lundi, octobre 21, 2013

Jonas "Pas content, mais alors pas content du tout"





Nous avons lu il y a quelque temps pendant les messes de semaine le livre du prophète Jonas. J'ai toujours beaucoup aimé ce petit livre où l'on ordonne un jeûne à tous les humains et à tous  les animaux, mais aussi de faire porter à ces derniers le sac qui exprime la pénitence. Cela devait du bruit dans Ninive. Mais pour en revenir à Jonas, le moins que l'on puisse dire c'est que c'est que c'est un prophète râleur, pas content.

Peut être s'agit du prophète Jonas  cité dans le deuxième livre des Rois(2R14,25) qui alors aurait été un contemporain d'Osée, mais peut être faut il voir dans ce petit livre une conception étonnante d'un Dieu qui pardonne aux oppresseurs et qui ne prend pas plaisir à la mort du pécheur.

Il est  intéressant que ce texte ait été dans le canon des livres hébraïques parce que le Dieu dont il est question là est le Dieu qui veut sauver tous les hommes, même les méchants, ce qui n'est pas l'image classique du Dieu qui ne sauverait que le peuple choisi. Car ce Dieu se définit comme celui qui refuse de détruire ceux qui ne savent pas distinguer leur main droite de leur main gauche, c'est à dire savoir ce qui est bon ou mauvais, qui n'ont pas acquis le discernement. Ce livre est lu dans les synagogues lors de la fête de Yom Kippour.

Je rappelle rapidement l'histoire pour parler ensuite de ce qui m'a interrogée, à savoir Jon 4: "tu as pitié de ce ricin qui ne t'a rien coûté"qui a donc poussé tout seul, qui n'a été l'objet d'aucun soin de la part de Jonas, mais qui quand il est détruit provoque chez Jonas de la peine à mon avis plus pour lui que pour le ricin. Mais il s'agit certainement d'une parabole qu'il va falloir comprendre. N'empêche que Jonas n'est pas content mais pas content du tout. Si on ne peut même plus attendre tranquillement que le péché revienne dans la ville et provoque la mort, alors là non rien ne va plus. Mais je reviens à l'histoire.

Jonas est mandaté par Dieu pour aller à Ninive la grande ville et y lancer un message d'avertissement: "Encore 40 jours et Ninive sera détruite". Ninive  c'est la capitale de l'Assyrie et l'Assyrie c'est l'envahisseur. Imaginez quelqu'un qui se serait pointé à Berlin pensant la seconde guerre mondiale en hurlant "Encore 40 jours et Berlin sera détruite". Imaginez en plus que ce soit un Juif qui fasse ce genre d'annonce, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il  ne ferait pas long feu. Aller à Ninive c'est se jeter dans la gueule du lion. Et que Berlin puisse être sauvée ce serait quand même un comble. et que ce soit Dieu qui veuille cela, voila qui dépasse l'entendement.

Alors Jonas ne fait ni une ni deux, il se sauve, le plus loin possible, il veut aller à Tarsis, dans ces iles lointaines où il espère que Dieu ne le remarquera pas. C'est oublier peut être un peu facilement les paroles du psaume 139,9: "si je prends les ailes de l'aurore pour aller au delà des mers, là aussi ta main me conduit, ta droite me saisit". Il embarque et va dormir dans la cale. Là tout au fond, il se croit à l'abri de son Dieu. La dessus la tempête se lève et quelle tempête, et les marins se rendent compte que quelqu'un doit avoir offensé le dieu de la mer pour que celui ci agisse de la sorte. Pour rétablir le calme (calmer ce Dieu) Jonas est "sacrifié" c'est à dire jeté à l'eau par les marins qui sont très ennuyés (tout païens qu'ils soient) de devoir faire ce geste.

Jonas atterrit (si je suis puis dire) dans le ventre d'un monstre marin (un de ces monstres que Dieu crée pour s'en rire) et là il se passe (en tous les cas pour moi) quelque chose de superbe: Jonas chante une prière de louange à ce Dieu qui lui a certes sauvé la vie (car il aurait pu être mis à mort par les marins), il le remercie de l'avoir sauvé de la fosse (alors que c'est lui qui s'est sauvé), et il s'engage à offrir des sacrifices. Quand on lit ce texte, on sent bien qu'il dépasse complètement Jonas et que c'est la prière qui sera prononcée par le peuple revenu de l'exil, du peuple qui a continué à croire dans le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Alors Dieu "entend"les paroles de Jonas,  parle au poisson qui rejette Jonas sur le rivage. Cet exil dans les ténèbres semblent donner naissance à un autre homme, mais coléreux il est coléreux il reste.

Jonas (qui ne doit pas sentir très bon) cette fois obéit et se met en route vers la grande ville. Et là, il délivre son message, et curieusement alors qu'il doit être sûr de se faire écharper, le message est compris par les premiers habitants qui l'entendent et qui le prennent tellement au sérieux(ils mirent leur  foi en Dieu) que cela revient aux oreilles du roi (on pourrait dire à l'Empereur) qui lui aussi écoute, se revêt d'un sac et  ordonne à tous, les hommes et les animaux de se revêtir d'un sac et de crier vers ce Dieu qu'ils ne connaissent pas, mais qui manifestement leur donne la frousse.On peut noter au passage comment le comportement d'un petit nombre peut avoir de l'influence et n'est ce pas justement le travail du peuple élu, le plus petit d'entre les peuples de faire connaître le Dieu unique? Ces Ninivites ont ils conscience de les actes d'invasion et de déportation sont des actes mauvais? Cela n'est pas sûr, mais la peur peut être un motivation. Et si on regarde l'histoire, l'Assyrie sera bien détruite un jour par les perses et les mèdes.

Et Dieu renonce, et là, notre ami Jonas, n'est pas content du tout du tout. Il aurait bien voulu voir la vengeance de son Dieu tomber sur cette ville, et il est privé de son spectacle.

Jonas est presque persécuté par ce qui se passe, il dit comme d'autres prophètes qu'il s'est fatigué pour rien que ce Dieu là il est trop bon et que si c'est comme ça, il préfère mourir car il a l'impression de servir à rien. Il se sent inutile. Déçu et pas content, il se retire en dehors de la ville, à l'Est. La précision à l'est de la ville est surement importante. L'est c'est le soleil levant, c'est là où paraîtra Dieu si jamais il consent à se lever et à détruire.

D'une certaine manière maintenant Jonas est comme en exil. Il se construit une cabane, (cela c'est un peu magique) et va prendre le frais à l'ombre d'un ricin qui pousse là par miracle juste au dessus du toit da la cabane qui ne doit pas être très bien construit. Et là la colère tombe, il est enfin bien. Il pourrait peut être chanter avec Brassens: "Auprès de mon arbre je vivais heureux..."



Seulement Dieu veut lui faire comprendre quelque chose à son prophète et à nous, car Jonas lui a reproché d'être un Dieu trop gentil, un Dieu qui pardonne aux massacreurs, à ceux qui veulent détruire son peuple, le peuple que après tout Dieu s'est choisi.

Quel est ce drôle de Dieu qui veut la vie de ceux qui donnent la mort? Alors Dieu qui veut donner une nouvelle leçon à Jonas (mais aussi à nous) il fait deux choses: il élimine le ricin pendant la nuit, puis il fait se lever un vent chaud du désert. Quand le soleil se lève, le ricin étant complètement flétri ne peut plus protéger la cabane provoque une insolation chez le malheureux Jonas, qui malade  a de bonnes raisons de demander à mort. Et c'est là que la compréhension devient pour moi un peu difficile.

Ce qui déprime Jonas, tel que le texte le rapporte c'est que la mort du ricin- dont il était si content, on pourrait presque dire si fier-, qui provoque sa colère et sa dépression. Il n'est vraiment pas content le Jonas. Mais contre qui est il en colère? Spontanément je dirai contre celui qui a provoqué la mort du ricin. Mais d'après le texte non, car Jonas a"pitié" de l'arbuste, comme s'il trouvait injuste qu'il ait vécu aussi peu de temps. Et cela permet de faire comprendre à Jonas que réclamer la mort du pécheur ne réjouit pas dieu, que celui ci s'attriste de la mort du pécheur qui n'a pas eu le temps de se convertir.

Alors est ce que Dieu veut faire comprendre à Jonas que toutes les créatures, sont capables de faire de bonnes choses comme ce ricin qui donne de l'ombre à Jonas. Mais qu'elles peuvent se dessécher dépérir si elles se fient à leur propre jugement et que le désir de Dieu est qu'elles apprennent à se tourner vers celui qui peut leur apprendre le discernement et que cela c'est aussi le travail de Jonas (et peut-être le notre).

Le texte se finit de manière abrupte, peut-être pour montrer que Jonas est loin d'être convaincu mais que comme Job, il sait qu'il vaut mieux ne pas trop discuter et argumenter avec celui qui a crée le ciel et la terre....

lundi, octobre 14, 2013

A comme Alliance

Dans le livre de la Genèse, l'alliance qui est scellée entre Abraham et Dieu se fait pendant la nuit. Il y a un couloir d'animaux sacrifiés coupés en deux et Dieu passeGn 15 (un peu comme une Pâque: le passage). On peut penser qu'un repas a manifesté ensuite cette première alliance, qui promet une descendance et une terre si Abraham reconnaît Dieu comme le Seul.

Dans le livre de l'Exode au chapitre 24, Moïse immole des animaux, le sang est versé moitié sur l'autel (lieu de la présence) et moitié sur le peuple, et des paroles sont dites, puis un repas scelle cette alliance: Voici le sang de l'Alliance que le Seigneur a conclu avec vous, sur la base de toutes ces parole" Ex 24, 7(nous ferons et nous obéirons Ex 24, 7), puis cela se conclue par un repas pris par Moïse et les 70 anciens, qui contemplent la gloire de Dieu, et qui "mangent et boivent" en sa présence. Et on peut penser que ce repas pris en présence du Très haut a dû être un repas festif.

Si je rappelle cela c'est que nous sommes habitués à regarder le repas de jésus comme quelque chose de triste. Or le repas pascal n'est pas me semble t il un repas triste. Il scelle aussi à sa manière la nouvelle alliance et peut être faudrait il faire de ce temps quelque chose qui soit de la Joie. 

Je viens de lire un commentaire sur l'évangile des (ou du) serviteur inutile, qui m'a beaucoup intéressée. l'auteur, G. Wilkinson, fait remarquer que quand le serviteur a servi son maître, il peut alors lui aussi manger. J'ai toujours imaginé qu'il mangeait alors tout seul sur un coin de table, mais ce n'est pas l'avis  de l'auteur, qui imagine un repas où le maître reste présent.


"Je cite la fin de son texte: " Nous pensons que ce que nous faisons pour le Seigneur suffit à lui faire plaisir, mais il y a tellement plus. Il répond à notre foi, Il se réjouit quand nous nous repentons, Il parle de nous au Père, Il prend plaisir à notre confiance d'enfant. 

Mais je suis convaincu que Son plus grand besoin est d'avoir des moments d'échanges face-à-face avec chacun de ceux qu'Il a laissé ici sur Terre. Aucun ange dans le ciel ne peut satisfaire ce besoin. Jésus veut s'entretenir avec ceux qui sont sur le champ de bataille. 



Où ai-je bien pu trouver cette idée d'un Christ se sentant seul et ayant désespérément besoin de parler ? 


Et bien, regardons le jour de sa résurrection. Deux disciples allaient de Jérusalem à Emmaüs, très attristés au sujet du départ de leur Seigneur. Mais quand Il s'est approché, ils ne l'ont pas reconnu. Il voulait leur parler, Il avait tant à leur dire. “Pendant qu'ils parlaient et discutaient, Jésus s'approcha, et fit route avec eux...Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait” (Luc 24:15,17) 


Il ne pouvait pas y avoir d'expérience plus merveilleuse pour ces disciples (voir verset 32) : “Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu'il nous parlait ?” Nous imaginons la joie des disciples, mais qu'en est-il de la joie de Jésus ?


Je vois un Seigneur ressuscité, des larmes coulant sur Ses joues glorifiées, avec un cœur rempli de joie. Il était satisfait, ses besoins ayant été comblés. Je vois Jésus rempli de joie. Il avait accompli Son ministère. Sous sa forme glorifiée, Il avait expérimenté sa première communion à double sens. Il avait déversé Son cœur solitaire et il avait été touché. Son besoin à lui aussi avait été comblé.

Alors n'est il pas possible de penser que ce repas ne peut que combler le coeur de jésus et le mettre dans la Joie? "

Alors au lieu de faire si souvent triste mine en nous centrant sur la mort, peut -être que nous pourrions être dans la joie, faire vraiment "eucharistie" à ce moment de la célébration, car la nouvelle Alliance est en train de prendre corps. Et elle ne prend pas corps dans des commandements ou des préceptes, mais dans l'Amour. 

La nouvelle Alliance ne peut que se  célébrer dans la Joie. 

dimanche, octobre 06, 2013

A propos de Luc 17 "les serviteurs quelconques".

Ne pas péter plus haut que son c...

 Luc 17,5-10. 
Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » 
Le Seigneur répondit : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : 'Déracine-toi et va te planter dans la mer', et il vous obéirait. 
« Lequel d'entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs : 'Viens vite à table' ? 
Ne lui dira-t-il pas plutôt : 'Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour. '
Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d'avoir exécuté ses ordres ? 
De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : 'Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir. ' » 

Cet épisode m'a toujours paru curieux, car parfois Jésus dit: je ne vous appelle plus serviteurs mais amis (Jn 15,15), d'autres fois il parle du serviteur que le maître trouve en train de veiller et en dit grand bien et lui donne même une récompense (Lc12, 43) et là, c'est une sorte de rappel à l'ordre.

Dans le début du texte, les disciples demandent à Jésus d'augmenter leur foi. Bon jusque là pas de problèmes, après tout, le père de l'enfant épileptique n'a t il pas dit: "Seigneur je crois, mais viens à l'aide de mon manque de foi"Mc9, 24. Mais la question est de savoir pourquoi les disciples demandent cela. La foi ce n'est pas faire des choses impensables mais c'est croire que Jésus est celui qui sauve, ce qui n'est pas pareil. Ce sera la conclusion de ce chapitre 17, qui commence par la difficile question du pardon au frère et qui se termine par la guérison des 10 lépreux qui sont guéris quand ils se mettent en route pour aller voir les prêtres à Jérusalem. Il est possible que pardonner pour les disciples est de l'ordre de l'impossible (aussi difficile que de dire à une arbre de se déraciner) et que du coup ils font cette demande.

Jésus leur dit que s'ils avaient la foi gros comme une graine de moutarde, ils pourraient avoir un pouvoir fantastique: dire à ce gros arbre qui est là devant eux, se déraciner et de se jeter dans la mer. Si l'on réfléchit un peu, c'est conduire l'arbre à la mort, car un arbre ne vit pas dans la mer. Peut-être y a t il un risque à avoir la foi quand on la confond avec le pouvoir ou la puissance. On oublie qui est celui qui vous a donné cette force.

Ceci ce serait dans l'hypothèse où la foi serait un don venant de l'extérieur. Mais la foi c'est aussi en soi, c'est croire qu'on a aussi en soi la force de faire de telles choses. Or cette foi en nous, nous ne l'avons en général pas. Ce que Jésus dit (peut être) c'est que si nous avions confiance en nous, nous trouverions en nous des forces très grandes, mais ces forces peuvent nous détourner de Lui.

Alors peut être que l'histoire des serviteurs est là pour nous dire que si nous avions cette foi là, nous nous prendrions pour des surhommes, alors que le seul qui a le pouvoir c'est le Maître. Nous nous avons à faire ce qui nous est demandé, ne pas chercher (pardon pour l'expression) à ne pas péter plus haut que notre cul et trouver normal de faire ce qui nous est demandé, même si nous sommes fatigués après une journée de travail. S'imaginer que le Maître se mettra à notre service est une erreur. Certes le maître sait notre fatigue, notre lassitude, mais comme Jésus, nous avons à servir.