vendredi, novembre 27, 2009

Les vendeurs du temple. Jean 2, 13-17



La colère est considérée comme quelque chose de mal, parce que souvent l'homme en colère ne se contrôle plus, agresse l'autre, risque de le détruire, voire même de le tuer. Des études anciennes maintenant ont montré que le risque d'accidents cardiaques était très élevé chez les personnes coléreuses ce qui revient à dire que la colère en soi est dangereuse pour l'individu lui-même.

On dit aussi aujourd'hui que l'une des causes possibles de la dépression est une colère qui au lieu d'être dirigée contre une figure parentale est dirigée contre le sujet et de ce fait le détruit. Ne pas exprimer une colère est mauvais, être en colère n'est pas bien, alors comment parler de la colère?

Etre en colère ce n'est pas être fâché, même si quand on est fâché on peut avoir des attitudes qui sont celles de la colère. La colère est quelque chose de profond, qui vous anime d'un coup et qui peut vous pousser avec des actes parfois héroïques du moins quand on se met du côté de celui qui agit sa colère et non de celui qui la subit.Le colère peut vous transformer. Nous sommes tous habitués à Hulk, qui lorsqu'il est en colère devient tout autre, et surtout un tout autre incontrôlable.

Dans le premier testament, outre les colères de YHWH, il y a ces colères qui s'emparent de certains quand l'honneur de leur Dieu est bafoué, je pense à Pinhas le prêtre Nb 25, Samson le juge Jg 13 et suivants, ou encore à Mattathias dans le livre des Maccabées. La colère qui s'empare d'eux les prend aux tripes si je peux m'exprimer ainsi. Je trouve que ceci est admirablement décrit quand Mattathias se dresse contre l'ordre du roi: 1M 24 A sa vue, le zèle de Mattathias s'enflamma et ses reins frémirent ; une juste colère monta en lui, il courut et l'égorgea sur l'autel. 25 Quant à l'homme du roi, qui obligeait à sacrifier, il le tua sur-le-champ, et renversa l'autel. 26 Il fut embrasé de zèle pour la Loi comme l'avait été Pinhas envers Zimri, fils de Salou. 27 Puis Mattathias se mit à crier d'une voix forte à travers la ville : « Que tous ceux qui ont le zèle de la Loi et qui soutiennent l'alliance me suivent. »

Cette colère investit finalement Mattathias d'une force et d'un pouvoir que lui même ne connaissait pas et qui va lui permettre de lutter efficacement contre l'envahisseur.

La colère quand elle vous prend au plus profond de vous même permet d'une certaine manière de se rassembler, de se dresser, de devenir vivant , de se sentir existant parfois même de se sentir enfin sujet. Elle permet de trouver en soi la force de s'opposer, de dire non, de dire que l'autre se trompe, qu'il ne comprend pas et qu'il n'a pas à vous imposer son point de vue ou sa manière de penser. Cette colère là, crée des hommes vivants.

C'est quelque chose que j'ai vécu il y a longtemps au cours de mon analyse. Le jour où j'ai pu d'une certaine manière me dresser contre mon analyste, exprimer ma colère face à ce que je ressentais comme son indifférence à ce que je traversais, alors ma colère exprimée en mots (pas en actes bien sûr) m'a permis de sortir de ma dépression et redevenir vivante. Bien sûr je n'ai attaqué mon analyste, mais j'ai pu enfin sortir ce qui m'habitait, exprimer ce que je ressentais et cela a remis ensemble les morceaux de mon Moi qui étaient comme juxtaposés et cette colère là m'a permis d'être, de savoir qui j'étais.

Cette colère là a du bon et il me semble que c'est ce qui se passe dans l'épisode rapporté au début de l'évangile de Jean épisode que l'on retrouve dans les synoptiques, mais sous une forme très concise qui est finalement fort réductrice. Par exemple en Marc 11 15. " Ils arrivent à Jérusalem. Étant entré dans le Temple, il se mit à chasser les vendeurs et les acheteurs qui s'y trouvaient : il culbuta les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombes" ou en Luc 19 45."Puis, entré dans le Temple, il se mit à chasser les vendeurs".


Mais la composante reste la même:Jésus s'en prend aux hommes qui sont là et les chasse, comme on chasse un troupeau d'animaux. Et face à l'autorité de cet homme, ils ne résistent pas, ce qui est quand même étonnant, car on peut bien imaginer que au moment de Pâques ces vendeurs sont nombreux et que cette partie du temple est comme un véritable marché à bestiaux.

Comme souvent nous sommes tellement habitués à l'écrit de l'évangile que nous ne le visualisons plus.

Or si on se représente ce qui se passe en Jean 2, 13-15, Jésus est pris par quelque chose, qui lui donne une force étonnante.

Voici le texte:

13 La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem.

14 Il trouva dans le temple les vendeurs de bovins, de moutons et de colombes, ainsi que les changeurs, assis.
15 Il fit un fouet de cordes et les chassa tous hors du temple, avec les moutons et les bovins ; il dispersa la monnaie des changeurs, renversa les tables
16 et dit aux vendeurs de colombes : Enlevez tout cela d'ici ! Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce!

17 Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit : La passion jalouse de ta maison me dévorera.

Jésus ne s'attaque pas aux animaux mais aux hommes. Il les traite comme des animaux ce qui est bien contraire à la douceur évangélique. Le fouet ne lui sert pas à faire partir les animaux mais les hommes.

Nous sommes tellement habitués aussi dans l'iconographie à nous représenter Jésus comme quelqu'un de grand, de fort, qui domine physiquement les autres. Mais Jésus devait être physiquement comme les hommes de sa génération, c'est à dire pas très grand et pas si costaud que cela, même s'il a appris le métier de charpentier qui donne de la force dans les bras.

Le suaire de Turin donne à Jésus une taille de 1m80 et une corpulence de 80kg, mais c'est le suaire. D'ailleurs même un homme de 1m80 ne fait pas le poids devant des bovins surtout en grand nombre. Mais la peur n'a pas des prise sur Jésus, car ce qui compte pour lui, c'est que la maison de son Père ne soit pas une caverne de voleurs.

Cet homme en colère attaque les vendeurs et ceux ci sont incapables de lui résister. Il est seul contre tous, la colère lui donne la force de se dresser, de hurler car je doute fort que jésus pris par cette colère ait parlé posément et gentiment aux vendeurs et aux changeurs. Imaginez aussi la tête des marchands de colombes qui voient leur marchandise s'envoler; l'argent qui tombe sur le sol ce qui a peut-être fait la joie de ceux qui justement voulaient acheter une bête pour célébrer la Pâque.Les animaux dans tous les sens, bref le bazar total, tout ça à cause d'un parfait inconnu. Car dans l'évangile de Jean, qui connait cet homme? Le seul miracle rapporté est celui de Cana, petite ville bien éloignée de Jérusalem. Et le voilà qui fait un scandale. Un miracle que sa vie publique ne se soit pas arrêtée là. Pourquoi les gardes temple ne sont ils pas intervenus pour remettre de l'ordre?

Et cet homme en colère a une phrase étonnante qui vient certes du prophète Jérémie, mais qui le positionne d'emblée comme le Fils du très Haut.

Dans la suite du texte, la seule chose que les pharisiens demanderont à Jésus, c'est de justifier son acte; Peut-être sont ils d'accord avec ce qui vient d'être fait.

Je me demande si cet épisode n'est pas une sorte de mise en acte de ce que Luc rapporte "Vous savez bien que je me dois aux affaires de mon Père". Lc 2, 49. Si à Cana; Jésus peut être considéré comme le fils de Marie, qui finalement fait ce que sa mère désire, là, il devient le Fils de son Père et sa vie publique peut vraiment commencer.

Cette colère, ce que certains appellent "une sainte colère", donne à Jésus sa stature, son identité, vrai Dieu, vrai homme.

2 commentaires:

TOURNESOL a dit…

J'aime beaucoup ce passage de l'évangile! Je trouve que l'on a trop tendance à faire de Jésus une personnalité compatissante qui se laisse clouer sur une croix sans
réagir et que notre vie chrétienne
est souvent influencée par cela...
Jésus est une personnalité forte et LIBRE,authentique et vivante qui nous aide à nous réconcilier avec nous-mêmes, les autres et Dieu.
Il n'y a aucune hypocrisie en Lui...Par contre,il y a beaucoup de paraître et d'hypocrisie dans les rapports humains. Mais il est vrai que la colère humaine est parfois mauvaise conseillière quand on est un peu "soupe au lait"...
Pourtant comme vous le dites il faut "s'expliquer calmement" avec l'autre... La communication vraie est importante . Elle est très difficile dans un monde où les rapports sont souvent sous le signe
de l'intérêt(argent...)C'est pourquoi l'amitié est si importante
et que nous avons besoin d'hommes "justes" qui à l'exemple de Jésus défendent d'autres valeurs.Les prophètes de notre temps qui au nom de l'évangile "sont en colère"pour défendre le faible.
Etre chrétien c'est être en voie d'humanisation...

horoscope a dit…

votre article est magnifique.