vendredi, février 04, 2011

Obéissant jusqu'à la mort et à la mort sur une croix Ph 2, 8


II L’obéissance à Dieu est elle suffisante pour échapper au malheur ?[1] 

Quand on lit le premier testament il semble bien que tous les désastres qui arrivent au peuple choisi soit la conséquence de la désobéissance aux ordres de l’Eternel. Les chapitres 3 et 4 de la Genèse montrent bien le lien entre le malheur et le refus d’obéir.

Mais faire ce lien « j’obéis, tout me réussit » ou « je ne me soumets pas et il m’arrive les pires ennuis » crée en nous un raisonnement que nous avons tous pratiqué quand nous étions des enfants, à savoir : j’ai fait une bêtise, il (elle) est fâché contre moi, il ne m’aime plus, mais si je m’amende, alors il m’aimera à nouveau. Il suffirait donc de changer, de demander pardon pour que tout redevienne comme avant. 

Or les enfants qui ont vécu des maltraitances dans leur enfance, sont obligés à un moment de leur vie de reconnaître que ce qu’ils ont subi ils n’en sont pas responsables, ils sont victimes du Mal. Croire que l’obéissance seule fait des miracles, c’est d’une certaine manière faire l’économie du mal et il est plus facile de croire en un Dieu qui punit, qu’en un Dieu qui  laisse faire le mal.

J’aime beaucoup le psaume 44, car il pose bien la question du malheur qui s’abat sans qu’il y ait eu désobéissance. Je sais très bien si l’on cherche la petite bête (et ce que font chapitres après chapitres les amis de Job) on peut toujours trouver quelque chose qui expliquerait, mais dans ce cas quelle est notre représentation de Dieu.

Voici ces quelques versets :

18Tout cela nous est arrivé, et nous ne t'avions pas oublié, nous n'avions pas démenti ton alliance ; 19notre cœur ne s'était pas repris, nos pas n'avaient pas dévié de ta route, 20quand tu nous as écrasés au pays des chacals et recouverts d'une ombre mortelle.

21Si nous avions oublié le nom de notre Dieu, tendu les mains vers un dieu étranger, 22Dieu ne l'aurait-il pas remarqué, lui qui connaît les secrets des cœurs ?

Ils montrent bien comment le malheur qui s’abat individuellement ou collectivement devient incompréhensible (et pierre d’achoppement) quand le lien avec un  refus de soumission ne peut être fait. Le  malheur devient incompréhensible.

Comme le psalmiste nous avons envie de crier :24/  Lève-toi ! Pourquoi dors-tu, Seigneur ? Eveille-toi ! Ne nous rejette pas à jamais !

Tous nous sommes confrontés au malheur dans notre vie (à des joies aussi bien entendu,) mais bien souvent nous aimerions comprendre si oui ou non nous sommes responsables de ce qui nous tombe dessus. Combien de fois ai-je entendu dire : il ne méritait pas ça, lui qui est si gentil, si généreux si…

Si c’est la désobéissance est la cause du malheur, il devrait suffire soit de demander pardon (enfin là je mets des bémols) soit de changer de comportement (de devenir gentil comme on dit aux enfants) pour que celui a puni (rejeté, abandonné) reconnaisse le changement et ne soit plus méchant avec moi.

Cela fonctionne d’une certaine manière dans l’éducation des enfants, mais la plus part des enfants savent que même s’ils font des bêtises, même s’ils sont punis, ils ne perdent pas l’amour de leurs parents. 

Mais chez les enfants qui ne sont pas aimés -et cela existe-, c’est un moteur de ce type qui existe et qui existera toute leur vie, car la soif d’amour est incommensurable. Il vaut mieux croire que l’on est puni pour quelque chose de mal (même si on ne sait pas ce que c’est) que de reconnaître que l’agresseur est mauvais et qu’il ne changera jamais. Si ce qui est subi est « gratuit » si ce n’est pas lié à des actes mauvais, faits volontairement, alors cela n’a aucun sens, c’est monstrueux, cela prouve que le mal existe, que celui qui m’a donné la vie est mauvais gratuitement et cela est encore plus insupportable. Il y a de quoi devenir fou…

Je connais quelqu’un qui m’a dit : « moi je sais que Dieu ne me sauvera pas, que j’irais en enfer, car s’Il m’a laissée vivre ce que j’ai vécu, c’est que je suis tellement mauvaise qu’il n’y a aucun espoir pour moi ». Inutile de dire à quel point ceci m’a non seulement heurté, mais aussi posé des questions sur le christianisme qui avait été inculqué à cette personne. Quel serait ce Dieu qui juge un enfant ?

Faire un lien (comme cela est fait dans le premier testament entre non obéissance et malheur) est peut être plus acceptable que de considérer le malheur comme une réalité de notre univers, réalité qui comme je l’ai écrit ailleurs est un excellent moteur (lutter contre la maladie,  l’injustice, la souffrance sous toutes ses formes), mais qui reste difficile à concevoir si l’on imagine que Dieu serait un papa tout bon qui ferait que aucune pierre ne vienne rouler sous les pas de ses enfants : « il a donné ordre à ses anges pour qu’à la pierre ton pied ne heurte Ps 91,11.

Le lien entre désobéissance (péché si l’on se réfère au religieux) et malheur est comme inscrite en nous. Bien entendu l’éducation y est pour beaucoup et l’obéissance aux parents (qui connaissent les dangers alors que l’intelligence de l’enfant se développe lentement) est nécessaire pour survivre et pour vivre en société.

Nous apprenons tous par essais erreurs et cela est indispensable. Personne ne peut apprendre à marcher sans tomber. Il faut s’être heurté plusieurs fois à un coin de table pour apprendre à faire le détour, mais les règles que l’on donne à un enfant de 3 ans (ne monte pas sur un tabouret) ne durent pas éternellement et se modifient jusqu’au moment où celui qui fut un enfant est devenu capable de se débrouiller seul (ou à peu près) dans le monde qui l’entoure.

Que l’obéissance soit nécessaire, oui car elle permet la vie sociale, mais obéir qu’est ce c’est ? Timothy Radcliff dans son premier livre,  disait que le vœu d’obéissance avait été pour lui un soulagement, car il n’avait plus à se poser de questions, il n’avait plus à choisir. Encore faut il que celui qui représente l’autorité ne soit pas dans la perversion et malgré tout obéir nécessite réflexion. L’obéissance doit aller dans le sens de la vie, pas dans le sens de la mort. Je ne pense pas qu’on apprenne l’humilité par l’humiliation.

Quand Paul dit de « Jésus qu’il a été obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix » de quelle obéissance parle t il ? Il s’agit me semble t il d’une relation tellement profonde que obéir ce n’est pas être dans le faire, mais c’est être en relation. Peut-on imaginer que du temps de sa vie terrestre, Jésus attendait de son Père un planning de sa journée : aujourd’hui tu guéris un lépreux, demain tu envoies tes disciples en mission, demain tu sauves l’humanité… etc…

L’obéissance de Jésus consiste t elle à obéir à des ordres ? Je pense que la réponse est non. Et le but de l’obéissance devrait être cela :passer du faire (avec le risque de la bonne conscience) à l’être : cela je le fais parce que je t’aime et que cela te fait vivre en moi.

Dans la multiplication des pains, Jésus commence par bénir avant de rompre et de faire distribuer. C’est à dire que la relation est première. Et si Jésus est le nouvel Adam c’est que contrairement au « premier homme », il ne prend jamais la place de son père, il est dans ce que j’appellerai une dépendance amoureuse et c’est cela qui serait pour moi l’obéissance.

Jésus tout obéissant qu’il fut, n’a pas échappé au malheur : mourir à 33 ans en est un, et pour lui et pour sa mère. Mais ce malheur n’est pas une punition (même si nous l’avons cru puni Isaïe 53). Cette mort donnée à quelqu’un qui ne la subissait pas comme un châtiment, se transformera en source de vie.  

Obéir pour nous c’est trop souvent poser des actes conformes à ce qui nous est demandé. Pour Jésus, obéir c’est être dans la relation permanente et profonde avec le Tout Autre, ce qui Lui permet à chaque instant d’être créateur.

Si l’obéissance devient un carcan, si elle ne débouche pas sur la vie, alors elle est lettre morte. Elle est justement cette Loi dont la croix nous a sauvés.

Je ne sais pas si la crainte du seigneur est le début de la sagesse, mais je crois que l’obéissance qui est d’abord relation, exclue la crainte et permet (à notre niveau) que l’écoute de la parole devienne vie.




[1] Où pourrait on dire aujourd’hui que le fait de donner sa vie à jésus est une garantie de réussite ? 

6 commentaires:

TOURNESOL a dit…

Je ne sais plus l'auteur du verset mais je crois que c'est St Jean qui dit si justement:
"Si ton coeur te condamne, Dieu est plus grand que ton coeur"
La culpabilité n'est pas chrétienne
car un PERE comprend que l'enfant n'est pas parfait...
En effet un enfant qui n'est pas "voulu" par amour ne peut concevoir que sa mère ne l'aime pas.De là le pélerinage des enfants adoptés pour retrouver leurs véritables parents.
La contraception est une meilleure solution dès lors même si d'une façon idéale
la vie est meilleure que la non-vie ...Mais nous ne vivons pas dans un monde d'anges et l'autorité de l'Eglise aurait dû le comprendre depuis longtemps...

Giboulee, a dit…

Là je crains de ne pas être du tout d'accord avec vous. J'aime énormément le verset de la première lettre de Jean, mais bon dieu (pardonnez moi l'expression) écoutez la liturgie, écoutez les homélies, pour culpabiliser, il n'y a pas mieux.

Les enfants abandonnés, placés sont persuadés que c'est parce qu'ils étaient trop laids, trop méchants, trop quelque chose qu'ils ont été laissés par leur mère. C'est de leur faute à eux. Ils le disent haut et clair.

Peut être qu'un père comprend que son enfant n'est pas parfait, qu'il faut lui laisser du temps (voir la parabole des deux fils),mais il est plus facile d'asseoir son pouvoir que des personnes qui se croient coupables que sur des personnes capables de se lever et pourtant se lever (être ressuscité) c'est cela l'évangile;

TOURNESOL a dit…

"Il estplus facile d'asseoir son pouvoir sur des personnes qui se croient coupables...........c'est cela l'évangile"- Je suis tout à fait d'accord c'est bien de cela qu'il s'agit de POUVOIR malheureusement.Or l'évangile est avant tout une initiation à la liberté et au non-jugement.
La femmme adultère n'est pas jugée ni culpabilisée par Jésus car elle a beaucoup aimé... Il lui dit simplement: "va et ne pèche plus"
=essaie de viser juste dans ta recherche d'amour puisque le péché
c'est un obstacle pour viser juste...

Anonyme a dit…

« Jésus a obéit jusqu'à la mort... » nous dit Paul.

Cette formulation est malheureuse et dangereuse.
Elle a été (et est encore) maintes fois utilisée pour justifier l'obéissance.
Or les pires régimes politiques ont glorifié l'obéissance et on a fait commettre aux hommes les pires crimes au nom de l'obéissance.

Tout s’éclaire avec Jean : Dieu est Amour.

Jésus a obéi à l’Amour, jusqu’à la mort. Jésus a donné sa vie par Amour.
Or l’amour ne peut exister que dans la liberté.
Jésus a donné librement sa vie par Amour.

On est dans la liberté (de l’Amour) et pas dans l’obéissance.

Toute obéissance est relative (elle peut jusqu’à un certain point être éventuellement nécessaire dans une communauté, une organisation, mais ne doit jamais être absolue), seule l’obéissance à l’Amour (qui n’est pas à proprement parler une obéissance, car l’Amour c’est le libre don de soi) est absolue.

Dans un vieux livre sur François d’Assise (Saint François d’Assise à la découverte du Christ pauvre et crucifié du P. Stéphane-J Piat) je me souviens avoir lu (mais je n’arrive pas à retrouver le passage) que François demandait à ses frères de ne jamais obéir si cela était contraire à l’Evangile ou à la règle franciscaine ou à leur conscience.

Giboulee, a dit…

Merci.

Anonyme a dit…

Après coup, je viens de retrouver le passage en question, page 204 du livre "Saint François d'Assise à la découverte du Christ pauvre et crucifié" du P. Stéphane-J Piat :

« Le sujet n’a pas à exécuter "un ordre contraire à notre règle ou à sa conscience… car il ne peut s’agir d’obéissance là où il y a faute ou péché " [citation de la règle franciscaine de 1221] »

Selon Renan la première règle franciscaine de 1210 n’était pas « autre chose que le sermon sur la montagne lui-même, sans interprétation ni atténuation »…
Les nécessités de la vie collective et les pressions du cardinal Hugolin ont poussé François à rédiger une nouvelle règle, qu’il a élaborée avec Césaire de Spire.
C’est cette dernière qui a été adoptée au Chapitre général du 30 mai 1221, et qui est citée plus haut.