dimanche, avril 02, 2017

"Et la peau de son visage rayonnait" Exode 34,30

Le visage de Moïse

Exode 34, 30: "Quand Moïse redescendit de la montagne, il ne savait pas que son visage était devenu rayonnant en parlant avec le Seigneur."

C’est de ce rayonnement dont je voudrais parler, parce qu’en soi ce n’est pas imaginable. Bien sûr, nous avons tous mis une lampe de poche dans notre bouche, la nuit, pour avoir un visage qui luit dans les ténèbres, mais c’est un jeu, et le visage ne luit pas de lui-même. Bien entendu il y a l’épisode de la transfiguration; mais la transfiguration a été éphémère, et était une vision nécessaire pour les apôtres avant le choc de la passion avec le visage défiguré. Là il s’agit d'une relation brûlante qui transforme le cœur, mais aussi le corps. Je pense que cela peut se comprendre aussi si l’on se réfère à l’épisode du buisson ardent, où la présence de Dieu se révèle par la lumière (ou le feu, mais je préfère l’image de la lumière). Moïse est devenu lumineux comme Dieu est lumière.

Si on relit l'histoire de Moïse, on se rend compte qu'il est à la fois celui qui transmet les ordres du Seigneur, qui intercède en permanence pour le peuple, et qui prend une stature de roi, même s'il reste le plus humble des hommes.

Il semble bien qu’au fil du temps sa relation avec Dieu change. Je veux dire que si au début de l’Exode il n’est pas chaud du tout pour être celui qui va devoir faire sortir un peuple, qui se trouve très bien malgré tout en terre d’Egypte, vers une terre promise et devoir tout quitter, s’il doit souvent servir d’intermédiaire entre le peuple et un Dieu qui en a assez de ne pas être reconnu et qui est bien près de tuer tout le monde (sans que l’on sache s’il s’agit de la projection de la violence de Moïse sur Dieu, ou de Dieu lui-même) il y a un tournant au chapitre 33. 
Moïse, qui a pourtant passé du temps avec Dieu qui lui a donné la loi et la description de la tente de la rencontre qui sera le lieu de sa présence, fait une autre rencontre avec lui en Ex 33,21, où il est caché dans le creux du rocher pendant que la gloire de Dieu passe devant lui, et que Dieu se révèle comme le Dieu de tendresse et aussi comme le Dieu du jugement. C’est après ce passage que Moïse remonte sur la montagne, passe 40 jours et 40 nuits avec Dieu, et écrit les nouvelles tables - qui désormais seront écrites par un homme et non par la main de Dieu (ce qui est bien dommage). 
C’est quand il redescend avec ces deux tables que la peau de son visage rayonne, parce qu’il a parlé avec Dieu. Il ne s’est pas contenté d’écouter, mais il a retranscrit; il a travaillé en présence de Dieu.

Je peux imaginer que durant ce temps, qui est normalement aussi long que lors de la première rencontre, ce n’est plus la même chose. Moïse avait déjà en lui la puissance du Très haut, il posait des actes : frapper la mer, frapper un rocher, mais il ne faisait qu'exécuter. 

Quand il pénètre cette colonne de feu ou de nuée pour être avec son Dieu, c'est un véritable baptême, c'est son passage à lui de la mer ouverte,  qui le rend participant à la lumière de Dieu. La lumière est en lui et se réfléchit par lui. 
Au début de livre de l’Exode Dieu dit à Moïse qu’il sera un Dieu pour son frère Aaron (celui qui répète les paroles pour qu’elles soient entendues par Pharaon), et c’est ce qui se passe, même si le texte dit que Moïse reste un homme humble qui parle avec Dieu comme avec un ami.

Ce rayonnement fait peur (Ex 34,29-31): Moïse est devenu un buisson ardent, lieu d’une présence divine, et les autres qui ne peuvent pas faire un détour sont remplis non pas de peur, mais de crainte.

Et si Moïse se voile le visage pour ne pas faire peur au peuple, c’est peut-être aussi pour célébrer cette alliance entre lui et son Dieu, comme la jeune femme Rebecca met un voile sur son visage quand elle reconnaît son futur époux Isaac (Gn  24, 62-65). Pour signifier qu’il est comme marié à son Seigneur, Celui qui Est, et qu’il ne regardera jamais aucun autre dieu; et que si quelqu’un de son peuple se détourne du Seigneur, il deviendra  « jaloux ». Mais qu’étant un homme, il intercèdera toujours pour que son peuple découvre la miséricorde, la bienveillance, la fidélité et la loyauté de Celui Qui Est.



Petit rappel des chapitres 31 à 34

Au chapitre 31 de l’Exode, Dieu a donné ses instructions à Moïse en ce qui concerne la tente de la rencontre, lui a indiqué quels ouvriers il doit choisir; il a explicité ce qu’il attend des sabbats consacrés au Seigneur, et remis à Moïse les tables de la Loi écrites par sa main.
Au chapitre 32 Dieu envoie Moïse constater ce qui se passe dans le peuple, à savoir la construction de l’idole et le culte qui lui est rendu. Moïse évite la destruction du peuple avec un habile marchandage : de quoi aurais-tu l’air vis à vis des Egyptiens si tu nous supprimes de la face de la terre ?  En arrivant, Moïse est pris de colère, jette les tables (comme s’il détruisait quelque chose de trop bon pour ce peuple de m...), engueule fermement son frère qui fait l’innocent, et fait mettre à mort 3000 hommes en utilisant les hommes de son clan (Levi), et en donnant à ces derniers une bénédiction au nom du Seigneur/ tuer au nom de Dieu est donc légitimé. Moïse remonte vers le Seigneur, marchande à nouveau avec lui, et obtient à nouveau la grâce du peuple, et la confirmation de Moïse dans sa charge : faire entrer le peuple en terre de Canaan.
Au chapitre 33 il se passe quelque chose de curieux : Moïse ne va plus sur la montagne pour recevoir les ordres de Dieu, mais dans la tente (ou dans une tente intermédiaire), alors que la tente n’a pas encore été construite. La colonne de nuée qui représente Dieu est à l’entrée de la tente. Dieu parle avec Moïse, face à face, comme on se parle d’homme à homme. Josué reste dans la tente. Puis Moïse fait comprendre à Dieu que c’est Lui et Lui seul qui doit « conduire » avec Moïse le peuple sur le chemin choisi, mais que Moïse ne connaît pas. Fort de cette promesse, Moïse fait alors une demande étonnante : "Fais moi voir ta gloire". Bien entendu, la Gloire c’est ce qui caractérise Dieu; et Dieu, Moïse parle avec lui, l’entend... C’est comme s’il manquait une autre vision. Dieu accepte, mais fait comprendre que cette vision-là n’est pas possible pour l’humain, car "l’homme ne saurait me voir et vivre". Et on a cette belle représentation d’un Dieu (celui qui avait fermé la porte de l’arche de Noé), qui dit à Moïse la phrase  suivante : 21Le SEIGNEUR dit : « Voici un lieu près de moi. Tu te tiendras sur le rocher.  22Alors, quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et, de ma main, je t’abriterai tant que je passerai.  23Puis j’écarterai ma main, et tu me verras de dos ; mais ma face, on ne peut la voir. » 
Puis, au chapitre 34, Dieu demande à Moïse de tailler deux tables de pierre, sur lesquelles il écrira les mêmes paroles. Moïse monte et la rencontre se fait dans « dans la nuée ». Moïse proclame le nom de Seigneur  et le Seigneur passe devant lui (donc Moïse passe derrière, comme les disciples passent derrière Jésus). Dieu redonne verbalement les commandements donnés en Exode 20, mais de manière plus explicite. Puis contrairement à ce que Dieu avait dit, c’est Moïse qui va écrire les paroles de l’alliance, les dix paroles; et il reste à nouveau, quarante jours et quarante nuits sans manger de pain ni boire d’eau.  En redescendant, la peau de son visage rayonne. Quand il donne les ordres il ne met rien sur son visage, sinon il met un voile, et ce voile il l’enlève chaque fois qu’il parle au Seigneur.


2 commentaires:

AlainX a dit…

Moïse est un mythe fondateur qui n'a évidemment pas d'historicité, cela ne t'a pas échappé je suppose.
Évidemment on peut toujours projeter sur un mythe nos sentiments et ressentis, c'est éventuellement éclairant de nos personnalités.
Justifier par ce mythe divinisé des lois vieillottes et sommes toutes "négatives" et contraignantes, permet d'installer un pouvoir faussement divin. (les tables d le Loi). il faut dire que l'Amérique hégémonique de Cecil B. DeMille a largement contribué à personnifier le mythe avec son film "les 10 commandements" .... Justifiant ainsi le dieu Dollar (« In God we trust »)
Et les bons chrétiens capitalistes n'ont pu que se réjouir....
La pratique est habituelle en a permis le "pouvoir de droit divin" de nos rois français, "chrétiens" dans la fonction, mais paillards et guerriers dans le réel.
Détenir un "pouvoir délégué par Dieu", quel merveilleux orgueil de puissance imposée aux peuples !
ça marche toujours....!
Même dans l'athéisme.... !
si en plus ils sont illuminés sur le visage.... c'est le bingo assuré !!

Giboulee, a dit…

Il ne s'agit pas justifier des lois qui somme toute permettent une certaine vie en société, mais pour moi, de réfléchir (au double sens) sur cette histoire et en tirer quelque chose pour moi aujourd'hui.

Ce qui est curieux c'est que sur beaucoup de tableaux, le christ a un visage très sombre, lui qui est censé être la lumière..

Et ce qui m'intéresse c'est bien cette lumière qui fout la trouille. Qu'est ce que ça dit, qu'est ce que ça disait aux personnes qui lisaient cette histoire?

Le contact avec le divin, qu'il soit interne oui externe, ça fait quoi? Peut-être rien si c'est du pipo, peut-être quelque chose.