mardi, février 26, 2008

"Du monologue au dialogue" Jn 4, 1-40 (la samaritaine).


J'ai lu récemment le livre de Khaled Hosseini: "mille soleils splendides", qui m'a ouvert des horizons sur la condition de la femme dans les pays de religion musulmane. Mais en repensant à certains textes du premier testament en particulier à ceux qui se passent auprès d'un puits, je me suis dit que au-dela de la signification symbolique de la rencontre auprès de l'eau, il y a aussi la place et le rang de la femme. Aller puiser de l'eau, attendre que les hommes aient fini de faire boire les bêtes (voir les livres de la genèse et de l'exode), passer en dernier et porter de lourdes charges, ce n'est pas si enviable que cela. 

Nous avons toujours considéré la "samaritaine" comme une femme de mauvaise vie: "tu as eu 5 maris et celui avec lequel tu vis n'est pas ton mari", mais que savons de l'histoire de cette femme peut-être mariée puis répudiée et qui a du par la suite pour survivre accepter d'être la seconde ou la troisième dans différents foyers. 

Nous lisons sans sourciller les histoires de Jacob, de Moïse, de David ou de Salomon, mais ils ne sont pas monogames et loin de là et si une esclave ou une servante sert de mère porteuse quand la femme ne peut avoir d'enfant, cela oblige quand même à réfléchir sur la place de la femme dans cette société.
 
Alors m'est venue l'idée de faire parler cette femme, avec des mots d'aujourd'hui: voilà son monologue monologue qui va se transformer en dialogue....



Le soleil tape, il est midi, et si je veux apporter de l'eau pour la maison, c'est maintenant que je dois sortir, car les femmes de Sychar me détestent, elles disent que je suis une prostituée et si elles le pouvaient elles me lapideraient. Alors pas question d'y aller quand le soleil est moins chaud et l'eau il faut bien que je rapporte. Que c'est dur de sortir à cette heure là, que le chemin est long. Que ces pierres qui roulent sous mes pas sont pénibles. 
 
Tiens on dirait qu'il y a quelqu'un d'assis à côté du puits. Je me demande bien qui ça pourrait être. Maintenant que je suis un peu plus près, je vois que c'est un juif, cela se reconnaît à son manteau. 


Peut-être qu'il se repose, mais qu'est il venu faire chez nous? Je n'aime pas rencontrer les juifs, ils nous considèrent toujours comme de la m.... Pourvu qu'il ne me demande rien et qu'il me laisse puiser mon eau et rentrer chez moi. Je ne le regarderai pas et peut-être qu'il me laissera puiser et repartir. 

Pas de chance, il m'adresse la parole et il me demande de l'eau. Pour qui se prend il celui là? D'abord il n'a pas à me parler, lui le juif. Je vais le remettre à sa place. 

Etonnant cet homme, voilà qu'il ne se fâche pas, mais qu'il me dit qu'il serait capable de donner de l'eau vive. C'est vrai qu'en cette saison même si le puits est profond, l'eau ne sent pas très bon, elle est un peu "morte" et un peu trouble. Qu'est ce que je vais bien pouvoir lui dire, moi qui ne voulais pas lui parler. Je vais lui demander qu'il me la donne cette eau, lui qui fait le malin et qui n'a rien pour puiser. 

Alors là il a eu une phrase bizarre que je n'ai pas bien comprise, il a dit: "l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissante en vie éternelle".

Mais je commence à croire qu'il n'est pas ce qu'il semble être. Qui est-il cet homme là? Il me parle, il me regarde, il a l'air un peu fragile et pourtant il est sur de lui. Il est même pas mal du tout...

Sûr que même si je ne comprends pas ce qu'il me raconte, cette eau là, je la veux. Alors même si je ne sais pas comment il va s'y prendre, je vais oser la demander; d'ailleurs je n'ai rien à perdre, plus rien à perdre. 

Et là, il m'a dit d'aller chercher mon mari. Qu'est ce qu'il me demande là, comment va-t-il réagir s'il apprend que j'ai parlé avec un étranger? Là j'ai trop peur, alors je vais lui dire que je n'ai pas de mari. Et là, c'est lui qui m'a fait presque peur, il m'a dit qu'il savait que j'étais avec un homme qui n'était pas mon mari et que j'avais été la femme de 5 autres hommes. 

Qu'est ce que je peux répondre à ça? Ce qui est certain c'est qu'il doit être un prophète, quelqu'un de différent, et je me sens bien avec lui, il ne me fait plus peur. Je vais lui poser une question qui est importante pour moi, même si je n'ai pas droit à la parole. Je vais lui demander qui entre les juifs et les samaritains sont dans le vrai. Je vais lui demander où il faut se rendre pour prier l'Eternel, béni soit-il.
 
Là, il m'a fait comprendre que ce que moi je crois au fond de moi, à savoir que l'Eternel, lui qui s'est révélé sur le Sinaï, on ne peut l'enfermer dans un temple, que ce soit celui de Jérusalem ou sur le Mont Garizim.

Il a dit: les vrais adorateurs c'est en esprit et en vérité qu'ils adoreront. Et là je me suis sentie renaître, car il disait tout haut ce que je sais depuis toujours. 

Alors j'ai osé lui poser une autre question, parce que je commençais à me demander si cet homme là n'était pas le Messie, l'Envoyé de l'Eternel qui serait pour tous les hommes lumière éclairante. 

Au moment où il a répondu par l'affirmative, au lieu de me prosterner devant lui, j'ai laissé ma cruche en plan et je suis allée prévenir mon village. J'avais un peu peur de me faire battre si je rentrais sans ma cruche, mais il fallait que j'annonce la présence de cet homme qui me connaissait presque mieux que moi je me connais. 

J'ai ameuté tout le village et je leur ai dit que cet homme qui est là auprès du puits, il m'a dit tout ce que j'avais fait et tout le village s'est déplacé vers le puits. Il y avait ses disciples. Heureusement qu'ils n'étaient pas là quand moi je suis arrivée, car je suis sûre qu'il ne m'aurait pas parlé comme il l'a fait.

Et le miracle pour moi, c'est que pour une fois, tout le monde m'a crue et que la vie s'est remise à circuler en moi, je ne suis plus une eau dormante, je suis une eau vive. 



 
 
 

samedi, février 16, 2008

" De la miséricorde à la compassion".

J'écoute en cette période de carême l'office des vêpres chantées par les dominicains de Lille. Et je suis frappée par le nombre de fois où l'on associe péché et miséricorde.

Nous avons péché, aie pitié de nous, fais nous miséricorde (laisse ton coeur s'émouvoir, ne nous condamne pas). Et cela induit une posture de l'être humain que me dérange, qui renvoie pour moi à la peur et non à la certitude de l'amour.

Il y a quelques jours un prêtre qui commentait la parabole du maître qui remet la dette de deux millions de pièces d'argent (Matt 18,23-35) dette qu'une vie entière en prison ne pouvait rembourser, disait que le maître avait eu pitié de son serviteur et qu'il n'avait pas voulu que lui et sa famille soient enfermés. Mais après l'incident où ce même serviteur est incapable de faire un geste envers son débiteur, il est alors jeté en prison, jusqu'à ce qu'il ait tout remboursé. J'ai beaucoup aimé cette manière de parler de ce qu'on appelle la rémission. 

Par ailleurs je suis actuellement en rémission de "mon" cancer, mais je ne me considère pas comme guérie et même si je peux dire qu'il est derrière moi, je ne me considère pas comme "guérie".

La dette est remise, mais il y a un mais, encore faut-il que cela entraîne un changement en nous et nous permette de ne pas attendre de remboursement de la part de ceux que nous estimons être nos débiteurs. Je peux imaginer que ce maître là a été saisi aux tripes par l'immensité de la dette de son serviteur, (miséricorde) mais la sanction reste toujours possible.


Théoriquement la rémission des péchés, c'est la levée de la dette, de la sanction qui pesait sur nous et nous savons bien que parfois la main de Dieu peut sembler lourde (le déluge, la destruction de Sodome et Gomhore, la destruction du temple de Jérusalem, l'exil du peuple). 

Quand on parle de rémission des péchés, au sens strict on parle bien de pardon, mais avec la théorie de la substitution ce serait Jésus qui aurait payé à notre place, lui qui n'avait pas commis de péché. Si on parle de jugement c'est bien que du moins dans notre conscience, les choses ne sont pas si simples.

Si remettre les péchés, c'est d'une certaine manière ne pas les oublier, alors effectivement le Dieu qui est présenté ainsi est un Dieu qui fait peur et qu'il faut implorer encore et encore. Cette conception entretient la peur, et la peur n'est pas la "crainte de Dieu" qui pour moi est sous-tendue par l'amour, par la reconnaissance de la distance qui existe entre l'humain et son Dieu.

Nous les hommes, nous ne sommes pas capables de pardonner au sens de oublier, car nous avons une mémoire qui ne nous le permet pas. Nous pouvons parfois vivre à nouveau en bonne intelligence avec quelqu'un qui nous a fait du mal et même désirer de bonnes choses pour lui. Cependant dans notre conception, seul Dieu a la capacité de pardonner: c'est la dernière demande de Jésus: "Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" est une des demandes de la prière transmise aux disciples. 

Quand nous croyons que Dieu pardonne, que croyons nous? Est ce l'oubli de la faute? Est ce l'abolition, la suppression de la sanction? Est-ce échapper à l'enfer? Ce Dieu là est un Dieu qui fait miséricorde à un être humain qui court à sa perte. Mais si Dieu, contrairement à la plus part des humains ne retire pas son amour et ne se retire pas non plus dans un lieu où nous ne pourrions plus l'atteindre, alors là oui, je rencontre un Dieu de compassion, un Dieu rempli d'amour. 

La justice de Dieu n'est pas la justice des hommes et quand on lit le premier testament on voit bien comment les choses évoluent. Le passage d'un Dieu de tendresse et de pitié, mais qui retient les fautes des pères sur les fils jusqu'à la quatrième génération, à celle d'un Dieu que désire que le pécheur se convertisse et vive, est progressif, très progressif. Et c'est bien le deuxième testament qui montre que Jésus ne fait pas miséricorde dans le sens précédent, mais qu'il est rempli de compassion pour cette foule qui erre comme un troupeau sans berger.

J'aime à me représenter non pas un dieu de miséricorde, mais un dieu de compassion, un dieu qui désire aider l'être limité et imparfait que je suis à sortir de mes comportements instinctifs qui me conduisent à une sorte de déshumanisation.

Si le chrétien est celui qui peut dire comme Paul "ce n'est plus moi qui vit, c'est le Christ qui vit en moi" si d'une certaine manière chacune de ses cellules, de ses molécules est comme transfigurée par cette espèce de fusion qui se fait un jour sans que rien ne l'ait laissée prévoir, alors la relation avec Dieu Père n'est plus une relation sous tendue par la peur, mais par l'amour. Et quand on a fait l'expérience de cette présence de chaque instant, la relation bascule totalement et le Dieu de miséricorde devient Dieu de la Vie. 

Dans "Prions en Eglise", j'ai trouvé une phrase de Maurice Zundel sur la "souffrance" de Dieu. Or avant de retranscrire cette phrase, je dois dire que lorsque j'entends quelqu'un dire que mon péché fait "bobo" à Dieu, le rend triste, je saute au plafond. Le Dieu en lequel je crois n'est pas réductible à un petit être humain, Il est le tout autre, il n'est pas diminué ou abîmé par mes manques ou mes impuretés. Jésus purifie le lépreux, il n'est pas atteint par la maladie... 

Comme je l'ai déjà écrit ailleurs, j'imagine que lors du moment où Jésus a "répandu" son Esprit sur le monde en mourant, il y a eu une grande joie dans le ciel parce que le plan prévu a été réussi et que Dieu est devenu non pas Le Père mais Un Père qui laisse son fils tracer son propre chemin.
 
Revenons à la phrase de M.Zundel: "Mais Dieu ne souffre pas d'une souffrance qui peut l'affecter en le détruisant, non! Dieu souffre de cet amour d'identification qui est le pur amour sans réserve, l'amour sans retour, l'amour pur don, et qui est l'éternel berceau de notre vie."

Je ne prétends pas comprendre la pensée de Zundel, mais ce que je lis est quelque chose qui pour moi s'intitule la compassion bien différente de la miséricorde. La compassion c'est pouvoir s'identifier à qui souffre, sans jamais être lui, mais avoir son coeur qui se déchire et qui s'ouvre. Cela ne détruit pas, cela ouvre à un autre regard, à un amour plus grand, plus véridique. 


Mes limites, mes incapacités je le découvre sans cesse. Il est bien vrai que parfois en voulant faire bien ou du bien on fait mal ou du mal. Mais je suis là pour apprendre petit à petit, à faire de la place à celui qui vit en moi et qui Lui sait comment s'y prendre. Je n'ai pas peur (peut-être à tort) de ce qui se passera dans l 'Au-delà après ma mort, mais mon désir (et non besoin) est d'être en relation avec un Dieu qui a compassion de moi, de ma faiblesse de mon manque d'amour, alors oui, ce Dieu là, ce Dieu indulgent, je désire le rencontrer à chaque seconde du temps que j'ai à passer sur cette petite planète qui est la mienne.
   
Ce Dieu là peut me permettre petit à petit à moi aussi de regarder ceux que j'aime et ceux que j'aime moins, ceux que je connais et ceux que je ne connais pas avec compassion, ce qui est pour moi une manière d'aimer dans laquelle je peux advenir.

samedi, février 09, 2008

"Signes?" Ex 3,12


Je viens de relever cette phrase dans le livre de l'Exode: Dieu dit: "je serai avec toi, et voici le SIGNE qui te montrera que c'est moi qui t'ai envoyé. Quand tu feras sortir le peuple d'Egypte, vous servirez Dieu sur cette montagne"Ex 3,12.

Ce mot "signe" apparaît souvent que ce soit dans le premier et dans le deuxième testament. Je dois dire que ce "signe" là je ne m'y étais pas arrêtée jusqu'à ce jour (office des lectures). Il a été signe pour moi si je puis dire.

Ma première réaction a été de me demander de quelle montagne il s'agit et le début du texte note qu'il s'agit de l'Horeb. Donc quand Dieu se manifestera après la sortie d'Egypte c'est LE SIGNE donné à Moïse qui donne sens à tout ce qui a été accompli. 

Puis je me suis dit que lorsque Dieu se manifeste à un homme (ici Moïse) il fait un signe qui suscite le questionnement (le buisson était en feu et n'était pas dévoré). La rencontre se fait en douceur et si Moïse se voile le visage c'est qu'il a compris que le tout Autre est présent. 

Cette même douceur, on la retrouve dans le même lieu quand Elie rencontre son Dieu qui n'est pas dans le tonnerre, qui n'est pas dans le tremblement de terre, mais dans la brise légère. 

Et pourtant quand Dieu se révèle à tout son peuple, on se trouve dans une sorte d'excès de bruit, de violence, de dévastation. Tout homme qui sera non purifié risque de mourir, ainsi que tout être qui s'approche trop près de la limite fixée en dehors du camp.
 
Alors pourquoi cette différence? La crainte du Seigneur n'est pas la peur du Seigneur.

La crainte, parce qu'elle renvoie à la relation où l'on perçoit la distance qui existe obligatoirement entre une créature si créature et la sainteté de Dieu (la gloire) est un puissant moteur de changement en soi. Elle donne envie de s'approcher toujours plus près de ce Dieu qui se révèle ainsi. 

La peur est radicalement différente. Pour moi, elle conduit à un blocage et à un évitement de la relation qui ne permet plus au "feu" de pouvoir travailler en nous. On obéit pour ne pas être puni ce qui n'est pas du tout la même chose. Et la peur obnubile la relation et parfois la tord complètement. Le "n'ayez pas pas peur" est un leit-motive du 1° testament.

Heureusement que par les prophètes et surtout par le Fils nous sommes sortis de ce régime terrorisant que malgré tout, les églises ont parfois tendance à magnifier pour asseoir leur propre pouvoir. 
"Venez à moi car je suis doux et humble de coeur" dira Jésus.