dimanche, août 14, 2011

« Mais, voyant qu'il y avait du vent, il eut peur » Mt14,30

« Mais, voyant qu'il y avait du vent, il eut peur » Mt14,30

Il c’est Pierre, le vent c’est sur le lac de Tibériade …

Le vent, nous l’avons un peu expérimenté ici, il y a quelques jours lors d’une balade en montagne. En arrivant au sommet d’un col, nous avons essuyé des bourrasques de vent très désagréables et très impressionnantes. Le vent quand il se déchaîne est dangereux, inquiétant. Quand on est dans un bateau c’est bien pire.

On nous dit toujours que Pierre manquait de foi et que c’est cela qui a fait qu’il a commencé à s’enfoncer. Peut-être, mais ce n’est pas si simple.

Si on se souvient que c’est dans ce même lac Jésus a envoyé, avec un troupeau de porcs, les mauvais esprits qui habitaient un homme (Mt 8,32), on peut bien se demander si ce n’est pas un de ces mauvais esprits qui prend l’aspect de Jésus et qui arrive au sortir de la nuit vers les disciples.

C’est peut-être pour cela que ces hommes habitués aux tempêtes « crient » et sont effrayés. D’ailleurs après la résurrection il y aura la même peur et Jésus dira qu’il n’est pas un fantôme. Normalement la voix connue aurait dû les rassurer, mais un mauvais esprit peut faire bien des choses et même prendre la voix de quelqu'un d'autre !

Quand Pierre s’adresse à Jésus, il commence par « Si », « Si c’est bien toi… », ce qui montre bien qu’il n’est pas certain du tout. Certes il sort de la barque (ce qui est déjà héroïque), il s’avance, mais (et je pense que au fond de nous, nous aurions réagi comme lui) normalement les vagues auraient dû disparaître (après tout dans cet évangile Mt 8, 26 Jésus l’avait déjà fait) et là il n’en est rien.

Si on essaye de se mettre dans la peau de Pierre, ce qui est bien présomptueux, mais qui permet peut-être de mieux se reconnaître en ce qu’il y a d’universel en lui, on peut imaginer ceci. 

Quand Pierre commence à marcher sur l’eau, il y a en lui un sentiment de triomphe, il est le plus fort, il est celui qui marche sur l’eau, son maître lui a donné de sa force. Et puis, après ce sentiment de triomphe (très centré sur lui), il y a la réalité qui vient : les vagues et le vent sont toujours là, et je me dis que je ne suis pas si fort que ça, je ne vais pas tenir. Qu’est ce qu’il fait lui? Pourquoi n’arrête-t-Il pas tout ça, moi je ne vais pas tenir. 

Et je pense que c’est cette centration sur lui-même, qui fait qu’il perd pied comme nous perdons pied si souvent. Alors à nouveau il y a décentration et appel: fais quelque chose, sauve moi, et cela permet l’expérience (car il s’agit bien d’une expérience) du passage de la mort à la vie. 

Finalement il s’agit de passer d’une toute puissance (imaginaire car elle ne vient pas de nous) à la reconnaissance d’une impuissance, d’une dépendance qui permet de se tourner vers et de chercher dans le Tout Autre la vie.

Je reviens au texte.

J’aime bien la phrase : « Voyant qu’il y avait du vent », parce que le vent, si on ne le voit pas, on le sent dans tout son corps, on le sent qui s’attaque à vous, qui veut vous faire tomber, vous déstabiliser. Le vent peut représenter à ce moment là les forces du mal. Pierre a peur et il ne sait plus très bien si oui ou non c’est bien Jésus qui l’appelle. Et si c’était un démon qui voulait l’avaler…

Le doute de Pierre, il est peut-être là. Et n’est ce pas le nôtre ? Si tu m’écoutais, la tempête s’apaiserait… Tu me dis que tu es là, avec moi, mais moi, je continue à avoir peur. Montre-moi ta force et je serai sauvé dis un psaume. Or Jésus n’agit pas comme cela, du moins pas toujours. Il n’est pas un magicien, il est celui qui marche sur la mer, il est celui qui sauve.

L’action de Jésus qui « étend la main et le saisit » est presque un mouvement de guérison. Si je me représente la scène (j’ai essayé) peut être que Pierre qui s’enfonce tend la main et attrape celle de Jésus, peut-être que Jésus tend le bras et attrape Pierre par le col, cela nous ne le savons pas. Ce que nous savons c’est que le vent n’a pas cessé pour autant, ni donc les vagues, mais que Jésus tient Pierre la tête hors de l’eau si je puis dire.

Ce n’est que quand Jésus et Pierre (qui doit être complètement trempé) sont dans la barque que le vent tombe. Le fait que les disciples se prosternent (ce qui m’a toujours paru curieux dans une barque, même d’une certaine capacité, parce qu’une barque ce n’est quand même pas très stable) renvoie à l’autre épisode: Qui est il celui là que la mer et le vent lui obéisse ? Mais ils le reconnaissant comme le maître des éléments.

On dit parfois (trop souvent à mon gré) que la barque c’est l’église battue par les vents (le mal) et qui a besoin de Jésus pour ne pas sombrer. Si le vent cesse quand les 2 hommes rejoignent la barque, c’est que Pierre devait passer par ce baptême, comprendre (comme nous avons à le faire) que la présence de Jésus n’empêche pas le mal mais permet d’avancer et que lorsque cette expérience est enracinée en nous, alors la paix peut venir, la paix qui remplace la peur et qui est bien l’apaisement de la tempête.

Si cet évangile est considéré comme une théophanie, c’est peut être parce que d’une part Jésus comme Dieu a donné du pain (la manne) dans le désert à ceux qui le suivaient pour être guéris ; d’autre part comme Moïse il est le maître des eaux. Marcher sur les eaux cela signifie que le mal n’a pas de prise sur lui; mais surtout il sauve Pierre de la mort et peut être que dans cet épisode, Pierre c’est nous.

J’ai lu quelque part que si Jésus renvoie ses disciples et passe la nuit en prière c’est qu’une des tentations du désert (celle de prendre le pouvoir) pouvait se réaliser (sachant qu’il allaient le faire roi dira Jean en rapportant la même scène). Il lui faut donc lutter contre cette tentation. Marcher sur le lac qui symbolise le mal, c’est aussi montrer qu’il a vaincu la tentation et qu’il domine le mal sans être dominé par lui.


Marcher avec Jésus, cela ne veut pas dire que le vent stoppe. Le vent mauvais continue, mais quand on a fait une fois l’expérience de la paix qui est finalement comme un vent qui chante en soi, cette Paix qui manifeste la présence de L’esprit Saint, alors on sait que même si on boit un bouillon, la tempête finira par s'apaiser.

jeudi, août 04, 2011

"Mangez moi"

Quand Alice (l’Alice de Lewis Carol) se trouve dans la maison du lapin blanc, elle trouve un gâteau sur lequel est écrit : mangez moi. Suivant le côté qu’elle grignote, elle grandit ou elle rapetisse ; je crois qu’elle a aussi utilisé
une petite bouteille, avec la même consigne. 

En d’autres termes ce qui est présenté comme nourriture ou boisson, a un impact direct sur la personne et d’une certaine manière répond à son désir, puisque pour continuer son chemin Alice doit s’adapter à son environnement et changer de taille.

Quand le soir de la Cène, Jésus donne du pain puis du vin, il dit la même chose à savoir « mangez moi et buvez moi » et cela vous transformera. Cela fera de vous mes frères (frères de lait, frères de sang) et vous serez des autres "Je".  

Or qui d’entre nous a envie de se faire manger par un autre, de se faire incorporer, de se faire détruire ? Car si ce que nous mangeons est transformé pour faire du nous (du corps au sens large) il y a destruction complète. Se faire « bouffer » en tous les cas psychiquement est souvent insupportable !

 Jésus sur la croix sera détruit complètement il n’en restera qu’un corps mort.

Or là on est dans quelque chose d’inimaginable. Comment un Dieu peut il aller jusqu’à se faire bouffer par les hommes alors que normalement (jusque là du moins) ce sont eux qui sont censés le nourrir (les sacrifices du premier testament renvoient à cela: « si j’avais faim irai je te le dire fait dire le psalmiste » à YHWH). 

Nous (en tous les cas moi) n’aimons guère nous faire bouffer... Jésus au terme de son chemin, prend la position inverse : Je suis venu pour tout donner, ce qui vous permettra de tout recevoir.

Si le péché de l’humain est lié à la transgression de l’interdit du « manger de l’arbre du savoir, il me semble aujourd’hui(en écrivant ce billet) qu’en se donnant en manger et boire (car Jésus dit bien qu’il donne son sang pour la rémission (lever de la sanction) du péché de la multitude, qu’il abolit l’interdit premier de Genèse2.

En lisant (rapidement) le livre d’Enoch j’ai été stupéfaite de trouver la phrase suivante au chapitre 42 : 1. "La sagesse n'a point trouvé sur la terre de demeure où reposer sa tête".[1] qui est très proche de celle dite par Jésus : "le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête"(Mt8,20)… Si le Fils de l’homme est la sagesse de  Dieu,(et il y a ici bien plus que la sagesse de Salomon (Mt12, 42) l’esprit qui permet de discerner ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, alors quelque chose d’unique est advenu. Ce que nous recevons nous donne la Sagesse, et nous devenons des Vivants, des Fils de Dieu au sens fort et la faute (l’erreur) est levée. Celui qui mange la chair et boit le Sang devient alors Fils et a en lui la vie éternelle.



[1]c'est pourquoi elle fait sa résidence dans le ciel. 2. La sagesse est descendue du ciel pour habiter avec les enfants des hommes, mais elle n'a point trouvé de demeure. Alors la sagesse est retournée vers son divin séjour, et a pris place au milieu des saints anges.