vendredi, mai 10, 2019

Le disciple bien-aimé raconte ce qui s'est passé au bord du lac:Jn 21

Les lectures de ce temps après Pâques nous ont permis d'entendre une fois encore la finale de l'évangile de Jean, ce chapitre 21, qui se passe en Galilée, un peu comme si, malgré ce qui s'était passé après la résurrection, les deux apparitions de Jésus au milieu de ses disciples en train de partager un repas n'avaient pas été suffisantes pour les pousser à "sortir et annoncer la vraie nouvelle". On a l'impression que la peur reste présente, et si l'on en croit ce qu'écrit le "disciple bien-aimé", on peut presque penser à une fuite. Reprendre la vie en Galilée, loin de Jérusalem, est quand même plus simple. Et on a donc cet épisode de la pêche des 153 poissons, de ce feu de braises, de Pierre qui saute dans l'eau après avoir passé un vêtement, du repas, du dialogue entre Jésus et Pierre, dialogue d'où Jean est exclu, alors que lui, il a cru dès le début, il a compris les signes. Alors j'ai eu envie de le laisser parler ce disciple aimé, et de le laisser parler en imaginant un peu son amertume: parce que si c'était à lui que Jésus avait posé la question "Jean m'aimes-tu", il aurait été tellement convaincant, et convaincu, que Jésus n'aurait pas dû poser trois fois la même question…

Le disciple que Jésus aime raconte c,e qui se passe au bord de la mer

 Ce n'est vraiment pas juste.. Je peux tout comprendre, je peux tout admettre, parce que je l'aime plus que tout, parce que j'ai posé ma tête sur sa poitrine, parce que j'ai écouté battre son cœur, mais ce qui s'est passé là, cela n'a pas été facile, même s'il a dit que je devais "demeurer". Demeurer, être là, pour lui, avec lui et en lui.. Mais bon, pas si simple.

Moi, j'ai tout de suite su que c'était Jésus, le Jésus neuf, le Jésus vivant, qui nous attendait sur la rive avec ce feu dont je voyais la fumée. Je sentais l'odeur du poisson grillé, du pain et naturellement les autres ne comprenaient rien. Pourtant ils m'ont raconté que le premier jour de la semaine, cette semaine qui a vu sa mort, son ensevelissement, il leur était apparu, il avait soufflé sur eux, il leur avait donné son Esprit; et que la semaine d'après il avait parlé à Thomas, qui ne pouvait pas croire qu'il était vivant autrement, qu'il était ressuscité: pas comme Lazare, pas comme le fils de veuve de Naïm; mais qu'il était, comme il nous l'avait dit, la Vie. 

Et Pierre, quand j'ai dit cela, au lieu de se préparer à accoster, il a fallu qu'il saute dans l'eau. Pourquoi a-t-il mis un vêtement? Peut-être parce qu'il se sentait tout nu devant Jésus, un peu comme Adam et Eve se sont sentis tous nus, l'un devant l'autre, quand leurs yeux se sont ouverts. Alors nous, on est restés dans la barque et lui, il est arrivé le premier, parce que faire manœuvrer la barque avec le poids des poissons, ce n'était pas facile. Et peut-être qu'il voulait être sûr que c'était bien lui. Qu'est ce qu'ils se sont dit? J'aurais bien aimé le savoir… Des poissons, on en a compté cent cinquante-trois. Mais le plus beau des poissons, si j'ose dire, c'était le Seigneur, qui était là et qui nous attendait. 

Ensuite, par trois fois, il a demandé à Pierre, en l'appelant "Simon fils de Jean", s'il l'aimait. Et Pierre disait oui, mais c'était timide. Ce n'est pas facile pour un homme de dire à un autre homme qu'il l'aime plus qu'il n'aime ses compagnons, mais ce n'est pas si difficile. La troisième fois, il m'a semblé qu'il était proche des larmes... Peut-être qu'il a pensé à cette terrible nuit où il n'a pas eu la force de dire qu'il était du côté de Jésus. Peut-être aussi que Jésus qui, cette terrible nuit, avait entendu Pierre dire qu'il ne le connaissait pas, voulait lui faire comprendre quelque chose, je ne sais pas. 

Pourquoi il ne me l'a pas demandé à moi, si je l'aimais, moi dont le cœur fond dès que je le vois, moi qui étais près de lui quand il était sur la croix, moi qui ai pris sa mère chez moi, moi qui ai couru au tombeau parce que Marie de Magdala était venue nous dire que le corps avait disparu, moi qui ai attendu que Pierre entre le premier, moi qui ai compris qu'il n'était plus là, qu'il ne serait plus jamais là, parce que comme il nous l'avait dit, il était ressuscité parce qu'il avait accompli pleinement la volonté de son Père. Moi j'aurais crié que je l'aimais. Mais ce n'est pas à moi qu'il a donné la charge d'être le pasteur de la communauté qui allait naître. Peut-être que ce n'est pas cela ma charge. 

Et puis il a dit à Pierre de le suivre, et à moi de "demeurer"; et ça, les autres n'ont pas compris. Demeurer, c'est cela que je veux. Demeurer avec cette présence de lui en moi, demeurer avec toutes ces paroles qu'il a dites, et les transmettre à mes frères; demeurer avec la présence de l'Esprit, demeurer en Lui, devenir son corps; me nourrir de lui pour être lui, et raconter les merveilles que son Père a faites pour nous, son nouveau peuple. 

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