mardi, octobre 16, 2012

L'homme riche: Marc 10, 17- 27

Nous avons eu hier un "partage" autour de ce texte que je reproduis ici dans la traduction "liturgique". Nous étions 6 à essayer de dire ce que ce texte nous disait. Le célébrant avait centré sur "l'appel", mais nous sommes partis ailleurs.

Comme souvent, je risque de proposer une lecture au premier degré, mais nous sommes parfois tellement habitués à lire ces textes que nous le les voyons plus, nous les entendons plus, je veux dire que nous les regardons sans les voir, que nous les écoutons dans les entendre...

Voici le texte:


Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se mit à genoux et lui demanda : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
Jésus lui dit : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Personne n'est bon, sinon Dieu seul.
Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d'adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. »
L'homme répondit : « Maître, j'ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse. »
Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l'aimer. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. »
Mais lui, à ces mots, devint sombre et s'en alla tout triste, car il avait de grands biens.

Alors Jésus regarde tout autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d'entrer dans le royaume de Dieu ! »
Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Mais Jésus reprend : « Mes enfants, comme il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. »

De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
Jésus les regarde et répond : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »


Si on se remet dans le contexte, on est quand même au chapitre 10 de cet évangile qui n'en comporte que 16, on sait que Jésus a été en Judée, puis de l'autre côté du Jourdain, qu'il a enseigné, qu'il a eu un conflit avec les pharisiens (la question du divorce) puis un autre avec ses disciples (bénir les petits enfants) et que c'est ensuite qu'il se met en route, certainement pour Jérusalem (cf verset 32).

On ne peut donc pas dire que le climat soit idyllique. Et voilà qu'arrive un homme qui sort de nulle part, qui se met à genoux (moi je me le représente d'avantage comme ces petits enfants qui s'accrochent à la jambe d'un adulte pour l'empêcher de partit) et qui lui pose une question au niveau certes spirituel mais qui renvoie à l'avoir: "que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage". Oui cette question est importante, mais manifestement elle tombe mal. Le moins que l'on puisse dire c'est que Jésus d'une part le reprend sur le "bon maître" ce qui est étonnant car n'est-il pas le Fils de de Dieu qui est "bon", et le renvoie d'une certaine manière dans ses buts: tu connais les commandements... A la limite, pas d'histoires avec de type qui le retarde.

On retrouve là un peu le Jésus de Cana ou le Jésus avec la femme syro-phénicienne, un Jésus très humain qui ne répond pas à la demande.

Et puis quelque chose se passe, Jésus le regarde (comme si jusque là, certes il le voyait, mais il voyait comme un inopportun) et dans cet homme il voit autre chose, il voit que cette demande d'avoir en héritage la vie éternelle est quelque chose d'important. Or aux yeux de tous, cet homme qui est un homme riche, donc "béni" de Dieu ne devrait pas se poser ce genre de questions... Et non seulement Jésus le regarde, mais il l'aime et il lui "donne" la parole nécessaire à son salut: "va, vends tout ce que tu as, donnes le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis moi".

Quand nous entendons cela, nous avons l'impression que Jésus demande quelque chose d'immédiat, or pour moi ce n'est pas certain. Il y a toute une progression que l'homme (et là peut être sommes nous tous concernés), est appelé à faire. J'imagine mal qu'un homme "riche" puisse disposer de son argent sans respecter certaines règles.  Il lui est demandé de se dessaisir de cet argent, et peut être que sur le plan symbolique pour nous c'est une étape. Accepter de se laisser déposséder, de faire du vide.

La deuxième étape est de donner aux pauvres, (ouvrir les yeux sur ceux qui sont dans le besoin mais là on peut parfois dépasser le matériel) et se souvenir que les pauvres c'est nous aussi...

Puis quand on est un peu désencombré, alors on peut passer de l'avoir à l'être, et c'est la dernière étape proposée: "suis moi" ce qui peut aussi vouloir dire, accepte d'être désormais rempli par moi, accepte que je sois ta source, ta nourriture.

La description de ce qui se passe pour l'homme: qui devient tout sombre (on imagine un visage lumineux parce que Jésus a écouté ce qu'il avait à demander et qui se modifie totalement) et qui s'en va "tout triste" parce qu'il se sent incapable de faire ce qui lui est demandé, décrit peut être aussi ce qui se passe pour nous, quand on a l'impression que "trop c'est trop" et que vraiment ce Seigneur là, il exagère.

Certains pensent qu'un travail a pu se faire chez cet homme et que rien ne dit qu'il n'a pas suivi Jésus, autrement et après la mort de Celui-ci.

Pour ma part, je pense qu'on n'a pas à juger le chemin des uns et des autres. Il n'était pas prêt à ce moment. Bon et alors...

Et puis si on prend la suite du texte, je me demande si la tristesse de l'homme ne déteint pas sur Jésus, car on sent bien que lui aussi est déçu, lui qui est venu pour le salut de tous, qu'ils soient pauvres ou riches, qu'ils soient nantis ou démunis.

Dans notre groupe il y avait une personne qui est dans une association qui essaye d'aider les "Roms" de notre département.  Elle nous faisait remarquer que l'appel de Jésus s'adresse à tout le monde, mais comment font ceux qui n'ont rien à eux, du moins au niveau matériel.

Alors je me disais que ce serait bien de penser à dire merci simplement parce que nous avons ce qu'il faut pour ne pas être à la rue.

5 commentaires:

AlainX a dit…

C'est intéressant ta lecture et ta manière de voir… Parce que c'est la tienne…
Pour moi cela a toujours été là l'essentiel dans l'Évangile : est-ce que ce que je lis « ça me parle » aujourd'hui ?, là où j'en suis.

De ce fait, je me permets de commenter en donnant ma modeste lecture personnelle :

La manière et le comportement de Jésus révèlent les moeurs de Dieu.
On est témoin comme les disciples. On n'est pas directement les protagonistes de l'histoire, même si parfois on s'identifie à certains personnages, certaines figures.

Pour ma part, c'est foireux dès le début, dans la première question de cet homme. C'est un marchand, un négociateur, un possédant, un gars qui recherche le bon plan pour faire une bonne affaire avec Dieu. : "Avoir en héritage".

Jésus ne lui fait aucun cadeau. Il ne lui refile aucun avantage particulier, il ne l'inscrit pas sur une liste prioritaire. Il ne lui propose ni cartes de fidélité ni Smiles pour une réduction sur le grand voyage.

Ce gars-là, Jésus lui met totalement la tête à l'envers. Mon petit gars : tu as tout faux sur toute la ligne… Parce que tu n'as fait que le minimum syndical : respecter les commandements, avec quand même une idée derrière la tête : obtenir ta part en héritage. Mais tu n'as pas fait « le plus » ! C'est-à-dire la véritable conversion à laquelle tu n'es absolument pas, ni pret, ni décidé.

Soyons clair : en effet c'est quasiment impossible ! Je ne suis pas prêt à virer, mon assurance vie, mes petites économies, vendre ma baraque, et à faire de tout cela un chèque pour le Secours Populaire ! Et puis : que diraient mes enfants ! Que je ne leur aurait rien laissé… mauvais père tiens, qui n'a pas pensé aux siens !
Soyons un peu raisonnables quand même ! Faut pas pousser le bouchon trop loin !

Jésus ne lui dit pas : tu as 2 ans pour solder tes affaires juteuses et après vient me voir à ma permanence je te proposerai un deal d'enfer !! (pardon : de paradis !!!)

C'est radical, c'est tout de suite ou jamais.

Et moi je crois que le type, il ne peut pas, parce que justement il n'a pas : la foi en Jésus ! Il ne croit pas à la folle promesse qui lui a cependant été faites : « un trésor au ciel ». Il n'a même pas suffisamment le goût du pari. Il n'est même pas capable de le faire à la roulette : tapis ! Rien ne va plus !
Alors que Jésus lui proposait la martingale !

Reste alors la finale mystérieuse : pour vous c'est foutu : pour Dieu c'est possible !
Je trouve que là on est au sommet.
Sauf que pas vraiment… Parce que aussitôt on a cette question idiote : oui mais, alors, comment ça va se passer ? Donne-nous des assurances…

Et le Jésus, ça l'a rendu tout triste….. Et même ses disciples ont gambergé… « Mais alors qui peut être sauvé ? »… Sous-entendu et nous et nous et nous ! On va quand même pas rester sur le carreau ! ?

————
Voilà un peu ce que j'aurais commenté… Si j'avais eu quelques compétences pour le faire…
Mais là, faut faire comme si j'avais rien dit !…
:-)

Giboulee, a dit…

Un grand merci.

je me suis aussi demandé comment peut on savoir qu'il était riche. je suppose qu'il avait un "manteau" de bonne qualité... Avec de belles franges et tout et tout. Sinon alors Jésus voit ce que les autres ne voient pas.

Coumarine a dit…

ce qui me frappe dans le texte de l'Evangile, c'est que Jésus REGARDE, l'homme en question, la foule qui l'entoure et les disciples (trois fois dans ce court texte)et on dirait qu'à partir du moment où il REGARDE vraiment, il "se met à aimer"
Je crois que nous avons tous pu faire ce genre d'expérience...

Quant aux richesses dont on ne parvient pas à se défaire... je dirais modestement, que moi non plus, je ne pourrais pas...
Je crois que Jésus appelle à autre chose que tout vendre,(ça il dit quand il ne l'a pas encore regardé, c'est un concept passe-partout) il appelle à le "suivre", pas tout à fait la même chose

AlainX a dit…

"comment peut on savoir qu'il était riche"

l'Evangile dit : "... car il avait de grands biens"...
On peur supposer qu'il était connu dans le coin... une notoriété... un gros PDG de l'époque !!
Et aussi Jésus a du voir des signes extérieurs de richesse en effet... comme tu le dis....
Aujourd'hui il serait débarqué dans sa Porche Cayenne...
:)

Giboulee, a dit…

Oui, Coumarine, j'avais bien sûr compté "ces regards" en repensant à ces différences entre voir et regarder, entendre et écouter.

Dans le petit groupe de réflexion autour de cet évangile, il y avait une jeune femme "consacrée" et qui disait que bien qu'elle ait tout donné, elle se rendait compte que rien n'était gagné. Et je me disais que de fait la dépossession est quelque chose qui ne s'arrête jamais. On a toujours a faire de la place et ma foi, c'est vrai que l'on s'encombre très vite.

Amitiés.