lundi, juillet 15, 2019

Un docteur de la loi raconte sa rencontre avec Jésus - Luc 10

Quinzième dimanche du temps ordinaire - Luc 10,  évangile dit "du bon samaritain".

Cet évangile a été lu en deux fois par le célébrant. Il a insisté sur le fait que le péché, c'était tout ce qui faisait que nous laissions passer du temps quand Dieu nous demande quelque chose; du moins c'est ce que j'ai cru retenir. Puis il a lu la parabole, pratiquement sans commentaires. Or ce texte pose deux questions, celle de la vie éternelle (et c'est l'évangile de Jean qui y répond: qu'ils te connaissent Toi et ton envoyé Jésus-Christ), mais surtout la question du faire. 

Ce sera la question du (jeune) homme riche (Mt 19,16, Mc 10,17 Lc 18,18) et celle de la péricope de ce jour.

Ce que Jésus fait comprendre, c'est que la vie dite éternelle est déjà là si on laisse à Dieu la première place; et si l'autre - pas seulement celui qui est proche, mais le prochain - a lui aussi la place qui lui est réservée. 

Je pense que c'est ce que Jésus veut faire découvrir à ce docteur de la loi qui à mon avis cherche à en découdre avec lui. 

Le Docteur de la Loi raconte sa rencontre avec Jésus

Cela fait un bout de temps que j'entends parler de ce Jésus. Il est de Nazareth, donc ça ne peut pas être lui le messie annoncé, quoiqu'il raconte. Mais pourtant il fait des miracles, il enseigne, et les gens l'écoutent bien plus que nous. Il y a même certains de nos disciples qui le suivent. Alors j'ai décidé de quitter Jérusalem et d'écouter ce qu'il raconte, et je suis bien décidé à faire comprendre à tous que seule la Tora est importante; et que celui-là, il n'est rien. Il dit que le royaume est tout proche.

Et il en dit des choses aux foules, qui semblent boire ses paroles. Le plus étonnant, c'est qu'il passe son temps à dire que les anciens ont dit certaines choses, mais que maintenant c'est lui qui parle, comme s'il se prenait pour Adonaï. Lui un homme, oser parler à la place du Tout Puissant.

Alors je vais me mêler à la foule, et je trouverai le bon moment pour le coincer et j'espère bien qu'il sera lapidé.
Et là je n'en n'ai pas cru mes oreilles. 

Comme les hommes qu'il avait envoyé au devant de lui pour dire qu'il allait passer dans certaines villes revenaient vers lui, il s'est mis à dire, en levant les yeux vers le ciel, comme s'il s'adressait au Dieu invisible, en l'appelant Père, mais avec une manière de le dire qui faisait penser à "mon père à moi, mon père très cher, mon père chéri" qu'il le bénissait parce qu'il avait caché aux sages et aux savants les mystères du royaume pour les révéler aux tous petits. 

Alors là en moi, mon sang n'a fait qu'un tour, moi qui étudie chaque jour la parole, moi qui mets ma joie dans l'étude, moi qui me répète sa loi tous les jours. Et il a ajouté que nul ne connaissait le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler. Mais qui il se croit celui là. On m'a dit qu'il se donnait le pouvoir de remettre les péchés, qu'il se permettait de toucher des lépreux, de partager ses repas avec des pécheurs publics, de se laisser toucher par des femmes de mauvaise vie. Et il croit que c'est cela être le fils du très Haut? Je ne sais pas si ses disciples sont heureux de voir ce qu'ils voient, et d'entendre ce genre de paroles, mais moi qui sais, cet homme me dérange au plus profond de moi-même.

Alors comme il y a eu un peu de silence, je lui ai demandé ce que je devais faire pour avoir en héritage la vie éternelle. C'est une question piège que je lui ai posée là. Le très haut nous a donné cette terre en héritage si nous suivons sa Loi, mais la vie éternelle, cette vie qui demeure après la mort, qui peut y prétendre? Elle nous a été enlevée, cette vie, à cause d'Adam; et qui nous la rendra?

Et là, il m'a interrogé, comme le fait tout Maître. Il m'a demandé ce que la Loi disait. Alors je lui ai donné une réponse digne de mes propres maîtres, car j'ai choisi à la fois un verset du Deutéronome et un verset du livre du Lévitique. J'avais beaucoup réfléchi à cela. Pour moi, si j'aime mon créateur de tout mon cœur, de toute mon âme, et toute ma force et de toute mon intelligence et si j'aime mon prochain comme moi-même, peut-être que je pourrai dans l'au-delà ne pas être condamné à vivre dans le shéol, mais contempler la Gloire du très haut, et me joindre aux anges qui le célèbrent jour et nuit. 

Il s'est contenté de me dire que j'avais bien répondu, comme si je ne le savais pas: et de me conformer à ce que j'avais dit. Moi qui voulais une bagarre avec lui pour le mettre en défaut sur ce que lui appelle la vie éternelle, j'en étais pour mes frais. Alors je lui ai demandé qui était mon prochain. Je voulais qu'il me donne une définition. Et là-dessus il a raconté une petite histoire, ce qu'on appelle une parabole. 

Il a parlé d'un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho. Et je pensais que cet homme ça pouvait être moi, parce que j'ai quitté Jérusalem pour me mettre en quête de ce Jésus. Et je suis descendu.. Mais l'homme dont il parlait est alors attaqué par des malfrats, roué de coups, dévalisé et laissé pour mort au bord de la route. Pauvre homme. Il aurait mieux valu qu'il soit tué, parce que passer la nuit dans le désert, c'est dangereux aussi, à cause des animaux. Je le voyais bien cet homme, en train de souffrir et peut-être de s'en vouloir. On sait bien que la route est dangereuse, alors pourquoi tenter le sort? 

Là-dessus passe un prêtre. Le prêtre n'a pas le droit toucher un homme qui saigne. D'après Jésus, il s'est dépêché de passer son chemin, en tournant la tête, comme s'il ne le voyait pas. Au fond de moi, je trouve que ce n'est pas bien. Peut-être que moi, je me serais arrêté, parce que je connais une phrase du prophète Michée qui dit que ce que Dieu attend de moi, c'est que je pratique la miséricorde. Mais bon, cet homme, on ne sait pas d'où il vient, alors peut-être que le prêtre a bien fait. Et puis, c'est vrai que les mendiants, bien souvent, on fait comme si on les voyait pas.

Puis c'est un lévite qui passe. Peut-être que lui, il monte vers le Temple, pour participer au culte, alors c'est certain qu'il ne fera rien. Et c'est bien ce que dit Jésus. Mais il aurait pu s'arrêter, dire un mot, dire qu'il allait prévenir, lui demander son nom. Mais non, rien.

Et il invente maintenant qu'un samaritain arrive. Moi, je n'aime pas les samaritains et eux ne nous aiment pas non plus. Un samaritain, c'est un hérétique, un sans Dieu, un adorateur de faux dieux, qui n'a rien à faire de notre Loi. Et lui,, le samaritain il le voit ce blessé, et il s'arrête. Il descend de sa monture, il se rend compte que l'homme est vivant. Alors il le soigne, le met sur son âne ou sur sa mule, je ne sais pas, continue sa route à pieds, et arrive dans une auberge. Il prend une chambre pour lui, le veille toute la nuit. Bon cela Jésus ne l'a pas dit. Et le lendemain, il donne de l'argent à l'aubergiste pour les soins et la chambre, et dit qu'il donnera ce qui manque quand il repassera. J'étais assez étonné qu'un samaritain puisse faire ce genre de choses. Et je commençais à me demander ce que moi j'aurais fait. 

Jésus me regarde et me dit:" A ton avis, qui a été le prochain pour cet homme tombé dans les mains des bandits"? Bien entendu il n'y avait pas trente-six réponses; il n'y avait que le samaritain qui avait su voir en cet homme blessé, un prochain, celui qu'il faut aimer comme soi-même, même si on ne le connaît pas, même s'il fait peur, même s'il est étranger. Je n'avais pas le choix. J'ai donc répondu le samaritain. Il m'a juste : "Va et toi aussi fais de même". Et il m'a planté là, et a continué sa route. 

Ce qui est certain c'est que ce rabbi, qui n'a pas fait d'études, qui ne se réclame que de Dieu, je n'ai rien pu faire contre lui. Je cherchais le combat, je ne l'ai pas eu. Et je dois reconnaître que le blessé c'est moi. Blessé parce que pour moi, Jésus était bien pire qu'un samaritain et que je m'étais trompé. Blessé parce que je voulais le mettre à l'épreuve avec mon savoir, et que c'est moi qui ai été mis à l'épreuve finalement. Blessé, parce que je me rends compte que j'aurais aimé qu'il me prenne avec lui. Peut-être que malgré tout, j'aurais pu servir à quelque chose. Blessé parce que je me rends compte que la miséricorde n'est pas de mon côté mais du sien. 

Alors j'ai obéi... Je suis reparti d'où j'étais venu, mais celui qui est revenu n'est plus celui qui est parti. J'ai compris que juger les autres, c'était en quelque sorte les mettre à mort et que ce que Dieu veut, c'est la vie. Et j'ai compris que la vie éternelle, ce n'est pas dans le futur qu'elle commence, mais ici, chaque fois que je peux me faire le prochain de celui que je rencontre. 

Alors merci à ce Rabbi, dont le nom dit que Dieu Sauve, parce que je crois qu'il m'a sauvé de moi-même et qu'il m'a fait comprendre que tout docteur, tout savant que je sois, c'est quand même à son école à lui que je dois me mettre. Mais comment est-ce que je vais faire comprendre cela à mes frères?










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