dimanche, avril 27, 2008

"Lier, délier, relier" : à propos du pardon.

Quand j'ai commencé à travailler en groupe sur la Bible, j'ai beaucoup utilisé la triade: Lire (le texte tel quel,) le dé-lire (avec ou sans jeu de mots) c'est à dire se poser toutes les questions qui viennent , utiliser ma propre grille de compréhension, mettre à plat pourrait-on dire, et enfin le "Re lire", c'est à dire en quelque sorte me l'approprier, le faire mien, l'incorporer. Le texte est alors habité, ce qui ne veut pas dire que la lecture reste figée, mais il est vivant. 

Hier pendant l'eucharistie, je réfléchissais à la question du pardon. Cela n'avait rien à voir avec la thématique proposée qui tournait autour du mot "monde" employé dans l'évangile de Jean et qui avait conduit le célébrant à nous faire réfléchir sur ce que l'église reproche au monde et ce ce que le monde reproche à l'église.

Mais, et c'est peut-être cela qui a été le moteur, l'oraison précédant les lectures avait été modifiée par le célébrant: à la phrase "fais nous revenir à Toi" il avait ajouté "Fais nous revenir à nous, à ce qui est notre profondeur, ce qui nous constitue,  pour que ton souffle le fasse vivre". 

Or il y a beaucoup de personnes que je connais qui sont d'une certaine manière dépossédées de leur intérieur, qui l'ont perdu. parce que les relations qu'elles ont subi ont été dévastatrices. Comment est-il possible de pardonner comme c'est demandé dans la prière "modèle" de Jésus quand on a été dépossédé de sa propre identité, quand on a été utilisé comme un objet.

Alors une autre triade m'est revenue "lier, délier" relier". 

Lier
Le mal commis par un autre, le mal subi, cela "lie" au sens fort du terme. Quand Jésus guérit la femme courbée, il emploie ce terme de lier: cette femme qui était liée (possédée) depuis 18 ans, ne fallait il pas, même un jour de Sabbat enlever ce poids qui pesait sur elle, au point qu'elle ne pouvait plus regarder que le sol? Le mal, l'abus crée une relation de pouvoir entre deux personnes.

Il est important dans un premier temps de se rendre compte que ce lien est mauvais et que pour être vivant, il est nécessaire de prendre conscience que ce lien est pathogène, de se reconnaître victime, et de traverser les étapes décrites par Elisabeth Kübler Ross (déni, colère, dépression acceptation). 


Délier
Ensuite quand on veut rompre le lien (et là je ne parle pas de pardon, mais de libération personnelle),cela  il me semble indispensable de passer par une "dé-liaison". La problème c'est que dans la théorie freudienne les forces de déliaisons sont des pulsions de mort, qui s'opposent aux pulsions de vie qui créent des liens et que la déliaison n'a pas très bonne presse. Pourtant là, il il s'agit de rompre un lien pathogène. Rompre ce lien permet  à chacun de vivre sa vie. Jacques Salomé décrit la relation entre deux personnes comme une écharpe que chacun tient aux deux bouts. Il devient nécessaire de lâcher son propre bout quand la relation est pathogène. Mais c'est loin d'être facile. 

Je me représente (et cela est vrai pour moi et m'a beaucoup aidée) l'autre, celui qui m'a fait mal et du mal comme un ballon qui flotte dans l'air au dessus de moi et que je garde prisonnier en me cramponnant à la ficelle qui le relie à moi. Tenir cette ficelle est épuisant, mais cela me donne l'illusion de contrôler le ballon. Arrive un jour où je me rends compte que l'énergie que je consomme à tenir cette ficelle est un leurre. Je me fatigue pour rien, je me fais du mal pour rien. Alors je décide de lâcher la ficelle. Le ballon peut aller où il veut, ce n'est plus de ma responsabilité. Au sens fort cela s'appelle du lâcher prise, mais ce n'est pas le pardon. Je peux très bien imaginer que le ballon aille au diable, qu'il crève ou que sais-je encore. Mais cela ce n'est plus mon problème et je récupère pour moi l'énergie que j'utilisais pour contrôler les choses.

Par expérience je sais que cette expérience de coupure, il est nécessaire de la faire  et parfois de la refaire et de la refaire encore, parce que la mémoire est là, qu'il y a des dates anniversaires qui réactivent le passé, des événements du présent qui raniment d'une certaine manière ce passé. 

Ce lâcher prise, par certains côtés son pourra dire qu'il est égoïste: je ne me préoccupe pas de l'autre, je veux me débarrasser de lui. Au moins il permet de se sentir allégé d'un poids et d'entrer dans un processus de guérison (de vie). 

Relier

Le pardon est pour moi la possibilité de me "relier" à nouveau à cette personne, mais d'une manière nouvelle. Cela ne veut pas dire que j'en sois capable, mais c'est quelque chose d'envisageable.

Un ami expliquait que "aimer" ce n'est pas faire du sentimentalisme: le bon samaritain n'aime pas au sens affectif  le blessé. Mais il le respecte en tant qu'individu et il "prend soin" de lui.  Le "prendre soin" s'entend au sens propre, mais aussi au sens figuré. Cette manière d'aimer qui est une relation entre deux être, peut me semble-t-il se re créer,, et c'est cela que je comprends par pardon. 

Un jour il me devient possible de souhaiter du bon (de bénir) cette personne qui m'a fait du mal et que j'ai haï du plus profond de mon être.

La première fois que j'ai eu cette représentation de la relation sous la forme du ballon, je me suis dit qu'en s'accrochant au filin, j'empêchais l'autre personne (décédée) de faire son chemin à elle, que d'une certaine manière je mettais une entrave à son devenir, et qu'il était important, quel que soit son devenir que je n'entrave en rien son présent et son futur. Que je ne sois pas un poids pour elle. Qu'elle soit libre de moi comme je suis libre d'elle. 

Curieusement, même si dans l'évangile il est dit de pardonner 77 fois 7 fois à son frère qui vient demander pardon, je ne suis pas certaine que d'un point de vue psychologique ce soit une bonne chose; c'est trop facile de dire "je te demande, n pardon, donc tu dois me le donner et si tu ne fais pas, tu n'es pas un bon". Le pardon est là aussi pour promouvoir un changement de la relation, pas de pérenniser une relation qui n'est pas bonne. Si je demande pardon c'est bien que je me rends compte que j'ai blessé l'autre et que que je désire que ça change. 

Quand Jésus guérit, il délie, quand cette guérison entraîne un changement  alors il "relie", il crée du nouveau. Il recrée une relation entre l'homme et Dieu, il restaure le divin qui est en l'humain.Quand il dit au paralytique tes péchés te sont pardonnés, c'est qu'il lui propose déjà une restauration, mais cette proposition, dont on ne sait pas si elle heurte l'infirme, n'est pas entendue par l'auditoire et c'est une autre thématique qui va se développer. 

Quand Jésus nous suggère de demander que Dieu " nous pardonne  nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui  nous ont offensé", ne parle-t-Il pas  de la "relation" entre l'humain et Dieu. Il ne s'agit pas tant d'être pardonné parce que nous pardonnons, ce qui fait un peu loi du talion, mais de maintenir la relation entre Dieu et nous. Si je me suis détournée de Dieu, que Lui ne se détourne pas de moi, que la confiance se maintienne (et Dieu sait que la confiance, la foi, ce n'est pas chose facile). 


L'histoire d'Israël montre bien (ou essaye de démontrer) qu'il existe une fidélité de Dieu, même si l'humain se détourne de Lui. Il y a un prix à payer (l'exil, l'occupation), mais la relation perdure, se modifie et s'incarne. La miséricorde de Dieu ce n'est pas tant la non sanction de la faute que la permanence de la relation (même si parfois nous avons du mal à le percevoir, parce que nous ne parlons pas très bien la langue de dieu).

Je veux dire que je crois qu'il est possible (mais pas toujours) de me relier à cet autre qui m'a fait du mal d'une manière complètement différente, complètement nouvelle. Il s'agit non pas de dire j'oublie ce que tu m'as fait, parce que cela c'est impossible, mais de désirer qu'une autre relation se construise, et ce même si la personne est décédée.

Il pourra alors m'être possible de désirer du bien pour cette personne (et pas qu'elle croupisse en enfer pour le restant de son éternité). 

Quand Jésus dit sur la croix, "pardonne leur ils ne savent pas ce qu'ils font", certes Lui ne pardonne pas, mais Il remet le pardon à son Père. Mais en même temps Il demande que la relation ne soit pas brisée parce que du mal a été accompli.

Il me semble qu'en rétablissant par sa mort sur la croix la relation entre l'humain et le divin (le chemin et la vie), le salut est là parce que d'une certaine manière Jésus se fait aussi pardon en inaugurant une relation nouvelle, qui va permettre le don de l'esprit à tout homme.   








David: "Plus menteur que moi tu meurs".


Quand on lit attentivement le premier livre de Samuel, qui d'une certaine manière décrit l'avènement de la royauté en Israël après la fin des juges (Samuel étant le dernier) et surtout les querelles tribales, on est finalement étonné par l'image donnée de David par le rédacteur (ou les rédacteurs) de ces livres.

Dans notre imaginaire, David est ce gentil berger qui a tué le méchant Philistin et qui par la suite a été pendant des années en butte à la jalousie maladive de Saül qui voit en lui (à juste titre) celui qui lui succédera et qui détruira sa lignée:  Juda prendra le pas sur Benjamin...

On a donc des images de ce pauvre David contraint de fuir et de sauver sa vie. Mais on gomme complètement les "ruses" de David pour rester en vie et il raconte parfois n'importe quoi pour obtenir ce qu'il veut. 

Jésus cite l'épisode des pains de propiation. A ce moment là, David est seul et il raconte au malheureux prêtre (qui payera de sa vie l'aide apportée) que ses hommes qui le suivent sont purs et ont besoin d'aliments et que lui-même bon serviteur de Saül a besoin de l'épée de Goliath. Or des hommes il n'y a pas, David est seul et il monte une histoire fausse. Il a besoin de vivres et d'armes  pour survivre alors qu'il est traqué. 

Par la suite, quand il est chez les philistins il racontera qu'il attaque les tribus d 'Israël (ce qui fait croire à l'hôte que David est de son côté et qu'il pourra compter sur lui ultérieurement); en fait il tue des hommes et des femmes habitants les pays voisins qui ne lui ont rien fait. Les mettre à mort évite que ceux ci ne puissent se plaindre du comportement de David. On ne peut pas dire que d'un point de vue humain ce soit très joli. Il s'enrichit en massacrant des innocents. Finalement le truc qu'il trouvera pour faire périr Uie le hittite est cohérent avec le personnage: pas vu, pas pris (sauf que là Dieu verra) et agira en conséquence


Quand à l'épisode qui le conduira à épouser une femme avisée nommée Abigaïl, il faut bien admettre que David qui vient réclamer un salaire pour une protection qui ne lui a pas été demandée est un ancêtre des mafieux. 

Certes David, et ce sera sa gloire, ne portera pas la main sur  Saül, ni directement à la descendance de ce dernier.

Cela donne aussi l'image d'un Dieu qui accepte la faiblesse humaine (et ne la pénalise pas) quand il a lui même un projet précis: faire de David  l'ancêtre de celui qui sera le Sauveur d'Israël

Mais au travers de ces textes l'auteur ou les auteurs montrent que même choisi par YHWH l'être humain est bien pécheur. Ce qui fait peut-être la gloire de David c'est de le reconnaître.


vendredi, avril 25, 2008

"Born Again".

un
J'ai vu il y a quelques jours une vidéo cassette consacrée à st Paul. Une espèce d'enquête auprès de spécialistes pour savoir ce qu'ils pensent ou savent de cet homme. Je ne peux pas dire que j'ai apprécié cet exercice de style, mais une des séquences m'a permis de réfléchir que la notion d'identité de ceux qui se disent avoir donner leur vie à Jésus. 

Je ne sais si le hasard a bien fait les choses, mais l'auteur prend un taxi à New-York pour aller aller à l'église Saint Paul; le chauffeur lui demande de quelle église il s'agit pour la localiser. La conversation s'engage, et  le chauffeur dit bien connaître bien Paul et surtout s'affirme comme un "born again" et raconte la manière dont s'est faite cette nouvelle naissance pour lui.  

Ce terme très employé dans les pays anglo-saxons, a évoqué pour moi une phrase des actes des apôtres: c'est à Antioche qu'on leur donna la nom de chrétien (ac11,26). Je suppose que ce "nom" de chrétien veut dire disciples de ce Chrestos et qu'il donne une spécificité à ces gens qui ne sont ni des prosélytes, ni des craignants Dieu, ni des juifs pratiquants. Une identité leur est alors donnée avec d'ailleurs tous les risques que cela comportera par la suite.   

Donner un nom, c'est donner une identité, c'est appartenir à un groupe, à une famille. c'est avoir un mode de pensée spécifique. Les chrétiens se différencient des juifs, car pour eux le salut est déjà là: la preuve en étant la mort et la résurrection de Jésus.  S'affirmer chrétien ou born again c'est laisser un certain passé pour s'engager dans une vie différente avec des frères et des soeurs qui ont fait la même expérience. 

En relisant les actes des apôtres j'ai remarqué que le baptême au nom de Jésus est là pour absoudre des péchés, pour délier de ce qui est mauvais en soi, ce qui crée l'homme nouveau; et que l'Esprit Saint est en général donné ensuite par imposition des mains. Pour les "born again" il me semble que le temps premier est d'abord une expérience qui change la vie, qui provoque une conversion. Le baptême par immersion étant le signe de l'appartenance à une nouvelle famille; ceux qui sont donné leur vie à Jésus .

Etre "chrétien" dans notre monde européen, nécessite bien souvent une épithète: catholique, orthodoxe, reformé, évangélique. Il m'a semblé que ce chauffeur de taxi, cet homme "re né" avait plaisir à affirmer sa nouvelle identité.  Est ce que le mot de chrétien nous remplit de la même joie, aujourd'hui? Est-il facile de dire je suis chrétien et j'en suis heureux? 

Mais il est certain que dans un monde en recherche de stabilité parce que tout va trop vite, avoir une identité est un élément très stabilisateur.

Jeudi pendant la lecture des actes, j'ai entendu dans Ac 15,7-23 (discours de Jacques) que "dès le début, Dieu a voulu prendre chez les païens un peuple qui serait marqué de son nom".  Et cette petite phrase:" être marqué du nom de Dieu" m'a semblé extraordinaire.

Ce n'est pas seulement appartenir à un  groupe de personnes qui se disent sauvées par la mort et la résurrection, c'est  porter le nom de celui dont le nom ne se prononce pas, c'est être reconnu par Lui comme Lui.-même. Cela renvoie presque à certaines phrases de Jean sur être un dans le Père. Porter le nom de quelqu'un ce n'est pas rien. Cela peut s'entendre de manière négative: on marque les bêtes d'un troupeau au nom de leur propriétaire, elles lui appartiennent. Cela peut aussi s'entendre de manière positive, comme dans un mariage. C'est porter le nom de celui  qui est le Vivant.   

 Je veux dire que dans notre culture actuelle, la femme prend le nom de son mari, qu'elle le porte et que porter le nom de quelqu'un c'est être non pas lui, parce que cela n'est pas pensable ni possible, mais normalement partager ses valeurs et sa vie. 

Porter le nom de Dieu (même si ce nom est Christ), c'est pour moi ne plus être seulement sauvé (c'est à dire vivant) mais être participant au salut, à la vie et cette dimension de donneur de vie me ravit profondément.

Je n'ose pas dire que la question d'être sauvé après ma vie sur cette terre m'indiffère, mais si dès aujourd'hui je peux être créateur de vie comme celui qui a mis son nom sur moi et en moi, alors oui, la vie vaut la peine d'être vécue. 

Il est plus important pour moi aujourd'hui de connaître que je suis marquée par ce nom que de savoir que mon nom est inscrit dans le coeur de Dieu. Certes cela c'est une bonne nouvelle, mais pour exister, j'ai besoin d'actif et non de passif. Etre sauvé, oui mais si grâce à ce salut je peux devenir comme Dieu, mais à manière à moi,  humblement, minusculement un petit souffle de vie, alors quoiqu'il arrive après la mort,  cela aura valu la peine de vivre cette vie là.

Ma première goutte d'eau d'une source qui sourd de la terre, n'est ce pas une merveille? Etre de Dieu c'est permettre que cette goutte affleure et que peut-être un oiseau puisse y boire. 

lundi, avril 21, 2008

Une réflexion sur l'abus. Les anges de Lot (Gn19) et la concubine du lévite(Jg19)

Une réflexion sur "l'abus". 

La notion d'abus est finalement une notion assez récente dans notre vocabulaire. On parle d'abus sexuel, mais aussi d'abus psychologique.Il existe maintenant toute une littérature autour de ce terme. 

Une de caractéristiques ce cet acte, c'est qu'il vise à la destruction de l'humanité de l'abuseur (mais qui n'en n'est pas conscient)  que de celui qui est abusé. En tant que tel ce terme n'existe pas dans la Bible, mais à relire la fin du livre des Juges et en particulier ce qui arrive à la concubine du lévite, je me suis demandée si employer le terme d'abus ne permettrait pas de réactualiser ce texte. 

La sexualité c'est une chose, les déviations sexuelles aussi, mais l'abus c'est la mort psychique et parfois physiqye de cet autre qui pourtant est mon semblable. Cela pourrait permettre de comprendre les réactions violentes du Dieu créateur, quand il constate à quel point la créature qu'il a mise dans ce monde est mauvaise et méchante. Faut-il la laisser vivre? Le déluge est une réponse mythique à cette question... 

La première fois que j'ai lu ce que la Bible de Jérusalem appelle "appendices" (épisodes qui suivent la mort de Samson le dernier Juge de ce livre)j'ai été très choquée par l'histoire de la concubine du lévite et surtout par son démembrement en 12 morceaux qui sont envoyés aux 12 tribus d'Israël. 

Quant à la tribu de Benjamin et les rapts des jeunes vierges qui participent à un service sacré, cela m'avait fait frémir. Pas belle du tout l'histoire de cette tribu! Mais il est intéressant que de telles histoires n'aient pas disparu, car même si elles ne donnent pas une haute image du peuple choisi elle racontent que l'histoire d'une nation c'est aussi cela. 

Cette tribu qui donnera pourtant son premier roi à Israël, est tout sauf honorable. Ce n'est peut-être pas étonnant que ce premier roi n'ait finalement pas fait l'affaire et ait été remplacé par David de la tribu de Juda, tribu qui justement s'est affrontée avec elle de Benjamin.

Le terme même de "concubine" m'a toujours dérangée, pourquoi ne parle-t-on pas de femme? Qui est cette personne qui d'ailleurs décide de fausser compagnie à son "propriétaire" pour retourner dans la maison de son père à Beethéem? Comment l'a-t-il traitée pour qu'elle prenne la fuite un peu comme l'esclave de Sara? Pourquoi son père la rend-il? Je dois dire que cette pauvre femme fait un peu figure de "patate chaude" qu'il faut se refiler et ne pas garder!

Qui est-il ce lévite qui vit vers le fond de la montagne d'Ephraïm et qui se décrit comme un homme fréquentant la maison de Yahvé Jg19,18, qui possède des biens et qui pour échapper à la mort livre sa concubine aux vauriens qui veulent "le connaître et abuser de lui"? Cette négation de la place de la femme fait frémir. Ceci a d'ailleurs été souligné par Corinne Lanoir(1) dans un livre consacré aux femmes et aux filles dans le livre des juges. Elle constate qu' entre la position de Débora femme "juge" et celle de la fille de Jephté ou de la concubine, sans parler du rapt des vierges, il y a une dévalorisation extrême. Elle explique cela parle fait que c'est durant cette période la fille même mariée ne reste plus la fille demeurant dans la maison de son père, mais qu'elle devra vivre définitivement chez son mari.

Que le lévite pour échapper à la mort livre sa femme m'avait paru révoltant. Qu'il la coupe en morceaux après sa mort (consécutive au viol collectif) de manière à provoquer une vengeance (extermination de toute une tribu) m'avait juste poussée à me dire que cette finale du livre des juges était pour le moins incompréhensible. Ce qui m'avait paru certain c'est qu' Israël en tant qu'entité ethniquene peut se permettre d'éliminer un de ses membres, même s'il est criminel.(2)

En retravaillant pour un groupe la fin du livre des juges, j'ai été étonnée en relisant cet épisode de voir combien cette histoire est proche de celle qui est rapportée dans la Genèse au moment de la destruction de Sodome et Gomorrhe.

On trouve dans les deux histoires deux groupes de "passants" (faut il dire de nomades), dans un cas les anges dans l'autre le lévite, sa concubine et son serviteur. Ces deux groupes ont goûté une hospitalité telle qu'elle doit être pratiquée: eau pour se laver les pieds, bonne alimentation, repos, voire même festin dans le cas du lévite) . L'un comme l'autre ont une mission à accomplir. 

Ils quittent leurs hôtes et se retrouvent à la nuit dans une ville peu accueillante, ce qui est déjà un mauvais point pour la ville en question.

Ils rencontrent alors un étranger (Lot à Sodome, le vieillard à Gibéa de Benjamin, ville de Saül) qui insiste pour que les passants, ne restent pas la nuit dehors sur la place (on pourrait dire à la rue). Certes ils sont dans les murs de la ville, mais ils ne sont pas en sécurité: n'importe qui pourrait les dévaliser: les étrangers n'étant pas les bienvenus.

Dans les deux histoires, durant la nuit, les habitants de la ville viennent pour demander que les hommes qui ont été accueillis leur soient livrés pour subir des violences sexuelles. 

"Où sont les hommes qui sont venus chez toi cette nuit? Amène-les -nous dehors pour que nous en abusions"Gn19,5 et "J'ai deux filles qui sont vierges, je vais vous les amener: faites-leur ce qui vous semble bon, mais pour ces hommes ne leur faites rien puisqu'ils sont entrés sous l'ombre de mon toit"

"Fais sortir l'homme qui est venu chez toi, que nous le connaissions" Jg19,22, et "Voici ma fille qui est vierge, abusez d'elle, faites ce que bon vous semble, mais ne commettez pas à l'égard de cet homme une pareille infamie"

Les hôtes ont proposé de donner leurs propres filles  pour respecter les lois de l'hospitalité ce qui est refusé par ces voyous qui veulent autre chose. 

Les visiteurs de Lot, compte tenu de leur pouvoir ne permettent pas aux violeurs d'entrer dans la maison et de faire du mal à Lot et à sa famille. Le vieillard lui n'a pas ces pouvoirs et un homme (lui ou le lévite) met la femme "dehors" pour y subir des violences sexuelles, jusqu'à ce que mort s'en suive.

Les anges mettront la contrée à feu et à sang en la détruisant. Le lévite fera la même chose en déclenchant une guerre d'extermination contre la tribu de Benjamin. Cette guerre répondant d'une certaine manière à la destruction par le feu. 

Dans les deux histoires il y a une perversion sexuelle, qui va bien au delà de l'homosexualité. Rester au niveau de l'homosexualité  serait  très réducteur. L'attirance sexuelle consentie est une chose. Le viol ou l'utilisation d'un autre pour son plaisir est d'un tout autre registre. 

Or c'est bien ce qui se joue dans ces deux histoires. L'abus c'est chosifier l'autre, c'est en faire son objet sans jamais se demander ce qu'il peut ressentir et vivre. C'est le nier en tant qu'être humain et le réduire à être un objet de plaisir et tant pis si comme la concubine du lévite il doit en perdre la vie. un autre fera ensuite l'affaire.

Et là, on peut comprendre que Yahvé dans son ciel soit sensible aux cris des victimes et qu'il puisse opter pour la destruction d'une humanité aussi corrompue. Il semble d'ailleurs que ce soit cette perversion, cette violence faite à l'autre, si contraire à l'amour qui avait provoqué le déluge. Gn 6,11-12:"La terre se pervertit au regard de Dieu et elle se remplit de violence. Dieu vit la terre, elle était pervertie, car toute chair avait une conduite perverse sur la terre". Un peu plus loin:"car la terre est pleine de violence à cause des hommes et je vais les faire disparaître de la terre". 

Les similitudes entre ces deux histoires, même si elles se placent à des époques différentes (époque un peu mythique pour la Genèse, époque de la conquête de Canaan juste avant la mise en place de la royauté -il n'y avait pas de roi en Israël et chacun faisait ce que bon lui semble Jg21,25) sont troublantes et elles poussent à une réflexion sur le péché. Utiliser l'autre comme un objet (de jouissance)  ne peut rester impuni.  

Faire ce que bon vous semble (dernière phrase du livre des juges) conduit à la destruction. Le rôle du roi (rôle théologique) sera de donner des règles et de les faire appliquer de manière à ce que le peuple choisi, élu devienne un peuple saint, mais cela sera une autre histoire.

Les réponses du premier testament se disent en terme de destruction et d'élimination. Les réponses du second testament sont autres, puisqu'il n'y a pas de réponse à la violence par la violence. Ne peut-on pas dire que des hommes ont fait violence à celui qui était l'envoyé -Ange de Yahvé= Yahvé-), mais que l'acceptation par amour de la mort a permis à la vie d'advenir.

(1) Corinne Lanoir: femmes fatales, filles rebelles: figures féminines dans le livre des juges. Labor et Fidès, 2005

(2) Bien souvent les abus dans les familles sont des secrets dont il ne faut pas parler pour ne pas faire exploser la cellule familiale. Les règles qui régissent en principe la société ,ne fonctionnent pas de la même manière dans une famille qui a ses propres règles.

   





samedi, avril 12, 2008

Un parallélisme: la Samaritaine et le Discours sur le Pain de Vie



Dans le discours dans la synagogue de Capharnaüm (Jn 6,22 et suivants) il est souvent question de "donner" et de "vie éternelle".

Dans le début du texte, Jésus reproche implicitement à ceux qui se sont mis à sa recherche de le faire pour "recevoir" du pain, et de ne voir en lui qu'un faiseur de miracles qui devrait leur permettre de passer leur vie sans travailler. 

Ce qu'il donne ou donnera est donc  différent. Ce pain permettra de vivre de la vie de Dieu, on pourrait dire de la Vie du Père de Jésus, mais il est bien évident que les juifs qui l'écoutent ne peuvent pas comprendre ces paroles  (à moins d'avoir l'Esprit saint en eux, mais celui-ci n'a pas encore été donné)  

Il y a beaucoup de reproches dans ce discours. Et ce qui se développe au cours de ce discours m'a toujours semblé prendre les juifs pratiquants complètement à rebrousse-poil. Parler de consommer son sang, alors que l'interdit concernant le sang est un des premiers donné dans la bible (loi noachique) montre que Jésus propose autre chose, mais comment le comprendre si on n'a pas en lui une confiance totale et si on ne voit pas en ce faiseur de miracles le Messie?  

La phrase: "donne nous toujours de ce pain là" a fait écho avec la phrase de la Samaritaine: "Seigneur donne moi de cette eau afin que je n'ai plus soif et ne vienne plus ici pour puiser". 

Il m'a semblé que la phrase de Jn 6, 34 est incomplète. Implicitement il y aurait: "donne nous de ce pain pour que nous n'ayons plus faim (rassasié) et que nous n'ayons plus besoin de travailler (ce qui serait presque retrouver le temps de l'Eden)". 

Mais dans la Samaritaine, le discours explicatif de Jésus est relativement facile( Jn 4,14-15: ("Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau; mais qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif; l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissante en vie éternelle". L'eau ici est un don, mais l'eau n'est pas LUI. 

Dans le discours dans la synagogue, la demande est précédée par Jn6,33 "Car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde". Quant au discours explicatif, je ne reviendrai pas dessus, car je dois reconnaître qu'il est bien difficile à saisir.  

Ce qui est étonnant c'est que les phrases prononcées par Jésus avec la samaritaine provoquent la foi d'une personne qui se communique ensuite à tout un village, voire toute une partie de contrée, alors que dans la Galilée, le pays de Jésus, on assiste au phénomène inverse. Il y a la foule qui l'a suivi et qui a mangé, ceux qui lui courent après (moins nombreux), ceux de la synagogue (encore moins) et des départs successifs qui font que seuls les disciples resteront présents (Jn6,67: Jésus dit aux douze, voulez vous partir vous aussi?"

Spontanément je dirais: on ne prend pas les mouches avec du vinaigre. Mais peut-être que ces manières de faire, différentes en fonction des auditoires, peuvent  nous permettre de réfléchir sur l'annonce de Celui qui nous permet d'entrer dès aujourd'hui dans la Vie. 


mercredi, avril 02, 2008

"Une expérience de Résurrection": Actes 5,17

La lecture continue en ce moment des Actes lors des messes de semaines permet de découvrir parfois d'autres choses. 

En écoutant la lecture du mardi de la 2ème semaine après Pâques, il m'a semblé que ce que les apôtres ont vécu(sortie de la prison au petit matin, sans que personne ne s'en rende compte et sans que les portes ne soient ouvertes) est très parallèle à ce qui est raconté de la résurrection dans les évangiles (Matthieu).

"Ils les firent arrêter et jeter publiquement en prison"."Ils le firent arrêter, de nuit, et condamner publiquement à mort".

"Mais, pendant la nuit, l'ange du Seigneur ouvrit les portes de la cellule"." 
La pierre du tombeau a été roulée, et Lui nous ne l'avons pas trouvé.

" et les fit sortir en disant :« Partez d'ici, tenez-vous dans le Temple". "Détruisez ce temple et moi je le rebâtirai en 3 jours".Le Temple est lieu pour les juifs de la présence de Dieu.

" Et là, annoncez au peuple toutes les paroles de vie."

En d'autres termes, comme Jésus, ils sont arrêtés, mis d'une certaine manière à l'ombre, et l'Ange du Seigneur leur permet d'être vivants et de transmettre la vie.

La phrase:« Nous avons trouvé la prison parfaitement verrouillée, et les gardiens en faction devant les portes ; mais, quand nous avons ouvert, nous n'avons trouvé personne à l'intérieur. » est bien proche de ce qui a été rapportés aux grands-prêtres lors de la résurrection: des gardes qui ont veillé toute la nuit,un tombeau (prison) vide... 

En principe dans le premier testament quand un épisode est doublé, c'est qu'il peut avoir une signification importante. 

Si les grands-prêtres l'avaient voulu, ils auraient pu devant ce fait (des hommes qui sont libres et vivants) ouvrir leurs yeux et leur coeur et reconnaître l'oeuvre de Dieu, mais le désiraient -ils?