mercredi, décembre 15, 2010

"Des réflexions sur le lâcher prise"



Cette nuit j'ai fait un rêve, un vrai rêve, pas un rêve éveillé. J'étais dans une maison et il me fallait descendre pour rejoindre d'autres personnes. Mais voilà il n'y avait pas d'escalier. Je devais sauter et me lâcher. Je pouvais quand même descendre en me laissant tomber d'abord d'un palier sur l'autre en lâchant la rampe car s'il n'y avait pas marche il y avait une sorte de rambarde, qu'il me fallait enjamber puis me laisser tomber un peu plus bas. 
Puis pour aller au rez de chaussée, c'était plus compliqué, il fallait que je me laisse tomber le long d'une très grande armoire. M'accrocher au sommet de l'armoire et me laisser glisser le long des portes sans pouvoir m'accrocher à quoi que ce soit.

Dans le rêve il y avait l'impression de glisser, un peu comme sur des skis... (il faut peut être que l'on retrouve dans le rêve des sensations diurnes). 

Ce rêve je pense l'avoir fait deux fois la même nuit. Il s'agit bien au sens fort de lâcher prise, de ne pas se cramponner soit à la rampe soit à l'armoire pour aller là où je dois aller, à la limite pour retrouver les autres

Dans ce type de rêve, l'impression de descendre presque en volant est très agréable. Mais il faut que le désir de descendre soit suffisamment important pour que la peur de lâcher soit vaincue. Je sais que j'avais à retrouver des objets qui avaient été mis à tort dans un camion de déménagement et que j'étais avec beaucoup d'autres à attendre que le camion soit suffisamment vidé pour que je puisse récupérer ce qui y avait été mis par erreur.

Ce que je veux dire, c'est que pour me lancer comme cela dans un certain vide, il fallait que je me sente attendue et l'envie de réaliser quelque chose soit plus forte que la peur.

Il me semble aujourd'hui que pour pouvoir arriver à ce lâcher prise dont on parle tant (étape avant le pardon), pour ne ne pas se cramponner au passé, ne pas se cramponner aux souvenirs, même s'ils sont destructeurs, il est important non seulement de ne pas être seul, mais aussi d'avoir un but, quelque chose d'autre à faire.

On ne peut lâcher prise comme ça, tout seul. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui vous attende, et qui d'une certaine manière vous réintroduise dans un autre monde, un monde qui a existé mais qui a été comme oblitéré par le vécu de la petite enfance.

Cet autre peut être un thérapeute, un ami, Dieu, mais on ne peut pas se lancer dans le vide s'il n'y a personne pour vous accueillir. Il faut pouvoir déposer auprès de quelqu'un sa peur, sa trouille, son possible vertige, sans être jugé, pour pouvoir se lancer dans ce qu'on croit être le vide, mais qui ne l'est pas vraiment.

Quand un bébé vient au monde, il y a en lui un réflexe dit "archaïque" que l'on nomme le "grasping réflexe", la capacité de s'accrocher et de ne pas lâcher prise. C'est ce qui permet aux bébés singes de rester accrochés à la fourrure de leur mère pendant qu'elle se déplace. Ce réflexe il est en nous et je me demande si quand un traumatisme intervient dans la petite enfance ou dans l'enfance, quand les repères sont perdus en particulier quand les limites ne sont pas respectées, ce  réflexe (s'accrocher à quelque chose envers et contre tout, en particulier à une représentation mauvaise de soi et à la culpabilité) ne permet pas, malgré la douleur de la crispation de se sentir un peu exister.

Le travail de lâcher cette image est extrêmement difficile et ne peut se faire que si un autre est là, un autre qui comprenne que cette crispation a crée une manière d'être au monde qui n'est peut être pas la bonne, et qui peut aussi créer dans tout le corps des douleurs. Je me demande d'ailleurs si la fibromyalgie que l'on trouve si fréquemment chez les personnes ayant vécu une ou des agressions sexuelles dans leur enfance ne peut pas avoir aussi  une origine psychique.

Dans un billet ancien sur le lâcher prise, je disais que lorsqu'on peut se débarrasser de la haine, qui est dirigée contre celui qui vous a fait du mal, alors la vie change car le lien inconscient ou conscient qui demeure entre soi et l'agresseur est enfin détruit: on détruit enfin la relation avec la personne qui vous a fait du mal qui vous a tuée. J'employais l'image du ballon que l'on laisse partir.

Aujourd'hui je dirai que l'important c'est de se dégager de la haine de soi, de la honte de n'avoir pas pu, pas su résister à l'agression, c'est de sortir de la culpabilité car la faute est du côté de l'autre or l'autre quand il est un parent, il y a toujours une partie de soi qui aime. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas pour cela qu'il est si difficile de se dégager de l'emprise que l'agresseur a toujours sur sa victime. 

Reconnaître cette haine est quelque chose de difficile, parce que ce n'est pas bien de haïr ou de détester et que l'on reste persuadé que si l'autre vous a fait telle ou telle chose c'est qu'on l'a mérité parce qu'on a été méchant.

C'est une pensée infantile dont il est difficile de se débarrasser, et cela fait presque peur de la lâcher parce qu'elle a donné une sorte de sens (je dirai de non-sens) à l'existence que l'on a vécu jusque là.

Pour lâcher ces références, la présence d'un autre est nécessaire car cet autre réintroduit dans un monde de vie. Il est indispensable de s'appuyer sur quelqu'un pour faire le saut, pour lâcher tout un  système de pensée qui même s'il est un système parasite,est connu donc malgré tout sécurisant. 

On parle beaucoup de blessures, de guérison à l'heure actuelle. A la limite celui qui ne guérit pas de ses blessures reste un mauvais, un qui n'a pas pris les moyens de se libérer.Je ne crois pas que ce soit si simple. Il y a blessure et blessure: les blessures d'amour propre, les blessures dites narcissiques, les blessures liées à la maladie, au handicap mais aussi ces blessures qui ont détruit toute l'estime que l'on pouvait avoir pour soi, ces blessures qui font de vous des personnes mauvaises et honteuses. Il s'agit là des blessures liée à une agression sexuelle dans la petite enfance par quelqu'un en qui on avait toute confiance. Ces blessures là, il ne suffit pas de parler pour qu'elles soient guéries.

Certes il est important de savoir que l'on n'est pour rien dans ce qui est advenu, que l'on est victime que l'on n'est pas le mauvais, le nul. Mais si cette étape est importante, elle n'enlève pas magiquement les flash back, elle ne permet pas de s'aimer à nouveau soi-même. 

Cette haine de soi est tenace. Et le pardon pour moi, ce serait que ces personnes cessent de se haïr elles-mêmes.Ce n'est pas un pardon accordé à l'agresseur, c'est d'abord un pardon adressé à soi et peut être que ce pardon là ne peux exister que si un Autre est capable de vous regarder avec amour. C'est peut être pour cela que les "groupes" sont devenus tellement important dans de telles démarches;  

Quand Jésus dit:

" Mt  11  28« Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau et je vous donnerai le repos. 29Prenez sur vous mon joug et laissez-moi vous instruire, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vous-mêmes. 30Le joug que je vous invite à prendre est facile à porter et le fardeau que je vous propose est léger. »

 il propose de lâcher un poids que l'on connaît très bien, de l'enlever de ses épaules, (et là je pense qu'on a besoin de l'aide d'un autre quelqu'il soit) pour le remplacer par un autre fardeau qui cette fois n'est pas fait pour mettre au sol, mais pour pouvoir cheminer sur cette terre qui est là notre. Il s'agit de remplacer un joug de mort par un lien de vie, mais cela n'est possible que parce qu'un Autre est là. 

On peut pour certaines choses lâcher prise tout seul, mais lorsque la blessure a détruit en profondeur la notion même d'existence, je pense que la présence d'un d'un Autre est nécessaire. Je ne suis pas sûre que l'on puisse renoncer à un lien pathologique parce qu'on sait qu'il est pathologique. Il faut que quelqu'un puisse se réjouir que ce lien soir rompu et qu'un nouvel enfant vienne au monde. C'est peut être cela la Joie.




A suivre.... 

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Lâcher prise : tout un programme. Effectivement, pour arriver à ce lâcher prise, le chemin est rude et on (je) ne peut le parcourir tout seul.
Ce monde sans peur, ce monde d'amour auquel on aspire, il est là à portée de main mais pour cela il faut lâcher et encore lâcher...

La "honte" dont tu parles, on ne pourra réellement la lâcher, se jeter dans les bras tendus de Dieu, les bras de l'ami(e) que lorsque l'on sera convaincu qu'il ou elle ne sera pas "contaminé(e)" par ce que l'on croit être et qui vous colle à la peau.

J'ai pu récement, après une agression, oser demander à un ami si cela changeait quelque chose. Ce moment de mise à nu, de désespoir mêlé d'espoir a été rude, boulversant mais o combien salutaire.
Et ce jour à jour, relation profonde avec une amie m'aide à ne plus m'en vouloir pour il y a 38 ans et pour aujourd'hui; me pardonner de ne pas avoir pu me protéger.

Ce chemin est long, douloureux mais peu à peu il rend aussi la place, je veux dire la pleine place, à Dieu. C'est peut être cela la joie ....

Merci à vous mes amis !

CPG

TOURNESOL a dit…

Oui, j'ai bien aimé ce que vous dites à propos du lâcher prise....
Les pédophiles ne savent pas le mal qu'ils font à leurs victimes....Et je pense que l'Eglise pour deux raisons différentes n'a pas eu la réaction qu'il fallaitquand il s'agit de prêtres: les dénoncer à la justice civile comme n'importe quel autre humain.... Ces deux raisons sont les suivantes
1°Il n'y a plus assez de prêtres donc"l'institution se protège et joue à la politique de l'autruche.
2°Je pense aussi que pour un être "normal" IL NE PEUT S'IMAGINER
JUSQU'OU CELA VA....car pour celui qui est pur , les autres sont purs
3° Les médias se sont saisis de l'affaire et font de l'anticléricalisme à outrance....
La seule attitude possible:éduquer "affectivement les prêtres et admettre d'autres formes possibles de prêtrise sans célibat.
l'Eglise a essayé d'humaniser l'être humain mais sous-estime bien souvent l'importance de l'instinct sexuel dans notre société et cela depuis toujours...
CELA DOIT ETRE DIFFICILE COMME VOUS DITES POUR LES VICTIMES DE LACHER PRISE ET SURTOUT QUAND IL S'AGIT DE GENS D'EGLISE.
Pourtant personnellement je pense que je tomberais plutôt dans la haine de l'offenseur plutôt que de me sentir coupable...

Anonyme a dit…

Pour l'avoir vécu dans ma chair, dans mon être, je ne pense que ce n'est pas si simple de n'être que dans la "haine" dee ses agresseurs.

Il reste toujours les milles et une questions : pourquoi je n'ai pas crié, pourquoi je ne me suis pas débatue, pour je ne l'ai pas tapé, pourquoi, pourquoi, pourquoi....
De plus, lorsque l'on est enfant, on se dit si c'est arrivé c'est que quelque part j'ai du faire quelque chose de mal, ce que d'ailleurs on essaie de vous faire croire.
Alors, oui il y a colère contre l'agresseur lorsque l'on prends conscience de tout cela mais avant tout consciement ou inconsciement il y a un long chemin à faire pour ne plus s'en vouloir, oser et être convaincu que l'on est victime et non bourreau mais cela demande un long apprentissage.
La liberté passe par ce chemin rude où il faut d'abord nous même nous "ré-apprivoiser" et nous aimer.

Et le problème est dans tous les milieux pas seulement dans le clergé.... mais notre société aime trouver un coupable vaste mis en épingle à la télé alors que dans de nombreuses familles se vivent des drames épouvantables en silence...

CPG