lundi, avril 20, 2009

"Les portes étaient verrouillées" Jn 20,19


Au cours de la célébration d'hier, il y a eu un partage d'évangile. Bien sûr autour de Thomas. Je me suis d'ailleurs demandé pourquoi Jésus parle de ses mains et de son côté mais pas de ses pieds. Et j'ai aimé la séquence: "voir la trace des clous, mettre le doigt à l'endroit des clous et mettre la main dans côté" qui curieusement m'a fait pensé à Pierre le soir du jeudi saint: "pas seulement les pieds, mais les mains et la tête". Je dois dire que ce "voir" qui doit être complété par un toucher, comme pour être certain qu'il ne s'agit pas d'une illusion d'optique, me plaît bien.

Avant le partage, j'avais été sensible à ce que fait Jésus quand il "répand" sur eux son souffle en disant "Recevez l'Esprit saint", car au moment de sa mort Jésus en rendant son souffle "le répand". Il ne garde rien pour lui.

D'une certaine manière, c'est en se vidant totalement que Jésus peut donner la vie aux siens. Le dernier "soupir" qui est signe de la mort, devient le signe de mort vaincue, de la vie donnée.

Et à partir de ce souffle répandu, m'est venu un lien entre les portes verrouillées et le souffle.

Quand Jésus est mis au tombeau, la pierre est roulée, les gardes surveillent, d'une certaine manière le mort est verrouillé dans sa tombe.On est certain qu'il n'en sortira pas. En verrouillant les portes (par peur des juifs) les disciples, qui sont "morts de peur", qui sont incapables d'entendre les témoignages de Marie-Madeleine ou des femmes, sont enfermés dans cette pièce comme dans un tombeau. Ils se sont enfermés eux mêmes. L'espoir en eux est mort, et ils sont morts. Il n'y a plus rien de vivant en eux, si ce n'est leur deuil.

Et Jésus arrive, et par son souffle il les délie de la peur, il les rend vivants, il les fait sortir du tombeau où ils s'étaient eux même enfermés.

Le pouvoir qu'Il leur donne, délier les péchés ou les retenir, n'est ce pas ce qu'Il vient de faire Lui en les "déliants" de la peur.

Jésus rend vivant tout ce qu'il touche et peut-être nous donne-t-Il la possibilité de partager avec Lui ce don de Vie.

Il y a encore un point qui m'a étonnée, c'est que Jésus répand certes son Esprit, mais qu'il faudra attendre le jour de la Pentecôte, le jour du "feu" pour que les apôtres puissent réellement quitter leur peur et sortir du tombeau. Car 8 jours après, les portes sont toujours verrouillées, ce qui laisse à supposer que la peur de l'arrestation demeure, malgré ce qu'ils ont vu et vécu.Il faudra donc ce délai de 50 jours pour que les disciples puissent devenir témoins.

Il faudra la chaleur et la lumière du feu, la force du souffle divin, signes de l'action conjuguée du Père et du Fils, pour que des hommes nouveaux naissent et puissent transmettre au monde les mots soufflés par l'Esprit Saint.

lundi, avril 06, 2009

"Porter sa croix".

Porter sa croix.

Porter sa croix, c'est une expression banale, mais que mettre derrière? En cette semaine sainte, où il va beaucoup être question de sacrifice, de mort, de mort sur la croix, est ce que je peux (est ce que je dois) porter ma croix si je veux suivre Jésus?


Car Jésus dit : « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Peut-être que l'on n'insiste pas assez sur le mot disciple et trop sur le mot croix.

Quand j’écris cette phrase, je ne peux m’empêcher de penser à ce que Jésus dit au paralytique : « prends ton grabat et rentre chez toi ». D’une certaine manière on peut dire que pour celui qui ne peut se mouvoir seul, le lit est bien le signe de sa dépendance, sa croix au jour le jour.

Très longtemps on a identifié la croix à la souffrance. Porter sa croix c’était (du moins dans mon enfance) s’imposer des actes qui pouvaient faire un peu mal, procurer une certaine souffrance, par exemple : se priver de quelque chose, pour avoir mal comme Jésus a eu mal. Mais cette manière de faire, me semble un peu perverse, car hélas, il peut y avoir une glorification à se priver!

Quand j’étais étudiante, j’avais décidé durant le temps du carême de me nourrir de sandwiches au lieu des repas du restaurant universitaire. Au bout d’une semaine je me suis rendue compte que j’étais devenue très irritable et que cette privation avait en fait un effet nocif. Alors j’ai choisi autre chose, ne pas courir dans le métro ou plus précisément, ne pas passer quand un train entrait et que les portes des portillons commençaient à se fermer pour empêcher l’accès aux quais. Cela m’obligeait à partir peut-être un peu plus tôt, et à ne pas passer devant les autres. Je dois dire que cet exercice a été infiniment plus profitable qu’une privation d’aliments. Peut-être aussi accepter de ne pas être la première à monter dans la rame..

Curieusement Jésus compte tenu de son état physique n’a pas porté sa croix : il a été aidé par Simon de Cyrène. De ce fait je ne suis pas certaine que « prendre notre croix » soit si facile. Nous avons souvent besoin d’aide, et c’est important de le reconnaître. Pourtant que ce soit le paralytique de Luc ou celui de Jean, l’un et l’autre portent à pleines mains, à plein bras, ce qui fut le signe de leur souffrance, de leur croix. Pour eux, c’est derrière. La souffrance n’existe plus, ils sont guéris. Il y a peut-être des croix qu’il faut brûler…

Hier il m’est venu une idée. Prendre sa croix, c’est reconnaître « tout ce dont on a peur ». Ce n’est pas se créer de la souffrance, c’est accepter les peurs qui sont en nous, les nommer (peur de la maladie, peur de la mort, peur de l’abandon, peur de la ruine, peur de la solitude) ne pas les fuir, accepter de reconnaître qu’elles sont en nous et pas à l’extérieur.

Jésus dans les synoptiques, au jardin des Oliviers montre à quel point la peur de ce qu’il va devoir vivre lui fait peur. Que Lui, ait pu avoir peur est quand même très rassurant pour nous. Comme Lui, nous pouvons avoir peur de la souffrance, de l’abandon, de la mort. C'est humain (Vrai homme, vrai Dieu).

Ces peurs elles sont un peu notre face d’ombre: ce sont des facettes de nous mêmes dont nous ne voulons pas, parce qu’elles altèrent notre image. Les reconnaître c’est reconnaître notre faiblesse, notre incapacité à y faire face.

Nos peurs ce sont nos croix. Si nous suivons Jésus, nous ne sommes plus seuls avec nos peurs. L’un des maîtres mots de l’Evangile n’est-il pas : « N’ayez pas peur » ?

Suivre Jésus, c’est se reconnaître tel que l’on est avec son fardeau de peurs. C’est être certain que celui qui a dit « Venez à moi vous qui ployez sous le fardeau » est capable d’être avec nous. Porter sa croix, c’est reconnaître ces choses qui nous font peur, sans les dénier, sans les fuir. C’est reconnaître nos faiblesses, nos finitudes. C’est reconnaître que nous ne sommes pas des bien portants et que c’est bien pour nous que Jésus est venu et a fini sa vie terrestre sur une croix devenue pour nous signe de Vie.

Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. Mat 16,24

Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et vous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui.
Jn 14, 23

vendredi, avril 03, 2009

Vous ferez ceci en mémoire de moi. Lc22, 19


Vous ferez ceci en mémoire de moi. Lc22, 19

Le texte de ce billet est lié à la lecture du livre de François Genuyt : l’épître aux romains, l’instauration du sujet, une approche sémiotique le cerf,2008 .

Je ne suis pas certaine d’avoir tout"bien compris" car l'approche sémiotique reste un peu ardue pour moi, mais l'épître aux romains est devenue beaucoup plus "amicale" pour moi. Cette lecture a orienté différemment ma réflexion et c’est ce qui s’est passé pour moi avec ce livre. Mais il a fallu du temps pour que cela puisse de transmettre dans l'écrit.

Ce qui aujourd'hui a pris sens pour moi, c'est la phrase "faites mémoire" comme si elle unissait les deux symboles pain et vin et leur permettait de devenir signe d'affiliation pour moi à l'ordre divin.

Quand je faisais mes études de psychologie, on m’avait enseigné que le père doit transmettre la loi à ses enfants. Ceci veut dire que le père peut transmettre une loi qui lui a été transmise par son propre père et qu’il a respectée, mais il n’est pas la loi.

Dans le cas de la transmission de l’interdit de l’inceste cela se dit de la manière suivante :" toutes les femmes sauf ta mère".

Ceci est bien proche de l'interdit donné à Adam dans la Genèse, " tous les arbres sauf l’arbre de la connaissance du bien et du mal".

Moïse a donné une loi au peuple, mais cette loi il ne l’a pas crée, elle lui a été donnée, on peut presque dire qu’elle est divine. Il doit lui aussi s’y soumettre. Cetteloi ayant été donnée par un Autre, elle n’est pas la sienne et il est donc comme tous ceux de son peuple : s’il veut avoir le bonheur, il doit s’y soumettre, il doit obéir.

L’interdit de la genèse, me semble être l’interdit fondamental qui permet la vie sociale et qui oblige à tenir compte de la présence et de la volonté d’un Autre, et de reconnaître que cet Autre ne fonctionne pas dans l’arbitraire. Car la seule loi donnée dans la Genèse est celle qui vient bloquer la convoitise, or la convoitise c’est bien la marque de fabrique de l’humain : vouloir ce qu’à l’autre ; jusqu’à l’en faire mourir.

Mais...

Mais jee pense que chaque fois qu’un être humain décide de « faire » sa loi, alors ça dérape. Faire sa loi ce n'est peut-être être au-dessus des lois (encore que bien souvent il s’agisse de faire sa propre justice), mais de pervertir quelque chose: faire de l’autre un objet, alors que le but de la loi est de faire de l’autre un sujet à part entière.

Quand la loi est transgressée, cela a des effets dans le futur et sur les descendants. Ce n’est plus comme avant. D’une certaine manière c’est cela qui est raconté dans la genèse: il y a eu transgression et perversion de l’interdit, les effets atteignent les auteurs, mais aussi leurs descendants et leur environnement.

Mais quand la loi n’est pas donnée il y a comme le dit Lacan forclusion. Ce n’est plus de la perversion, c’est un véritable barrage, comme sur un cours d’eau et les risques d’inondation (perte de limite si l’on peut dire) sont considérables.

Ce qui permet l’interdit d’être efficace, c’est la parole dite et donnée qui permet à celui qui la reçoit de devenir sujet de cet ordre là et de rentrer dans une culture. Cela nécessite une soumission.

Dans le nouveau testament, quand Jésus la veille de sa passion dit aux disciples « ceci est mon corps, puis ceci est mon sang », il signifie qu’il se donne à eux totalement, qu’il ne retient rien pour lui et que d’une certaine manière l’interdit de la non absorption du sang est levée, puisque normalement il y a dans la genèse (‘alliance noachique) une équivalence entre sang et âme qui appartient à Dieu.

Ce don total pour moi, aujourd’hui, est une sorte de fusion, actualisée par Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le christ qui vit en moi ».

Le symbolisme de l’alimentation est primordial, car c’est bien cette relation à la mère qui donne le sein, que se crée une relation unique qui perdurera qu’on le veuille ou non toute la vie.

Se donner totalement, personne ne peut le faire ici bas. Il y a incarnation de la parole : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ».

Mais si on reprend l’idée de la nécessité d’une parole qui vise à la transmission, il me semble que la phrase de Jésus : « faites ceci en mémoire de moi « est fondamentale, pour moi presque plus que ceci est mon corps, ceci est mon sang. Elle donne sens.

Faire mémoire, c’est faire d’une certaine manière faire advenir du vivant. C’est montrer que Jésus n’a pas disparu, que la mort ne l’a pas vaincu, qu’Il est vivant pour l’éternité, non seulement vivant, mais actif.

Il y a comme une extension dans le temps des paroles prononcées ce soir là, au milieu de ses disciples. L’Amour de Jésus qui se donne totalement, et qui ouvre le chemin vers son Père (je préfère cette phrase à la notion de réconciliation, quitte à choquer, car la représentation d’un dieu, qui ne peut être apaisé que par un sacrifice « physique », renvoie à une image d’un Dieu de destruction, même si la résurrection montre qu’Il sort de cette violence pour passer dans la vie). Et c’est cette phrase qui pour moi, aujourd’hui, permet d’une certaine manière d’approcher un peu ce mystère de la présence de Jésus.

Si j’accepte « d’agir » cette phrase, d’être dans la transmission et peut-être une certaine obéissance, alors je rentre dans un monde autre, un monde d’amour et je demeure en Christ, comme lui demeure en moi. Je deviens sujet d’un autre ordre. Il ne s’agit pas d’oublier le premier interdit qui en terme psy est un interdit du cannibalisme, de l’incorporation de l’autre pour prendre ses pouvoirs, pour le détruire par convoitise, car cet interdit est la base de toute vie sociale . Mais de reconnaître que celui qui se donne totalement donne la vie en plénitude et que la mort est déja vaincue.

Faire mémoire, c’est rentrer dans un mouvement de transmission. C’est faire du vivant et c’est bien cela la fonction de l’être humain, même s’il est appelé à disparaître.