mardi, août 06, 2013

"Maître, dis à mon frère" Luc12,13



« Maitre, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage » (Luc 12,13): telle est la demande faite à Jésus. Quand  j’ai lu cette phrase de l’évangile de ce 18° dimanche du temps ordinaire, elle a fait écho avec une autre qui lui ressemble beaucoup, rapportée par le même évangéliste : « Seigneur ça ne te fait rien  que ma sœur m’ait laissée seule pour faire le service ? Dis lui de m’aider. » Luc 10, 40.

Les réponses de Jésus sont surprenantes. Au premier interlocuteur il répond : « Qui suis je pour  être votre juge ou pour faire votre partage » ? Même si cet homme lui reconnaît une autorité, Jésus refuse de se servir de ce pouvoir qui lui est attribué: ce n’est pas son rôle, ce n’est pas ce que son Père attend de lui. Il ne prend pas position pour aider l’un au détriment de l’autre. Il ne prend pas partie. Il n’use pas de son pouvoir. Cela fait presque penser à la phrase dite à sa mère lors des noces de Cana : « quoi entre toi et moi ».

Pourtant souvent quand nous sommes dans une situation difficile (et c’est souvent le cas des héritages) on aimerait bien que justement Jésus vienne pour démêler les choses et d’une certaine manière rendre justice, faire la justice à la place de la justice(1). Or cela, ce n’est pas son rôle.  

En ne répondant pas, en envoyant en quelque sorte cet homme « bouler », Jésus refuse d’être enfermé dans un rôle de juge, (je ne suis pas venu pour condamner, mais pour sauver le monde Jn3,17). Ce refus de l’enfermement lui permet d’enseigner (de sauver) ceux qui sont autour de lui, pour faire comprendre que la richesse qui conduit à l’âpreté au gain n’est pas source de bénédiction. Jésus comme beaucoup de rabbins qui enseignent utilise le concret de la situation qui lui est exposée pour aller plus loin. Jean dit de Jésus qu'il est le Verbe, la Parole. Je pense que tous ces enseignements, toutes ces paraboles, montrent que Jésus aime enseigner, car ainsi il révèle la présence du Père qui est en Lui. Et son style si particulier, si différent malgré tout de celui des prophètes qui l'ont précédé, montrent bien que Jésus est bien le Verbe. 

Quant à la réponse qu’il  fera à Marthe, nous la connaissons tous. Elle fait appel à la fois à sa compassion et à son autorité pour être sure que Marie va se bouger pour lui donner un coup de main. Mais là encore, il refuse ce rôle d’autorité, il ne prend pas partie pour l’une ou l’autre ce qui ne veut pas dire qu’il ne compatisse pas à la charge de travail de Marthe, qui reçoit certes Jésus, mais aussi ceux qui vivent avec lui: « Marthe tu te soucies pour beaucoup de choses, une seule est nécessaire : Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée ». Il n’obéit pas à l’injonction qui lui est faite, ce qui lui permet de faire entendre aussi à ceux qui l’écoutent avec Marie, que l’on peut le servir de deux manières, soit en faisant pour lui, soit en l’écoutant. Mais Jésus ne juge ni l’une ni l’autre.

En écrivant cela, je me dis que l’Eglise qui juge si facilement devrait peut être se souvenir que ce n’est peut être pas son rôle puisque ce rôle là, Jésus n’en n’a pas voulu.

Puis en continuant à réfléchir sur la manière dont on s’adresse à Jésus, je me suis rendue compte que personne ne l’appelle par son prénom, alors que Lui nomme ses interlocuteurs par leur prénom et parfois même leur donne un autre nom, ce qui est un attribut de Dieu.

En d’autres termes les évangélistes (et là c’est un point commun entre eux tous) qui savent que Jésus par sa résurrection a accompli les écritures, montrent que l’homme Jésus a toujours inspiré un respect puisque même Judas l’appelle rabbi alors qu’il est en train de le livrer.

Je réagis toujours très mal lorsque des personnes parlent du Seigneur en disant « le petit Jésus ». Je sais bien que cela est lié à leur éducation dans la foi, mais pour moi  dire cela c’est un peu comme parler des "petits" mongoliens, des" petits" vieux.. Pour moi Jésus n'a jamais été "petit" même s'il a été un enfant.  

Il me semble que nous n’avons pas à nous approprier celui qui est Dieu et donc Seigneur, et que au delà de la familiarité que nous pouvons avoir avec celui qui est notre frère, il me semble quand même que la distance entre nous et Lui doit demeurer. Peut être que le titre" Seigneur Jésus" est un moyen de le différencier du Père dont le nom est « Le Seigneur », mais il est Seigneur et en cela il n’est pas « notre petit Jésus ».

(1) Un commentaire de Deutéronome 16, 20: "La justice, la justice tu la poursuivras, afin d'obtenir en héritage la terre que YHWH ton Dieu te donne" est le suivant: La double énonciation du terme de « justice » signifie qu’il faut chercher à posséder la justice au moyen même de la justice, et non pas par des moyens injustes ou inadaptés : « la fin justifie les moyens » est un proverbe que l’Écriture rejette ici.

1 commentaire:

Véronique Belen a dit…

Bonjour Giboulée,

J'ai lu ton article, intéressant.
Je suis d'accord avec toi concernant l'expression "le petit Jésus", que je n'emploie jamais non plus. C'est enfermer le Christ dans son enfance, alors qu'il a accompli sa vie d'homme et est ressuscité adulte !

Concernant la scène avec Marthe et Marie, il me semble quand même que Jésus justifie davantage Marie. Aucun reproche à son égard, alors qu'on sent que l'agitation de Marthe et sa façon de vouloir l'utiliser comme arbitre l'agace un peu.

Et pour moi, cela est riche d'enseignement quant à l'Eglise d'aujourd'hui. Que de reproches et de suspicion ne soulève-t-on pas quand on n'est pas très "Marthe", mais davantage porté à la contemplation ! D'ailleurs, quand un homme a une vocation de moine, l'Eglise cherche toujours d'abord à l'orienter vers le séminaire. Il y a grand besoin de prêtres de nos jours, certes, mais une vocation est une vocation ! C'est le Seigneur qui appelle, c'est l'amour de Jésus et le désir de boire ses paroles qui ont fait asseoir Marie à ses pieds...

Amicalement,