mardi, août 27, 2013

Lire, réciter, parler...

Ce billet va être un peu critique envers ceux qui célèbrent la messe et je m'en excuse (enfin disons que je prie ceux qui se sentiront concernés de m'excuser).

Il faut dire que pendant les vacances on voit parfois des manières de célébrer qui me font un peu sauter au plafond (enfin pas grave parce que dans les églises il y a de la place pour de tels sauts). Mais quand on est confronté à un prêtre "chanteur" qui ne se soucie pas du tout de savoir si ce qu'il chante est repris pas l'assemblée, on peut se poser des questions sur ce qui se passe et pour lui, et pour nous qui assistons à son récital.

Alors il me semble qu'il y a trois types de célébrants: ceux qui lisent en se référant sans cesse au texte, sans regarder l'assemblée; ceux qui "récitent" et qui en général sont beaucoup plus présents, mais hélas il est possible de réciter dans être là, et cela nous le savons tous (qui d'entre nous peut dire qu'il est toujours présent quant il récite un "notre Père"); et il y les prêtres qui parlent leur célébration, qui "parlent" leur messe si je puis dire, qui la parlent avec Celui qui est là, avec Celui qu'ils aiment, avec Dieu: qui sont en proximité avec Dieu tout Dieu qu'Il soit.


Il y a quelque temps j'avais remarqué qu'un prêtre allemand, quand il célébrait en français, parlait à Dieu sur un ton très proche, presque trop proche, un peu comme s'il disait: Dieu, fais ceci, Dieu, fais cela, Dieu, écoute moi. Et je me suis alors rendue compte que contrairement au français où le mot Seigneur précède toujours le nom de Dieu ou de Jésus, en allemand on dit Monsieur (Herr), et que finalement c'est un peu comme si on disait "Monsieur Dieu" ou "Monsieur Jésus" ce qui est différent du français. Un peu comme si on disait Monsieur X ou Monsieur Y... Je ne dis pas que le respect n'y est pas, mai la proximité est beaucoup plus grande.

Au Prieuré Saint Benoît, les frères prêtres pour la plupart sont des créatifs, ils utilisent souvent ce qui est dit par les laïcs présents pour le réintroduire dans la prière liturgique, et certains gestes sont simplifiés alors que d'autres sont amplifiés. Par exemple le pain et le vin sont offerts dans un même geste, alors que le pain et le vin circuleront dans l'assemblée de l'un à l'autre.
Ce "parler" la messe, je l'ai ressenti un dimanche à Bourg Saint Maurice.

La messe était célébrée par un ancien évêque  (limite d'âge) redevenu curé de cette paroisse où il avait commencé sa vie sacerdotale. Lui, il parle à l'assemblée, il tient compte de l'actualité, il est capable d'inventer une "oraison" que tout le monde peut comprendre, une oraison où l'on n'implore pas Dieu mais où on lui raconte ce qui va, ce qui ne va pas. Et surtout il ne lit pas, il ne récite pas, non il parle à Dieu avec les mots qui sont les mots liturgiques. Dieu est là, présent, il lui raconte ce que Jésus a fait le soir de ce jeudi où il partagé un repas avec ses amis, il lui parle de ceux qui sont morts, il lui demande de regarder ceux qui sont là. Il parle à Dieu, et cela c'est extraordinaire. Quand il présente, avant la communion, ce petit morceau de pain qui est censé être "l'agneau de Dieu", il dit: "Voici le pain vivant, germe de la vie éternelle", et cela pour moi ça a du sens.


Peut-être faut il être un ancien évêque pour s'autoriser à prendre des libertés par rapport au texte, mais pourquoi les prêtres en général lisent-ils au lieu de regarder l'assemblée, pourquoi ne se font-ils pas confiance, car après tout ces textes ils doivent bien les connaître par coeur. On dirait qu'ils ont peur de se tromper, peur de ne pas être des copies conformes; mais de qui sont ils les copies si ce n'est de Jésus, et Jésus Lui, il en a pris des libertés avec les rituels de son époque.

Je ne sais pas comment on apprend aux futurs prêtres à célébrer, mais plus ils parleront les mots, plus Dieu sera présent, et n'est-ce pas cela l'important pour faire corps et devenir ce que nous recevons, le corps de Jésus?

mardi, août 06, 2013

"Maître, dis à mon frère" Luc12,13



« Maitre, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage » (Luc 12,13): telle est la demande faite à Jésus. Quand  j’ai lu cette phrase de l’évangile de ce 18° dimanche du temps ordinaire, elle a fait écho avec une autre qui lui ressemble beaucoup, rapportée par le même évangéliste : « Seigneur ça ne te fait rien  que ma sœur m’ait laissée seule pour faire le service ? Dis lui de m’aider. » Luc 10, 40.

Les réponses de Jésus sont surprenantes. Au premier interlocuteur il répond : « Qui suis je pour  être votre juge ou pour faire votre partage » ? Même si cet homme lui reconnaît une autorité, Jésus refuse de se servir de ce pouvoir qui lui est attribué: ce n’est pas son rôle, ce n’est pas ce que son Père attend de lui. Il ne prend pas position pour aider l’un au détriment de l’autre. Il ne prend pas partie. Il n’use pas de son pouvoir. Cela fait presque penser à la phrase dite à sa mère lors des noces de Cana : « quoi entre toi et moi ».

Pourtant souvent quand nous sommes dans une situation difficile (et c’est souvent le cas des héritages) on aimerait bien que justement Jésus vienne pour démêler les choses et d’une certaine manière rendre justice, faire la justice à la place de la justice(1). Or cela, ce n’est pas son rôle.  

En ne répondant pas, en envoyant en quelque sorte cet homme « bouler », Jésus refuse d’être enfermé dans un rôle de juge, (je ne suis pas venu pour condamner, mais pour sauver le monde Jn3,17). Ce refus de l’enfermement lui permet d’enseigner (de sauver) ceux qui sont autour de lui, pour faire comprendre que la richesse qui conduit à l’âpreté au gain n’est pas source de bénédiction. Jésus comme beaucoup de rabbins qui enseignent utilise le concret de la situation qui lui est exposée pour aller plus loin. Jean dit de Jésus qu'il est le Verbe, la Parole. Je pense que tous ces enseignements, toutes ces paraboles, montrent que Jésus aime enseigner, car ainsi il révèle la présence du Père qui est en Lui. Et son style si particulier, si différent malgré tout de celui des prophètes qui l'ont précédé, montrent bien que Jésus est bien le Verbe. 

Quant à la réponse qu’il  fera à Marthe, nous la connaissons tous. Elle fait appel à la fois à sa compassion et à son autorité pour être sure que Marie va se bouger pour lui donner un coup de main. Mais là encore, il refuse ce rôle d’autorité, il ne prend pas partie pour l’une ou l’autre ce qui ne veut pas dire qu’il ne compatisse pas à la charge de travail de Marthe, qui reçoit certes Jésus, mais aussi ceux qui vivent avec lui: « Marthe tu te soucies pour beaucoup de choses, une seule est nécessaire : Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée ». Il n’obéit pas à l’injonction qui lui est faite, ce qui lui permet de faire entendre aussi à ceux qui l’écoutent avec Marie, que l’on peut le servir de deux manières, soit en faisant pour lui, soit en l’écoutant. Mais Jésus ne juge ni l’une ni l’autre.

En écrivant cela, je me dis que l’Eglise qui juge si facilement devrait peut être se souvenir que ce n’est peut être pas son rôle puisque ce rôle là, Jésus n’en n’a pas voulu.

Puis en continuant à réfléchir sur la manière dont on s’adresse à Jésus, je me suis rendue compte que personne ne l’appelle par son prénom, alors que Lui nomme ses interlocuteurs par leur prénom et parfois même leur donne un autre nom, ce qui est un attribut de Dieu.

En d’autres termes les évangélistes (et là c’est un point commun entre eux tous) qui savent que Jésus par sa résurrection a accompli les écritures, montrent que l’homme Jésus a toujours inspiré un respect puisque même Judas l’appelle rabbi alors qu’il est en train de le livrer.

Je réagis toujours très mal lorsque des personnes parlent du Seigneur en disant « le petit Jésus ». Je sais bien que cela est lié à leur éducation dans la foi, mais pour moi  dire cela c’est un peu comme parler des "petits" mongoliens, des" petits" vieux.. Pour moi Jésus n'a jamais été "petit" même s'il a été un enfant.  

Il me semble que nous n’avons pas à nous approprier celui qui est Dieu et donc Seigneur, et que au delà de la familiarité que nous pouvons avoir avec celui qui est notre frère, il me semble quand même que la distance entre nous et Lui doit demeurer. Peut être que le titre" Seigneur Jésus" est un moyen de le différencier du Père dont le nom est « Le Seigneur », mais il est Seigneur et en cela il n’est pas « notre petit Jésus ».

(1) Un commentaire de Deutéronome 16, 20: "La justice, la justice tu la poursuivras, afin d'obtenir en héritage la terre que YHWH ton Dieu te donne" est le suivant: La double énonciation du terme de « justice » signifie qu’il faut chercher à posséder la justice au moyen même de la justice, et non pas par des moyens injustes ou inadaptés : « la fin justifie les moyens » est un proverbe que l’Écriture rejette ici.

samedi, août 03, 2013

Les paraboles du royaume: Matthieu 13: fin



Il y a la parabole de la graine de moutarde qui devient un arbre qui permet aux oiseaux de se nicher, celle du levain dans la pâte, puis deux paraboles de découvertes - le trésor dans le champ et la perle précieuse - et ensuite la parabole (mais est ce une parabole) du filet jeté qui ramène le poisson sur le rivage et qui permet le « tri ».

La finale « tout scribe instruit du royaume des cieux est comme un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et du vieux » reste pour moi assez sibylline. Maintenant il est possible que Jésus ait utilisé des paraboles existant à son époque en les transformant pour en faire du neuf, du moins pour certaines. Spontanément j’avais « entendu » : faire du neuf avec du vieux; c’est à dire utiliser ce que l’on sait, le laisser être ensemencé par l’Esprit Saint, pour en faire du nouveau. Mais ce n’est pas ce qui est écrit.

Pour en revenir aux paraboles, il y en a deux qui montrent qu’il faut vraiment très peu de choses pour que le royaume devienne une transformation radicale : une toute petite graine qui donne naissance à un arbre; graine que l’on aurait peut être tendance à mépriser si on se sert uniquement de ses yeux et si on pense que plus une graine est grosse et plus elle produira du « grand ». Non ce n’est pas comme cela que ça se passe, il faut peut être aussi se méfier des jugements tous faits. Le levain, pour moi qui ai été chimiste, cela me parle beaucoup, car je sais qu’il faut une infime quantité d’un catalyseur pour qu’une expérience réussisse, pour que la transformation se fasse. Là encore il est peut être rassurant de savoir qu’il faut un chouïa d’Esprit Saint pour que les choses bougent.

Quant aux deux autres paraboles, qui tournent autour de la notion de trésor, j’ai un peu plus de mal, car elles tournent autour de la possession, autour de l’avoir. Mais peut être est ce le premier stade; ensuite les choses bougent d’elles-mêmes. J’ai toujours pensé que l’homme qui trouve le trésor dans le champ est un employé qui laboure un champ qui ne lui appartient pas, mais peut être est-il chasseur de trésor, et dans ce cas il est normal qu’il ne dise rien à personne, vende tout et achète le champ. Il a été récompensé de sa recherche et il s’est donné les moyens d’obtenir ce qu’il veut. Quant au marchand de perles fines, on a l’impression qu’il est en admiration devant cette perle qui est la plus belle chose qu’il ait jamais vue. Peut être que ce que je retiendrai alors pour le moment de ces deux paraboles, c’est que quand le royaume se révèle, il est au delà de tout ce que l’on peut imaginer.

Quant à la dernière, elle reprend un peu la parabole de l’ivraie, mais peut être est elle une mise en garde. Il ne suffit pas d’écouter pour être sauvé. Il y aura un tri; et aux auditeurs de réfléchir à cela. Ce qui veut dire peut être aussi, pour moi, de ne pas « grogner » encore, quand ces textes sont proposés par la liturgie.