jeudi, octobre 21, 2010

Une histoire de rendez-vous: les vierges sages et les vierges folles...

Les vierges sages et les vierges folles.Mt 25, 1-9



On peut dire que la bible dans son entier est une histoire de rendez vous entre Dieu et celui qu’il a tiré de la glaise en lui donnant son haleine. Il y a des rendez vous réussis (Abraham, Moïse, David...) il y a des rendez vous manqués (c’est ce que racontent les livres historiques et les livres prophétiques).

Dans les évangiles il est aussi question de rendez vous. Dans notre petit groupe qui lit en ce moment l’évangile de Matthieu, on peut dire que le chapitre 24 parle de ce qui va se passer avant le rendez vous définitif (fin du monde ou fin des temps) et que le chapitre 25 montre que ce rendez vous qui est unique (pas de rattrapage comme à une session d’examen), peut être loupé ou au contraire réussi. 

On peut dire que ce chapitre essaye de donner une description de qui sera admis dans le royaume, qui sera dans la présence, qui sera dans la joie. « Il en sera du royaume de Dieu comme… ». C’est aussi d’une certaine manière le dernier chapitre de la vie « publique » de Jésus puisque après ce sera son rendez vous à Lui avec la mort.

Une des conditions de la réussite est certes la fidélité  qui est une  béatitude : 24,46-47: "Heureux ce serviteur que son maître en arrivant trouvera en train de faire ce travail. En vérité, je vous le déclare, il l'établira sur tous ses biens", mais pas seulement. 


L’autre condition est de s’occuper de ceux qui n’ont pas et pour cela de devenir créatif. Si on schématise beaucoup ce chapitre 25 on pourrait dire que les élus (partition entre les moutons et les chèvres ou entre les brebis et les boucs) sont ceux qui ont utilisé leur « talents » pour le mettre au service des petits. Ils l'ont donné sans compter et c'est cela qui sera retenu. En faisant ainsi ils ont porté du fruit, alors que les autres qui n'ont pas accepté que le grain de blé ne meure (mettre le talent dans la terre, enveloppé d'un linge), meurent à leur tour.

La première parabole qui ouvre ce chapitre reste un peu plus difficile, car la phrase qui la clôt "je ne vous connais pas" et aussi dure qu'une autre phrase prononcée par Jésus pour rejeter ceux qui disent avoir "mangé avec lui" et celle adressée aux "boucs": "éloignez vous de moi maudits" verset 25. 

Elle montre bien qu’il ne suffit pas de se targuer de sa virginité (de son état de vie) pour entrer dans la vie. Il faut quelque chose de plus, il faut que quelque chose brûle en nous, il faut que ce quelque chose éclaire. Serait ce feu que Jésus désire ardemment allumer ?  

Voici le texte dans la traduction de la TOB.

1« Alors il en sera du Royaume des cieux comme de dix jeunes filles qui prirent leurs lampes et sortirent à la rencontre de l'époux. 2Cinq d'entre elles étaient insensées et cinq étaient avisées. 3En prenant leurs lampes, les filles insensées n'avaient pas emporté d'huile ; 4les filles avisées, elles, avaient pris, avec leurs lampes, de l'huile dans des fioles. 5Comme l'époux tardait, elles s'assoupirent toutes et s'endormirent. 6Au milieu de la nuit, un cri retentit : “Voici l'époux ! Sortez à sa rencontre.” 7Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et apprêtèrent leurs lampes. 8Les insensées dirent aux avisées : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent.” 9


Les avisées répondirent : “Certes pas, il n'y en aurait pas assez pour nous et pour vous ! Allez plutôt chez les marchands et achetez-en pour vous.” 10Pendant qu'elles allaient en acheter, l'époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et l'on ferma la porte. 11Finalement, arrivent à leur tour les autres jeunes filles, qui disent : “Seigneur, seigneur, ouvre-nous ! ” 12Mais il répondit : “En vérité, je vous le déclare, je ne vous connais pas.” 13Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure.

J’ai souligné les mots qui dans ce texte me semblent importants, car cette parabole me fait un peu penser à un conte. Dans cette histoire il y a dix jeunes filles, un Epoux, des lampes à huile, des vases pour contenir de l’huile, la nuit, une voix dans la nuit, un marchand d’huile ouvert la nuit, une maison et une porte. On peut dire que c’est finalement une histoire de rendez vous.

Il me semble que traditionnellement (je pense au psaume 44-45) les jeunes filles font partie de l’entourage de la future reine : « 14Majestueuse, la fille de roi est à l'intérieur en robe brochée d'or. 15Parée de mille couleurs, elle est menée vers le roi ; les demoiselles de sa suite, ses compagnes, sont introduites auprès de toi. 16En un joyeux cortège, elles entrent dans le palais royal ».

On peut donc imaginer que les jeunes filles ont été sélectionnées sur un critère certainement la beauté, Mais nous, nous savons que ce critère n’est pas suffisant. Il y a une autre beauté qui ne joue pas sur l’extérieur mais sur l’intérieur : la prévoyance, ce qui renvoie à l’image donnée par le livre des proverbes de la « femme avisée » pr 31, 10-31 avec par exemple cette phrase : « de la nuit, sa lampe ne s'éteint »

Elles sont 10 (les 10 paroles de la création, les 10 commandements…). Le nombre 10 est un symbole de plénitude, on peut penser que cela représente l’humanité ou du moins la partie de l’humanité qui reconnaît l’existence de Dieu. Il y a ensuite ce clivage entre les prévoyantes et les autres.

On peut aussi penser que en chacun d’entre nous il y a de sagesse et de la folie ou plus tôt un certain laisser aller. On compte sur les autres, on se dit qu’on se débrouillera toujours et qu’il n’y a pas de raison que avec tout ce qu’on a fait en ce bas monde le Seigneur se détourne de nous. D’accord on n’est pas parfait, mais personne ne l’est, sauf les saints et ça ce n’est pas donné à tout le monde .  Et puis le palais est grand, alors il y aura de la place pour tout le monde. Alors prenons le temps de vivre…

La vierge sotte ou niaise c’est celle qui vit au jour le jour (ce qui en soit n'est pas une mauvaise chose), mais qui est sûre d'être "sauvée" simplement parce qu'elle a une lampe (un évangile ?). Mais une lampe sans huile, cela ne sert pas à grand chose. 

Maintenant aller chercher chez le marchand, est ce que cela veut dire, aller voir ceux qui ont en dépôt chez eux les réserves? Mais peut on faire des réserves de foi, d'espérance ou de charité? Je ne le pense pas. Est ce aller (un peu tardivement) demander un petit coup de sacrements au prêtre pour remettre de l’huile, pour rétablir la relation qui s’est un peu distendue entre Dieu et nous ?

Dans l’évangile de Jean, au chapitre 11 qui rapporte la résurrection de Lazare il y a une phrase curieuse : 9Jésus répondit : « N'y a-t-il pas douze heures de jour ? Si quelqu'un marche de jour, il ne trébuche pas parce qu'il voit la lumière de ce monde ; 10mais si quelqu'un marche de nuit, il trébuche parce que la lumière n'est pas en lui. »

En d’autres termes pour marcher dans la nuit sans trébucher il faut avoir une lampe, c’est à dire quelque chose d’extérieur à soi, quelque chose qui permet d’y voir, mais quelque chose qui doit être plus fort que la ténèbre. Jésus ne dit il pas qu’il est la lumière ?

Si j’emploie te terme de la « ténèbre » et non de « ténèbres » c’est que Jésus sait que la ténèbre va vouloir s’emparer de lui comme elle va s’emparer de Judas et que seule la lumière de l’amour sera plus forte qu’elle.

Pour que la lampe ne s’éteigne pas, il faut lui donner à manger, il faut l’alimenter… Une lampe ça consomme de l’énergie. Je ne crois pas que l’énergie soit en nous, ni qu’on puisse en faire des provisions, mais l’Esprit nous a été donné en abondance, et la source n’est pas tarie, à nous de nous laisser remplir par elle.

Parfois nous trouvons comme le fait remarquer Françoise Régnier dans le commentaire qu’elle fait de cette parabole ((http://www.portstnicolas.net/Parabole-des-vierges-sages-et.html) les vierges sages sont bien égoïstes et que le marié est bien mal élevé d’être tellement en retard. Mais ce que Jésus veut peut être nous faire entendre c’est la relation que nous avons avec lui, c’est notre relation et nous ne pouvons pas la partager avec les autres.

Il est possible que la lampe représente aussi la vie qui brûle un certain temps et qui s'éteint à la mort. L'huile permet de faire durer, de donner de la lumière aux autres, Jésus ne se décrit il pas comme être Celui que les ténèbres n'ont pas retenu, n'ont pas dévoré. Il est la lumière qui luit dans les ténèbres; sa parole est lumière pour notre route. La parole est nourriture et d'une certaine manière on peut en faire un peu provision.

Et c'est certainement ce que fait la vierge avisée. Elle ne se contente pas de lire la parole, elle fait comme Marie, elle la garde dans son cœur, ce qui fait que même si elle dort, son cœur veille comme dit le psalmiste.

Quand la voix retentit, elle est prête, elle peut s’avancer et aller à la rencontre sans trébucher, car en elle il y a la lumière. Il ne suffit d’être une bonne jeune fille il faut quelque chose en plus et ce quelque chose c’est la présence de l’Amour pour l’époux.

Tous nous sommes confrontés à la nuit, à la durée. Tous nous veillons et puis nous dormons. L'épreuve c'est sur la durée. Quand l’époux va t il faire ouvrir les portes ? 

Jésus parle de la rencontre finale, mais je pense que notre vie est faites de multiples rencontres, de toutes ces « chaque fois que vous avez fait cela pour le plus petit d’entre les miens », qui nous permettent justement d’avoir l’huile qui lors de la dernière rencontre nous permettra d’entrer et de contempler l’aimé. Espérons que les "chaque fois vous avez fait" l'emporteront sur "les chaque fois que vous n'avez pas", sur ces rendez vous manqués pour un tas de bonnes raisons et que la porte sera ouverte et le restera. 






mercredi, octobre 20, 2010

Prière de louange?

Je suis allée hier soir à la soirée FOI(1). Comme toutes ces soirées elle a commencé par un temps dit de louange, ou de merci: merci de t'occuper de nous, merci de te faire connaître, merci de ....

Et moi  même si je peux remercier pour beaucoup de choses (par exemple d'avoir le plaisir de déguster un bon café le matin, d'avoir une maison, un toit, des enfants, des amis et de pouvoir m'adresser à Dieu,je me sentais complètement à côté de ce qui se disait.

J'avais l'impression d'assister à un exercice de style: il FAUT louer et moi les il faut je m'en méfie comme de la peste.

Par ailleurs dans cette journée, je savais qu'une de mes amies enterrait son beau frère âgé de 48 ans, mort d'un cancer. Dans cette journée j'avais écouté une jeune femme qui a pu parler d'angoisses d'abandon, j'avais passé du temps avec une amie blessée par la vie, complètement à vif, j'avais écouté les informations et ce qui se passe dans notre pays, ne peut me laisser indifférente. Je savais aussi que d'autres réunions avaient lieu dans la paroisse, que d'autres essayaient à leur manière de faire advenir le Règne...

J'avais envie de demander à Dieu qu'il bénisse ces personnes en souffrance, qu'Il se manifeste, qu'Il envoie son esprit pas seulement en moi mais partout, bref de ne pas être coincée dans un petit cocon où l'on fait comme si le reste du monde n'existait pas. Quand je fais cela, je reconnais que Dieu est présent, que je lui fais confiance, qu'Il sait que j'ai besoin de Lui, mais à ce moment là je ne me sens pas coupée en deux, je ne me sens pas obligée d'être schizophrène.

Je peux comprendre qu'il est important de se décentrer, mais si je lis les psaumes, dans beaucoup d'entre eux, il y a du cri et il y a de la demande et il y a de la louange. Cela fait un tout.

Quand je chante "O Seigneur tu es grand tu remplis l'univers, que ta gloire brille sur la terre" là oui je suis dans la louange parce qu'une partie de moi, contemple un peu de cette présence que mes sens par moments détectent un peu mais que partiellement et je peux à la fois m'extasier devant cette présence mais aussi de ce cadeau qui m'est fait de le percevoir. Et j'espère que un jour mes yeux s'ouvriront autrement et que je serai encore plus dans la joie de cette découverte.

Mais que cela ne ferme pas mon regard sur ce qui se passe autour de moi et en moi, que cela ne me coupe pas en deux, la louange d'un côté et le reste je ne sais pas où...

(1) Soirée organisée par la communauté du chemin neuf qui vise à créer une sorte de monastère spirituel. Il y a projection d'un DVD, discussion et pour le mois qui vient, les participants prient pour la même demande.

vendredi, octobre 01, 2010

Prière du serviteur inutile

L'évangile de dimanche prochain Lc 17, 5-10 nous invite à nous considérer comme  des serviteurs "inutiles, quelconques, simples, interchangeables". 

« Lequel d'entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs : 'Viens vite à table' ? 
Ne lui dira-t-il pas plutôt : 'Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour. 
Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d'avoir exécuté ses ordres ? 
De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : 'Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir. ' » 


En fait je me demande si ce que Jésus veut faire comprendre à ses apôtres et disciples c'est qu'ils n'ont pas à se croire supérieurs aux autres parce qu'ils sont près de lui. Ne pas s'en croire, ne pas (pardonnez moi l'expression) péter plus haut que son cul. Ne pas s'en croire, se rappeler que comme Lui nous sommes non des maîtres mais des serviteurs.

Mais pour en revenir au titre que j'ai choisi avec beaucoup d'impertinence je le reconnais, je peux imaginer la prière suivante: 

"Seigneur, permets à mon maître de gagner suffisamment d'argent grâce à mon travail pour qu'il puisse embaucher un deuxième serviteur parce que moi je n'en peux plus de tout faire et dedans et dehors. 

D'accord c'est un bon maître. D'un côté il dit que je suis son ami(Jn 15,15 :"je ne vous appelle plus serviteur,mais ami parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître" et je reconnais que ce qu'il peut me communiquer donne un sens à mon obéissance) , d'un autre il dit que s'il me trouve en train de veiller quand il rentrera tard, qu'il se mettra lui en habits de service et me servira  à table (Lc 12, 36), ce qui est un moyen aussi de me stimuler pour que je m'endorme pas; mais là il me dit que ce que je fais c'est normal et que je n'ai pas à me plaindre. 

C'est normal mais c'est quand même bien dur de tout faire dans les champs et dans la maison, de soigner les bêtes de labourer et de m'occuper de lui au lieu de pouvoir souffler un peu et d'être sans arrêt sur le pied de guerre. Bien des fois je suis moulu, et je n'en peux plus et il fait comme s'il ne le voyait pas. 

Seigneur ouvre lui un peu les yeux à mon maître, fais qu'il me laisse un peu souffler. J'aimerai bien ne plus avoir à porter le poids du dedans et dehors. 

Mais Seigneur si tu juges que cela est bon pour moi, alors qu'il en soit fait comme tu le désires et apprends moi à continuer à aimer mon maître qui me fait confiance dans les petites comme dans les grandes choses".