mercredi, avril 12, 2017

Jn 13, 21: bouleversé ou troublé (en esprit).

Jn 13, 21 « Ayant dit cela ; Jésus fut troublé intérieurement ».

La traduction liturgique emploie le mot « bouleversé » qui est peut-être plus fort que « troublé » employé par la B.J ou la TOB. Pourtant la notion de trouble renvoie à quelque chose de soudain, non prévu, qui vient perturber  le calme, un peu comme une pierre qui en tombant dans de l’eau pure, crée à la fois des rides mais aussi altère la pureté de l’eau s’il y a de la boue dans le fond.

En lisant l'évangile proposé par la liturgie, dans un premier temps, ce mot  « bouleversé » m’a travaillée et je me disais que je l’avais entendu il y a peu. Et effectivement on le trouve en Jean 11, lors de la résurrection de Lazare. Quand Jésus rencontre Marie en pleurs, entourée de ses amis qui pleurent aussi, le texte dit : Jn 11, 33 : « quand il la vit se lamenter, elle et les judéens qui l’accompagnaient, Jésus frémit intérieurement et il se troubla ». Nous qui connaissons le récit, nous savons que si Jésus a attendu la mort de son ami pour venir à Béthanie, c’est qu’il fallait que Lazare soit mort et enterré pour que la résurrection puisse avoir lieu.

 Mais pourquoi Jésus est-il bouleversé ? Certes les pleurs de ses amis, la mort de son ami peuvent y être pour quelque chose, mais il va devoir prendre une décision à la vue de tous les judéens qui sont proches du Temple, décision qui va conforter les grands-prêtres à prendre de véritables mesures pour le mettre à mort. Il y a de quoi être bouleversé quand on sait que la décision que l’on prend, même si elle est conforme au dessein de Dieu, va vous conduire à la mort, car Jésus qui pleure avec ceux qui pleurent est bien un homme et sa propre mort peut l’effrayer. Alors ce bouleversement est en quelque sorte lié à la mort de Lazare, mais aussi à la sienne. Et on peut aussi penser que pour Jésus, il peut y avoir une tentation importante : ressusciter Lazare c’est se condamner lui-même à mort; ne pas le faire, en rester à la résurrection telle que la décrit Marthe, serait tellement plus simple. Alors ce bouleversement intérieur qui est rapporté peut à la fois renvoyer à la sensibilité de Jésus mais aussi à ce choix qu’il doit faire.

Je pense que pour le second passage où ce mot est employé, il en va de même. Jésus peut-être certes bouleversé par ce qui se passe et va se passer  mais aussi par le choix qu’il doit poser et qu'il y a en lui un combat, une tentation si je puis dire.

Dans les synoptiques, lors de la tentation au désert après le Baptême, il est question du diable qui s’en va, mais qui va revenir. Et dans ces moments qui précèdent ce que nous appelons la Passion, le diable est présent pour Judas, mais aussi pour Jésus.

Si on reprend le chapitre 13 dès le début, quand Jésus affirme être Maitre et Seigneur et quand il demande à ses disciples de l’imiter, il leur rappelle que le serviteur n’est pas plus grand que le maître ni l’envoyé plus grand que celui qui l’envoie.

ll est possible que ce soit là un message pour Judas qui est celui qui « en mangeant le pain avec lui,  a levé contre lui le talon ». Si Judas indique aux prêtres le lieu où Jésus se cache pour qu’ils puissent l’arrêter (mais il est possible que pour Judas l’arrestation ne soit pas la mise à mort) c’est que son regard sur Jésus a changé. Il le considère peut-être encore comme un maître puisqu’il l’appellera Rabbi au moment de l’arrestation, mais sûrement plus comme le Seigneur. Peut-être que Jésus dit à sa manière à Judas, que s’il le livre (mais il fallait bien que quelqu’un le fasse) il risque lui aussi de perdre sa vie, car le serviteur n’est pas plus grand que le maître. Et si Judas s’ôte la vie, c’est peut-être bien parce qu’il croit avoir perdu, avec l’arrestation de Jésus, la vie qui était en lui.

Maintenant envoyer Judas faire ce qu’il devait faire, c’est bien aussi pour Jésus, comme cela s’était passé devant la sépulture de Lazare, accepter de ne pas reculer, être confronté en un instant avec tout ce qui doit lui advenir. Et il y a de quoi être bouleversé.

Pour en revenir à ce mot qui a fait écho en moi, que ce soit troublé ou bouleversé, il me semble que Jésus a une clairvoyance totale de ce qui va lui arriver, et que l’homme qui est en lui, le serviteur, qui a pourtant désiré cette heure, ressent une certaine peur, ce qui est plus que rassurant pour nous. Quand Jésus ressent ce trouble ou ce bouleversement, c’est qu’il est confronté à ce qu’il doit choisir. Il peut ressentir la tentation de ne pas faire, mais il choisit librement (et c’est ce qui va être développé dans les chapitres suivants) et montre ainsi ce que veut dire pour lui « aimer ».


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