mercredi, janvier 30, 2008

Les noms de Jésus dans l'Evangile de Marc


Les noms de Jésus dans l’Evangile de Marc.


En écoutant lors des eucharisties de semaine le début de l’évangile de Marc, j’ai été frappée par la manière dont Jésus se nomme quand il  parle de lui avec les pharisiens. Au moment de la guérison du paralytique il dit :  (Mc 2, 10) «  Et bien ! pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre, je te l’ordonne .. ». Cette appellation Fils de l’homme que veut- elle dire ? Qu’est ce que Jésus (ou l’écrivain) veut-il signifier par ce titre, car c’en est un.


Bien entendu Fils de l’homme est bien proche de fils d’homme que l’on trouve à profusion chez Ezéchiel et aussi dans le livre de Daniel. Mais il me semble que c’est très différent. 


En effet dans le livre de Daniel il y a un être divin, qui est comme un fils d’homme, (qui en a l’apparence). Il s’agit donc d’une description d’un être d’un autre monde. Que nous puissions y voir le Fils de Dieu dans sa gloire, bien sûr, mais ce n’est pas ainsi que Jésus se nomme. Cette vision serait alors très proche de la vision inaugurale d’Ezéchiel 1,26. Cependant dans les représentations (si nous pouvons en avoir) de ce que serait la venue de Jésus, c’est bien un homme, un fils d’homme mais aussi un Dieu qui serait présent. Fils de l’homme et Fils d’homme sont très proches l’un de l’autre et on peut se poser la question si de fait fils de l’homme n’est pas une figure de Fils de Dieu, de Dieu qui prend corps et chair.


Quant au livre d’Ezéchiel, c’est en fait ainsi que lui, le prophète est appelé par l’Ange qui lui apparaît tout au long de livre. Il ne porte pas de nom, mais dans l’univers des visions et des ordres qui lui sont donnés, il devient simplement fils d’homme. Un peu comme si une espèce supérieure s’adressait à une espèce inférieure, sans même se soucier de son nom. Un peu comme si c’était « Et toi là-bas, voilà ce que tu dois faire ». Jésus en prenant chair devient Fils d’homme, un parmi d’autres (comme dirait Denis Vasse).


Pour moi, Fils de l’homme renvoie aussi à une lignée, à un engendrement. Or les généalogies de Jésus renvoient bien à une origine : Fils d’ Adam fils de Dieu Lc 3,38....


Cette première réflexion m’a alors renvoyée à ce que nous entendons comme la malédiction contre le serpent dans le livre de la Genèse : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon ». Gn 3, 11. Peut-être est-il possible de considérer Jésus comme l’héritier de ce lignage, comme celui qui pourra écraser le mal mais qui, sera cependant mordu, empoisonné par ce serpent symbole de la perversion et de la convoitise.


Peut-être s’agit-il dans un autre registre de la nécessité dans cette première communauté qui écoute les enseignements de Pierre, de signifier encore et toujours que Jésus, le Messie est pleinement homme et pleinement Dieu. Si Paul insiste autant sur la divinité de Jésus, peut-être que ce « fils de l’homme » est indispensable pour éviter une (future) hérésie, d’insister sur la pleine humanité et la pleine divinité de Jésus, le messie, le sauveur.


Je me suis dit qu’il serait peut-être intéressant dans ce même évangile de rechercher quels sont les noms donnés à Jésus. J’ai fait une recherche sur « fils de » et les occurrences sont nombreuses. J’ai essayé de faire une sorte de classification. Je regarderai d’abord les noms qui sont donnés à Jésus par tel ou tel personnage, puis les noms que Jésus se donne à lui-même quand il doit se justifier par rapport aux pharisiens, quand il enseigne ou quand il parle à ses apôtres pour les préparer à ce qui doit arriver.



1- Les noms attribués à Jésus.


1-1  Quand Dieu se manifeste, il l’appelle « son fils bien aimé ». Il s’agit là du baptême Mc1,11 : « Tu es mon fils bien-aimé tu as toute ma faveur » et de la transfiguration. La divinité est proclamée.  Marc 9, 7 Et une nuée survint qui les prit sous son ombre, et une voix partit de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le». Ce terme-là fait écho pour moi à ce qui est dit à Abraham quand il croit qu’il va devoir immoler son « fils unique, celui qu’il chérit » Gn22,2. Si on admet que la montagne où Isaac devait trouver la mort est un lieu élevé en dehors de la ville, comme le Golgotha, mais qui est au dire des rabbins un lieu de connaissance, presque d’initiation, cette phrase est très prophétique. 

 

1-2 Les Esprits »impurs » aussi l’appellent « Fils de Dieu ». 

Mc 1,24 « Et aussitôt il y avait dans leur synagogue un homme possédé d'un esprit impur, qui cria en disant : « Que nous veux-tu, Jésus le Nazarénien ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es le Saint de Dieu. »

etMc 3 11 Et les esprits impurs, lorsqu'ils le voyaient, se jetaient à ses pieds et criaient en disant : « Tu es le Fils de Dieu ! »


Cette reconnaissance par des « puissances dites infernales» opposées à la présence de celui qui est appelé à les dominer, montre la puissance de ce Jésus, et le « pont » qu’il établit entre les différents mondes : le bas, la terre et le ciel. Or si on reprend la genèse, il existe de fait une coupure radicale entre le monde terrestre et le monde où réside la Sainteté de Dieu. Qui rouvrira la porte ? 



1-3 Les contemporains de Jésus.


1-3-1 L’écrivain de l’évangile et le centurion


Mc1,1 «  Commencement de l'Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu ». Ceci est une manière très concise de résumer la teneur de ce livre. On dit que ce titre donné d’emblée n’apparaît qu’à la fin de l’évangile, comme pour le fermer, avec la reconnaissance de centurion : Mc 13,39. « Voyant qu'il avait ainsi expiré, le centurion, qui se tenait en face de lui, s'écria : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu ! »

 

Mais ce qui m’étonne, mais peut-être est-ce un problème de traduction c’est que Fils de Dieu n’est pas Le Fils de Dieu. Il me semble que l’empereur était par excellence « Fils de Dieu » donc que le centurion à sa manière reconnaît le titre de roi de Jésus, sans pour autant le reconnaître comme le fils du Dieu de ce peuple juif. Mais il reconnaît sa divinité ce qui renvoie aussi au travail d’évangélisation de Paul auprès de toutes les nations .


On peut aussi penser que le but de l’écrivain est bien de faire découvrir à ses lecteurs et à ses auditeurs, que tout ce qui est écrit, va montrer que cet homme, mort et ressuscité est bien le Messie attendu, et surtout le Fils.


 1-3-2L’aveugle de Jéricho. 


Mc 10,47-48.  Quand il apprit que c'était Jésus le Nazarénien, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! »Et beaucoup le rabrouaient pour lui imposer silence, mais lui criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! » On est dans un temps qui se situe entre la transfiguration et l ‘arrestation, en un lieu qui est encore aujourd’hui pour les pelerins le début de la monté à Jérusalem. La royauté davidique est ici affirmée. Et si on reprend la phrase du psaume 2 : « tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui », on est dans l’affirmation de la filiation divine . Peut-être est-ce important qu’un « non-voyant » puisse voir qui est derrière ce guérisseur qui va être mis à mort et qui va revenir à la vie ; mais d’une manière radicalement différente.

 

1-3-4Le grand prêtre

Mc 14, 61-62.  «  Mais lui se taisait et ne répondit rien. De nouveau le Grand Prêtre l'interrogeait, et il lui dit : « Tu es le Christ, le Fils du Béni ? » Jésus lui répondit : Je le suis et vous verrez le Fils de l'homme siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel». Ici on peut penser au Fils d’homme de Daniel. L’affirmation de la divinité est tellement forte que le grand prêtre déchire ses vêtements et le condamne pour blasphème. 



2 Ce que Jésus dit de lui.


2-1Au début de l’évangile

Dès le chapitre 2, Jésus essaye de faire comprendre qu’il n’est pas un simple guérisseur, un nouveau prophète, mais quelqu’un d’autre, quelqu’un qui a en lui une puissance que personne n’a jamais possédé, ni Abraham ni Moïse. Une puissance qui est oeuvre de Dieu en Lui. Marc 2,10 « Eh bien  pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre,je te l’ordonne dit il, ... ». Passage que je rapprocherai de la tempête apaisée : quel est-il celui-là que la mer et le vent lui obéissent...Mc4,41


En pardonnant les péchés il affirme sa divinité ce que les scribes veulent pas entendre. Il pourrait se dire Fils de Dieu (mais parfois ce qui n’est pas dit à plus de poids que ce qui est dit ou écrit). Il se proclame « fils de l’homme ». veut il ainsi montrer ce qu’il advient de l’humain quand il est en lien permanent avec le Divin .


Puis c’est la controverse des épis arrachés : Mc2,14 « En sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat. Le Fils de l’homme quand il est lien intime avec Dieu peut se permettre non pas de transgresser mais de redonner sa dimension de vie aux prescriptions et commandements mosaïques. 

 

2-2 A partir du chapitre 8


la centration à partir de ce chapitre qui est le pivot de l’évangile de Marc, montre qu’il y a à la fois une actualisation du 4° chant du serviteur (Is 53) et des annonces du futur que sera celui de ce fils d’homme une fois qu’il sera ressuscité.


2-2-1 : la réalisation des prophéties


Marc 8, 31 « Et il commença de leur enseigner : « Le Fils de l'homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter ;


Mc 9,12 Il leur dit : « Oui, Élie doit venir d'abord et tout remettre en ordre. Et comment est-il écrit du

 Fils de l’homme qu'il doit beaucoup souffrir et être méprisé ?


Mc 9, 31 « Car il instruisait ses disciples et il leur disait : « Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes et ils le tueront, et quand il aura été tué, après trois jours il ressuscitera. »


Marc 10, 33 « Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens »


Mc 10 , 45 Aussi bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. »


Mc 14 ,41.  Une troisième fois il vient et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C'en est fait. L'heure est venue : voici que le Fils de l'homme va être livré aux mains des pécheurs.


Marc 14 ,21 « Oui, le Fils de l'homme s'en va selon qu'il est écrit de lui ; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l'homme est livré ! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître ! »


2-2-2 Une vision eschatologique


l’appellation Fils de l’homme, dans ces versets montre bien que dans le futur le jugement appartiendra comme à YHWH à Jésus qui sera l’égal de Père.


Mc 8 , 38 « Car celui qui aura rougi de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l'homme aussi rougira de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. »

 Mc 9, 9 « Comme ils descendaient de la montagne, il leur ordonna de ne raconter à personne ce qu'ils avaient vu, si ce n'est quand le Fils de l'homme serait ressuscité d'entre les morts. »

Marc 13,26 « Et alors on verra le Fils de l'homme venant dans des nuées avec grande puissance et gloire. »

Marc 12,35 « Prenant la parole, Jésus disait en enseignant dans le Temple : « Comment les scribes peuvent-ils dire que le Christ est fils de David ? » Jésus est dans le temple, bien près de sa passion . Ce passage me semble être dans la pure tradition rabbinique ce qui explique la finale : et le peuple l’écoutait avec plaisir (peut-être parce qu’il rive son clou aux scribes avant d’être rivé par eux sur la croix).

Mc 13,32 « Quant à la date de ce jour, ou à l'heure, personne ne les connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, personne que le Père ».Il y a ici dans ce monde des choses que le Fils ne connaît pas, mais qu’Il connaîtra dans la suite des temps .


En guise de conclusion.

D’abord une question. Pourquoi Jésus parle-t-il de lui à la troisième personne? Pourquoi ne dit-il pas Je ? Peut-être est-ce pour affirmer solennellement qu’il n’est pas ce qu’il semble être, Jésus le fils de Marie, le frère de Jacques ?Mc 6,3. Il se démarque aussi vigoureusement de la lignée des prophètes, il n’est pas un porte-parole, il est la parole.


En creusant un peu ces titres que Jésus reçoit ou se donne, il me semble bien que ce qui est affirmé sous ce « fils de l’homme » c’est bien la divinité pleine et entière qui est la sienne, qui ne demande qu’à se manifester. Cette origine « de Dieu » sera bien exprimée par Paul et les premiers chrétiens dans l’hymne des Philippiens( Ph2, 6-11)  qui sera ma conclusion: 


Lui, de condition divine, ne retient pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. 

S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! 

Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, 

pour que tout, au nom de Jésus, s'agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu'il est SEIGNEUR, à la gloire de Dieu le Père. 



lundi, janvier 21, 2008

"Ne nous pique pas nos disciples".

Le début de l'évangile d'aujourd'hui, Mc 2,18 :"comme les disciples de Jean Baptiste et des pharisiens jeûnaient, on vient demander à Jésus: "Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils comme ceux de Jean et ceux des pharisiens?" m'a étonnée. 

La rivalité entre Jésus et les pharisiens se résumerait-elle non pas à des questions de doctrine, mais à la peur de ne plus avoir de recrutement? 

Ici on parle des disciples de Jean le baptiste- et on sait par ailleurs qu'il est bien possible que les premiers disciples de Jésus aient été disciples du cet homme- et des disciples des pharisiens. Or on peut imaginer que ces disciples là sont nombreux et qu'il peut y avoir une crainte légitime quant à ce Jésus, cet homme au charisme assez particulier et à la doctrine novatrice.

Si les disciples des pharisiens se laissent séduire, alors que deviendront les pharisiens, comment se "reproduiront -ils"? 

On se retrouve avec un problème de pouvoir. 

Il faut empêcher cet homme de voler les disciples des "organismes" qui sont reconnus. Il va donc falloir le disqualifier et attaquer ce qu'il dit, non pour le message mais pour éviter qu'il ne soit séducteur et ne détourne de la tradition ceux qui essayent de vivre selon la Torah donnée par Moïse.

Je dois dire que cette vision peut-être un peu simpliste, me permet de mieux comprendre la trajectoire de Jésus et un des pourquoi de sa condamnation. 

samedi, janvier 19, 2008

"Du lépreux au paralytique".

Dans la liturgie des messes de la semaine dernière ces deux textes de guérison se suivent.

Pour le premier texte,(Mc 1,40-45) le célébrant faisait remarquer que d'une certaine manière le lépreux est "purifié" mais peut-être pas guéri au fond de lui. En n'allant pas se montrer aux prêtres et donc en refusant de servir de signe (tu rendras témoignage) il "instrumentalise " Jésus en en faisant un guérisseur, un simple guérisseur. Ceci pouvant être mis en parallèle avec la prise de l'arche par les Philistins dans le livre de Samuel (première lecture de ce jour). L'arche ne fonctionne pas de manière magique. Or il peut y avoir un  risque pour nous aujourd'hui d'utiliser le nom de Jésus pour essayer d'obtenir des miracles, alors que le miracle est là pour servir de signe à la présence active de Dieu dans notre monde. Cette guérison devait être une interrogation pour les prêtres: qui est -Il celui là qui peut rendre pur ce qui est impur?

Si je suis une certaine logique dans l'évangile de Marc, au chapitre 2, il me semble que le lépreux condamne Jésus à rester un guérisseur, que tous viennent voir, à tel point qu'il doit se cacher pour prier. 

Lors de l'incident du paralytique, il est de retour à la maison, il y a foule et à nouveau Jésus se doit de guérir encore et encore. 

Je ne sais pas pourquoi quand on parle de cet homme, on dit qu'il est paralysé depuis toujours, comme pour magnifier le "miracle".

Pour moi, j'ai toujours imaginé que cet  homme a fait un mauvaise chute, par exemple en tombant d'un toit. Peut-être avait-il bu un coup de trop, peut-être a-t-il voulu comme on dit faire le mariole, mais il a chu et depuis il ne peut plus marcher. Il est certain que lorsque ses compagnons ont entendu parlé de ce Jésus qui guérit, ils se sont dit que peut-être cet homme pourrait bien guérir leur ami et qu'ainsi ce dernier pourrait reprendre la vie là où elle s'était arrêtée pour lui.

Les porteurs sont des compagnons, pas des gens de la famille, ce qui aurait peut-être été le cas si la paralysie avait été donné dès la naissance.

Je me suis souvent identifiée à cet homme, et à l'épreuve de la descente. Je l'imagine entrain de se cramponner à son brancard, mort de peur, lui qui est déjà tombé.

Quand je travaillais auprès d'enfants handicapés moteurs, j'ai voulut tester un lève-malade qui venait d'être installé dans une des chambres. Je dois dire que je n'ai pas aimé du tout. Je n'ai pas eu réellement peur, parce que les sangles étaient bien en place et surtout parce que j'avais confiance dans la personne qui faisait la manipulation, mais je n'ai pas trouvé cela agréable.
Etre dépendant n'est jamais facile à vivre. 

Se retrouver ensuite au centre et le point de mire de tous les regards ne doit pas non plus être évident: tomber comme un  cheveu sur la soupe. 

Et la phrase qui tombe "tes péchés te sont remis" quel sens peut-elle avoir quand on espère une guérison pure et simple. Déception (c'était bien la peine d'avoir risqué ma vie pour m'entendre dire cela....), ou guérison invisible pour les yeux?

Ce qui a été nouveau pour moi, c'est cette phrase et la réaction des scribes. Il me semble en effet que Jésus par cette simple phrase donne "un signe" extrêmement fort, mais que ce signe est dénié par cet auditoire.

Car Jésus se positionne autrement que comme un simple guérisseur ou un simple prophète. Il prend quelque chose qui normalement appartient au dieu d'Israël. Or cela aurait du ouvrir à un interrogation et non pas une condamnation. 

Et là je me sens partie prenante: c'est si facile au nom d'un certain savoir de se boucher les oreilles de se fermer, de refuser la question qui ouvre, même si elle dérange. 

Comment être attentif aux signes qui nous sont donnés. Je veux dire par là que comme les scribes, bien souvent je passe à côté de choses qui devraient me faire réagir. 

Alors la guérison cet autre signe, ce complément de signe, c'est comme si Jésus devant mon incrédulité, m'acceptait avec ma pesanteur, ma lourdeur et me donnait un signe irréfutable, un signe que je ne peux refuser de voir.

Alors de ces deux petites séquences du début de l'évangile de Marc, je retiens le risque d'instrumentalisation (réduire à une seule dimension) et le risque de la surdité (dénier ce que j'entends parce que cela me dérange et ne rentre pas dans mes catégories) comme comme des risques toujours présents. 

Que mes yeux et mes oreilles s'ouvrent à cet autre langage, voilà quel est mon désir de cette soirée.

mardi, janvier 15, 2008

"Jephté: pourquoi ai-je parlé trop vite?"

Pourquoi ai-je ouvert la bouche ?

Une petite introduction.

Nous travaillons avec un petit groupe le livre des juges. Cet après-midi nous rencontrerons la figure de Jephté, cet homme qui en ouvrant un peu inconsidérément la bouche condamne son unique fille à terminer sa vie sur un bûcher en offrande à un Dieu qui n’’accepte pourtant pas les sacrifices humains.



En repensant à ce texte ce matin, je me suis rendue compte que la phrase prononcée par Jephté, (verset 31 du chapitre 11) est en soi effrayante. Je cite : Et Jephté fit un vœu à Yahvé : « Si tu livres entre mes mains les Ammonites, celui qui sortira le premier des portes de ma maison pour venir à ma rencontre quand je reviendrai vainqueur du combat contre les Ammonites, celui-là appartiendra à Yahvé, et je l'offrirai en holocauste ».



Dans la conquête de la terre promise, ce qui est offert en anathème (détruit) ce sont les ennemis , pas ceux de votre maison. Là on a l’impression que Jephté prononce une sorte d’anathème sur sa propre maison et que d’une certaine manière il se fait prêtre.



Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ironie divine est lourde, car d’une certaine manière ce qui sort de la maison c’est la fille en fleur de Jephté et c’est ce prémisse qu’il doit donner à son corps défendant.



Quand un texte s’incarne en moi, il me permet d’écrire, et voilà ce que ça a donné...

Une réécriture du texte.

Je suis Jephté de Galaad et je suis « juge » en Israël. Moi dont le nom signifie « ouvrir » moi qui ai ouvert des brèches chez nos ennemis, jamais je n’airais du ouvrir ainsi ma bouche. Qui suis-je pour mettre l’anathème sur un des habitants de ma maison,serait-ce un esclave ? 



J’ai sauvé ma tribu des menaces d’envahissement des ammorites, ce peuple qui ose revendiquer des terres qui sont nôtres depuis notre sortie de Cadès du temps de notre père Moïse. Même si mon histoire sera racontée le soir parmi les enfants de ma tribu, pour servir en quelque sorte de leçon, pour faire comprendre qu’il ne faut pas faire de marché avec notre Dieu, béni soit-Il, je serai mort sans laisser de descendance, sans pouvoir transmettre quoique ce soit de moi.



J’ai vécu beaucoup d’humiliations. Parce que je suis le fruit d’une relation avec une femme étrangère à notre clan, une femme du dehors, une femme « étrangère ». Mes frères disent que ma mère est une prostituée, comme pour la salir davantage. Ils m’ont mis à la porte de la maison de mon père. Pourtant j’honore le même Dieu qu’eux.



Je suis allé l’amertume au coeur loin de chez moi et je me suis fait une réputation de chef de guerre. En fait j’impose « ma protection » et ça marche. Et ma petite bande est devenue une petite armée, bien organisée.



Quand la menace d’invasion s’est faite trop forte, les anciens se sont rappelés que j’existais et sont venus me demander de l’aide. Je suis rentré dans ma ville, avec mon enfant, ma fille, mon espérance.



J’ai essayé d’obtenir que l’invasion n’ait pas lieu en rappelant ce qui s'était passé autrefois, mais ils n'ont pas voulu écouter et se sont mis en marche contre nous.

Alors j’ai dû passer à l’action. Et j’ai ressenti à ce moment là en moi une grande force, comme si j’allais accomplir ce pour quoi Dieu m’avait appelé; mais malgré cela il y avait du doute en moi.



Et c’est là que tout s’est gâté. J’ai conclu un marché avec Dieu : s’il me donnait la victoire, je lui consacrerais en holocaute le premier être qui franchirait le seuil de ma maison. Cela j’ai le droit de la faire, car je suis maître en ma demeure et tout ce qui y vit est à moi. J’étais prêt à offrir un animal, même un animal de prix, j’étais prêt à offrir un de mes esclaves.



Ce marché , ce voeu je l’ai fait, parce que je doutais de la force que je sentais en moi, parce que je doutais de la présence de Dieu à mes côtés.



Vainqueur je l’ai été. Alors ce voeu j’ai du l’honorer.Je savais bien que lorsque je rentrerais chez moi, ma maisonnée sortirait pour m’accueillir.



Mais jamais je n’aurais imaginé que ma fille sortirait la première avec son tambourin pour m’honorer. Elle est sortie la première et le monde s’est effondré pour moi. Qu’avais-je dit, qu’avais-je fait ? Avais-je besoin de ce voeu stupide pour remporter la victoire, puis que l’Esprit de Dieu était en moi ? Pourquoi ai-je douté de Lui ?



Je n’ai pas pu pleurer, parce qu’un homme ne pleure pas. Au lieu d’être en colère après moi, j’ai fait porter sur elle le poids de ma colère en la rendant responsable de ce désastre. Je lui en ai voulu d’être sortie la première. Ne pouvait elle pas, comme toute femme normale attendre dans la maison que son père soit rentré et l’accueillir à ce moment-là par des chants et des danses ? Pourquoi ses suivantes ne l’ont elles pas empêchée de se donner en spectacle et d’aller ainsi à sa mort?



Ce qui est étonnant et ce qui fait mon admiration et ma fierté, c’est qu’elle ne s’est pas révoltée, qu’elle a adhéré à mon engagement. Elle m’a juste demandé de surseoir à sa mise à mort. Elle est partie durant deux mois dans la montagne avec ses compagnes pour pleurer sur sa virginité, sur sa non descendance.



Peut-être aurai-je du voir les prêtres, faire annuler ce voeu stupide, mais je suis un chef et la parole d’un chef ne doit pas être reprise.



Mais l’offrir moi-même en holocauste, cela je ne le pouvais. Je l’ai conduite au temple du seigneur, elle a disparu et je ne sais ce qu’elle est advenue.



Certes des enfants, je pourrais en avoir d’autres, mais pas un ne remplacera ma fille, mon unique, mon aimée. J’attends la mort pour pouvoir parcourir à sa recherche ce shéol dont on nous parle comme lieu de notre résidence au delà de notre mort..



lundi, janvier 14, 2008

"Purification"

Et le printemps refleurira


Il ne s'agit pas d'une réflexion sur la fête de la Purification, mais d'une sorte de mayonnaise de différents composants, qui me permettent aujourd'hui de comprendre enfin comment je peux me représenter ce que l'église appelle le péché. Je comprends certes ce mot, mais il ne fait pas partie de mon vocabulaire. Et comme je l'ai écrit dans de nombreux billets, c'est pour moi un achoppement.

Remplacer péché par impur(eté) me va aujourd'hui infiniment mieux, parce que cela est lié à la nature ontologique de l'humain.

Dans tout le premier testament, et aussi dans les évangiles de guérison, il y a une relation très forte entre péché et impureté et réciproquement. Le péché est la cause de la mort biologique, et la décomposition est tout sauf quelque chose de propre, de pur. 

Celui qui pèche est souvent puni par une maladie visible qui provoque son exclusion de la communauté (cf la lèpre de Myriam dans le livre des nombres, les questions des disciples sur l'aveugle-né dans l'évangile de Jean et du comportement de Jésus qui mange avec des publicains et des prostituées).

Ce lien entre impureté et péché m'a été précieux. 
Je reviens maintenant sur les différents ingrédients de mon cheminement actuel, de ma mayonnaise.   
 
- Le premier vient d'un commentaire trouvé dans les lectures de la semaine dernière sur le baptême de Jésus. L'auteur écrit: Jésus n'avait pas besoin d'être purifié par l'eau du Jourdain, mais c'est Lui qui la purifie. 

Cela pour moi a évoqué l'eau qui sort du temple de Jérusalem après que la Gloire de YHWH soit revenue s'y installer (Ezéchiel) et qui revivifie tout sur son passage, mais aussi la guérison du lépreux, prototype de l'impur, que la main de Jésus purifie, sans que Lui soit contaminé. Quand Jésus touche,Il m'ôte ce qui m'arrime encore et toujours à ma convoitise, à mon idolâtrie. Lui seul est capable de le faire, moi je ne peux pas. Il est le purificateur, mais pas comme les prêtres du 1° testament. D'une certaine manière il me permet de "muer".

- Le deuxième composant est le début du livre d'Isaïe, qui dans le temple rempli de la présence de Dieu dit: "malheur à moi, car je suis un homme aux lèvres impures". 

Je crois que cette impureté là qui est liée à notre humanité (origine animale ou origine glaiseuse) peut brutalement se révéler quand on est saisi par la puissance de ce Dieu peut faire. Là on se ressent comme vraiment impur, pas à la hauteur, avec une sorte de désir de disparaître. Je veux dire que la distance qui apparaît entre nous et notre Dieu est telle que l'on se sent recouvert d'une croûte de choses pas belles, des écailles, des scories, des cendres. C'est peut-être là que la "crainte" du seigneur se déploie enfin .

- La troisième composante vient de la Genèse et plus particulièrement de l'alliance noachique. L'auteur, en donnant l'interdit de consommer le sang fait dire que "le sang c'est l'âme" et que l'âme appartient à Dieu et donc que l'humain ne peut en disposer pour lui.

Cela me pousse à penser que la consécration du pain et du vin est un même geste, scindé en deux. Un peu comme le symbolon grec. Il faut les deux, pour que la présence soit là, ce n'est pas l'un ou l'autre, mais l'un et l'autre. Si on reprend le symbole de l'agneau, le corps de l'agneau est nourriture, mais l'agneau sans son âme, sans son sang, n'est que chose inanimée. Le sang versé est un sang qui donne vie, qui donne la vie.

Cette âme (sang versé) c'est aussi l'Esprit. Si on admet que au moment de sa mort, Jésus en rendant son Esprit l'a de fait transmis à l'humanité, on est dans un autre registre.La mort sur la croix est comme une sorte de fécondation de l'espèce humaine qui est lavée de son impureté (mot que je préfère à péché). Il y a bien Salut, en ce sens que l'humain devient capable d'entrer en relation avec Dieu et d'aimer autrement. Il y a là comme une mise au monde d'un autre possible pour l'humain. 
Alors quelle mayonnaise? 
Je crois profondément en mon impureté ce qui pour moi est très différent de péché. je suis un être humain, j'ai une origine de terrien, et de ce fait il y a une distance infinie entre Dieu et moi.
 
A ce stade là, je pourrais imaginer que ce dieu là qui ne supporte pas mes caractéristiques d'incomplétude risque de me balayer de la surface de la terre, mais ceci n'est pas ce que je crois. 

Je crois que son désir à Lui est que la relation soit possible et que je puisse en étant purifiée (ce qui est toujours à renouveler) arriver à contempler sa gloire, même si ce n'est pas dans ce monde ci.

Jésus intervient comme celui qui par le contact de son Esprit répandu sur tous (et pour moi c'est peut-être cela la nouvelle renversante), me purifie si je Le reconnais comme Celui qui peut me toucher et me transformer au plus profond de moi-même.  

Je peux enfin dire en vérité: "Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir (que mon intérieur et mon extérieur soient touchés par le divin que tu es), mais dis une parole (fais sur moi un geste, un regard) et je serai guérie (mon impureté sera ôtée et je pourrais être dans ta joie.     
 
   

jeudi, janvier 10, 2008

deux petites réflexions brèves.


Il s'agit de deux réflexions liés aux évangiles de ces temps liturgiques.

- Dimanche dernier, jour de l'épiphanie, le célébrant a beaucoup insisté sur une approche de ce texte. Il s'est centré non sur l'étoile, mais sur la "perte" de l'étoile qui fait que les mages sont "perdus". Quand on perd quelque chose ou quelqu'un, on est perdu. Cela j'ai bien aimé. Mais en même temps, il y avait l'étoile et cette étoile qu'elle soit là ou perdue, moi elle voulait me dire quelque chose. Je sais que l'on a pu parler de conjonction de trois astres célestes pour expliquer ce phénomène. Mais au delà cela, pour moi s'est fait un rapprochement entre étoile et nuée. La nuée dans l'exode précède le peuple, elle le guide. Quand elle s'arrête (quand elle se pose ou se repose si l'on peut dire), tout le peuple fait halte. Quand elle se lève, on lève le camp. Je n'ai pas de représentations (d'images) pour la nuée, pour l'étoile c'est beaucoup plus facile. Alors nuée ou étoile, signe ou présence, signe et présence, comment aujourd'hui se laisser conduire? Le célébrant en introduction à la célébration, disait aussi que la foi s'érige sur la confiance, qu'elle met en mouvement et qu'elle crée de la parole. 

- "La victoire qui a vaincu le monde c'est notre foi" 1 Jn5,4.
En lisant ce texte que j'ai chanté en allant à Chartres, je me suis rendue compte que lorsque je pense monde, je pense globe terrestre, le monde géographique. Je suis tributaire de ces images où l'on voit la croix plantée sur un globe. Mais pour celui qui a écrit cette épître, il s'agit de bien autre chose. Les ténèbres ne l'ont pas saisie (la lumière), le monde ne l'a pas reconnue.
Ce monde, c'est bien tout ce qui s'oppose à la lumière, tout ce qui continue à vivre dans la convoitise (ceci n'est pas un jugement de valeur de ma part, mais une constatation). 
Pour vaincre cette pesanteur, seule la foi en Celui qui a paru tout perdre, peut donner une certaine victoire. Importance pour moi de ne pas se laisser piéger par des images trop habituelles.