vendredi, février 28, 2014

Job 29: qui est il celui là?

Souvent le mardi soir, qui est une soirée sans ordinateur et sans télé, une soirée pour moi (ou pour Dieu) je lis les textes que nous lirons lors de notre réunion « autour de la bible » (les Actes des Apôtres en ce moment), mais pas plus de deux ou trois chapitres, en prenant le temps de lire, ce qui permet de goûter, voire de déguster, et parfois de tomber sur des phrases qui peuvent chanter en moi par la suite; et ensuite j'ouvre un peu ma bible au hasard (enfin tout est relatif parce que je sais à peu près où se trouvent les différents livres qui la composent).

Là je suis tombée sur le chapitre 29 du livre de Job. Ce livre, je l’ai travaillé en groupe; il pose la question du mal, de la souffrance, du mal subi. Donc préjugé favorable à rouvrir ce livre.

J’ai donc lu ce chapitre 29, tout seul, sans tenir compte de ce qu’il y a avant et après, et j’ai été sidérée par la manière dont Job se décrit. Ce chapitre se termine par des versets assez stupéfiants quant à l'image que Job a de lui: Jb 29,23 à 25 : « Quand j’avais parlé, nul ne répliquait, sur eux gouttes à gouttes tombaient mes paroles. Ils m’attendaient comme on attend la pluie. Leur bouche s’ouvrait comme à l’ondée tardive. Je leur souriais, ils n’osaient y croire, et recueillaient avidement tout signe de ma faveur. Leur fixant la route, je siégeais en chef, campé tel un roi parmi ses troupes, comme il console des affligés ».

Que le style soit superbe, je ne le conteste pas, mais j’ai été comme sidérée par le manière dont Job se décrit. Certes il est un « juste », mais je ne suis pas sûre que Salomon se soit décrit avec une pareille emphase. Ma réaction a été : mais pour qui se prend il ce type ? 

Qu’il soit exaspéré par les propos de ses amis qui veulent lui démontrer que s’il a perdu la faveur de Dieu, c’est qu’il a dû par derrière faire quelque chose de mal, cela je le comprends. Mais des phrases comme "A ma vue les vieillards se levaient et restaient debouts", en d’autres termes les vieillards, qui représentent la sagesse, s’inclinaient devant la mienne et restaient debout comme si j’étais un roi, ou encore "les notables arrêtaient leur discours et mettaient leur main sur leur bouche", comme si leur parole ne valait rien devant celle de Job, m’interpellent. Des phrases de ce type, on en lit dans les psaumes : quand Dieu parle, l’homme met sa main devant da bouche et ne prend pas la parole.

Il me semble que quand Marie Balmary commente le livre de Job, elle fait remarquer que ce dernier offre des sacrifices pour ses fils et ses filles qui font la fête, donc qu’il fait à leur place, et que de ce fait il ne les laisse pas libre. Or là, ce que je ressens c’est cette certitude d’être parfait, d’être celui devant lequel tout le monde s’incline, celui qui sait tout, qui fait tout et aussi est partout, bref Dieu parmi les hommes. Si Job se considère comme cela, il n’est pas étonnant que tout ce qui lui tombe dessus soit vraiment de l’ordre de l’insupportable car il a fait régner l’ordre divin à la place de ce dernier, il lui a presque pris sa place.

Comme je l’ai dit, et là, ça a été plus fort que moi, la phrase qui est venue a été : pour qui il se prend ce bonhomme? Je veux dire que mon abord de l’homme Job a profondément changé. Au fond de moi, je me suis dit qu’il avait peut être quelque chose à apprendre et que c’est peut être cela aussi que ce livre qui est un écrit qui appartient à la Sagesse, peut m’apprendre.

Les quatre chapitres qui terminent le premier cycle des discours entre Job et ses trois amis montrent que ce qu’on appelle la théologie de la rétribution ou de la prospérité ne tient pas la route. Job tient à sa justice et ne la lâche pas, sa conscience ne lui reproche aucun de ses jours (Jb28, 6) et il va se lancer dans son panégyrique qui montre quel homme parfait il est et a été. Bien entendu il est nécessaire de ne pas sortir le chapitre de son contexte, car Job se plaint amèrement de cette existence qui lui est tombée dessus, et il veut convaincre ses amis que contrairement à ce qu’ils peuvent imaginer, il n’a jamais commis le mal et ce qui lui arrive « n’est pas juste » comme disent les enfants ou « pas mérité » comme disent les adultes.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce texte, il faut savoir qu'il existe dans la Bible ce qu'on appelle la théorie de la rétribution, qui vient du Deutéronome : si tu choisis de suivre ma loi et mes préceptes, je serai avec toi et tout te réussira (Dt 31).  Celui qui fait le bien est béni de Dieu et il prospère. Celui qui fait le mal est maudit de Dieu, et il dépérit. En d'autres termes, la richesse et la réussite sont les signes que Dieu est avec vous, qu'Il vous aime et que vous être Juste à ses yeux. La pauvreté et la maladie sont les signes que vous avez fait quelque chose de mal et que vous êtes un pécheur. 


Le début de l'histoire de Job nous montre aussi qu'il est question d'un « deal » entre Dieu et le Satan. Le deal étant: est-ce que Job, s'il est confronté à la pauvreté et à la maladie, continuera à bénir Dieu? D'une certaine manière on peut dire que Job continue à bénir Dieu, car s'il maudit quelqu'un ce sera la mère qui l'a engendré, les seins qui l'ont nourri, les genoux qui l'ont accueilli. Mais d'une part il se plaint et ô combien, et d'autant plus qu'il se sait juste devant le Seigneur, ce qui fait qu'il se débat comme un lion devant les accusations de ses amis qui veulent le convaincre de péché (qui de vous me convaincra de péché dira un jour Jésus), et d'autre part, il se met en colère contre ce Dieu qui lui impose des choses qu'il n'a pas mérité. On a quand même l'impression que Job se prend pour le tout puissant, et que s'il fait le bien autour de lui, c'est presque faire le bien pour faire le bien. Quand il sort de chez lui, l'important est de faire du bien, faire, faire faire. Et le bien, il le fait.  Certes son cœur s’est serré à la vue des pauvres, il a pleuré sur ceux qui ont la vie dure, mais s'il a fait cela uniquement pour espérer le bonheur, peut être y a t il un problème.


Après avoir lu ce chapitre 29 j’ai lu les deux suivants, qui terminent ce premier grand cyle de discours, mais là aussi j’ai eu des surprises. Que Job applique à la lettre la phrase du psaume 8,5 « A peine le fis tu moindre qu’un Dieu, le couronnant de gloire et de beauté » puisqu’il est juste et que le juste (Psaume 1) est "comme un arbre planté près des ruisseaux, qui donne son fruit en sa saison et jamais son feuillage ne sèche", c’est certain.  Mais la manière dont il parle de ceux qui le méprisent alors qu'il est devenu un "impur" qui a dû quitter la ville du fait de sa maladie de peau est plus que méprisante: "Et maintenant je suis la risée de plus jeunes que moi, dont je méprisais trop les pères pour les mettre parmi les chiens de mon troupeau" Jb30, 1. Certes ces hommes sont méchants et viennent cracher sur lui, mais a-t-il, lui qui se qualifie de juste, essayé de faire quelque chose pour ces miséreux? On est bien loin de la parabole des ouvriers de la onzième heure (Mt 20).


On a toujours dit que l'un des intérêts du livre de Job est de comprendre que quand la vie vous tourne le dos, on a le droit de crier, de hurler, de râler après le créateur, car c'est être quand même en relation avec lui. Et Job ne s'en prive pas. Je cite quelques versets qui sont quand même très violents: Jb30, 20 et suivants: « Je hurle vers toi et tu ne réponds pas, je me tiens devant toi et ton regard me transperce, tu t'es changé en bourreau pour moi et de ta poigne tu me brime.. »

Certes Job se justifie: "N'ai je point pleuré avec ceux qui ont la vie dure"? Mais cela est un peu en contradiction avec le début du chapitre ("ces hommes qu'il n'a pas embauché pour sa vigne"): Job choisit d'une certaine manière ceux qu'il doit aider, ceux qui sont dignes de son estime. Que ces fils de P. osent l'attaquer, c'est faire comme si l'envie n'existait pas. Peut être faut il qu'il ouvre les yeux autrement notre Job, et ce sera justement ce qui va se passer quand Dieu va entrer dans la joute oratoire. 


Quant au chapitre 31, on peut l'entendre comme une auto justification. Job n'a pas posé son regard sur la jeune fille vierge, il n'a pas truqué ses balances, il est intègre. Et si quelqu'un arrive à prouver le contraire, alors il veut bien que sa récolte appartienne à un autre, que sa femme soit donnée comme servante et que d'autres hommes la prennent pour femme (merci pour elle), que son épaule de détache de son dos si l'on peut prouver qu'il n'a pas tendu le bras à l'orphelin; non il n'a pas mis sa confiance dans l'or ou dans l'argent, il n'a pas adoré la lune ou le soleil. Job n'est pas comme Adam qui au soir de sa faute s'est caché, car lui il n'a pas commis de faute, il n'a pas désobéi. Et pourtant tout se passe comme s'il avait désobéi. Alors Job en appelle au Seigneur EL Shaddai, celui qui l'accable et qui refuse de l'écouter. 


Curieusement cet éloge de lui-même m'a fait penser à ce que Paul écrit dans l'épitre aux Romains (Rm 9, 31): "'Israël, qui poursuivait une loi de justice, est passé à côté de cette loi. 32Pourquoi ? Parce qu'il l'a poursuivie, non pas en vertu de la foi, mais comme si elle relevait des œuvres". 

Or ce que je ressens en lisant ces chapitres, c'est que certes Job respecte la loi, certes elle est en lui comme un carcan, mais ce sont les oeuvres qui dominent, le faire pour faire, le faire pour être respecté, le faire pour être admiré, le faire pour être finalement adulé; l'amour n'y est pas, même s'il dit que son coeur se serre quand il voit la veuve et l'orphelin. 

Nous savons tous de Dieu ne répondra pas aux accusations compréhensibles de Job: je n'ai rien fait de mal, donc tu n'as pas le droit de me faire connaître la souffrance et le malheur, mais qu'il le renverra à sa place de créature. Même s'il fait le bien, il n'est pas le tout puissant.  C'est quand Job aura compris cela après que Dieu ait répondu dans la tempête, qu’il pourra dire (Jb 40,5): "Mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu, c’est pourquoi je renonce: je me repens sur la cendre et sur la poussière."

 Et c’est quand il aura offert un sacrifice pour ses amis, ce qui est une manière de prendre soin d'eux, de les aimer malgré tout ce qu'ils ont pu lui dire et lui faire, que Job qui n'est plus le maître de tout, mais qui reçoit de la main de Dieu, pourra à sa juste place faire le bien autour de lui.


mercredi, février 05, 2014

Baptême.




Ce dimanche c'était faire mémoire du baptême de Jésus. Classiquement on dit que le Jourdain a été sanctifié par celui qui était la source de toute bénédiction, en reprenant un peu ce que dit Jean à son cousin: c'est moi qui devrait être baptisé par toi.

Le frère Benoît qui célébrait, nous a montré une icône du baptême, en la commentant, en nous faisant réfléchir sur le symbolisme de cette image. A un moment il a employé l'adjectif  "initiatique" pour qualifier ce moment de la vie de Jésus et de le rapprocher de nos propres baptêmes, comme pour dire que le baptême était un rite d'initiation, et ce mot là a fait "butée" en moi.

Je dois reconnaître que la phrase "je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit" est curieusement une phrase vide de sens. Je sais qu'il faut (oui il faut) dire: plongé dans la mort de Jésus pour redevenir vivant avec lui, mais bon cela reste des mots. Et même ce "au nom" que faut il mettre derrière?

Il m'arrive souvent de buter sur des mots employés fréquemment, et je n'en sors que lorsqu'une image arrive, une image qui me permet de m'approprier un sens. Je dis bien "un " sens, car il y a souvent de nombreuses possibilités et que le sens trouvé aujourd'hui risque de servie de support à d'autres réflexions et quelque part de passer dans un certain oubli.

Toujours est-il que j'ai pensé à ce qu'on appelle le baptême des bateaux, ce moment où on fracasse sur lui une bouteille de champagne en lui donnant un nom mais aussi en le faisant passer de la terre où il a été construit, assemblé, à la mer qui est et qui sera son élément. Le baptême a pris alors pour moi le sens de passage, et une fois ce passage fait, on ne revient plus en arrière, même si on peut avoir une certaine nostalgie de ce qu'on a laissé.

Le premier baptême par lequel nous passons tous, c'est la naissance. Nous passons d'un univers d'eau où nous ne respirons pas à un univers aérien, où nous devons nous servir de nos poumons. Que ce passage soit difficile, cela semble évident.

Pour en revenir au baptême de Jésus, il y a bien passage pour lui. Il quitte la sécurité de Nazareth, la famille, le métier, la filiation qui le lie à Joseph pour devenir "le Fils Bien Aimé du Père", qui met en lui tout son amour et être le recevable de l'Amour de Dieu, c'est presque inimaginable. Le baptême le fait devenir LE FILS, et même s'il conserve son humanité, il est devenu aussi le Tout Autre, celui qui enseigne, celui qui guérit, celui qui prie, celui qui obéit et celui qui commande. Le passage qui suit dans le désert, (après tout il aurait pu commencer par le désert et recevoir le baptême après), indique bien le changement.

Alors pour nous, que représente ce baptême. Si je le prends dans le sens de passage, je suis comme le bateau dont je parlais. Avant de connaître Jésus, je vis dans un certain milieu, quand je le connais, il y'a quelque chose en moi qui désire vivre autrement, et c'est bien quitter le "vieil homme" pour vivre "l'homme nouveau". Le passage par l'eau, signifie cette mort de l'anche et la naissance du nouveau. La seule chose, c'est que d'une certaine manière, cela se renouvelle tout au long de la vie.

Peut être que cette phrase que je comprends mal veut dire: pour passer dans le monde de la trinité, pour devenir enfant de Dieu (au sens fort) quelque chose doit mourir, Et l'important est de désir que ce quelque chose meurt. L'important c'est que le don de l'Esprit qui est la promesse de Jésus, permet une alliance avec Dieu qui me reconnait comme enfant et qui ne donne le moyen de vivre comme Il (je ) le désire.