qu'elle se joue. Tout le reste en découle, y compris la résurrection.

Alors que nous montre ce narrateur? Parce que bien entendu je me suis souvent demandé, comment sait-on ce qui s'est passé, puisque les disciples dormaient du sommeil du juste après la soirée de la Pâques, où il y a consommation d'un certain nombre de coupes de vin.

Ce qu'il montre, c'est que ce qui se joue là est une sorte de moment fondateur, qui donne sens au temps présent utilisé par Jésus pendant le repas pascal: ceci est mon corps, ceci est mon sang, faites ceci en mémoire de moi.

C'est bien parce que Jésus vit dans le présent, qu'il ne fuit pas ni dans le futur ni dans le passé que la résurrection est aussi possible pour nous.

jeudi, novembre 22, 2007

"Je tends la main vers toi"

Non, ce n'est pas exactement une phrase de psaume, même si ça y ressemble.

Cette phrase "j'ai tendu la main vers quelqu'un et ce quelqu'un ne l'a pas attrapée et cela m'a blessée"m'a été dite hier par une amie et je pense avoir fait un énorme contre-sens en l'entendant et surtout en y répondant un peu trop rapidement.

Cette phrase je l'ai comprise de la manière suivante: cette autre personne avait besoin de moi, j'ai tendu la main pour la sortir de sa difficulté et elle n'a pas voulu la prendre. Moi, je me suis retrouvée toute bête avec ma main tendue et ça m'a mise en colère. C'est toujours difficile de voir son offre rejetée et cela peut générer de la colère mais aussi un repli relativement légitime sur soi. Du coup on peut se sentir mauvais et nul, alors qu'on est pas en cause.

Jusque là c'est presque toujours comme cela que j'avais entendu cette phrase. Tendre la main à l'autre pour l'aider. Avec aussi un risque important, celui de perdre pied avec l'autre et de basculer avec lui. Ceci me permettant de comprendre une phrase d'un de mes analystes (phrase que j'avais détestée)"si vous vous accrochez à moi, nous risquons de basculer tous les deux et il n'en est pas question".

A l'époque j'avais trouvé cela bien dur, même s'il y a une part de réalisme. Pour moi c'était quand même non assistance à personne en danger.

Le geste de tendre les mains renvoie bien souvent à une demande de protection: je tends les mains vers toi, pour que tu me tires du bourbier, pour que tu me fasses échapper à mes ennemis ou à la mort.

Parfois la main tendue est signe d'une demande: celle du mendiant à la porte de l'église, dit: remplis ma main vide et sors moi de ma faim. Mais là se pose une question qu'est ce qui est le plus important: toucher cette main qui se tend c'est à dire regarder l'autre comme un proche ou simplement déposer quelque chose pour se donner une moins mauvaise conscience? Comment concilier les deux? Toucher engage beaucoup plus que déposer.

Alors pour en revenir à cette phrase, pour moi aujourd'hui elle veut dire: j'étais mal, j'ai essayé de tendre ma main juste pour sentir un contact, et comme l'autre personne s'est détournée, n'a pas touchée ma main qui se tendait vers elle, alors je suis dans une solitude sans nom, dans une souffrance son nom, d'autant que tendre la main m'est très difficile". Ce changement de sens a pour moi des effets que je pense être très importants: entendre autrement, entendre ce qui se hurle et que moi je n'ai pas forcément envie d'écouter.

Tendre la main, c'est espérer qu'une réponse sera là, qu'une chaleur sera là, c'est juste un contact, ténu mais présent.Et pafois ce geste est à peine esquissé, la main est prête à se refermer, alors il ne faut pas louper ce moment là.

Faire quelque chose, agir en donnant c'est relativement facile. Rester et tenir la main de cet autre qui est comme un petit oiseau qui ne peut dire sa peur c'est bien autre chose.

C'est peut-être pour cela que j'avais fait une sorte de contre-sens un peu dramatique à l'écoute de cette parole. Parfois le "Ephata" de Jésus au sourd-muet, prend tout son sens pour moi.

dimanche, novembre 18, 2007

"Complètement fou"

J'ai passé ma journée d'hier à entendre un (des) exposé sur Henri Le Saux. C'est un moine bénédictin qui est parti aux Indes tout se suite après la proclamation de l'indépendance de ce pays en 1947.

Il a beaucoup été question de "non dualité" et d'éveil.

En ce qui concerne la non dualité j'ai retenu ceci: un maître ami de Le Saux avait coutume de demander à un disciple qui disait: je suis fatigué ou je suis triste ou je suis heureux, qui est triste, qui est fatigué, qui est heureux? J'ai trouvé cette approche très intéressante, car elle permet d'une certaine manière de s'unifier.

A la question qui est fatigué, il y a bien des réponses possibles. En ce qui me concerne, la fatigue dont je parle si souvent était présente hier dès la fin de la matinée. Cette fatigue elle n'est pas une partie de moi, elle est moi, elle est en moi et d'une certaine manière l'important est d'apprendre à vivre avec elle, de faire un avec elle, car elle veut peut-être me mener quelque part.

Pour l'éveil, comme j'ai déjà lu pas mal de choses dans le livre tibétain de la vie et de la mort, je n'ai pas appris au sens intellectuel, mais il m'est venu une drôle d'idée concernant Moïse et l'exode.

C'est ce qui justifie le titre de ce billet.

J'ai toujours été frappée par les durées: 3 fois 40 ans pour la vie de Moïse, ce qui lui donne un âge plus que respectable pour diriger un peuple qui fuit. Il y a les 40 jours qu'il passe dans la nuée, au cours desquels il reçoit si l'on peut dire un enseignement, puisqu'il redescend avec les tables de la loi. A nouveau 40 jours pour revenir avec les nouvelles tables, mais surtout avec une conception, une vision de son Dieu complètement différente.

Il parait quand même étonnant que l'Exode n'ait laissé aucune trace exploitable par des archéologues. Ceux ci disent d'ailleurs que l'exode a concerné un petit nombre d'individus, alors de quoi parle-t-on? Exode mythique pour redonner du coeur aux exilés en Babylone? Ou l'histoire d'un fondateur (comme Bouddha) qui passe par une série d'expériences d'Eveil.

Finalement la description de la théophanie inaugurale n'est pas tellement différente de ce que l'on retrouve dans les visions d'Isaïe ou d'Ezéchiel. Ces visions mettent en jeu un Dieu redoutable violent, volcanique, je dirai bien humain par certains côtés.

Ce Dieu qui s'est révélé une première fois dans le buisson ardent (Ex3) qui a donné son nom "Je suis celui qui suis" mais qui parallèlement peut dire "Je serai avec toi" ce Dieu là éveille Moïse à une autre réalité.

Les plaies d'Egypte peuvent aussi figurer les combats que Moïse doit faire en lui, pour pouvoir devenir un Chef, lui qui s'est jadis enfui après un meurtre. Il a des peurs qu'il faut vaincre un jour ou l'autre.

La première séquence de 40 jours, dans le feu, la tempête, le bruit est une vision apocalyptique qui renvoie à certaines visions de l'après mort dans les NDE. Elle se termine par une sorte d'épuration brutale du peuple. Mais surtout par un code de vie qui est une alliance.

La seconde séquence de 40 jours se termine par la conception d'un Dieu Autre, celui qui lui dit: Ex 34,22:" Quand passera ma gloire, je te mettrai dans la fente du rocher et je te couvrirai de ma main jusqu'à ce que je sois passé. Puis j'écarterai ma main et tu verras mon dos; mais ma face on ne peut la voir".

Ce Dieu là n'a plus besoin de cette bimbloterie volcanique pour se révéler et pour se laisser trouver. C'est le même qui au bout de 40 jours choisit de se montrer à Elie non pas dans le bruit mais dans le son d'un silence subtil.

Si le visage de Moïse luit d'une autre lumière c'est bien le signe qu'un Autre est présent en Lui. Et cet autre comme le dit le Deutéronome, il n'est pas à chercher dans le ciel ou dans les abîmes, mais dans le coeur de l'homme.

Voilà le fruit d'une journée finalement assez étonnante.

jeudi, novembre 15, 2007

"Un seul corps".

J'entends comme presque tous les jours cette phrase prononcée par le célébrant après la consécration: "nous soyons rassemblés par l'Esprit Saint en un seul corps".

Jusque là j'ai toujours eu tendance- et je dois dire en vain- à essayer de me dire que je fais partie du corps du Christ, mais honnêtement cela ne veut rien dire de concret pour moi.

Qui suis-je moi, pour être le corps de Lui, de Lui qui est le ressucité. En d'autres termes, j'essayais de me fabriquer une représentation allant du Je que je suis, vers le Il qu'Il est devenu, le ressucité et ça n'allait pas.

Je crois depuis ce matin que le corps qui se crée pendant l'eucharistie, c'est un corps qui est comme l'union de toutes les personnes qui sont là, quelles qu'elles soient, de ces personnes qui font toutes mémoire d'un Etre.

Ces personnes semblables et différentes, c'est-à-dire nous qui sommes présents, elles sont comme des grains de blé rassemblés les uns à côté des autres.

Pour que le blé devienne pain, il faut le levain de l'Esprit Saint. Alors tous ces individus peuvent former un seul corps, parce que d'une certaine manière ils ne forment qu'un seul coeur.

Le corps qui se fait ce n'est pas mon petit je en lien avec Jésus, mais la somme de tous ces je des personnes qui sont présentes, et chacun sait que le corps global n'a rien à voir avec la somme des individualités.

Et lors de chaque messe, ce corps se refait avec des individus différents. C'est le travail de l'Esprit aint de réaliser cela quand deux ou trois sont réunis en Son nom. Ce corps est à chaque fois autre et pourtant il y a une sorte de pérennité.

Il est alors peut-être figure "des cieux nouveaux et de la terre nouvelle", qui se créent ici et maintenant.

Sortir pour moi d'une représentation que je peux ressentir comme égocentrique pour passer à une représentation communautaire est quelque chose que je considère comme un progrès.

lundi, novembre 05, 2007

Péché de l'homme.

Une fois de plus je reviens à ce qui nous est presque rabâché au début de chaque célébration, à savoir que nous sommes des pécheurs, des nuls et que de ce fait nous sommes en danger de mort.

On va dire pour parler mal que "Dieu est colère..."

Mais grâce à la miséricorde de Dieu, notre péché est pardonné et donc la vie nous attend.

Or sans être le pharisien de l'évangile, il me semble que l'important n'est pas tant de se reconnaître pécheur, et de se battre la coulpe avec délectation (ce qui parfois me parait un peu morbide) et en opposition à la Vie que Dieu donne par son Fils et par l'Esprit, mais de ne pas "se" dissocier du collectif "humain" qui lui globalement vit (et de ce fait moi avec) dans la convoitise, et qui de ce fait ne peut accéder au chemin de divinisation qui lui est proposé.

Certaines grandes prières du premier testament commencent par reconnaître le péché des générations précédentes (donc la solidarité avec celles-ci), puis le péché de tout le peuple (tous confondus). Là je m'y retrouve.

Il s'agit là de la reconnaissance d'un péché qui peut s'entendre comme le non respect de la Tora. Nous n'avons pas tenu compte de Tes ordres et prescriptions et nous nous sommes détournés de Toi, l'unique. Mais il est bien évident que tous ne se sont pas détournés de la Tora (la bible raconte l'histoire des ces justes qui sont pourtant persécutés alors qu'ils devraient avoir une vie agréable).

Je peux au début de chaque célébration, me sentir solidaire de notre humanité et reconnaître que je ne fais pas grand chose pour lutter contre le mal. Je le fais un tout petit peu avec les moyens qui sont les miens. Je veux bien appeler ce "manque" péché mais je n'en suis pas convaincue.

Que cette complaisance au mal soit mauvaise oui. Mais est ce que cela me coupe de Dieu? Me détourne de Lui? Oui et non.

Il s'agit pour moi de reconnaître ce que je suis sans complaisance certes, mais avec lucidité, puis de demander que mes yeux s'ouvrent pour que je sois capable de voir tout ce qui s'oppose à la sainteté de Dieu et peut-être d'oeuvrer un tout petit peu plus, en fonction justement de ce que je peux au fil des jours percevoir.

J'aime cette notion de solidarité avec les générations précédentes, avec les frères et soeurs qui sont là dans l'assemblée. Oui, tous ensemble nous demandons ce Salut c'est à dire la Vie et aussi la divinisation, comme le rappelait le prêtre qui animait la célébration de dimanche.

Que cette vie et cette divinisation nous soient données gratuitement, certainement.

Alors plutôt l'action de grâce que l'affliction.

vendredi, novembre 02, 2007

"Et les ténèbres ne l'ont pas saisie"Jn 1,5


Il y a longtemps que ce petit bout de verset me fascine, car il renvoie bien au combat entre la lumière et les ténèbres et d'emblée il annonce si je puis dire la couleur: les ténèbres (le mal) ne peut pas "attraper" la lumière, la vie, qui finit par triompher. Les ténèbres sont autre chose que la nuit, elles renvoient à une sorte de noir absolu.

Je viens de terminer le dernier Harry Potter, et pour les personnes qui ne l'ont pas terminé, je vais peut-être gâcher leur plaisir en révélant un peu de ce qu'il en est de la fin, mais ce roman comme les précédents donne à réfléchir.

Il s'agit bien d'un combat entre les ténèbres et la lumière. Harry qui représente la lumière, n'a jamais pu être "saisi" de manière définitive par le mal. Quand il se rend compte que pour anéantir le mal, il faut qu'il accepte lui, parce qu'une part de ce mal est enfermé en lui, d'être tué, alors les choses basculent et l'on revient qu'on le veuille ou non à une dimension christique. Celui qui perd sa vie "à cause de moi" la trouvera.

Mais Harry est un héros et moi, n'étant pas un personnage de roman je suis très loin de cet héroïsme.

Cependant il y a une autre thématique qui est pour moi importante dans ce livre, c'est celle de la dépression et de la lutte contre la dépression.

La dépression est personnifiée par les détracteurs, qui font l'obscurité autour d'eux et qui aspirent tout le potentiel de vie qui se trouve dans chaque personne. Il ne reste que le noir, l'horreur, la peur, l'incapacité. Quand Harry est confronté aux détracteurs dans "le prisonnier d'Azkaban", il se trouve physiquement mal, ce qui traduit bien les effets somatiques et dévastateurs du vécu dépressif.

Beaucoup de personnes qui ont été comme dépossédées de leur enfance par des parents abusifs, parlent de leur coeur, qu'elles voudraient arracher. Coeur lourd, coeur brûlant coeur glacé, coeur pesant des tonnes, coeur qui demande la mort comme pour répondre au souhait qui a pesé sur eux au moment de leur naissance.

Cette douleur physique dont je n'avais jamais entendu parler au cours de mes études, est un des aspects somatiques de la dépression quand elle se fait incisive surtout lorsque la nuit est là et que les terreurs de l'enfance remontent.

Baudelaire n'écrivait-il pas: " et l'angoisse atroce, despotique, sur mon crâne incliné plante son drapeau noir"ce qui est une belle mise en mots de cette douleur intense.

Pour en revenir à la sage Harry Potter, il y a comme moyen de récupération après une attaque (de panique) provoquée par les détraqueurs, le chocolat (qu'il soit magique ou non). Or chacun sait que le chocolat est un excellent antidépresseur. Mais il y a un autre moyen pour ne pas se laisser envahir par ces ténèbres, je veux parler des "patronus". Mais la création d'un patronus, figure protectrice et cependant propre à chaque individu, nécessite une certaine énergie et le désir même minime de vaincre.

Il est indispensable de faire appel à un ou à des souvenirs heureux, de retrouver une toute petite oasis à soi, où l'on est bien et ensuite symboliser ce moment de douce chaleur par un animal qui désormais vous représentera (une sorte de totem pourrait-on dire) et qui parviendra à faire fuir, (mais pas à détruire) ces représentations désespérantes.

J'ai déjà parlé dans mon autre blog de l'importance pour moi d'avoir retrouvé un souvenir de mon adolescence, où assise dans une embrasure de fenêtre, je voyais au premier plan un toit de tuiles romaines, puis dans le lointain la mer scintillante sous le soleil.

Cette image m'a beaucoup aidée durant ma radiothérapie. Elle est à moi, je peux la faire apparaître quand je le désire.

Et ce matin pendant un temps que je me donne pour essayer de sortir des choses à faire, et où je visualisais cette mer miroitante, deux phrases de psaumes: "Ah si j'avais les ailes de la colombe, je m'en irais gîter au désert" et "quand les ailes de la colombes se parent de reflets d'argent" me sont revenues . Se transformer en oiseau, se planer, utiliser le vent...

Mais pour moi, la colombe ne fait pas partie des oiseaux marins et je me suis vue comme une mouette dansant au dessus de l'eau. Je peux espérer que cette représentation pourra m'aider à accepter ces temps d'hiver.

Bien sûr je n'ai pas de baguette magique, mais j'ai des images de vie qui ne pourront pas être avalées par les images de mort, et c'est à moi de faire vivre en moi ces mouvements d'ailes qui sont évocateurs aussi de la force de l'Esprit qui planait sur les eaux.