mardi, mars 06, 2012

Du Dieu ogre au Dieu Autre

Réflexions un peu en vrac autour du texte du sacrifice d'Isaac: Gn 22.





Ce dimanche nous avons entendu (bien qu'elle soit assez caviardée, c'est à dire avec de grosses omissions dans le texte, mais il faut tenir compte je suppose de la capacité d'attention des personnes qui viennent à la messe le dimanche), l'histoire du sacrifice d'Isaac, que les rabbins appellent à juste titre "la ligature d'Isaac" puisque l'enfant (ou le jeune homme) est lié sur le bois du bûcher, bois qu'il a lui même porté.

A ce propos, on peut surement faire un parallèle avec un autre fils qui a aussi porté le bois sur lequel il devait être sacrifié et qui Lui savait ce qui allait lui advenir.

Le prêtre qui commentait ce texte a parlé de l'épreuve, des épreuves que nous traversons tous et qui souvent font que nous ne voulons plus croire en ce dieu qui nous prend tout ou presque tout (le dieu ogre si on peut dire). Et en l'écoutant je me disais que tel qu'est construit le récit Abraham avait le choix. Moi jamais je n'ai entendu une voix me disant je veux telle chose de toi. Et me connaissant il n'est pas évident du tout que je réponde par l'affirmative, du moins sans essayer de discerner. Je veux dire que l'épreuve lui était proposée, elle ne lui était peut être pas imposée.

Nous quand une épreuve nous tombe dessus, que ce soit la maladie, le chômage, la mort, nous n'avons pas le choix il faut faire avec. Jésus du moins tel qu'il est décrit dans les évangiles reste libre à chaque instant de dire oui ou non, et même si le oui est difficile (cf Getsémanie) il n'en demeure pas moins que sa liberté demeure. De ce fait je n'étais pas vraiment d'accord avec l'enseignement de l'homélie. Peut être que l'acceptation de l'épreuve transfigure, mais ce n'est pas si simple.

Et puis parfois, nous sommes très doués pour nous imaginer que Dieu nous demande des choses que Lui n'a pas demandées. De ces choses qui justement sont mortifères...Penser à la place de Dieu c'est si facile.

Alors je me suis posée des questions sur Abraham, cet homme qui est le père fondateur du peuple (même si ce sera Jacob son petit fils, qui donnera son nom "Israël" au peuple élu). Ce qui est étonnant c'est que ce qui fait en général d'un homme un héros, c'est qu'il est vainqueur d'épreuves (là c'est le cas) mais que ces épreuves le concernent  lui, pas quelqu'un de son sang. Or là, la vie d'Abraham n'est pas en danger (encore que la réaction de Sarah puisse être violente au retour quand elle apprendra ce qu'il a fait, mais n'a t elle pas condamné d'une certaine manière l'autre fils d'Abraham?),  puisque c'est le fils qui va mourir.

Ceci est quand même étrange et peut faire penser que peut être Abraham se crée une épreuve qui ne lui a pas été demandée. Alors moi, j'aime imaginer que que Dieu se sert de cela pour lui faire découvrir qu'Il n'est pas un Dieu ogre, mais le tout autre, celui qui pourvoit, qui pallie la faiblesse de l'humain quand celui ci se trompe de cible.

Certes l'obéissance est magnifiée, mais tout texte a un but et il faut bien que le Père fondateur soit un maître en la matière... Mais peut être pas n'importe quelle obéissance.

On nous dit dans la Genèse 22, que Dieu mit Abraham à l'épreuve. Cela nous lecteurs nous le savons, Abraham ne le sait pas. Par contre ce qu'il sait certainement, c'est qu'il vient d'éviter une guerre avec Abimelek. Alors peut être que pour remercier et mettre  pour toujours Dieu de son côté, il est bon de lui donner (sacrifier) son enfant. Comme Ismaël a disparu du décor, il ne reste que ce fils là, celui qu'il aime, peut être d'un amour possessif et jaloux. Et il imagine que c'est cela le prix de l'alliance qui Dieu veut qu'il paye. Obeissance oui, mais peut être autre chose. Car ce Dieu là, c'est le dieu qui prend tout, qui choisit ce qu'il y a de meilleur, et pour moi c'est le dieu ogre.

Alors peut être peut on penser que l'expérience d'Abraham est justement celle qui est demandé à chaque humain pour passer de Dieu là, qui est un dieu dévorant à un autre Dieu, qui est celui qui veille. Si cette montagne est nommée "Dieu voit" ou selon d'autres traductions "Dieu pourvoit" c'est peut être pour nous faire entendre et voir que Dieu (qui donnera son fils son aimé, son unique pour que nous devenions des fils pour lui) est présent et parfois nous évite de nous tromper de cible. Ses pensées ne sont pas nos pensées et c'est si facile de le faire penser comme nous;

Les rabbins racontent (et hélas ma mémoire est en défaut) que d'une part la Moriah est une montagne de sagesse et que donc si c'est sur cette hauteur que dieu veut se manifester, c'est pour que quelque chose soit appris. Ils expliquent aussi que le geste d'Abraham, ce geste interrompu par la voix de l'Ange est un geste très particulier, a t il saisi le couteau du sacrifice, sa main est elle encore dans sa poche, je ne sais plus. Ils insistent aussi sur le regard qui est échangé entre le père et le fils, le fils et le père. Et cela me semble très important. Mais j'ai toujours imaginé qu'avoir vécu cette horreur, avait provoqué chez Isaac un traumatisme majeur qui expliquera peut être qu'il ne rentre pas avec son père et son caractère(assez mou) par la suite. Si son prénom veut dire "il a ri" je crois que cette fois là, il a dû rire jaune...

Dans la bible il y a un autre exemple de quelqu'un qui comme le bélier se prend les cheveux dans les branches d'un arbre et qui est tué par quelqu'un qui croit bien faire. il s'agit d'Abasalon (cf 2° livre de Samuel). Cet homme qui a tué celui qui a violé sa soeur, qui a essayé de prendre la place de son père, reste envers en contre tout l'enfant aimé, et la douleur de David montre que que peut être l'amour d'un père pour un fils qui en soi (enfin de mon point de vue à est un sale type) est un amour qui est figure de l'amour de Dieu pour nous, je veux dire que jamais Dieu ne se réjouit de la mort du pécheur.


2 commentaires:

TOURNESOL a dit…

Votre culture biblique est très bonne ce qui n'est pas courant de nos jours.....
Pour moi le message essentiel du sacrifice d'Isaac c'est que à un certain moment de l'histoire les hommes ont pris conscience que "Yahvé-Elohim- l'Eternel..."
ne demandait pas des sacrifices humains (cela existait en terre de Canaan). Ils offraient des êtres humains pour rendre les dieux bienveillants comme les grecs.
ils vont remplacer cela par des animaux... Jésus dira qu'il ne veut pas des sacrifices mais leur coeur

Coumarine a dit…

Vous écrivez: "Nous quand une épreuve nous tombe dessus, que ce soit la maladie, le chômage, la mort, nous n'avons pas le choix il faut faire avec. Jésus du moins tel qu'il est décrit dans les évangiles reste libre à chaque instant de dire oui ou non"
Je pense que nous avons le choix aussi!!
Non de dire oui ou non à l'épreuve,mais de dire oui ou non à la façondont nous allons la vivre
En se laissant crouler tout au fond du puits
Ou en redressant la tête et en "choisissant la vie"
pas facile d'accord, mais là est notre liberté