mardi, juillet 21, 2009

Je te donnerai le clés du royaume: temps trois

TEMPS TROIS : Simon fils de Jean m'aimes tu?


Cela fait un certain temps que j’ai envie de prendre la défense de cet apôtre. Je trouve que son reniement (somme toute compréhensible) lui colle encore à la peau et que les rédacteurs des évangiles nous donnent une image bien peu glorieuse de celui qui a reçu une telle promesse et un tel pouvoir.Je pense que le nombre d'homélies qui comparent Judas et Pierre sont aussi nombreuses que les étoiles du ciel... Mais ces deux attitudes sont elles comparables?

On a parfois l’impression qu’il y a des comptes qui se règlent(par le biais de l'écriture) bien après la mort de Jésus. Pourquoi Jésus a t il choisi cet homme là s'il est si lâche que ça? Pourquoi Jésus a t il choisi comme successeur un homme qui ne comprend presque rien et qui même après l'effusion de l'Esprit aura du mal à accepter -bien qu'il se dise avoir été choisi pour "que les païens entendent de sa bouche la parole de la bonne nouvelle" Ac15,7- le travail de Paul auprès des incirconcis (je pense à l'accrochage entre ces deux hommes rapporté en Gal 2,11 et suivants).

Et pourtant les discours et les écrits attribués à Pierre, montrent que le pécheur mal dégrossi que Jésus est allé péché sur les bords du lac a complètement changé après l'effusion de l'Esprit.Il se positionne d'emblée en chef, fait des miracles au Nom de Jésus, rassemble, se déplace. Mais comme je le disais dans mon billet précédent, la fuite de Pierre lors de la persécution de Néron (oui je sais cela n'appartient qu'à la tradition)est bien peu glorieuse et surtout très différente de l'attitude de Paul, qui ne désire qu'une chose: mourir à la fois pour rendre témoignage mais aussi pour rejoindre "Celui qui de condition divine..."

Mais les rédacteurs du premier testament n'ont jamais donné une histoire édulcorée de ceux qui ont été les "Pères". Abraham et Isaac feront passer leur femme pour leur soeur pour ne pas avoir d’ennuis avec les rois des lieux sur lesquels ils campent, Moïse est un assassin en fuite, David, le grand roi David, se comporte comme un petit mafieu (moi et mes garçons dira t il à Naval 1Sm 25,4), et utilise le mensonge sans vergogne (en particulier quand il se fait remettre les pains consacrés ainsi que l’épée de Goliath).

Ce que je veux dire c’est que ce qui caractérise les « pères fondateurs », c’est qu’ils ont fait confiance à la parole qui leur était adressée et que le cours de leur vie a changé. Mais sont ils pour autant des génies, comme nous l’entendons au 21° siècle ? Si on reste dans la lignée Abraham, Isaac et Jacob, certainement pas. Moïse est différent, mais à lui il n’a pas été fait de promesse de descendance avec laquelle le Seigneur ferait alliance, sauf que désormais ce n'est plus avec un homme que l'alliance est faite (Abraham ou Jacob) mais avec le peuple dans son entier.

Les prophètes eux sont d’une autre envergure : la parole de Dieu les a saisis et leur vie est conforme à la parole, n’empêche que certains comme Elie prononcent parfois des malédictions qui viennent d’eux et non pas de YHWH (je fais ici référence à la sécheresse provoquée par Elie, mais non demandée par le Seigneur 1R 17).

Bref, Pierre n'échappe pas à la règle. Certains psychanalystes disent que dans un rêve les différents personnages mis en scène représentent différents aspects du rêveur; je me demande s'il n'en va pas de même avec les apôtres tels qu'ils sont décrits dans les différents évangile. Ils nous représentent avec nos différents aspects.

Pierre, il fonce, mais il perd confiance à la vitesse grand V. Il est capable du meilleur et du pire. Thomas, à la fois est prêt à mourir pour Jésus et refuse de croire à la résurrection, Philippe pose des questions qui parfois nous aimerions bien poser, montre nous le père et ça nous suffit, etc…

J’ai oublié Judas. Judas, est peut-être le plus réfléchi, plus calculateur. Lui quand Jésus parle de ce qui l’attend, il comprend que c’est vrai, alors que les autres fonctionnent dans le déni. Alors peut-être que la trahison a un but : faire que d’autres ne soient pas séduits comme lui l’a été, stopper cette histoire qui a été comme pour tous les autres une histoire d’amour. Et une histoire d’amour qui se termine mal elle peut bien conduire à la mort, ce qui s’est passé pour l’un et l’autre. (On peut lire un commentaire sur Judas dans un livre d'Elian Cuviller: étranges témoins de la passion).

J'en arrive donc à l'éternelle comparaison entre Judas et Pierre, or Pierre n'a pas vendu Jésus, il a eu peur pour lui. Judas reconnaît dans l'évangile de Matthieu avoir fait une énorme erreur, et la culpabilité est telle que dans cet évangile là il se pend (alors que dans les actes des apôtres il meurt en répandant ses entrailles, ce qui est la mort réservée à l'impie, mais il meurt si je puis dire de sa belle mort). Dans cette hypothèse (mort de sa pas belle mort) l'auteur (Luc) montre la différence entre Pierre le Juste qui a trébuché mais s'est repris et l'Impie qui va vers la mort.

D’un côté il y a le baiser de Judas (ce qui montre bien que jésus n’était pas si reconnaissable que cela et peut-être pas si connu que cela) et de l'autre le coup d’épée de Pierre (j’y reviendrais) .

Pourtant, Pour l’un comme pour l’autre, il y a eu à un moment une ouverture des yeux (intérieurs). Pour Judas, cela s’est fait semble t il quand il a compris que « son » Jésus allait mourir par sa faute qu’il avait fait une erreur et que cette erreur il ne pouvait la payer que par sa mort : mort contre mort.Il faut dire que l'évangile de Matthieu pose question au niveau du déroulement temporel, car on imagine mal (enfin j'imagine mal) que la nuit de la passion ils allaient s'occuper de la demande de Judas, prendre l'argent et acheter un champ avec le prix du sang.


Pour Pierre, il y a eu ce chant du coq au petit matin. Mais ce reniement (non je ne connais pas cet homme), que cache t il ? Que fait-il Pierre quand il affirme malgré son accent de Galilée ne pas connaître cet homme?

Ce qui est certain c’est que une fois de plus Jésus ne s’était pas trompé, Jésus avait prédit ce reniement et donc tout ce qu'il avait dit sur sa fin peu glorieuse allait aussi se réaliser. Pierre réalise ce qu'il perd avec la mort de Jésus et cela peut bien faire pleurer un homme. Finalement un homme qui pleure c’est rare, ça ne se fait pas. Que le chef de l’Eglise en soit capable est pour moi assez rassurant. Ce n’est pas un sur homme et tant mieux.

Mais il y a peut être autre chose dans ce reniement. Car malgré tout, malgré sa fatigue et sa peur, il était là, dans la cour.

Bien sûr dans la nuit tous les chats sont gris, alors qui pourrait reconnaître en lui l’homme qui s’est attaqué au serviteur du grand prêtre? Nous qui connaissons l’histoire de cette nuit là, nous savons que Pierre était le futur chef, mais cela était dit à un petit comité, donc je ne pense pas que ce soit cette peur là ( si on me reconnaît comme le successeur ils vont me tuer) qui a poussé Pierre à renier. Car cette nuit là Pierre avait fait un geste très préjudiciable.

Si on reprend l’évangile de Mathieu ou de Jean, il ne faut pas oublier que Pierre est muni d’une épée et qu’il a attaqué un serviteur du grand prêtre et lui a tranché l’oreille. Il s’agit là de quelque chose qui est sanctionné par le Lévitique. Donc même si Jésus a recollé l’oreille, Pierre est passible d’une sanction qui peut peut-être aller jusqu’à la mort, car l’homme qu’il a attaqué fait partie du service d’ordre.

Ce que je veux dire c’est que dans nos pays, quand un agent des forces de l’ordre est blessé par un manifestant, la peine qu’il encoure est très lourde, car il ne s’agit pas tant de la personne, mais de ce qu’elle représente. Si Pierre dit ne pas connaître cet homme là, c’est peut-être bien pour ne pas être lapidé sur le champ.

Pour Pierre il faut donc qu’il ne soit pas reconnu, car il risque gros et d’une certaine manière le reniement ce n’est peut-être pas à prendre au premier degré : je ne peux pas donner ma vie pour cet homme là, mais au second degré : si je dis que je ne le connais pas on ne fera pas le lien entre moi et celui qui a coupé l’oreille du serviteur du grand prêtre. Certes Pierre avait dit qu’il donnerait sa vie pour son maître, et là, il se rend compte que la seule vie qui compte pour lui c’est la sienne.


Que la coïncidence du chant du coq lui ait ouvert les yeux du cœur cela me semble certain. Pierre a compris qu’il est bien incapable de donner sa vie pour un autre, que seule sa vie est importante, et qu’il s’est aimé lui-même plus que tout autre personne. Oui, il a dit qu’il ne connaissait pas cet homme, mais n’était ce pas pour lui le seul moyen de faire croire qu’il n’était pas avec lui au moment de l’arrestation, et qu’il est juste un curieux parmi d’autre.

Maintenant il faut revenir au traitement de la culpabilité. Car il y a l'épisode qui se passe sur les bords du lac de tibériade avec la triple interrogation de Jésus. Et là aussi les homélies sont nombreuses.

Je dois dire que j'aime cette scène au petit matin. Il y a cette pêche miraculeuse qui fait pendant à cette première pêche qui montre la confiance de Pierre, envers cet homme qui n'est pas du métier. Il y a Jean, qui comprend que l'inconnu sur la rive c'est Jésus et qui en informe Pierre. Pourquoi celui ci passe un vêtement alors qu'il doit nager et donc le mouiller pour aller au plus vit rejoindre "le Seigneur", cela reste un mystère pour moi et ça a toujours tendance à me faire sourire quand j'imagine la scène.

Mais le reste, ce triple questionnement je le trouve douloureux. Et pourtant... Et pourtant ce questionnement ne peut-on pas le prendre comme une sorte d'épreuve qui va permettre à Simon fils de Jean d'être restauré dans sa fonction de pasteur et de guide.

Voici le texte: Jn 21, 15-17

15 Après le repas, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime », et Jésus lui dit alors : « Pais mes agneaux. »

16 Une seconde fois, Jésus lui dit : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. » Jésus dit : « Sois le berger de mes brebis. »

17 Une troisième fois, il dit : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait dit une troisième fois : « M'aimes-tu ? », et il reprit : « Seigneur, toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t'aime. » Et Jésus lui dit : « Pais mes brebis.




Ce qui me semble étonnant c'est que Jésus ne le nomme pas Pierre, mais le remet dans sa généalogie: Simon fils de Jean et ce, dans les trois interrogations. Qu'est ce que Jésus veut lui faire comprendre? Qu'il n'est plus la "pierre" parce qu'il n'a pas su être à la hauteur, parce qu'il a essayé de sauver sa vie au petit matin autour d'un feu en faisant comme s'il ne le connaissait pas, ou parce qu'il a laissé "la mission" et reprenant sa vie de pêcheur? Les trois années passées auprès de Jésus auraient elles été seulement une interruption? A-t-il encore le droit de prétendre à ce nom de Képhas?

Je ne sais pas, mais je pense que ce questionnement qui parait court quand on le lit, car on peut imaginer le temps qui sépare les questions, les réponses, les silences aussi et la présence silencieuse des autres disciples qui devaient penser qu'ils avaient bien de la chance que ce soit Pierre qui prenne, a du avoir une certaine durée. Et il du se passer bien dans choses dans la tête et dans le coeur de Pierre.

Traditionnellement dans la bible quand il y a appel il y a doublement du nom:" Abraham, Abraham "," Samuel Samuel " "Saul Saul" et la réponse normale est: "me voici". Ici la question est là, directe, Simon fils de Jean, m'aimes-tu? Je reste ici avec le mot aimer tel que nous le disons en français, c'est à dire en en faisant pas la distinction entre philein et agapè.

En fait ce qui me semble intéressant c'est la manière dont Pierre répond:

Première réponse: "Seigneur tu sais que je t'aime". Mais répond il à la question du "plus que ceux ci"?Qu'est ce que cela veut dire? Est il possible de se comparer aux autres? Quant à savoir si Pierre aime Jésus plus qu'il n'aime ses compagnons, n'est ce pas une question que nous sommes amenés à nous poser en permanence? Comment aimer Jésus plus que ceux qui nous sont chers et pour lesquels spontanément nous aimerions pouvoir donner notre vie? Seulement Pierre sait (comme nous le savons) que pour Jésus aimer c'est donner sa vie (aimez vous comme je vous ai aimés) et cela il n'a pas su le faire,parce que au moment de l'arrestation de Jésus, ce n'était pas ce combat là qui était le sien, du moins c'est ce que j'imagine aujourd'hui.


Deuxième réponse: "Oui, Seigneur tu sais que je t'aime".Il y a le oui, qui est peut-être le Amen. Et qui est comme une confirmation, tu le sais alors pourquoi me poses tu la question. Je fais ce que je peux avec ce que je suis, ce n'est pas brillant, mais je suis un glaiseux.

Troisième réponse: "Seigneur toi qui connais toutes choses tu sais bien que je t'aime". Celui qui connaît tout chose c'est bien celui que Pierre avait jadis reconnu et nommé: tu es le christ le fils du dieu vivant. Pierre peut à nouveau se positionner et affirmer que en cet homme qui a préparé un repas, qui leur a donné du poisson en abondance est le Seigneur.

Peut-être avait il oublié qu'il aimait autant Jésus? Peut-être croyait-il que la peur viscérale qui s'était emparée de lui quand il avait failli être reconnu ce matin là auprès du feu, à cause de ce geste de bravoure tenté pour permettre à son maître de prendre la fuite, l'avait en quelque sorte disqualifié. Peut-être pensait-il au fond de lui que plus jamais Jésus ne pourrait l'aimer? Peut-être pensait il qu'il n'était plus bon à rien sauf à reprendre la vie là où il l'avait laissée un jour où Jésus lui avait dit de jeter encore un coup son filet alors qu'il n'avait rien pris de la nuit.

Peut-être y avait il tout cela en lui. Pas tant le reniement ou les reniements que ce sentiment que nous connaissons bien de ne pas valoir grand chose.

Alors ce que nous dit (ce que me dit) cet épisode que la seule chose qui compte, même si on s'en veut, même si on se sent très nul, c'est d'aimer. Aimer sans me comparer aux autres, aimer comme je peux avec tout ce que je suis et aussi ce que je ne suis pas.

Je crois que ce questionnement a été pour Pierre une restauration, presque une renaissance avant que le feu de l'Esprit ne tombe sur lui et sur ses amis et lui donne la force d'annoncer que

Ac 2,22« Jésus le Nazôréen, homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez,

23 cet homme, selon le plan bien arrêté par Dieu dans sa prescience, vous l'avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies ;

24 mais Dieu l'a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir.

Et ainsi de devenir le pasteur et d'ouvrir les portes du royaume de l'Amour.

lundi, juillet 20, 2009

"Je te donnerai les clés du royaume" Temps deux.

TEMPS DEUX : LE VERSET DANS SON CONTEXTE.

Il s'agit de commentaires sur les versets de cet épisode.

Mt16, 17 Reprenant alors la parole, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon fils de Jonas, car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.

Il s’agit là d’une béatitude, (comme celle que nous pouvons lire dans l'évangile de Jean" heureux ceux qui croiront sans avoir vu"). Pierre ne fait pas le perroquet, il donne une réponse qui le dépasse et qui peut-être le surprend lui-même.

Je dois dire que cette phrase "ce n'est ni la chair ni le sang qui t'ont révélé cela" m'a toujours interpellée, car au moment du dernier repas, c'est ce que Jésus dit de lui: ma chair et mon sang. Seulement ce qu'il ajoute ensuite montre bien que s'il s'agit de son humanité, elle est transcendé par le divin.

La réponse de Pierre, montre que Dieu est présent et agissant. Peut-être que Jésus attendait une confirmation du choix qu’il avait fait de Simon après la pêche miraculeuse sur le lac. On pourrait imaginer que Jésus se dit : je vais leur poser une question et celui auquel mon Père aura soufflé la bonne réponse, celui là sera le patron de la barque que j’ai mise à flots .

18 Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et la Puissance de la mort n'aura pas de force contre elle.

Il y a le jeu de mots –pierre Pierre - auquel nous sommes habitués depuis toujours. Nommer quelqu’un est un privilège de Dieu (Abraham, Sara, Josué). Jésus renomme Simon, et l’appelle à être le soubassement (le roc sur lequel est bâtie la maison qui résistera à la pluie et aux vents), de cette communauté qui sera devra résister à la jalousie (le mal) de ceux qui pensaient être les seuls appelés. Dans la Genèse, c’est bien la jalousie qui introduit la mort dans le monde. La jalousie pour moi est liée à la convoitise et c’est la convoitise qui engendre le désir de mort.

19 Je te donnerai les clés du Royaume des cieux; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux.


Donner à un être humain ce pouvoir de lier et de délier n’est pas évident pour moi. C’est donner à la parole un pouvoir extraordinaire. C’est dire aussi qu’il y a un lien entre ce qui se passe ici et ce qui se passe dans un ailleurs que nous appelons ciel et que nous ne connaissons pas. Mais je ne suis pas sûre qu'il s'agisse de lier ou de délier du péché, car cela dieu seul peut le faire, et ceux qui le font ne peuvent le faire qu'en son nom.

Le propre de l’homme est de faire du lien, mais il y a des liens qui empêchent de vivre, qui rendent prisonnier. Jésus dès le début de sa vie publique, chasse les esprits mauvais, guérit les maladies. Il délie, ce qui paralyse l’être humain. Ce pouvoir il le donne à ceux qui le reconnaissent comme le Fils. Et ce qui est délié ici le restera dans cet au delà.

Peut-être que le pouvoir de lier concerne t il le pouvoir de lier le Mal (la puissance de la Mort) pour que ce monde nouveau qui va naître par le don de l'Esprit après la mort de Jésus, puisse vivre et faire vivre.

Or ce qui m’interroge c’est que la pierre, choisie par Jésus, on ne peut pas dire qu’elle soit de super qualité. Certes c'est du solide, (Pierre a tout lâché pour suivre Jésus) qui sert de fondation, mais je ne suis pas sure que l'on puisse comparer ce qui est dit de Pierre avec ce qui es dit de Dieu dans les psaumes: "tu es mon roc ma citadelle". Pierre est un humain comme nous tous, de chair et de sang et donc de failles et de fissures.

N'est il pas étonnant que dès le chapitre suivant Jésus traite son roc de "satan"? et pourtant c'est sur lui que Jésus va faire reposer ce qui sera le "temple de Dieu" dès ici bas.

Si on repense un peu à ce qu'une certaine tradition rapporte de Pierre, et de son martyr à Rome, c'est la phrase prononcée par Jésus "quo vadis" qui lui permettra de ne pas prendre la fuite et de mourir en témoin. Mais là encore, le faire mourir la tête en bas par humilité, me semble stupide: car pour que la croix fasse son office il faut que le supplicié puisse se servir de ses pieds.

Et ceci introduit le troisième temps: Pauvre Pierre.

"Je te donnerai les clés du royaume" Temps un


Il y a quelques jours un verset m’est venu en mémoire : « je te donnerai les clés du royaume ». Ce verset avant même de le remettre dans son contexte (profession de foi de Pierre à Césarée de Philippe) je l’ai laissé non pas chanter, mais prendre du poids en moi.

Le seul problème c’est qu’il est incomplet il manque les derniers mots: royaume des cieux, mais c’est ainsi qu’il m’est revenu.

Je sais bien que c’est le titre d’un livre de Cronin que j’ai du lire jadis, mais je ne crois pas que cet oubli soit lié à ce livre. Je pense plutôt que les cieux je ne sais pas vraiment ce qui s’y passe. Je peux bien avec Isaïe imaginer une cour céleste, mais la représentation du lieu ne m’intéresse pas, d’autant que pour moi le royaume est déjà là. Puisque Jésus a ouvert le chemin.

De par ma pratique de la prière du cœur qui se cale sur la respiration, j’ai aussi laissé ce verset se chanter en moi au rythme du souffle. Il peut alors devenir prière et même s’utiliser en marchant.

Mais les mots - chaque mot - peuvent donner matière à réflexion, matière à prière et c’est ce que je voudrais proposer ici. Je vais juste scinder en trois billets pour ne pas compliquer la lecture, car je n’aime pas les lire des messages trop longs.

Je vais donc présenter une réflexion en plusieurs temps. Le premier temps sera donc ce que ce verset a fait naître en moi. Le deuxième temps sera une réflexion plus globale sur ce texte et le troisième temps se voudra être une réflexion sur la place de Pierre, je dirais presque de ce « pauvre Pierre ».

Mais avant tout, je vous remets en mémoire le texte Mt16,16-19, d’où ce verset est tiré, parce que le texte est parfois nécessaire pour nourrir la réflexion.

15 Il leur dit : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »
16 Prenant la parole, Simon-Pierre répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. »
17 Reprenant alors la parole, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon fils de Jonas, car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
18 Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et la Puissance de la mort n'aura pas de force contre elle.
19 Je te donnerai les clés du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux. »


A noter en passant le jeu autour de la parole qui va de l'un à l'autre et de l'autre à l'un.

TEMPS UN : LAISSER LES MOTS M’IMPREGNER. : UN PETIT EXERCICE D’ANALYSE.

Je
Pierre pour une fois a donné la bonne réponse à la question que Tu avais posé à l’emporte pièce : « Et pour vous mes amis, qui suis-Je ? » Bien sûr, quand Tu parles tu dis Je. Mais qui est ce Je ? Est ce l’homme Jésus qui a multiplié le pain, celui qui dort quand la tempête est là, qui reproche à ses disciples d’être un peu bouchés, ou est ce déjà celui qui apparaîtra à Pierre, Jacques et Jean lors de la transfiguration ? Pour moi, ce « Je » est impérial ou royal. Ce Je là, est créateur du Tu. Car désormais Pierre deviendra l’héritier si l’on peut dire. C’est presque un Je de majesté.

Je te donnerai…
Donner c’est un cadeau. Toi Jésus fils de David, tu vas donner quelque chose dans le futur. La promesse d’un don c’est déjà un peu le don. J’aime bien savoir que Tu me donneras, même si je ne sais pas ce que Tu vas me donner.

Je te donnerai les clés
Les enfants de ma génération ne portaient pas la clé de la porte de chez eux autour du cou parce que en général il y avait quelqu’un à la maison quand ils rentraient de l’école. Chez moi, quand ma mère s’absentait, la clé était cachée sous un pot et j’étais fière de cette marque de confiance. On ne donne pas ses clés à n’importe qui. Donner ses clés c’est faire confiance. D’une certaine manière cela me faisait « grande ». Et il ne fallait pas donner le lieu de la cachette. Importance du secret partagé.

Si je réfléchis sur ce mot clé, il me vient aussi ces livres que j’ai lus bien plus tard : clés pour la psychanalyse, clés pour la linguistique, clés pour les statistiques. Ces livres là, permettaient d’avoir un début de connaissance. Ils ouvraient des horizons jusque là fermés. Les livres sont les clés de la connaissance, encore faut il pouvoir les lire et donc avoir les clés qui en permettent la compréhension.

Qui dit « clés » dit donc ouverture, accès à un dedans qui était caché, inaccessible. Mais pour que la clé fonctionne il lui faut une serrure qui soit adaptée. Pour que la porte s’ouvre ou se ferme, il faut que la clé et la serrure correspondent. Or on a bien souvent l’impression dans l’évangile que si les disciples sont avec Jésus, ils n’ont pas pour autant la clé qui leur permettrait de comprendre. L’Esprit n’a pas encore été donné.

Et cela évoque un peu ce qui se passera bien plus tard avec les disciples d’Emmaüs:" Et, en partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait". Et c’est peut-être pour cela que Jésus parle au futur. Un jour Pierre comprendra et transmettra, mais aujourd’hui il n’en n’est pas là.

Pierre aura donc les clés. Mais quelles clés ?

Je te donnerai les clés du royaume
Les clés d’une maison, on sait bien ce que c’est. Les clés d’une ville aussi, même si nos villes n’ont plus de portes pour les défendre à la nuit. Mais un royaume ? Naturellement cela me fait un peu penser à la clé du champ de tir que l’on demandait autrefois aux nouvelles recrues d’aller chercher, clé qui n'existe pas puisque c'est à ciel ouvert. Sur notre terre il y a des frontières avec des portes si on peut dire et des contrôles. Pierre va t il se transformer en douanier ?

Il me semble que quand Jésus il parle du royaume il parle de la présence de Dieu. Il parle de Lui, Est ce un lieu ? Est ce un ailleurs ? Qui possède les clés d’un royaume ?

Aujourd’hui il y a beaucoup d’hommes et de femmes qui risquent leur vie pour quitter leur pays et pour venir s’installer dans un autre lieu, qui pour eux est une sorte de royaume où ils pourront vivre décemment. Et bien souvent il y a des lois qui ne leur permettent pas de vivre dans le pays de leur choix. La porte est fermée. Que faut il faire pour qu’elle s’ouvre ? Devant qui faut il s’agenouiller pour pouvoir entrer ? Est ce pouvoir là qui sera donné à Pierre ?

Est ce que ce royaume me fait envie aujourd’hui ? Est il un lieu où je serai « bien » ? Un lieu où j’aurais ce qui me manque ? Si pour moi ce lieu est celui de la Présence, alors oui il me fait désir, mais ce lieu n’est il pas déjà là. ? Alors pourquoi ce pouvoir donné à Pierre ?

Il y a aussi une autre image du royaume, qui est liée à notre imaginaire : que devenons nous après la mort. Irons nous dans le royaume de la vie (du côté de dieu) ou dans le royaume de la mort (du côté du malin). Est ce de ces royaumes là dont Pierre aura les clés ? Si on se souvient que du temps de Jésus la résurrection n’était pas admise par tous, (les prises de bec avec les sadducéens en sont témoins) je ne suis pas sûre du tout que ce soit ce rôle là qui ait été promis à Pierre. Le jugement ce n’est pas notre affaire.

Je me suis alors souvenue de ce chérubin qui interdit avec une épée de feu l’entrée du jardin où se trouve l’arbre de la vie. Ce jardin là, dans la genèse, il n’est pas dans le ciel, il est ici. C’est un lieu de rencontre entre Dieu et Adam. L’arbre de la vie, peut représenter la vie jaillissante qui est en Dieu. Quand Jésus aura été vainqueur de la mort, tout homme pourra accéder à la source de la vie et Pierre remplacera cet ange interdicteur. Le chemin sera ouvert, tout être humain peut aller vers la source jaillissante. Et Pierre, (mais je pense que cela est vrai pour chacun de nous) peut ouvrir cette porte pour lui et pour les autres.
Alors les clés du royaume ? Si Jésus est le royaume (le royaume de Dieu est tout proche, le royaume de Dieu est déjà parmi vous) alors Pierre et ceux qui viendront après lui, même s’ils sont aussi maladroits que cet homme, ouvriront les portes de la vie.

Finalement je ne sais pas très bien ce qui se cache derrière ce mot, mais cela semble quand même être un cadeau de taille, bien au delà de ce qu’un être humain peut rêver .

Ce verset, je l’ai donc laissé résonner en moi. Je dois dire que cette promesse faite à Pierre, je l’ai entendue comme si elle était adressée à tous ceux qui reconnaissent en Jésus « l’homme qui venait de Dieu »selon le titre d’un livre de Joseph Moingt.

Voilà pour le temps un.
Je suis revenue au texte qui précède ce verset puisque ce sont ces versets qui d’une certaine manière font de Pierre le successeur de Jésus, le premier de la nouvelle église.

samedi, juillet 11, 2009

Prier, crier, intercéder?




Si prier pour moi ne semble pas trop difficile, c’est peut-être parce que je ne cherche pas tant la protection d’un être tout puissant - parce que j'ai la chance d'avoir ce qu'il me faut et bien au delà pour vivre et aussi parce que je sais que la mort est au bout - que la relation, c’est à dire le désir de créer ou de laisser se créer en moi une relation plus personnelle plus intime avec le Dieu Trinitaire. Par contre, même si en soi cela semble évident, intercéder pour les autres me semble plus difficile.

Ce billet va donc essayer de se centrer sur certains aspects de la prière et plus particulièrement sur la prière d’intercession (ou de demande).

Pour en revenir à ma première affirmation ce que je demande quand je me tourne vers Dieu, c’est que Lui, travaille en moi. Le changement au quel j'aspire, je sais que je suis incapable de l'obtenir par ma volonté. Il me suffit donc de demander que l'Esprit Saint me travaille toujours plus et peut-être (cela c'est nouveau) de me poser parfois la question suivante: qu'est ce que en ce moment Tu attends de moi. Je veux bien me laisser guider. Mais j'ai aussi la chance de me faire confiance et si je me trompe, le Seigneur pourra lui en faire quelque chose. Et puis pouvoir percevoir que Dieu est dans ce corps qui est le mien est extraordinaire et me pousse à remercier.

Naturellement, parce que je ne pense pas être différente des autres quand j’ai mal dans mon corps, quand je vis des périodes de fatigue qui me bloquent, j’ai tendance à me plaindre. Une partie de moi souffre de ces limitations qui m’atteignent (vieillir ce n’est pas si facile). Une autre partie imagine que de cela il pourra sortir du bon. Par exemple quand j’ai ces fichues bouffées de chaleur depuis que j'ai stoppé le traitement pour éviter une récidive cancéreuse, je les utilise pour demander que cette chaleur brûle en moi ce qui doit être brûlé. N’empêche que je n’aime pas cela.

Bien souvent, je suis amenée à prier pour des amis ou pour des personnes que parfois je ne connais que de nom, qui vivent des épreuves qui les atteignent dans leur intégrité. Il m'est arrivé de demander à des communautés ou à des amis de prier pour la même intention pour que ensemble ma prière ait plus de poids. Un peu comme quand on cherche un appui (député ou autre) pour obtenir quelque chose qui ne serait pas obtenu sans ce coup de pouce.

Je me dis toujours (c’est ma représentation de cette prière de demande) que si je suis seule à prier, cela fait juste une maille, comme une maille d’un tricot. Mais que si d'autres prient avec moi, cela fait beaucoup de mailles et ces mailles assemblées font une sorte de treillis qui possède un certain poids, une certaine densité, une épaisseur. La prière alors a plus de poids auprès de celui qui peut l’exaucer mais aussi elle est comme une sorte de hamac pour celui qui accablé.



Une autre image est celle du cri jeté. Le cri s’il est repris par d’autres peut devenir chant qui aura plus de chance d’être entendu par ceux qui sont dans ce que nous nommons l’Au-delà, et qui répondront peut-être plus facilement (je sais bien que ce ceci est une représentation très anthropomorphique), mais qui donne aussi une valeur aux différents offices chantés par ceux qui ont donné toute leur vie au Seigneur.

Il y a dans le psaume 34 une phrase que j'aime: "Un pauvre a crié, Dieu écoute et de toutes ses angoisses il le délivre", c'est le verset 7.

Quand on lit les psaumes, et quand le psalmiste se plaint (ce qui est fréquent) il parle de son ou de ses cris (qui devraient parvenir jusqu'à l'oreille du Seigneur) il parle de ses larmes, de sa mauvaise santé, des attaques de ses adversaires, de sa solitude, bref il se plaint. Mais si souvent il plaint au nom de son peuple (ils mangent ton peuple comme on mange du pain) il n'intercède pas ou peu pour ses proches.

Bref il prie pour que son Dieu s’occupe de lui et aussi que son Dieu prouve aux méchants que lorsqu’on se fie à Dieu, Il s’occupe toujours de vous, ne serait ce que pour prouver qu’Il est bien Dieu.

Je dois dire que j’aime souvent cette spontanéité du psalmiste qui reprend les réparties de Moïse quand le peuple est en danger : si tu nous détruis qu’est ce que les autres peuples vont penser de Toi ?

Le mot « cri » ou le verbe « crier » est un mot qui est très fréquent dans ces textes. Comme si pour se faire entendre d’un Dieu qui réside dans un ailleurs, il fallait lever la voix, pour qu’il écoute. Est ce que toute prière est un cri ? Comment faire de ma prière un cri en particulier quand je demande à Dieu qu’Il change ou qu’il accorde quelque chose d’important aussi bien pour moi que pour ceux qui me sont proches ou moins proches?

Est ce que moi je crie? C'est loin d'être évident. Ce que ce verset me dit, c'est qu'il est nécessaire de se remettre entièrement dans les mains de Dieu, avoir foi en Lui, se savoir dépendant de Lui pour que la demande soit entendue, ce qui ne veut pas dire être exaucée, car je ne pense pas que l'on puisse "influencer" Dieu. Mais il y a des réponse, et il nous faut parfois ouvrir les yeux du cœur pour percevoir les signes.

Dieu peut parfaitement entendre la plainte ou la prière, mais répond Il toujours et répond-Il comme nous le souhaitons nous? La prière de son fils à Gethsémani n’a pas eu de réponses, même si un ange (évangile de Luc) est venu.

Alors moi qui aime les mots j'ai voulu réfléchir à ce qui se cache derrière ce mot si court.

Il y a en fait deux facteurs, le ton (crier c’est élever la voix, c’est faire du bruit) et il y a pour nous la notion de douleur ou de besoin (le bébé qui crie). Car le cri est aussi un signal : quand un enfant crie ou pleure, cela nous oblige à nous lever pour aller voir ce qui se passe. Crier vers Dieu c’est aussi cela : « Seigneur écoute ma prière, que mon cri vienne jusqu’à toi ». Le cri de l’humain devrait donc normalement faire réagir Celui vers lequel le cri monte.

En fait bien souvent le cri s'exprime en mots: ne dit-on pas c'est le cri du cœur quand on laisse sortir quelque chose de spontané? Mais il y aussi le hurlement qui vient des profondeurs que l'on ne se soupçonne pas, qui est souvent bien proche du cri anima. Ce cri inarticulé qui renvoie souvent à l'innommable, n'est pas cri.

Le cri peut–être bref c’est la cas dans la Genèse quand Adam crie le nom des animaux, il n'y a pas de verbes. Le cri s’oppose presque alors à la parole. Dieu créateur parle, l’humain crie. Il ne se met à parler que lorsqu’il est mis dans la relation d'altérité avec Eve, quand il la découvre au sortir de sa torpeur: il la nomme puis il parle d'elle.



Que Dieu entende le cri de celui qui souffre injustement est comme une sorte de leitmotiv du premier testament.

Je pense à l'ange qui rencontre Agar dans le désert, dans cet épisode assez curieux où elle ne veut pas voir son fils mourir de soif et où elle se réfugie sous un genet, mais à une certaine distance: Gn 21, 17 Dieu entendit l'enfant crier, et du ciel l'ange de Dieu appela Agar : « Qu'as-tu, Agar ? lui demanda-t-il. N'aie pas peur. Dieu a entendu l'enfant crier là-bas. Et ce qui est étonnant c'est que dans sa peur, le regard d'Agar s'est fermé: elle est aveuglée par sa douleur et par sa peur. Elle ne voit pas la source qui est à côté d'elle. Dans cet épisode, Dieu entend et il agit ( Il répond à la demande: donne moi de l'eau pour que je puisse faire vivre mon fils).



Plus tard en Egypte Dieu entendra le cri lié à la souffrance de son peuple: Ex3,7 Le Seigneur reprit : « J'ai vu comment on maltraite mon peuple en Égypte; j'ai entendu les Israélites crier sous les coups de leurs oppresseurs. Oui, je connais leurs souffrances. Et Dieu répond en permettant à son peuple de devenir un peuple libre. Mais à contrario, quand dans le désert le peuple crie et pleure (en fait récrimine) parce qu'il est confronté au manque, là la réponse de Dieu est d'un tout autre registre (extermination) et il faut souvent toute l'habilité orientale de Moïse pour éviter ou pour limiter ce qui semble être un carnage. Car le cri est sur le registre du cri de l'enfant qui ne veut pas grandir et qui pleure après le sein alors que toute le nourriture et sa diversité s'offre à lui.

Il me semble en relisant ces textes que Dieu entend, écoute et répond à la plainte ou au cri lorsque ce cri est l'expression d'une peur intense de la mort mais et surtout l'expression d'une confiance totale envers Celui qui peut tout.

Mais si le cri est lancé sans confiance, alors la réponse de Seigneur est très différente. SI je me peux me permettre de paraphraser, je dirai que tout manque de confiance le déçoit terriblement. Il manifeste son mécontentement sous forme de colère non seulement en fermant ses oreilles, mais aussi en donnant une correction tellement importante qu'elle va réveiller ce qui était endormi. Désormais il y aura crainte de Dieu, mais à partir de cette crainte une autre relation pourra peut-être se créer.

Quand je lis le livre de Tobie, je suis toujours étonnée par les prières de Tobie et de Sara, qui sont des cris de désespoir, cris que nous avons tous poussés à un moment de notre existence et qui sont les cris de ceux qui désirent la mort. Car à ces demandes de ces deux personnages qui n'en peuvent plus mais, Dieu répond en guérissant et restaurant. Il ne répond pas à la demande, il la transfigure.


La prière de Tobie au chapitre 3 est pour moi un modèle de prière (de fait assez proche de la prière enseignée par Jésus, car la demande arrive en finale).
Je cite: versets 1 à 6.

1 Plein d'une grande tristesse, je me mis à gémir et à pleurer, puis je commençai à prier avec des gémissements

Louange :
2« Tu es juste, Seigneur,
et toutes tes œuvres sont justes.
Tous tes chemins sont fidélité et vérité,
c'est toi qui juges le monde.

Puis,repentance individuelle mais aussi collective
3 Alors, Seigneur, souviens-toi de moi,
regarde et ne me punis pas pour mes péchés
ni pour mes manquements,

ni pour ceux que mes pères ont commis devant toi.

4 Ils ont désobéi à tes commandements,
c'est pourquoi tu nous as livrés au pillage,
à la déportation et à la mort,
voués à être la fable, la risée,
l'objet d'insulte de toutes les nations
parmi lesquelles tu nous as dispersés.

5 Oui, tous tes jugements sont véridiques,
quand tu me traites selon mes péchés et ceux de mes pères,
car nous n'avons pas observé tes commandements

ni marché dans la vérité devant toi.

Puis exposition de la demande

ça suffit, je n'en puis plus, laisse moi mourir (donne moi la mort).
6 Et maintenant, traite-moi comme il te plaira,
ordonne que me soit repris mon souffle,
que je sois délivré de la face de la terre pour redevenir terre.

Mieux vaut pour moi mourir que vivre,
car je me suis entendu insulter à tort
et j'ai en moi une immense tristesse.
Ordonne, Seigneur, que je sois délivré de cette détresse,
laisse-moi partir au séjour éternel
et ne détourne pas ta face de moi, Seigneur.
Oui, mieux vaut pour moi mourir
que de connaître une telle détresse toute ma vie
et que de m'entendre insulter. »

fais-moi entrer dans le repos éternel.
Ne te détourne pas de moi, Seigneur !
Je préfère mourir que de continuer à vivre dans une telle détresse,
en entendant de pareilles insultes. »


Ce qui est quand même étonnant, c'est que Tobie a bien cherché ce qui lui arrive et que la réaction de sa femme est somme toute bien normale, mais c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

La prière de Sarra, humiliée par sa servante et qui a pensé au suicide, est bâtie de la même manière et se termine de la même manière;

Tb, 3, 15:J'ai déjà perdu sept maris :
pourquoi devrais-je vivre encore ?
Mais s'il ne te plaît pas de me faire mourir,
alors, Seigneur, prête l'oreille à l'insulte qui m'est faite. »

D'une certaine manière ces textes (comme d'ailleurs le début du livre de Job) montrent qu'il est permis de se plaindre, de dire sa souffrance et son souhait que cela cesse.

Mais comment moi, crier pour ceux que je sais être dans l'épreuve? Crier pour moi oui, crier pour les autres est possible?

Mais si je reviens à la prière d'intercession pour les autres, il m'arrive de penser qu'il y a peut-être autre chose à demander que ce qui paraît le plus évident. Je dois dire que la demande délivre nous du Mal est pour moi très importante et que parfois c’est ce que je demande au lieu de rentrer dans quelque chose de précis.

Si on me le demande prier pour la guérison d’un malade, je peux le faire, mais curieusement même si je sais que le Seigneur peut guérir je ne suis pas toujours à l’aise, car parfois il s’agit presque de demander un miracle et moi, ça ne me va pas. Plutôt qu’une guérison je préfère demander que la personne souffre le moins possible et même que sa vie se termine, quand il s’agit de quelqu’un d’âgé.

Il m’arrive aussi de prier pour une personne, simplement en pensant à elle et en rappelant au Seigneur qu'elle a besoin de Lui. J'ai d'ailleurs pris l’habitude quand je me réveille la nuit juste de nommer des personnes en demandant à dieu de les bénir. Il y a parfois des noms qui surgissent, des noms auxquels je ne m'attends pas du tout, des visages du passé. Alors c'est juste une pensée qui monte, parce que dans mon imaginaire, la prière monte.

Il peut aussi m'arriver de pratiquer une sorte de prière de louange, qui serait "Seigneur fais ce qui est bon pour eux, même si pour moi cela paraît incompréhensible. Ce que Tu fais est bon et je peux Te louer pour cela. Je dois dire que cela sollicite ma confiance d'une autre manière.

Par contre, et c’est peut-être pour cela que j’écris ce billet, demander et demander sans voir de résultats, ce n’est pas facile, surtout que cela donne l’impression de rabâcher. Jésus ne nous dit-il pas de ne pas rabâcher comme les païens car notre Père céleste sait de quoi nous avons besoin (Mt 6,7-8).

Alors j’ai trouvé deux manières un peu différentes de prier (intercéder).

La première c’est de crier "sans faire de bruit", tout simplement en chantant un peu plus fort, avec plus de convictions au moment du Kyrié. Ce n'est pas Seigneur prends pitié de moi parce que je suis habitée par le mal, c'est Seigneur ouvre ton oreille, écoute, exauce ce que je désire aujourd'hui.

La seconde c’est de m’être rendue compte que si je prie pour quelqu’un je dois me sentir réellement concernée et cela ne peut se faire que si ce que je demande pour elle devient demande pour moi.

Il ne s'agit pas pour moi de m'identifier à leur souffrance mais de me sentir concernée par elle ce qui me permet alors de crier ma demande. Schématiquement cela devient : Seigneur, je souffre de la souffrance de mon amie. Tu sais qu'elle a besoin de telle ou telle chose et moi je suis concernée par cela, alors je crie pour que en m'entendant tu l'entendes aussi. Je souffre de la savoir souffrir et cette souffrance qui est mienne, je te la crie.

Je me rends compte que si par exemple je prie pour une amie qui est en recherche de logement, je peux dire "s'il te plaît Seigneur, occupe toi d'elle, envoie ton ange pour que son dossier soit lu, etc etc", mais là je ne crie pas. Je peux aussi râler: "Qu'est ce que Tu fais, pourquoi dors tu? Pourquoi lui imposes Tu une pareille épreuve," là c'est déjà plus proche du cri, mais au fond de moi je sais que ce n'est pas comme cela que j'ai envie de prier.

Et puis vient un moment, où moi qui ai un toit et tout ce qu'il faut, je me sens comme atteinte par cette souffrance et alors ce n'est plus pour mon amie que je prie, mais c'est aussi pour moi. Je veux dire que je ne suis plus concernée de loin mais de près. Je ne dis pas que sa souffrance ou son inquiétude devient mienne, mais il se passe quelque chose qui fait que je peux crier pas pour elle, mais pour moi ou pour "nous".

En fait ce que je ressens c'est que pour "intercéder pour" il est nécessaire que cette intercession me concerne aussi. Parce que si je suis concernée, alors, même si la prière est très brève, pas très fréquente, elle vient de mon profond. Je veux dire qu'il est pour moi très différent de dire : je te prie pour x, pour qu'il ait du travail et sorte du chômage" ou de dire; j'ai besoin moi, que x sorte du travail parce que sa vie me concerne et que son bien est aussi le mien.

Il ne s'agit absolument pas d'une confusion, ce que ressent l'autre, je ne pourrais jamais le ressentir, moi qui ai aujourd'hui tout ce dont j'ai besoin. Il ne s'agit pas non plus de me sentir coupable d'avoir alors que l'autre n'a pas. Il s'agit de me sentir réellement concernée par l'épreuve de mon ami et de dire que moi je suis affectée par cela et que moi je crie et me plains pour que cette épreuve s'achève ou change.

D’une certaine manière je ne peux prier ou crier pour l’autre que si je suis partie prenante car alors c’est moi qui demande car je suis à bout de souffle. Peut-être est cela le chemin qui mène à la pauvreté du cœur.
Le cri ou la plainte normalement a pour but de faire réagir quelqu’un qui est à l’extérieur de moi et qui a le pouvoir de répondre à mon besoin et de l’apaiser. Mais…

Mais Dieu n’est Il pas aussi en moi, au plus profond au plus intime ? Ne sait Il pas ce que je désire, ce que je souhaite ? « Un mot n'est pas encore sur ma langue, et déjà, SEIGNEUR, tu le connais »Ps139,4.
Certes Il le sait, mais ce Dieu là, ce Dieu qui est au plus intime de moi, ce Dieu caché mais présent et actif, c’est peut-être justement celui qui me souffle tout doucement les paroles que Lui attend et qui font de moi comme le dit Lacan un parle-être.

jeudi, juillet 09, 2009

Jacob: la deuxième bénédiction

Au chapitre 27 de la Genèse, Jacob grâce à la complicité de sa mère (qui le préfère parce qu'il est un homme tranquille Gn25,27) reçoit une bénédiction qui ne lui est pas destinée.

Isaac qui a des doutes sur l'identité de celui qui lui apporte le repas demandé finit par dire::

28 “Que Dieu te donne la rosée qui tombe du ciel,
les riches produits de la terre, du blé et du vin en abondance.

29 Que des nations soient à ton service,
que des peuples se prosternent devant toi.
Sois le maître de tes frères, qu'ils s'inclinent devant toi !
Maudit soit celui qui te maudira, béni soit celui qui te bénira ! ”
»

Ce qui est étonnant c'est que la première partie de cette bénédiction semble bien s'accorder à Jacob qui n'est pas un chasseur comme son frère, mais un cultivateur ( comme Caïn). Et d'une certaine manière la prospérité des troupeaux de son beau-père Laban, ainsi que la postérité de sa descendance sont des réalisation de cette bénédiction.

Seulement cette bénédiction Jacob l'a volée, elle ne lui appartient pas vraiment.

Pourtant au chapitre 28, il reçoit une bénédiction en bonne et due forme avant de partir chez son oncle Laban pour y trouver femme mais surtout pour protéger sa vie.

Isaac appela Jacob et le bénit. Il lui donna cet ordre : « Tu n'épouseras pas une fille de Canaan, lui dit-il. 2Debout ! Va en plaine d'Aram à la maison de Betouël, le père de ta mère. Prends là-bas pour femme une des filles de Laban, le frère de ta mère.
3 « Que le Dieu Puissant te bénisse, te rende fécond et prolifique
pour que tu deviennes une communauté de peuples !
4Qu'il te donne la bénédiction d'Abraham,
à toi et à ta descendance,
pour que tu possèdes le pays de tes migrations,
le pays que Dieu a donné à Abraham. »
5 Isaac fit partir Jacob pour la plaine d'Aram auprès de Laban, fils de Betouël l'Araméen, frère de Rébecca, la mère de Jacob et d'Esaü.
6 Esaü vit qu'Isaac avait béni Jacob et l'avait envoyé en plaine d'Aram pour y prendre femme et qu'en le bénissant il lui avait donné cet ordre : « Tu n'épouseras pas une fille de Canaan. »

Seulement là encore cette bénédiction est obtenue par la ruse de Rébecca qui se plaint des mésalliances d'Esaü et non pas du désir de vengeance de ce dernier.

Il me semble que ce qui se passe lors du combat avec l'Ange (YHWH) et qui se termine par une demande de bénédiction permet à Jacob de devenir celui que Dieu attend pour être un des pères de son peuple.

Peut-être que la bénédiction reçue (et gagnée de haute lutte) ainsi que le nouveau nom répondent à ces deux bénédictions qu'il n'aurait pas du recevoir.

Je cite le texte dans la traduction de la TOB:

23 Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants, et il passa le gué du Yabboq.
24 Il les prit et leur fit passer le torrent, puis il fit passer ce qui lui appartenait,

25 et Jacob resta seul. Un homme se roula avec lui dans la poussière jusqu'au lever de l'aurore. 26Il vit qu'il ne pouvait l'emporter sur lui, il heurta Jacob à la courbe du fémur qui se déboîta alors qu'il roulait avec lui dans la poussière.

27 Il lui dit : « Laisse-moi car l'aurore s'est levée. » — « Je ne te laisserai pas, répondit-il, que tu ne m'aies béni. »
28 Il lui dit : « Quel est ton nom ? » — « Jacob », répondit-il.

29 Il reprit : « On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et tu l'as emporté. »

30 Jacob lui demanda : « De grâce, indique-moi ton nom. » — « Et pourquoi, dit-il, me demandes-tu mon nom ? » Là même, il le bénit.
31 Jacob appela ce lieu Peniel — c'est-à-dire Face-de-Dieu — car « j'ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauve ».

32Le soleil se levait quand il passa Penouël. Il boitait de la hanche. 33C'est pourquoi les fils d'Israël ne mangent pas le muscle de la cuisse qui est à la courbe du fémur, aujourd'hui encore. Il avait en effet heurté Jacob à la courbe du fémur, au muscle de la cuisse.

On peut dire si on colle au texte que Jacob qui a peur des réactions de son frère (et à juste titre) une fois de plus invente un stratagème. Il met entre son frère et lui-même sa famille et tous les biens (versets 23-24). Ce n'est pas très très brillant.

Lui, il ne passe pas le Yabboq, il reste en arrière presque à l'abri. Après tout si la rencontre avec Esaü se passe mal; il pourra toujours repartir en arrière en laissant en otage ses biens, lui aura la vie sauve. Jacob ne brille pas par son courage.

Or cette nuit là, il va être obligé de se battre pour défendre sa vie. Seulement il ne sait pas contre qui il se bat. Simplement il lutte dans la poussière. Avant le lever du soleil l'homme pour essayer de vaincre Jacob termine la lutte par un coup bas (ce que Jacob a fait d'ailleurs par deux fois à son frère.

Le combat avec l'homme (ange) se termine par une bénédiction (dont nous n'avons pas les paroles) qui appartient désormais en propre à Jacob.

Je pense que l'on peut peut-être combler le blanc en y mettant la bénédiction donnée à Abraham après la ligature d'Isaac, puisque tous deux ont été vainqueurs de l'épreuve qui leur a été proposée.

15 L'ange du SEIGNEUR appela Abraham du ciel une seconde fois
16 et dit : « Je le jure par moi-même, oracle du SEIGNEUR. Parce que tu as fait cela et n'as pas épargné ton fils unique,

17 je m'engage à te bénir, et à faire proliférer ta descendance autant que les étoiles du ciel et le sable au bord de la mer. Ta descendance occupera la Porte de ses ennemis ; 18 c'est en elle que se béniront toutes les nations de la terre parce que tu as écouté ma voix. »

Mais non seulement Jacob n'est plus un usurpateur, la bénédiction lui appartient en propre, il l'a gagnée, il ne l'a pas volée, mais surtout il reçoit un nom qui deviendra celui de tout ses descendants: Israël.

Donner un nom c'est faire de l'autre un nouvel être et toute naissance d'un homme nouveau est bénédiction. Cette bénédiction là, elle appartient en propre à Jacob personne ne pourra la contester.

Voir aussi mon autre billet: http://giboulee.blogspot.com/2008/11