vendredi, décembre 30, 2011

"Il en sorti du sang et de l'eau"Jn19,34

Je me demande s'il ne faut pas mettre en parallèle la déchirure du coeur avec ce qui est rapporté dans les synoptiques:le voile du temple qui se déchire.

Le voile du temple qui se déchire du haut vers le bas ou du bas vers le haut, peut renvoyer au verset " si tu déchirais les cieux" chez Isaïe. A la fois dieu de manifeste, mais quelque chose de neuf est en train de se produire, peut être que YHWH s'échappe pour se révéler au monde. Il n'est plus la "propriété" des juifs.

La déchirure cela renvoie aussi au vêtement que l'on déchire en signe de deuil. Deuil pour le Fils qui vient de mourir?

Quant à la déchirure du coeur de Jésus, d'où sort du sang et de l'eau*, n'est ce pas l'eau qui donne la vie (qui irrigue la terre desséchée que nous sommes), et le sang qui au dela du symbolisme du sacrifice (offrande pour être réconcilié) est le symbole de cette autre vie que nous pouvons désormais recevoir.

Un monde nouveau s'ouvre, à nous d'accueillir cela, même si ce n'est pas si facile de recevoir...

* le fait que ces liquides coulent après mort de Jésus m'a toujours étonnée. Certes cela prouve qu'il est bien un homme, mais normalement très peu de temps après un décès, le sang ne coule plus, il est figé. Alors peut être est ce une sorte de "miracle", Jésus mort, continue à être le vivant, et ce qui coule de Lui continue et continuera à couler.

mardi, décembre 20, 2011

"Elle pleurait comme une Madeleine".

Je suis Marie de Magdala, je suis le prototype de la pleureuse, de la femme qui ne sait faire que ça. Mais savez vous qui je suis et pourquoi j'ai pleuré? Car oui j'ai pleuré, mais aussi bien de tristesse que de colère.

Laissez moi vous raconter.

Je suis née dans une famille juive bien pratiquante, trop pratiquante. Alors quand nos parents sont morts, je me suis sentie libre de partir, de vivre ma vie dans une de ces citées grecques qui sont si nombreuses dans mon petit pays, la Palestine. Et mon nom vient de là, comme plus tard il y aura Paul de Tarse. Moi j'étais la Marie de Magdala. Là j'ai vécu en faisant ce que j'avais envie de faire sans trop me poser de questions. Oui, j'ai bien mangé, bien baisé, bien vécu, même si au fond de moi cela ne me satisfaisait pas. Mais je vivais bien mieux que dans ma famille, ficelée par des coutumes et des rituels. Pour eux, j'étais la sale, la prostituée, même si ce que j'ai fait, jamais je ne l'ai fait pour de l'argent, la pécheresse.

Et puis j'ai entendu parler de cet homme qui guérissait et qui parlait sans faite de distinction entre les riches et les pauvres, les malades et les bien portants, je veux dire de Jésus. Comme il allait de villages en villages un jour j'ai décidé d'aller voir par moi-même. Et là, tout a basculé. Je me suis rendue compte que dans cette recherche de liberté je m'étais trompée, que j'étais devenue un objet et que je m'étais abîmée. Alors là, oui j'ai pleuré, pleuré parce que Lui m'avait regardée et aimée et transformée. Tous les démons qui étaient en moi, Il les a chassé et j'ai aussi pleuré de joie. Il y a des larmes qui purifient..

Je suis revenue chez nous, ce qui n'a pas été facile, parce que ma soeur aînée m'en voulait d'avoir déshonoré la famille. Puis mon frère est mort, et là j'ai pleuré comme un tout à chacun. Mais au fond de moi, j'en ai quand même voulu à Jésus que nous avions fait prévenir et qui n'est arrivé qu'après la mort de mon frère.



Et puis il y a eu le retour à la vie de mon frère, retour à la vie qui signait par contre la mise à mort de celui que mon coeur aime tant. On a fait une grande fête et moi, j'ai eu comme une vision. J'ai vu son corps "mort" défiguré, plein de plaies. Alors cela a été plus fort que moi, je suis allée chercher un flacon rempli de parfum et je l'ai versé sur lui, comme pour l'embaumer et je pleurais car je le voyais mort. Naturellement Judas a râlé (et les autres disciples aussi) mais Jésus lui a bien confirmé ma vision car il a dit: des pauvres vous les aurez toujours, mais elle a fait cela en vue du jour où on me mettra dans la tombe.

Et ce que j'avais deviné est arrivé. Ils l'ont arrêté, battu, mis en croix. Quand Il est mort, j'étais là, mais pas tout près à cause des soldats. Pour pleurer quand il a rendu son souffle, oui j'ai pleuré. J'avais pleuré pour mon frère, je pleurais pour celui qui était mon amour.



J'ai dû attendre que la fête de la Pâque se passe et dès que j'ai pu, j'ai foncé au tombeau, pour le voir. Seulement voilà, quand je suis arrivée, quelqu'un avait roulé la pierre, et ça c'était mauvais signe. A la fois j'avais peur, à la fois j'étais en colère, comme enragée.  Et si on l'avait volé? Alors j'ai foncé prévenir Pierre et Jean. Ils n'ont pas réveillé Marie la Mère de jésus, parce qu'elle en avait trop vu. Ils sont juste venus tous les deux. L'un après l'autre ils sont entrés dans la grotte qui servait de tombeau, ils ne m'ont rien dit et ils sont repartis. Mais à voir leur tête, le corps n'était plus là. Et moi je restais là avec ma colère.

Je ne sais pas si on vous a déjà volé quelque chose à quoi vous tenez, mais  réfléchissez un peu à l'état dans lequel cela vous met. Alors peut être pourrez vous imaginer la colère qui était en moi. On avait osé me le piquer, me le voler. Alors oui je pleurais, mais de rage, de colère. j'aurais bien voulu tuer le monde entier. Je suis entrée dans le tombeau, il y avait des hommes qui étaient assis là où Il aurait dû être. Ils m'ont demandé pourquoi je pleurais, comme s'ils ne le savaient pas. Et qu'est ce qu'ils faisaient là eux, à la place de mon Jésus. Ce qui était quand même étonnant c'est que tout ce qui avait servi à envelopper le corps était là, bien plié... Celui qui avait volé le corps, dans quoi l'avait il mis? Et puis je suis sortie et j'ai vu une espèce de grand gaillard bien bâti. Peut être que c'était lui qui avait pris le corps. Il m'a demandé pourquoi je pleurais et ce que je cherchais. j'ai cru que c'était une mauvaise blague: s'il avait pris le corps, il devait me le rendre. C'est moi qui devais m'en occuper, le laver, l'embaumer, le rendre présentable. Là je ne pleurais plus, j'étais très en colère.


Et puis, celui que je prenais pour un employé de ce jardin où se trouvait la tombe m'a appelée par mon nom. Et là, ça a été comme lors de la première rencontre, je me suis sentie exister. Moi qui étais morte, je suis redevenue vivante et je le voulais pour moi. Je pleurais de nouveau mais d'émotion et de joie. J'étais passée des larmes de tristesse, de colère, de rage à des larmes qui me lavaient de tout ce que j'avais vécu.

Seulement, avant même que j'ai pu faire un geste pour le toucher, pour le sentir, pour être bien sûre que c'était Lui, Il m'a arrêtée en me disant de ne pas le toucher. Là je n'ai pas compris et ça m'a même fait mal, j'avais de nouveau envie de pleurer. Il a eu des drôles de mots qui parlaient de son Père et de son Dieu, comme si j'allais l'empêcher de faire ce qu'Il avait prévu de faire. Alors que j'avais juste envie de me rassurer en le touchant. Mais j'ai obéi parce que je sentais bien que mon Rabbi n'était plus du tout le même. Il était passé par la mort et il était vivant, mais pas comme mon frère. C'était différent.

Il m'a dit d'aller annoncer aux autres il a dit "à mes frères" la nouvelle et il a disparu. Je crois que c'était bien la première fois qu'il employait ce terme de frère, Lui qui se disait le fils de Dieu avait donc réussi à faire de nous des enfants de son Père et donc des frères pour Lui.

Et je suis partie...

Alors oui, je suis une pleureuse et après. Que celui qui n'a jamais pleuré me jette la première pierre...


samedi, décembre 03, 2011

"Histoires de Noces": Jn2 et Jn 19.

Nous travaillons en groupe l'évangile de Jean, nous en sommes aux derniers chapitres, ceux de la passion et de la résurrection.  Si on admet (ce que je pense de plus en plus) que l'auteur de cet écrit a "bâti" son texte, je me suis demandée s'il ne faut pas mettre en parallèle les noces de Cana (premier signe de Jésus et début de sa vie publique) et la crucifixion où l'on trouve au pied de la croix Marie et Jean. Là il se fait un autre miracle: de la mort sort la vie et c'est la fin de la vie "publique" car désormais ses manifestations seront quand même de l'ordre du "privé".

Peut être peut on opposer le "bon vin" de Cana au "vin aigre" que boit Jésus juste avant de répandre son souffle et si l'on veut aller encore plus loin "au vin doux" que les apôtres auraient bu le jour de la Pentecôte.

Les noces renvoient toujours à l'amour entre deux êtres, à une alliance. Epouser quelqu'un c'est dire que c'est avec celui ci ou celle la que l'on veut passer toute sa vie et qu'il n'y en aura pas d'autre. Sceller cet Amour par un acte socialisé: s'engager de vive voix (ou par un acte écrit) et ensuite faire la fête, offrir un repas spécial où tous participent à la joie des deux et où l'on donne du bon, du très bon.

A Cana, d'une certaine manière il y a plusieurs personnages: Jésus, ses disciples,  Marie et le groupe des serviteurs sans parler du narrateur. La manière dont Jésus réplique à sa mère qui attire son attention sur le manque, reste curieuse pour nous: "femme quoi entre toi et moi" trouve son répondant "femme voici ton fils"avec la même impossibilité à trouver une répartie.

Si dans l'épisode de Cana, on peut avoir l'impression que Marie "pousse" son fils à se manifester,  à agir, là c'est Lui qui dit ce qu'elle doit faire pour devenir la nouvelle Eve, la mère de tous les vivants. Si on nous parle dans les personnes présentes de "la soeur de Marie" c'est bien que Marie comme toute veuve ayant perdu son fils aurait dû vivre dans "sa famille biologique". Or cela Jésus ne le veut pas.

La phrase de Marie "tout ce qu'il vous dira faites le" c'est  exactement ce que Jean va faire après que jésus lui ait dit "Voici ta mère". Jean est le serviteur qui obéit, qui a compris et cela c'est bien la place du disciple serviteur.

A Cana, l'eau est transformée en vin. Bien entendu les noces n'auraient pas été annulées si ce miracle ne s'était pas accompli, mais il est le signe de  la présence de Dieu sur la terre d'Israël, il est le signe pour les disciples que le temps est arrivé, que les noces sont là. Au delà des noces de ce jour là, il y a une autre noce qui se prépare celle du Fils (Je suis) avec nous.

Au Golgotha (puisque l'écrivain donne le nom du lieu) il y a la signature du contrat si je puis dire. Les noces sont scellées dans et par le sang. Le sang qui coule, qui se répand, ne peut-on peut le voir comme  symbole de l'Esprit qui va être répandu en en abondance (comme le vin à Cana).

Au premier signe, l'eau transformée en bon vin, répond le dernier signe, le corps et le sang transformés en nourriture et ce en abondance, car il me semble que l'abondance est bien ce qui caractérise la présence du Fils qui répand son Esprit sur tous.