jeudi, août 24, 2017

"Tout cela je l'ai observé, que me manque-t-il encore"? Mat 19, 20

 Le jeune homme riche Mt 19, 20
« Tout cela je l’ai observé, que me manque-t-il encore? »

En lisant ce verset, je repensais aux enfants qui doivent subir une intervention chirurgicale lourde et qui posent à leur chirurgien la question attendue par ce dernier qui ne sait pas comment annoncer une pareille horreur, par exemple : « est ce que tu vas me couper la jambe » ? question à laquelle le chirurgien répond pas l’affirmative et pense que l’enfant « savait ce qui allait lui arriver ». Or ces enfants m’ont appris que certes ils posent cette question, mais ils s'attendent à entendre:  « non je ne vais pas couper ta jambe ». J’ai même connu une jeune fille qui pensait que sa jambe coupée allait être soignée et qu’elle sera « recollée «  par la suite.

Alors en entendant cette question, je me disais que peut-être ce jeune homme « riche » s’attend finalement à une « bonne note », à ce que Jésus lui dise que c’est bien et qu’il aura bien en héritage cette vie éternelle dont il rêve et dont il est question.

 La vie éternelle dans l’au-delà, cela veut dire être vivant auprès de Dieu après la mort, être comme exempté de la punition liée au péché à savoir la mort, être un juste. Et dans les trois récits qui rapportent cette rencontre, il semble bien que le personnage (jeune homme riche, homme ou notable) dont il est question a envie de s’entendre dire qu’il est quelqu’un de bien, et ce d’autant plus qu’à cette époque, la richesse peut-être entendue comme une récompense accordée à celui qui pratique la religion de ses pères. Être riche quand on est jeune, c'est bien le signe que l’on est béni de Dieu et donc que l’on suit scrupuleusement la  Torah.

 Or Jésus lui demande autre chose : de se déprendre de ses richesses, de son statut, et de se mettre à sa suite. Si on fait un lien avec l’évangile de Jean, la vie éternelle c’est croire que Jésus est l’envoyé de Dieu, qu’il est le Fils du Dieu Vivant et qu’Il donne la Vie. A l‘appui de cela, je reprends quelques versets johanniques qui font le lien entre la foi en Jésus et la vie éternelle : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » Jn 3, 36,  « qui écoute ma parole et croit en celui qui m’a envoyé a déjà la vie éternelle » Jn 5,24, « quiconque voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle et sera ressuscité au dernier jour » Jn 6,40  et enfin« la vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi le seul Véritable dieu et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » Jn 17, 3.  

Ce qui lui est demandé, finalement, ce n’est plus de considérer Jésus comme un Rabbi parmi d’autres, mais de reconnaître que cet homme est la perle rare, le trésor caché dans le champ et que pour l’acquérir il faut bien vendre tout ce que l’on possède.

Que le jeune homme ne puisse s’y résoudre, alors qu’il est pris par la gestion de ses biens, cela se conçoit. Mais il est passé à côté que quelque chose, et il s’en rend compte. Voilà comment lui raconte. ou racontera quand il aura décidé de "suivre" malgré tout. 

J’avais entendu parler de Jésus, ce rabbi qui parle si bien et qui a à peu près mon âge. Il y a une question qui me taraude : qu’est ce que je dois faire pour avoir la vie éternelle. Je sais bien que je vais perdre la vie un jour, et j’espère que ce sera le plus tard possible, j’espère fonder une famille, avoir des enfants, transmettre mes richesses, m’occuper de mes parents, mais au fond de moi, cela ne me satisfait pas. Tout le monde me regarde comme un « béni » parce que je fais partie des riches et que l’écriture fait comprendre que notre Dieu, béni soit-il, n’accorde pas la réussite à ceux qui se détournent de lui; mais que se passera t il après ? Car la vie éternelle, je veux l’avoir en héritage. Mais comment faire?

Alors, comme il n’était pas très loin de la route qui conduit à Jérusalem, je me suis dépêché avant qu’il ne se soit éloigné. Mais quelle drôle d’idée d’aller à Jérusalem, lui qui a tellement de mal avec les scribes et les pharisiens.

Quand je l’ai vu, j’ai foncé sur lui, je ne voulais pas qu’il parte. Je me suis incliné et je lui ai posé cette question concernant la vie éternelle, mais les mots ne sont pas sortis comme je le voulais. J’ai demandé ce que je devais faire de bon pour avoir la vie éternelle. A quoi il m’a répondu que Dieu seul est bon. Cela je le sais bien, puisque tout ce que mon Dieu a créé était, est bon. Mais moi, je ne suis que poussière, et j’ai peur que la mort ne soit une fin pour moi. Qu’y a-t-il après ? Et il a ajouté que je devais observer les commandements, donnés par notre Dieu à Moïse. Mais les commandements et les préceptes, cela rend un peu fou, et moi qui suis scrupuleux, je ne sais parfois plus ce que Dieu veut ou ne veut pas, alors je lui ai demandé lesquels je devais mettre en pratique.

Il a cité les cinq commandements qui figurent sur les tables de la loi données à notre Père Moïse, et il a ajouté: tu aimeras ton prochain comme toi même. Cela m’a rassuré, parce que ces commandements là, l’un dans l’autre, j’y arrive. Alors je me suis dit en moi-même : « Oui, tout cela tu l’observes, alors ne t’en fais pas trop, la vie éternelle sera pour toi ». J’aurais dû en rester là, mais j’avais trop envie qu’il me rassure, qu’il me dise que j’étais « un bon juif, un juste », et au lieu de le remercier de m’avoir répondu je lui ai demandé s’il me manquait quelque chose. Je pensais bien qu’il dirait non. Mais …

Mais il m’a dit que si je voulais être parfait (mais est-ce-que c’est possible d’être parfait, à nous qui comme le dit notre roi David sommes pécheurs dès avant notre naissance?), je devais vendre tous mes biens, les donner aux pauvres, que cela me ferait comme un trésor dans les cieux; et ensuite que je devais (ou pourrais) le suivre.

Oh là là.. J’ai eu l’impression que tout s’effondrait. Je ne peux pas tout arrêter comme ça, j’ai trop de responsabilités. Il me demande vraiment l’impossible. Et moi qui étais si heureux de l’avoir rencontré, je m’en suis retourné chez moi tout triste.


Et puis une idée m’est venue. Je me suis dit que peut-être je pouvais prendre un intendant qui pourrait s’occuper de mes affaires; et moi je pourrais suivre cet homme. C’est peut-être une demi-mesure, mais cet homme et son regard, je ne veux pas les perdre. Je pense que j’ai découvert un trésor, et ce trésor je le veux. 
Je crois qu’Il a raconté une petite histoire qui parle d’un négociant en perles fines qui en trouve une qui surpasse toutes les autres, et qui vend tout pour avoir cette perle unique. Cette perle, je l’ai trouvée, et je la désire. Et je passerai bien ma vie, et ma vie future, à la contempler; et je suis prêt à tout donner pour l'avoir. cette perle unique.

lundi, août 14, 2017

Mt 17, 27 " Jette l'hameçon"

Pas facile d’être disciple...

En lisant et en essayant de "vivre" un peu l'évangile de ce jour, je me suis dit que pour Pierre, le pêcheur propriétaire d'une barque, ça n'avait pas dû être si facile que cela d'aller attraper un poisson avec un fil et un hameçon. Je suis allée relire ce qui se passait avant cet épisode et après, et cela a pris la forme que voici, cette forme en "je" que j'aime. C'est donc Pierre qui parle.

La première fois que Jésus nous avait dit que ça allait mal se finir pour lui, j’étais allé le voir en lui disant que je ne pouvais entendre une pareille chose, que c’était impossible, que je ferais tout ce que je pourrais pour que ça n’arrive pas ; et il m’a volé dans les plumes, il a eu une phrase qui m’a presque fait pleurer, moi le « dur »; il m’a dit: « passe derrière moi Satan ». Je n’ai pas compris, et je ne comprends toujours pas, sauf que rien ni personne ne pourra l’arrêter.

Il y a quelques jours, il nous a pris avec lui, moi, Jacques et Jean, et nous avons assisté à quelque chose d’extraordinaire. Il est devenu tout autre devant nous, il a parlé avec Elie et avec Moïse, et le temps que je dise quelque chose d’un peu stupide, je le reconnais - mais j’aurais tellement voulu que ce moment soit un moment d’éternité,  tout était redevenu normal. Il nous a juste dit de n’en parler à personne.

Ensuite il a guéri un enfant épileptique et nous a expliqué que si nous n’arrivions pas à guérir les malades, c’était parce que notre foi était trop petite. Mais parfois j’ai l’impression qu’Il ne ne se rend pas compte que ce n’est pas si simple. Un enfant possédé, ça fait peur; c’est un peu comme la fois où nous étions pris dans une tempête et où j'ai essayé de marcher sur les vagues, j’ai eu peur et pourtant il était là.  

Et là, comme nous étions revenus à Capharnaüm, j’ai été abordé, non pas par les publicains qui réclament toujours leurs foutus impôts, mais par ceux de Jérusalem, qui demandent tous les ans de l’argent pour maintenir le temple en bon état. Ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère, deux drachmes par personne. Je pensais que Jésus allait dire à Judas de s’en occuper, mais il s’est adressé à moi, puisque c’était à moi qu’on avait réclamé cette somme.

Il ne m’a pas demandé si je trouvais normal de payer cette somme, mais il a m’a fait comprendre que lui, en tant que Fils de Dieu, le Temple était sa demeure, et il n’avait pas à payer pour les pierres, et que moi, en tant que son disciple, c’était pareil, mais que nous devions quand même obéir à la loi. Et c’est là que j’ai eu vraiment du mal avec lui, parce que ce qu’il m’a demandé de faire, cela me paraissait complètement fou. Je sais bien qu’il nous a déjà fait pêcher du poisson alors que nous n’avions rien pris de la nuit, mais là…

Moi, je suis un artisan pêcheur, j’ai une barque, je pêche au filet. Et voilà qu’il me demande de prendre un hameçon, comme si j’en avais un sur moi, et d’aller attraper un poisson. Vous vous rendez compte ? J’ai dû me procurer un hameçon, un appât, parce qu’un poisson surtout en plein jour ça ne « mord » pas comme ça, du fil de pêche et attendre que ça morde. Je dois dire qu’avec ma petite ligne et mon hameçon, je ne savais pas très bien où me mettre, ni ce que les autres allaient penser de moi.

Mais je l’ai fait et j’ai bien attrapé un poisson qui avait bouffé, je ne sais par quel miracle, parce qu’une pièce de 4 drachmes ce n’est pas une petite pièce, la pièce nécessaire pour payer la somme qui nous était demandée.

Alors quand je vous dis, qu’être disciple ce n’est pas facile du tout avec ce Maître là, est-ce que vous allez me croire? Il fallait vraiment que j'aie foi en lui pour me mettre à pêcher, comme un gamin, devant tout le monde, puis que j’ouvre la bouche du poisson, parce que avoir attraper un poisson c’était pas mal, mais Jésus avait parlé d’une pièce, et fallait donc ouvrir sa bouche devant tout le monde, trouver la pièce - et là reconnaître qu’une fois de plus il avait raison, et la porter ensuite à ceux qui réclamaient leur dû, et attendre qu’ils notent que la somme avait bien été payée pour nous deux.

En même temps, me dire qu’il payait pour moi et pour lui, cela me remplissait de joie, parce qu’il me montrait à quel point je comptais pour lui.

Un jour il nous avait parlé du poisson qui avait avalé Jonas et l’avait recraché sur le rivage au bout de trois jours. Je me demande s’Il n’a pas voulu me faire comprendre quelque chose avec ce poisson qui finalement paie pour nous, a donné sa vie pour nous. Peut-être que je comprendrai plus tard.


mercredi, août 09, 2017

Mt 15, 21-25 La guérison de fille de la femme cananéenne

Mt 15, 21-28 La guérison de la fille de la femme syro-phénicienne (cananéenne).

J’ai lu et relu cet évangile ce matin et je le trouve difficile. J’ai trouvé intéressant que cet épisode soit en quelque sorte encadré par les deux multiplications des pains, avec la mention des restes, restes qui renvoient à l’abondance. Dans cet épisode il est bien question de pain, de ce pain qui ne doit pas être donné aux petites chiens, alors que ce pain, ce pain qui dans l’évangile de Jean donne la vie éternelle, est quand même le pain de l’amour. Et cette femme est d’abord une mère qui aime. Ce doit être difficile d’aller supplier quelqu’un qui est dans un premier temps comme absent, qui est entouré d’hommes qui font comme une muraille de protection, et finalement de s’abaisser. Mais que ne ferait pas une mère?

J’ai eu aussi l’impression que Jésus en quelque sorte, dans ce récit, se justifie par rapport aux disciples : il est la bonne nouvelle pour le peuple « Israël ». Et ce sera à Israël de porter ensuite la nouvelle aux nations, mais pas dans l’immédiat. Pourtant dans la relation qui se crée quand même entre la « maman » et Jésus, quelque chose change, je dirai presque explose, parce que Jésus en guérissant, passe déjà à l'universel. Il élargit son domaine: il ne se cantonne plus à la terre d'Israël, mais il va vers le monde. Peut-être que la femme n’est plus la cananéenne, l'étrangère, mais une femme en souffrance, une femme qui reconnaît en cet homme qui semble si lointain, celui qui peut se faire le tout proche et changer la vie de sa fille.

C’est ce que j’ai essayé de traduire dans le texte qui suit.

Ma petite fille est malade, je ne sais pas quoi faire ; elle est brûlante, elle a de la fièvre, elle marmonne des choses que je ne comprends pas, je n’arrive pas à la faire boire ;  je l’ai baignée dans une eau tiède, mais ça n’a rien changé. Elle ne me reconnaît pas, elle me repousse, je ne sais que faire. C’est surement un démon qui est entré en elle, les démons ils aiment les petits enfants, il veut me la prendre parce qu’elle est trop belle, ma petite fille chérie, la prunelle de mes yeux, le trésor de ma vie.

Une de mes voisines, celle qui est venue pour m’aider à baigner ma petite fille, m’a dit qu’il y avait un prophète de Galilée qui était là, que ce prophète avait guéri il y a quelques jours beaucoup de malades et qu’il avait même donné à manger à tous ceux qui étaient là. J’ai du mal à croire cela, mais après tout le prophète Elie quand il est venu chez nous, il y a si longtemps, il a bien donné de l’huile et de la farine à la femme qui l’avait reçu. Alors pourquoi est ce qu’il ne m’écouterait pas.

J’ai laissé ma petite fille à la maison; j’aurais voulu la prendre dans mes bras, mais elle est trop malade. Et je suis allé trouver le Maître; il s’appelle Jésus,  m’a-t-on dit. Et là je me suis mise à implorer, à implorer, à crier...  Lui, il semblait ailleurs, il ne me regardait pas, il ne m’écoutait pas. Et pourtant je criais, je criais tellement fort que ses disciples lui ont demandé de faire quelque chose.

Il leur a répondu qu’il n’avait été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. Si je comprends bien, ça veut dire que nous, nous qui ne respectons pas la Loi donnée par Moïse, nous sommes exclus; peut-être comme une punition parce qu'autrefois nous avons combattu ce peuple qui venait nous envahir. Mais moi, je n’étais pas née, pourquoi je serais maudite à cause de mes ancêtres ? Cette phrase affreuse, elle n’était pas pour moi, elle était pour ceux qui l’entouraient, pour leur dire que de moi il n’avait rien à faire, parce que je ne me convertirais pas. Mais qu’est-ce qu’il en sait ? Il y a des juifs aussi ici, et pourquoi n’irai-je pas les trouver  et reconnaître que leur Dieu est le vrai Dieu ?

Et puis, c’est étonnant, mais il y a eu comme un "couloir" entre lui et moi, comme si ses disciples cessaient de faire un mur autour de lui, et qu'il y avait comme une brèche qui s'ouvrait; j’ai pu l’approcher et me prosterner devant lui; et lui demander de venir à mon secours, moi qui suis en train de perdre ma fille. Il m’a regardée et il a eu une phrase bizarre, comme s’il devait se justifier de ne pas me répondre. Il m’a dit « Ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens », comme si lui n’avait pas le droit de faire du bien à ceux qui ne sont pas de sa famille. Et là, j’ai su ce que je devais lui dire, lui montrer que je comprenais sa réticence, mais que je quémandais quand même, et que cela ne volerait rien aux autres. Je lui ai dit que les petits chiens se contentent des miettes qui tombent, qu'ils se contentent des restes, qu'ils ne privent personne.

Et là, j’ai eu l’impression que quelque chose se déchirait en lui, qu’il n’était plus aussi sûr de lui, et que brusquement je devenais enfin ce que j’étais, pas une étrangère, mais une mère éplorée. Il m’a regardée, vraiment regardée et m’a dit que ma foi était grande et que tout allait se faire comme je le souhaitais.

Mais plus que les paroles, les paroles que j’attendais (même si j’aurais bien aimé qu’il me suive et impose les mains à ma fille) « que tout se fasse comme tu le veux », il y a eu ce regard, où je suis devenue quelqu’un pour lui; quelqu’un qui avait un visage.

Je suis rentrée chez moi, ma petite fille était guérie.

J’ai appris ensuite qu’il était rentré dans son pays, qu’il avait fait des guérisons à la pelle et qu’il avait à nouveau multiplié les pains. Alors moi je dis que ce pain il est aussi pour nous, nous qui sommes peut-être loin mais pas si loin que cela de lui, nous qui espérons en la venue de quelqu’un qui nous conduira vers Dieu.