jeudi, mai 27, 2010

" L'homme dont les démons étaient sortis" Lc 8, 27-39



Il s'agit là d'une réflexion tout à fait inattendue qui m'est venue sur le possédé Gergésénien.

Cet homme est un peu le prototype de tous ces êtres qui font du mal, qui détruisent, qui abiment leurs semblables. Comment leur pardonner quand on a été leur victime? Est ce possible de pardonner quand quelqu'un vous a détruit?

Je ne peux pas répondre à cette question, mais si j'admet que cette personne s'est laissée posséder par le mal (ce que l'évangile appelle le ou les démons) et j'emploie la forme passive exprès, car là il y a toujours un choix possible, alors il est possible de souhaiter sa délivrance et de demander que ce démon sorte de lui et qu'il redevienne l' homme qu'il aurait du être.

Ce n'est pas du pardon c'est autre chose. Je ne dis pas que c'est à la victime de demander cela, mais cela peut être le travail des amis de la personne qui a souffert.

C'est un texte que j'ai toujours aimé, car c'est une série de tableaux que l'on peut se représenter facilement, ainsi que les réactions des protagonistes. J'imagine la tête des gardiens de troupeaux quand ils ont vu tous les porcs sauter dans l'eau et je comprends parfaitement la réaction des habitants qui demandent à Jésus de quitter les lieux. Certes il a sauvé un homme, mais il en a ruiné d'autres.

Je cite le texte pour plus de commodités (traduction de la TOB).


26 Ils abordèrent au pays des Gergéséniens qui est en face de la Galilée. 27 Comme il descendait à terre, vint à sa rencontre un homme de la ville qui avait des démons. Depuis longtemps il ne portait plus de vêtement et ne demeurait pas dans une maison, mais dans les tombeaux.



Cet homme là est un homme qui fait peur, il a des accès de violence, il est asocial, et il n'est pas civilisé (ne pas porter de vêtements le prouve). Or aujourd'hui, nous pouvons connaître des personnes qui correspondent à cet homme là. Certes ils ne résident plus dans les cimetières, mais il y a en eux une composante de violence et quand ils sont pris par leur violence, rien ne peut les contrôler (on le liait, pour le garder, avec des chaînes et des entraves; mais il brisait ses liens). Ils ne se contrôlent pas, ils détruisent et qui plus est ils y trouvent du plaisir.

28 A la vue de Jésus, il se jeta à ses pieds en poussant des cris et dit d'une voix forte : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t'en prie, ne me tourmente pas. » 29 Jésus ordonnait en effet à l'esprit impur de sortir de cet homme. Car bien des fois il s'était emparé de lui ; on le liait, pour le garder, avec des chaînes et des entraves ; mais il brisait ses liens et il était poussé par le démon vers les lieux déserts.


En d'autre termes,il y a en cet homme (qui pousse des cris comme les cochons) mais qui parle d'une voix forte une composante qui fait qu'il ne veut absolument pas changer, qu'il est très bien dans sa violence. Sa force le rassure quant à son identité. Il est le plus fort. C'est Jésus qui agit et qui décide de faire quelque chose.Cet homme abject, il le prend en pitié.

30 Jésus l'interrogea : « Quel est ton nom ? » — « Légion », répondit-il, car de nombreux démons étaient entrés en lui. 31 Et ils le suppliaient de ne pas leur ordonner de s'en aller dans l'abîme.


32 Or il y avait là un troupeau considérable de porcs en train de paître dans la montagne. Les démons supplièrent Jésus de leur permettre d'entrer dans ces porcs. Il le leur permit. 33 Les démons sortirent de l'homme, ils entrèrent dans les porcs, et le troupeau se précipita du haut de l'escarpement dans le lac et s'y noya.

34 A la vue de ce qui était arrivé, les gardiens prirent la fuite et rapportèrent la chose dans la ville et dans les hameaux
.

Comme je l'ai dit, se représenter les scènes successives est assez facile. Pauvres cochons. Enfin mourir noyé ou mourir égorgé quelle différence.

35 Les gens s'en vinrent pour voir ce qui s'était passé. Ils arrivèrent auprès de Jésus et trouvèrent, assis à ses pieds, l'homme dont les démons étaient sortis, qui était vêtu et dans son bon sens, et ils furent saisis de crainte.

Ce miracle là, il est certain que les victimes l'ont désiré de tout leur être, de tout le coeur, mais qu'il n'est pas advenu et qu'elles sont encore poursuivies par des images où elles sont la proie d'un homme fou, d'un homme démoniaque, d'un homme destructeur.

L'homme dans cette histoire n'a rien demandé. Jésus a agi parce que cette non humanité pour Lui qui est l'humain dans sa plénitude est est insupportable.

36 Ceux qui avaient vu leur rapportèrent comment celui qui était démoniaque avait été sauvé.
37 Alors, toute la population de la région des Gergéséniens demanda à Jésus de s'éloigner d'eux, car ils étaient en proie à une grande crainte ; et lui monta en barque et s'en retourna.

Là d'un point de vue logique, on (je) voit mal comment les choses se nouent. Si Jésus part comme on le lui demande, et qui plus est s'écarte en barque, comment l'homme peut il demander à être avec lui?

38 L'homme dont les démons étaient sortis le sollicitait ; il demandait à être avec lui. Mais Jésus le renvoya en disant : 39 « Retourne dans ta maison et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi. » Et l'homme s'en alla, proclamant par toute la ville tout ce que Jésus avait fait pour lui.

Peut-être que ceci montre que l'homme guéri, sauvé de sa possession désire vivre avec celui qui lui a rendu son humanité, mais cela reviendrait à fuir son milieu originaire, sa maison, ce milieu où on le connait et où on sait ce qu'il a fait. Peut être a- t-il des choses à réparer et peut-être est-ce pour cette raison que Jésus ne le prend pas avec Lui. Proclamer ce que Jésus a fait pour lui revient bien à reconnaître ce qu'il a fait au paravant.

L'inattendu pour moi, a été de me dire, que cette dépossession je pouvais moi, humblement, petitement, mais certaine de la puissance de Jésus la demander pour ces personnes dont je sais qu'elles ont été des abuseurs, pour ces personnes que je déteste profondément et qui me font horreur.

Pour moi qui parfois accompagne des personnes meurtries, cassées par ces violences subies et qui demeurent inscrites dans le corps et dans le quotidien, il m'est possible de demander à Jésus qu'Il continue à chasser ces démons.

Peut-être que ce changement de regard est pour moi aujourd'hui une sorte d'appel, qui me permet de ne pas rester totalement dans le rejet. Car comme le démon de l'enfant épileptique, ces démons là ne se chassent que par le jeune et la prière et par la force de l'Esprit Saint.Encore faut il oser le demander.

dimanche, mai 16, 2010

« Il se sépara d’eux » Lc 24 ,51





« Tandis qu'il les bénissait, il se sépara d'eux et fut emporté au ciel »

Je n’avais prêté attention à cette phrase qui clôt l’évangile de Luc. Le verbe « se séparer » est très fort. J’avais juste fait le parallélisme avec le départ de l’ange Raphaël dans le livre de Tobie Tb12,20 « Voici que je remonte vers celui qui m'a envoyé. Mettez par écrit tout ce qui vous est arrivé. » Et il s'éleva. 21 Ils se redressèrent, mais ils ne pouvaient plus le voir. 22 Ils bénissaient et chantaient Dieu, et le célébraient pour toutes les grandes œuvres qu'il avait faites: un ange de Dieu leur était apparu ! »

Ce verbe « se séparer »évoque pour moi la tête de la fusée qui doit mettre un satellite sur orbite. Désormais elle vit sa vie et n’a plus aucun lien possible avec la fusée porteuse. D’une certaine manière l’Ascension est l’entrée dans un autre temps.




Après la résurrection on est dans le temps des apparitions. Comment les disciple sont ils vécu cela ? Tantôt il est question de peur, de frayeur, tantôt de joie. Ce qui est certain c’est que le corps du Ressuscité est radicalement différent de ce qu’il avait été. Si Thomas voit les plaies, les disciples d’Emmaüs ne les voient pas, pourtant celles des pieds auraient du être bien visibles. Le début des Actes des Apôtres fait mention d’une période de 40 jours durant lesquels Jésus s’était montré vivant : Actes 1:3 « C'est à eux qu'il s'était présenté vivant après sa passion : ils en avaient eu plus d'une preuve alors que, pendant quarante jours, il s'était fait voir d'eux et les avait entretenus du Règne de Dieu ».

Je sais bien que ces 40 jours ont une portée symbolique, qu’ils renvoient aux 40 jours de l’exode, aux quarante jours de la tentation, mais ne peut –on pas imaginer que ces quarante jours ont été aussi pour Jésus une sorte de temps de préparation. Peut-être a t il eu besoin de ce temps pour pouvoir réellement se séparer de ces hommes qui l’ont quand même porté et qui étaient son corps.

La résurrection est une chose, l’Ascension en est un autre. Elle signifie que l’homme Jésus n’est plus là, qu’Il a pris d’une certaine manière son envol, qu’Il est devenu pleinement Fils et pleinement Dieu. Seul le don de l’Esprit pouvait permettre aux disciples et à nous par la suite d’accepter cette transformation et cette distance. Là où Il est, nous ne pouvons venir, mais nous savons qu’Il nous a préparé une place ce qui est déjà beaucoup. Il fut un temps où la célébration de l’Ascension et de la Pentecôte se faisait le même jour et au fond de moi, je trouve que c’était une très bonne chose.

samedi, mai 08, 2010

Jn16,7 "il est bon pour vous que je m'en aille"

«Tu me manques » .
« Il est bon pour vous que je parte »Jn 16,7

Je fais partie d’une génération où certes on se disait que l’on s’aimait mais pas tout le temps ni à tout bout de champ. Il y avait aussi une grande différence entre « je t’aime bien, je t’aime beaucoup et je t’aime » le « je t’aime » ne se disant que entre mari et femme ou parents et enfants. Les séparations enfants parents étaient valorisées : cela va te faire grandir, tu vas découvrir des choses nouvelles, je suis heureux que tu ailles à l’école, ceci pour dire que personne ne m’a jamais dit « tu me manques ou tu m’as manquée » quand je quittais ma mère pour passer mes vacances avec mon père, puisqu’ils étaient divorcés. Peut-être que j’appartiens à une génération qui n’a pas appris à exprimer ses sentiments (ce qui ne veut pas dire qu’elle n’en a pas), mais il me semble qu’il y a une sorte surenchère de ces deux phrases : je t’aime et tu me manques.

Bien sûr c’est une phrase que j’emploie quand ceux que j’aime sont loin de moi, quand je souffre de leur absence, mais je ne m’en sers pas comme une banalité. Il y a des absences qui me sont douloureuses, mais je crois que l’absence est quelque chose qui peut être positif. Et puis aujourd’hui, il y a tellement de moyens de ne pas être en rupture totale de relation comme c’était le cas autrefois, où seules les lettres (qui mettaient parfois beaucoup de temps pour atteindre leur destinataire) permettaient de savoir ce que devenait et ce que vivait l’absent. Je me demande si cette pléthore de moyens de communication rend plus difficile l’expérience du manque, expérience qui est indispensable pour ne pas demeurer dans la fusion, voir la confusion avec l’autre).

J’ai l’impression que cette phrase est comme un moyen de rassurer celui qui s’en va à savoir, ne t’inquiète pas, je ne t’oublies pas (comme si on pouvait oublier ceux que nous aimons) et la phrase « je t’aime » que l’on entend aussi beaucoup maintenant a le même rôle. Comme si on pouvait cesser d'aimer comme cela, simplement parce que l'autre n'est plus dans son champ visuel. Comme si nous n'avions pas d'images intériorisées, comme si nous ne vivions que dans l'immédiat, le présent.

La première fois que cette petite phrase m’a été dite, c’était ma tante américaine, qui la prononçait, et cela m’avait beaucoup étonnée, car ne la voyant que très occasionnellement je ne pensais pas - non pas qu’elle ne tenait pas à moi puisque j’étais sa nièce-, mais qu’elle pouvait ressentir ma non présence comme un manque. En même temps je dois reconnaître que cela m’a fait plaisir, car c’est important de savoir que l’on a de l’importance pour quelqu’un.

Je sais bien que c’est devenu une formule banale, mais les formules banales, je ne suis pas sûre de les aimer, surtout quand finalement elles créent une sorte de culpabilisation. Dire à un enfant qui part en vacances : « tu me manques » est un bon moyen pour lui casser son plaisir de partir, de voir d’autres personnes, d’explorer le monde.

Il me semble que cette phrase si banale si anodine, fait de l’autre une sorte d’objet une sorte de doudou et cela me dérange. Cette phrase c’est un peu comme le téléphone portable des adolescents, cet objet transitionnel dont ils ne peuvent se passer et qui remplace d’une certaine manière le doudou de leur enfance. Certes c’est une phrase gentille, mais elle renvoie à la perte, alors qu’une séparation n’est pas forcément abandon.

Elle fait de l’absence quelque chose de nocif, car le manque renvoie à la perte, à la souffrance. A t on le droit de faire du mal à l’autre ? A t on le droit de partir, de vivre simplement ce que l’on a vivre, si cela doit être difficile pour l’autre ?

Après tout c’est bien l’absence de la mère qui permet au petit enfant de se structurer, de se créer éventuellement son doudou pour faire « comme si », et d’accéder au symbolique.

Employer cette phrase c’est une manière de dire, je t’aime. Mais dire je t’aime ou dire tu me manques c’est très différent.

Employer cette expression pour un oui et pour un non, je dois reconnaître que cela m’insupporte, me met mal à l’aise et d’une certaine manière me culpabilise et je pense que culpabiliser n’est pas une bonne chose. Je peux parfaitement comprendre que je vais manquer à quelqu’un avec qui j’ai une relation suivie, mais même si c’est moi qui prends l’initiative de partir en vacances, même si la relation avec l’autre risque aussi de me manquer, je crois qu’il est bon de bouger, de ne pas rester dans le statique, surtout que aujourd’hui, les moyens de communications permettent de rester dans une certaine relation. Bien entendu le virtuel ne remplacera jamais le réel, mais il existe.

Cette petite phrase « tu me manques » ; est omniprésente dans toutes les séries américaines. Elle peut s’ajouter à une autre phrase très utilisée : « je sais ce que tu ressens », comme si ressentir ce que vit l’autre était possible ?

Quand elle s’utilise au présent : « tu me manques », je la ressens comme assez culpabilisante, « toi tu fais quelque chose où je n’ai pas ma place, tu m’oublies, je ne compte pas pour toi, et ce n’est pas bon ». Je perds le contact avec toi, je n’ai plus d’images ou de représentations de toi, tu m’abandonnes. Ou encore : que vais-je devenir sans toi ? Or quand on n’a pas vécu dans la réalité des abandons, lorsqu’on a eu de parents suffisamment présents, dire cela revient presque à annuler la capacité de se représenter l’autre absent et aussi de pouvoir exister sans lui (voir un article ancien de D.W Winnicott : la capacité d’être seul, capacité qui se met en place à partir de la première année de vie). Peut-être faudrait il dire ce qui est très différent, je suis triste (ou je vais être attristé) par ton absence, mais mettre l’affect en mot est très différent de se centrer sur l’agir. Ceci l’affect « normal » peut être la tristesse, mais il peut aussi renvoyer à la colère voire à la haine : tu n’as pas le droit de m’abandonner, je te déteste.

Quand elle employée au futur, par exemple quand on doit quitter quelqu’un avec qui on a passé un bout de temps, (« tu me manqueras ou vous me manquerez ») elle peut s’entendre un peu comme formule de politesse (le temps passé avec vous a été agréable et je penserai à vous avec regret). Là encore l’affect renvoie à une tristesse affectueuse. J’ai passé un bon moment avec vous, j’ai appris à vous connaître, je ne vous oublierais pas et je penserai avec vous comme à quelqu’un d’important pour moi. La place que vous avez prise ne sera prise par personne d’autre, vous êtes unique.

Enfin quand on l’emploie au passé composé, c’est plus ambigu. Cela peut s’entendre comme un reproche : le temps passé sans toi a été dur à vivre, ton souvenir était omniprésent, mais toi tu n’étais pas là,… Si on revient à l’affect, il y a toujours de la tristesse, mais aussi le besoin de réassurer l’autre. J’ai eu du mal à vivre sans toi, j’ai perdu mon appui (toi) et je ne sais pas comment j’ai fait pour m’en sortir. Tu n’aurais peut-être pas du me laisser.

Mais il y a aussi l’image de deux personnes qui veulent se rencontrer et qui passent l’une à côté de l’autre sans pouvoir se rencontrer. On a manqué l’autre comme on a manqué son train. Je t’ai manqué, je n’ai pas pu t’attraper, je t’ai loupée… Et là cela revient à dire que la relation n’a pas pu se faire et que peut être on en veut à l’autre de ne pas avoir été là alors qu’on l’attendait. Et l’affect peut être de la colère : tu n’as pas été capable de prendre le bon chemin pour être en relation avec moi (ou moi je n’ai pas su) donc on peut être en colère de cet échec, projeter la colère sur l’autre ou carrément se déprimer de la perte.

La vie fait que nous vivons avec des temps de présence et des temps d’absence, mais ces temps d’absence sont là pour que nous vivions autrement, que nous devenions ce que nous avons à devenir.

Je crois aussi que cette phrase est une sorte de phrase valise : on dit » tu me manques » alors qu’on pourrait dire, « j’aimerai que tu restes avec moi, mais je me réjouis que tu fasses autre chose de bon pour toi ».

J’ai vécu beaucoup de séparations durant mon enfance, je savais très bien que je manquais à ma mère, mais qu’elle arrivait à faire une vie remplie malgré tout, et elle me manquait aussi, mais j’ai appris à faire sans, ce qui ne veut pas dire que je l’oubliais.

Le manque est pour moi quelque chose qui permet la structuration, la mise en place de mécanismes psychiques importants. Il peut arriver que la présence physique n’empêche pas le manque : tout le monde connaît maintenant l’importance d’une dépression maternelle sur le petit enfant qui a pourtant les soins dont il a besoin. Dire « tu me manques » cela s’entend dans certains contexte, mais cette phrase a quand même quelque chose de culpabilisant. Si tu n’es pas avec moi physiquement c’est que tu as quelque chose de mieux à faire, que je ne compte pas pour toi, or cela est faux. On peut être absent physiquement et porter l’autre dans son cœur.

Jésus n’est plus présent, et pourtant il a mis avant son départ des moyens de « se rendre présent ». Il y a le mémorial du jeudi saint, il y a l’envoi de l’Esprit Saint. S’Il a choisi de partir, c’est que justement le manque est important et nécessaire. Il permet aussi la foi. Quand Jésus dit : « il est bon pour vous que je parte », il a raison ; Il nous apprend à ne pas faire de lui notre objet, notre chose, notre petit dieu, bien à nous.

C’est parce qu’Il est parti que le don de l’Esprit a été fait à tous les hommes. Ce don d’une certaine manière rend présent l’absent. Désormais si nous le désirons, Il peut vivre en nous comme nous vivons en Lui et former une création nouvelle avec tous les autres qui vivent el Lui et par Lui.

vendredi, mai 07, 2010

"toumal"

Je suis toujours sensible au timbre de voix du célébrant et dernièrement, lorsque le prêtre a dit « délivre nous de tout mal et donne la paix à notre temps », cela a résonné comme s’il s’agissait d’un seul mot : « toumal » et naturellement je suis partie un peu ailleurs.

Entendre ce « toumal » m’a fait penser à un adulte handicapé dont l’une des phrases était : « j’ai du mal à être autonome » et que moi j’’entendais en un seul mot : « gdumal » ! En fait ce qu’il voulait dire c’est « c’est difficile pour moi de faire des choses qui montreraient que je suis autonome » alors ce toumal que représente t il pour moi ? Ma réponse première serait : délivre moi de tous les bobos de la vie, ce qui d’une certaine manière fait de Dieu une super bonne mère, mais est ce ainsi qu’il fonctionne ? Quelque part je dirai que c’est presque un vœux pieux, car Dieu n’est pas à mon service et s’Il peut faire que certains cailloux ne me fassent pas trébucher, il ne les enlève pas pour autant.

Il y a beaucoup de phrases que nous utilisons avec ce petit mot: ça fait mal, ça fait du mal, c’est mal... tu fais mal,. Il me semble que ce « mal » avec une minuscule qui s’oppose presque au Mal avec une majuscule que l’on entend sans le Notre Père (délivre nous du Mal), donc juste avant que le prêtre ne fasse cette demande que je cite en entier: « Délivre nous de tout mal et donne la paix à notre temps. Par ta miséricorde libère nous du péché, rassure nous devant les épreuves en cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets et l’avènement de JC notre sauveur, car c’est à toi qu’appartiennent le règne la puissance et la gloire pour les siècles des siècles ».

Ceci dit, le fait que le règne la puissance et la gloire lui appartiennent ne fait pas de Lui, me semble n’avoir aucun lien avec les demandes précédentes, sauf de reconnaître que cela est en son pouvoir. Mais revenons à ma préoccupation première autour de ce mal/Mal.

C’est un peu comme s’il y avait un Mal qui renvoie à la tentation, au démon, au séparateur, et des maux qui sont notre lot commun. Or pourtant ce sont bien souvent ces maux qui mettent la zizanie entre Dieu et nous : je n’ai pas mérité ça, qu’est ce que j’ai fait au bon Dieu pour que, etc.

Et s’il nous délivre de cela en nous permettant de vivre dans la paix (qui n’est pas la paix donnée par son fils mais dans le calme, alors on revient au Dieu protection qui pour moi est un Dieu dont certes nous avons besoin, mais qui est un Dieu magicien et que n’est pas Dieu de relation qui est celui qui nous crée. Certes je crois que Dieu s’il le veut peut nous protéger du malheur, de la maladie, mais je ne crois pas que cela fonctionne comme cela.

Il est évident que si Dieu fait cela pour moi (ou pour nous les humains) nous devons le remercier et lui rendre grâce surtout si cela nous est donné au nom de son fils, mais l’important n’est il pas surtout la possibilité pour nous d’être en relation plutôt que d’utiliser Dieu comme un paratonnerre , ce qu’il ne fait que si cela peut justement contribuer à le faire reconnaître.

Il me semble que ce qui nous est donné c’est bien plus l’esprit saint que de vivre sans les aléas de la vie (et de la mort). Le « demandez et vous recevrez se termine par ; « Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent. » Lc 11, 13

Que nous rendions grâce à Dieu s’il nous délivre des maux de cette vie, certainement, mais il ne me semble pas que cela soit l’important. L’important c’est de laisser l’Esprit agir en nous car lui seul peut nous donner la force de vaincre le mal quelle que soit la forme sous laquelle il se manifeste.