lundi, juillet 02, 2018

"Les renards ont des terriers", Mt 8, 20

Le petit morceau d'évangile qui nous est proposé aujourd'hui, en général je ne l'aime pas.

Les commentaires se centrent sur "le fils de l'homme n'a pas d'endroit pour reposer sa tête", et on parle de Jésus comme d'un homme malheureux, sans domicile fixe, qu'il faut plaindre. Et j'ai toujours pensé que Jésus sait parfaitement ce qu'il fait et que somme toute, des lieux pour se poser, (la maison de Pierre, ou Béthanie) il en a, sauf que ce n'est pas chez lui. Par ailleurs les phrases dites sont des phrases intransigeantes, presque rébarbatives.

Il me semble qu'une fois de plus, il faut remettre les choses dans leur contexte. Jésus, après les conseils de la vie "parfaite", passe si je puis dire à l'acte avec les guérisons en pagaille (lépreux, serviteur du centurion, belle-mère de Pierre, malades et possédés). Il montre ce qu'est ce serviteur dont parle Isaïe 53: il "prend", au sens de prendre et mettre ailleurs, ce qui fait du mal à l'humain, ce qui le rend infirme. Mais cette puissance qu'il révèle (ou cette miséricorde), peut être mal interprétée, il y a toujours ce risque dont parle l'évangile de Jean ("sachant qu'ils allaient le faire roi, il les renvoya" Jn 6, 15);  et partir sur l'autre rive est un moyen de reprendre de la distance.

C'est au moment où Jésus se dispose à partir qu'un scribe arrive. Et la phrase qu'il dit n'est pas neutre du tout - "Maître, partout où tu iras, j'irai" - car  c'est à peu de choses près la phrase prononcée par Ruth quand sa belle-mère Noémi se prépare à revenir chez elle à Bethléem. Le scribe voit que Jésus est sur le point de partir et, comme Ruth, il refuse la séparation et montre son désir de suivre, de s'installer avec Jésus. Mais on ne s'installe pas avec Jésus, et c'est bien ce qui est signifié là.

Avoir un terrier, avoir un nid, c'est aussi avoir un lieu où l'on peut élever ses petits. Ruth a trouvé un foyer, elle a pu avoir un enfant. Ce que dit Jésus, c'est que lui, il n'aura pas ce lieu où l'on peut faire des projets, il sera toujours en route, et celui qui le suit doit renoncer jusqu'à l'idée de se survivre en donnant la vie.

Quant à l'autre disciple, qui lui demande d'aller enterrer son père, ce qui me semble-t-il est une obligation, il évoque un autre passage, celui de l'appel d'Elisée par Elie; sauf que dans le livre des rois, c'est Elie qui appelle et Elisée qui demande la permission de prendre congé de sa famille, ce qui lui est reproché par Elie (1R,20). Alors, que veut dire Jésus, à cet homme qui veut être son disciple? Que nous dit-il à nous? Car la phrase est quand même rude: "Suis-moi, laisse les morts enterrer leurs morts". Il me semble, c'est ce que me dit ce texte aujourd'hui, qu'il y a en nous des parties mortes, des parties qui nous empêchent de vivre. Et que Jésus, en nous libérant (et c'est ce qu'il montré par les guérisons précédentes), nous permet de ne pas laisser le passé nous empêcher de vivre le présent. Il nous demande de vivre le présent, son présent.

Alors, au lieu de se lamenter sur ce Jésus qui n'a pas de maison, il nous est demandé - si nous voulons être disciples - de lui demander de nous séparer des parties de nous qui sont des parties tournées vers la mort; mais aussi de le suivre, comme Ruth a suivi sa belle-mère, sans trop savoir ce qui va advenir, et lui faire confiance.

Et si on lit la suite du chapitre, on voit que ceux qui ont suivi Jésus dans sa barque se paient la tempête du siècle...

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