samedi, septembre 29, 2012

La guérison de l'enfant épileptique Marc 9, 14-21


L’enfant épileptique Marc 9, 14-21




C’est un texte qui m’a toujours interpellée, d’autant que dans l’évangile de Matthieu le verset 21 du chapitre 17, (même s’il s’agit d’un ajout)  « cette sorte de démon ne se chasse que par le jeûne et la prière »qui ne figure pas dans toutes les traductions montre la difficulté d’expulser un tel démon (ou de guérir une telle maladie qui est quand même une maladie lésionnelle du cerveau).

Qu’est ce que Jésus reproche à ses disciples outre le manque de foi ? De ne pas avoir les bonnes armes pour lutter contre le mal. Peut –être me faudra t il revenir la dessus un jour prochain.

Dans l’évangile de Marc, la guérison de l’enfant « possédé par un démon » ou de l’enfant épileptique, suit immédiatement la transfiguration (chapitre 9). 

On sait simplement que les disciples n’ont pas réussi à guérir l’enfant, que tout cela fait un certain raffut puisque il y a comme un attroupement autour des disciples et que l’arrivée de Jésus surprend tout le monde, comme l’arrivée jadis de Moïse au milieu du peuple qui fait la fête autour du veau d’or a crée un certain froid si l’on peut dire! Ce miracle permet il de comprendre aux disciples que Jésus a pris avec Lui, qu’Il est le nouveau Moïse, le nouvel Elie ?  

On sait aussi que le père n’est pas content. Vient alors une description de la pathologie de l’enfant. Puis suivant les traductions Jésus demande qu’ on lui « apporte » l’enfant ou qu’on lui « amène » l’enfant, termes qui me choquent un peu, parce que je trouve que cela chosifie l’enfant, mais n’est ce pas souvent ce qui arrive aux enfants qui ne parlent pas. Et peut être que le miracle sera de rendre à cet enfant sa place de « sujet », sujet parlant. N’est-il pas déjà mort cet enfant qui ne parle pas, qui marche mal et qui n’entend pas ?

Beaucoup ont écrit sur la relation du père et du fils, comme si l’acte de foi (parole) du père en coupant une relation pathologique entre eux, permettait la guérison. Le fait que le père puisse dire : « je crois mais viens en aide à mon manque de foi », parole vraie, rendrait en quelque sorte la parole au fils, mais je dois reconnaître que j’ai souvent du mal avec une trop grande psychologisation de l’évangile, d’autant que d’après mon expérience quand on a un fils handicapé c’est plutôt avec la mère que les choses se nouent parfois de manière qui semble pathologique.

Ce qui est rapporté de cet enfant  c’est que depuis sa naissance il est muet, qu’il est peut être sourd puisque à cette époque les deux pathologies étaient à tort associées, qu’il tombe n’importe où, (dans le feu ou dans l’eau) c’est à dire que la marche n’est pas bonne et donc qu’il a des troubles de l’équilibre. Le raidissement, la salive qui coule, les tremblements ; au moment de la guérison sont évocateurs d’une crise de grand mal, crise impressionnante s’il s’en faut.

En  termes aujourd’hui on dirait : mon fils a des troubles neurologiques importants; il ne parle pas, on pense qu’il est sourd, il est différent des autres, il fait des crises, et quand il fait ses crises on  ne sait pas où il est: on perd le contact avec lui, il ne nous entend pas, il ne nous répond pas. On a peur pour lui parce qu’il se fait du mal à lui même : il a failli se noyer, failli se brûler, il a des troubles de l’équilibre, il marche mal. On pourrait presque dire puisque cela date depuis la naissance qu’il est  « polyhandicapé ».
Il n’est pas étonnant que les disciples n’aient rien pu faire, car ces enfants là, ces enfants avec lesquels il n’y a pas de contact font peur, et quand peur il y a, la guérison n’est pas possible.

Si les évangélistes insistent souvent sur la nécessité de la foi pour celui qui demande un miracle, il est intéressant de noter (en tous les cas dans le parallèle de Matthieu) que le foi est aussi nécessaire à celui qui provoque la guérison par le nom de Jésus.

Quant à une crise de « grand mal », pour en avoir vu, c’est effrayant. Cela fait peur pour ceux qui y assistent. Effectivement on peut penser qu’il y a possession car l’enfant n’est plus là, qu’il tombe, qu’il urine sous lui, tremble. Il est pris par quelque chose qu’il est presque impossible de stopper, même si parfois on le peut dès que l’on voit les prémices de la crise. Les mots de Jésus sont des mots forts : sors de cet enfant… Sous entendu tu es entré en lui, tu en as fait ta chose, maintenant, moi je lui rends la vie.

La réaction de l’enfant est étonnante (il tombe au sol et était comme mort) me fait penser à une phrase de Freud concernant l’homme aux Loups : « J'eus alors la satisfaction de voir s'évanouir ses doutes, lorsque l'intestin, tel un organe hystériquement affecté, commença à se « mêler à la conversation pendant notre travail, et eut recouvré en quelques semaines sa fonction normale si longtemps entravée ». C'est à dire qu’il y a comme un ultime combat, une ultime résistance dont l’analyste sort vainqueur par la puissance de la parole. 

On pourrait dire que la force du son de la parole de Jésus qui ordonne (puisqu’on sait que les bruits peuvent provoquer des crises de grand mal) provoque la dernière crise. L’enfant est comme mort, on pourrait presque dire que l’enfant « ancien » l’enfant « malade » reste là, couché sur le sol et que l’enfant « nouveau », l’enfant « ressuscité » va se lever.

Que l’enfant puisse se lever et marcher est bien pour moi signe de guérison. Je sais à quel point une crise de grand mal fatigue. La personne doit être aidée pour se lever, souvent il faut la porter, marcher lui est très difficile.

Cette guérison me sidère, car il y a lésion du cerveau et réparer cela, c’est pour moi finalement aussi fort que la résurrection de la fille de Jaïre (Mc5, 21). D’ailleurs la demande de Jésus « donnez lui à manger » m’a fait poser la question d’une anorexie qui serait un refus chez cette fille de 12 ans, donc en âge d’être mariée, de l’avenir qui l’attend.

C’est peut être pour cela que Jésus reproche le manque de foi, manque de foi des disciples paralysés par la peur, manque de foi du père qui sait bien qu’il demande l’impossible

Il est certain que vu de l’extérieur, cet enfant est pris par quelque chose (ou quelqu’un qui le manipule et qui lui veut du mal (un peu comme l’homme geradséen qui se blesse lui même).
Que Jésus dise « démon sourd et muet sors de cet enfant » montre qu’il s’agit de débloquer quelque chose. Cela fait un peu penser à ces sources qui ne coulent plus parce qu’elles sont obstruées par quelque chose.

Jésus a la puissance de faire cela, de débloquer ce qui est bloqué depuis la naissance (certainement prématurée), de rétablir une intégrité somatique et pour moi, cette guérison est naissance.

Alors il est possible de voir en Celui qui vient d’être reconnu au début du chapitre 9 comme le « Fils bien aimé » Celui qui donne la vie à cet enfant malade et qui par sa mort (annoncée dans les versets suivants) donnera une autre vie à tous ceux qui se reconnaissent enchaînés, pris, abaissés, sans paroles. 

jeudi, septembre 27, 2012

A propos de l'épître aux Galates.



Nous avons terminé la lecture de cette épître qui pour moi est une espèce de brouillon de ce que Paul écrira aux Romains (justification par la foi) mais je ne me souvenais pas que le raisonnement paulinien était aussi tordu. Pardon aux admirateurs de la pensée paulinienne, mais je continue à avoir du mal avec ces raisonnements surement très rabbiniques (partir sur une phrase et la pousser jusqu'au bout de ce qu'elle peut donner) et très impreignés de culture grecque et de rhétorique. 

Je me permets de rappeler à mes lecteurs qui ne sont pas trop familiers des épîtres que d’une part elles sont classées dans la nouveau testament de la plus longue à la plus courte et que l’épître aux Galates est  antérieure à l’épître aux Romains qui serait de fait la dernière lettre écrite pas Paul.  

Paul a annoncé la bonne nouvelle aux Galates (des païens) qui ont donc reçu par le baptême le pardon des péchés et  l’Esprit de Jésus. Normalement il leur est demandé de s'abstenir de ce qui a été souillé par les idoles, des unions illégitimes, des chairs étouffées et su sang (Actes 15, 20). Il n'est pas question de circoncision ni de suivre la loi mosaïque. Ils sont devenus libres. 

Après le départ de Paul d'autres prédicateurs sont venus et eux affirment que la circoncision est nécessaire, ce qui est contraire à la prédication de Paul et qui est pour ce dernier un retour en arrière, un esclavage alors que Jésus est venu pour nous rendre libre, comme YHWH avait jadis libéré son peuple des égyptiens. 


Il est fort possible que cette mesure dans un contexte de persécution contre les chrétiens soit une sorte de protection puisque dans l’empire romain, les juifs (donc ceux qui portent la marque de circoncision) ont le droit de pratiquer leur religion et donc de ne pas reconnaître l’empereur comme un Dieu. 

Or Paul va démontrer que la loi ne sauve pas, que seule la Foi permet d’obtenir le Salut, c’est à dire la vie éternelle. 


Paul est véhément, l'épître renvoie bien à son caractère entier et passionné.. Depuis toujours j’ai aimé petite phrase « Ô Galates sans intelligence qui donc vous a ensorcelé » traduction de la B.J. Cette phrase, pour moi c’est presque du Racine, elle sonne bien, elle interpelle. 

Le fait d’avoir retravaillé ce texte en groupe, m’a permis de garder deux versets qui aujourd’hui sont importants pour moi. 

L’un d’entre eux «  En effet dans le Christ Jésus, ni circoncision ni incirconcision ne comptent, mais seulement la foi opérant par la charité » Gal 5,6 est pour moi fondamental, car cette affirmation montre bien que la foi sans la charité est impensable et que la justification par la foi s’accompagne obligatoirement d’un changement de comportement. 

L’autre verset qu'il s’agit plus de pouvoir le laisser résonner (sans réellement raisonner) « mes petits enfants, vous que j’enfante dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous » Gal 4, 19 est pour moi un verset pour la manducation de la parole. S'en empreigner pour qu'il devienne vivant. car la formation du Christ en nous est mystérieuse mais pourtant réelle.

Je reviens au premier verset: Gal 5, 6. Peut –on dire que la Loi (ou du moins la pratique de la Loi)  ne rend pas juste devant Dieu ? Certes quand  dans le Deutéronome au chapitre 7, Moïse reprend l’historique du don la Loi, et c’est bien l’observance de celle ci et des coutumes qui va permettre au peuple de posséder le pays qui lui est destiné, et donc de se multiplier.

Avoir un pays, et se survivre dans ses enfants, est un moyen d’être « éternel », de ne pas disparaître. Et cela lève d’une certaine manière la malédiction de la mort (perte de l’arbre de la Vie dans le Genèse).

Si on prend l’application de la Loi dans ce sens, on peut penser qu’elle ne rend pas juste. Elle permet que Dieu soit source de bénédictions. Seulement au fil des siècles quand on lit les psaumes ou les prophètes, on se rend compte que que la pratique de la Loi forme des hommes qui ont le nom de YHWH au fond de leur cœur, et qui vivent pour et par Lui, alors il me semble que dire que ces hommes ne sont pas justes me paraît un peu réducteur.

Et faut il vraiment mettre sur un même pied les 10 paroles et les 613 prescriptions (coutumes) ? Jésus souvent critique le fait que tout soit mis sur le même pied et quand on lui pose la question du plus grand des commandements, il donne les commandements qui renvoient à la place de YHWH et à celle du frère. Même pour le sabbat il ose dire que le sabbat est fait pour l'homme et que si on peut sauver un homme ce jour là, cela est plus important que le respect de la tradition.

J’ai toujours eu du mal avec les raisonnements pauliniens, et dans ce texte la métaphore qu’il utilise entre la descendance  d’Agar et de Sarah, me laisse perplexe. Maintenant si on fait abstraction de cela, il y a dans cette épître l’amour quasi maternel de Paul que ceux qu’’il a en « engendré » à la Vie, sa souffrance de voir à quel point l’humain est souvent une girouette et le témoignage sur sa propre vie : je suis crucifié pour le monde et le monde est crucifié pour moi.

Je reviens après cette digression à "mon" verset (la foi opérant par la charité).Il montre bien que la foi est indissociable de la charité. Ce n’est pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur qui seront sauvés, mais ceux qui font la volonté de mon Père, disait Jésus. (Mt 7, 21). Dans l’épitre aux romains Paul insiste sur cette foi qui fut celle d’Abraham, mais aussi nous pouvons nous penser à celle de Marie, à celle de Joseph, et aussi celle de Paul et des apôtres. Ils ont de tout leur être pris en eux la parole qui leur a été adressée, ils l’ont faite leur, ils en ont vécu. Cette parole s'est incarnée en eux et a  bouleversé leur vie, leurs certitudes.

Mais faut il dissocier la foi (confiance) de ce que cela implique car accepter soit de se soumettre à une parole, soit de laisser faire l’Esprit Saint en soi, provoque une autre manière d’être au monde.

Pour nos frères évangéliques, il me semble que le salut est donné si l’on se reconnaît pécheur (donc condamné à ne pas vivre après la mort), et de reconnaître que Jésus qui a donné sa vie pour nous, est le Sauveur. 

Mais il me semble que si cela est la condition nécessaire, elle n’est pas suffisante. Oui, si la foi n’opère pas dans la charité, elle est vaine, comme le clame Saint Jacques dans son épître.

Je ne pense que lorsqu’on a rencontré Jésus sur son chemin et que l’esprit de Jésus est donné, cet esprit qui permet d’aimer comme Lui, il n'est pas possible de continuer à vivre comme on vivait avant cette rencontre.

La concision de la formule paulinienne:  « la foi opérant par la charité », montre bien que ce n’est pas le faire qui compte, surtout quand le faire est coupé de la source, mais la jonction permanente des deux . D’ailleurs n’est ce pas ce qu’on peut retenir de l’épître aux Corinthiens ? Quand j’aurais une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour en moi (si je ne fais pas cela parce que je suis aimé et que j’aime) alors je ne suis rien.

Que Luther ait été finalement converti par cette phrase de l’épitre aux romains, compte tenu de la névrose qui était la sienne  et qui  le poussait à se confesser plusieurs fois par jour tellement il vivait dans la peur de l’enfer, et qu’il ait pu écrire qu’il suffisait de tendre les bras vers Dieu pour Celui ci les tende vers vous (on sort du faire pour être), je peux le comprendre. Mais si la foi n’opère pas dans la charité, il me semble qu’elle est tronquée, amputée.

Je reviens à l’autre verset qui est beaucoup plus contemplatif pour moi. Laisser le Christ se former en nous, se tisser en nous, nous tisser en lui, être son corps et le laisser devenir le notre. Je suis une femme, j’ai eu la chance de porter des enfants, je connais la joie qui vient lorsque les tous premiers mouvements deviennent perceptibles (il n’y avait pas d ‘échographie de mon temps) et je sais qu’il faut du temps pour que la vie se laisse sentir en soi. Je sais aussi que cette perception de cette vie nouvelle en soi, est une merveille qui fait de vous quelqu’un d’autre. 

Se dire que Dieu qui est le Tout Puissant, accepte que chacun d’entre nous puisse en lui donnant en quelque sorte son corps devenir un corps pour Lui est quelque chose d’extraordinaire. Si le juste est celui fait confiance à la parole, n’est il pas étonnant que Dieu nous fasse finalement suffisamment confiance pour nous permettre de devenir son corps à Lui qui est Esprit ?

Que d’une certaine manière, Christ soit tissé en nous, que nous l’enfantions si nous nous laissons 
enfanter par Lui, n’est ce pas une merveille ?

Peut être il important de penser aux personnes rencontrées au cours de notre vie et qui ont permis que cela soit rendu possible et de leur dire merci pour ce travail d'enfantement qu'elles ont fait.  Comme le dit le psalmiste : « Je te rends grâce pour tant de merveilles, prodige que je suis, merveille que tes œuvres » Ps 139, 14

mardi, septembre 25, 2012

L comme louer

Il y a une société qui s'appelle "kiloutou" et je me suis souvent demander si on pouvait s'approvisionner chez elle en louange.

Oui, je sais, on ne se refait pas...

Les groupes de prières redémarrent en ce moment. Or je j'ai déjà écrit, je n'y suis pas à l'aise, même si aujourd'hui je peux accepter que parfois il faut une sacrée dose de volonté pour louer Dieu et que ce "je veux te louer" est peut être une belle chose.

Il m'est venu l'idée que" louer Dieu", c'est tout simplement lui faire de la place, lui donner sa place à l'intérieur de moi. Cela veut peut être dire qu'il y a des choses à virer pour qu'Il puisse s'y établir, mais comme cette notion de place occupe une grande partie de ma réflexion en ce moment, j'aime cette définition: Louer, c'est donner à Dieu sa place, louer, c'est faire de la place à Dieu.

Et comme c'est bien difficile de faire cela, c'est le travail de l'Esprit Saint.

mercredi, septembre 12, 2012

A propos de l'Evangile de Luc.


Evangile de Luc.

La reprise de l’évangile de Luc en lectionnaire de semaine, m’a titillé les méninges. Certes je pourrais aller lire de très savants auteurs, mais je n’en n’ai pas envie.

Quand on démarre la lecture au chapitre 4, on est un peu saisi par les différences dans le relation des événements avec les autres synoptiques. Jésus a été baptisé (j’y reviendrai peut-être) tenté dans le désert. Il commence son enseignement, (que dit-il, comment s’y prend-il on ne le sait pas, qui rencontre t il  on ne le sait pas). 

Il débarque chez lui à Nazareth. Il s’y affirme comme étant l’envoyé. Que les gens se posent des questions c’est relativement normal. La phrase qu’il emploie « médecin guérit toi-même » est curieuse car en fait elle est comme un précurseur de ce qui se passera sur la croix : "qu’il se sauve lui même" diront les prêtres. De quoi devrait il être guéri pour convaincre les autres de son authenticité, de sa force, de sa divinité ? 

Après la tentative de meurtre, il se retrouve à Capharnaüm, et après la célébration du shabbat il entre dans la maison de Pierre dont on a jamais entendu parler jusque là. Et pourtant Pierre sera un personnage central. Puis c’est la pêche dite miraculeuse et l’appel des quatre s’appuie sur un miracle impressionnant et une reconnaissance de la divinité de Jésus par Pierre. 

Pierre sera finalement dans tout l’évangile une sorte de faire valoir de Jésus. Mais on ne sait pas grand chose de lui. On saura par Paul qu’il est marié, mais la belle –mère dont il est question au chapitre 4 est elle la mère de sa femme ou la femme du père de Pierre… Bien entendu cela n’a pas d’importance, puisque ce qui compte c’est la guérison qui confirme ce qui vient de se passer à la synagogue : sors de cet homme, sors de cette femme. 

Ce qui est curieux c’est que Luc accole déjà les deux prénoms alors que le nom de Pierre ne sera donné qu’au chapitre 6. Mais il me semble surtout que ce qui différencie Luc des autres évangélistes c’est l’introduction de deux héros (si l’on peut dire), Jean le Baptiste et Jésus.

Ces deux hommes qui sont parents, (Elisabeth étant la cousine de Marie) sont issus de deux couples particuliers. Deux vieux pour Jean,  un vieux (enfin on le suppose) et une toute jeune pour Jésus.  Une des familles n’a pas de descendance et en souffre, (Elisabeth et Zacharie) l’autre (Marie et Joseph)  théoriquement n’en veut pas mais ce n’est pas dit dans les écritures canoniques.

Ensuite on a deux annonces très semblables faites par l’Ange du Seigneur deux réponses à la fois semblables mais différents puisque Zacharie qui met un peu en doute la parole adressé perdra le parler durant la grossesse de sa épouse alors que Marie s’ajuste à la demande. Deux prénoms donnés avant la naissance, puis deux enfants qui viennent au monde l’un « bien au chaud dans une maison » l’autre  « dans une étable ». Entre ces deux enfants un lien dès le tout début : « l’enfant a tressailli en mon sein » preuve que l’embryon porté par Marie était bien germe d'Esprit Saint.

L’un et l’autre portent des prénoms qui d’une certaine manière les structureront. Jean qui signifie « Dieu fait grâce » annoncera bien cela sur les bords du Jourdain. Un libérateur va venir, mais pour sortir de l’esclavage de l’envahisseur et de l’esclavage du péché, il faut à la fois changer de conduite et accomplir un rituel de purification : être plongé dans les eaux du Jourdain, y laisser tout l’impur pour être purifié. Mais celui qui doit venir est présenté comme un Dieu de vengeance et non comme un Père.

L’autre prénom « Dieu sauve », sera comme mis en activité dès le début de la vie publique, car le fils de Marie sauve et guérit les personnes qui viennent à lui, qu’elles reconnaissent ou non leur péché d’ailleurs. Il y a une largesse, une abondance qui sont certainement de l’ordre de divin. Jésus comme Josué (même prénom) feront entrer dans la terre de Dieu.  

Leur destin a des points communs.

Jean annonce la venue de celui qui doit venir, pour cela il prêche la conversion (faire ce qu’il faut pour ne pas être jeté au feu par celui qui vient, image violente d’un Dieu justicier) Jésus annonce qu’Il est celui qui vient pour que ce que son prénom signifie (Dieu sauve) soit accompli (guérison, enseignement).

Jean pratique un signe le baptême dans l’eau. Jésus proposera le baptême dans l’Esprit.

L’un et l’autre meurent de mort violente à peu de temps d’intervalle. L’un par l’ordre du roi Hérode, l’autre par ordre de Pilate procurateur de Judée. L’un comme l’autre meurent parce qu’ils ont parlé: L’un parce qu’il a rappelle la Loi l’autre parce qu’il a revivifié la Loi. L’un a déplu au roi, l’autre a déplu au sacerdoce. Curieusement les deux personnages qui ordonnent leur mort n’ont pas envie de la donner, mais ne peuvent résister à la pression sociale.

Les disciples du premier viennent chercher le corps et le mettent dans un tombeau, mais personne ne sait où ce tombeau se trouve. De résurrection ou d’enlèvement il n’est pas question. Le corps de Jésus est mis dans un tombeau lui aussi par des disciples mais le corps disparaît, et l’histoire des deux hommes se différencie, quoique l’un et l’autre ont des disciples qui essaiment dans le monde romain.

On peut enfin noter que Jean le Baptiste est souvent une référence pour Jésus : aux pharisiens qui lui somment de dire qui il est (Luc 20, 4), il répond par un questionnement sur Jean : «  le baptême de Jean venait il du ciel ou des hommes ? Et cette dispute confortent les pharisiens dans leur décision de faire mourir cet homme qu’ils ne peuvent reconnaître pour le Messie.

Deux héros, deux histoires, deux fins différentes. Dieu fait grâce (Jean) pour que tous les hommes soient sauvés (Jésus). L’un et l’autre sont nécessaires pour comprendre l’histoire de la Présence de Dieu dans notre monde.