vendredi, septembre 27, 2019

L'ange du Seigneur raconte la résurrection. Mt 28,1-10.

Les récits de la résurrection restent très différents d'un évangile à l'autre, du moins pour les synoptiques. Si, dans l'évangile de Marc, il y a un jeune homme vêtu de blanc qui dit aux femmes la même phrase que l'on trouve chez Matthieu, il y a deux hommes vêtus de blanc dans l'évangile de Luc, et une grande peur chez les femmes. 

En travaillant à la rédaction du "Bibletudes" (http://www.plestang.com/chrietub.php) consacré à ce chapitre, j'ai eu envie de laisser parler cet "Ange du Seigneur", cet Ange qui traverse toute la Bible. Et on peut se demander si cet Ange, assis sur la pierre qu'il a roulée et qui révèle l'ouverture, n'est pas à mettre en parallèle avec les chérubins armés d'une épée qui, dans la Genèse, bloquent l'entrée de l'Eden. La pierre a été roulée, désormais la porte est à nouveau ouverte par Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie.

L'Ange du Seigneur raconte:

Je me souviens de la tête de Gédéon quand je me suis invité dans son pressoir où il battait le blé en cachette pour le soustraire aux Madianites. Et surtout de sa tête quand le feu a jailli du rocher pour consumer les offrandes qu'il m'apportait. Je me souviens aussi de la tête de la mère de Samson quand je lui suis apparu pour lui dire qu'elle allait attendre un fils qui serait un sauveur pour le peuple. 

Je me souviens aussi de Marie, de Joseph, de Zacharie, quand je me suis présenté à eux. Mais à eux, je n'étais pas dans la Gloire qui m'enveloppe ce matin, au petit jour. Il n'y avait pas cette Lumière qui éclaire tout, qui révèle tout, qui illumine cette colline. Non, j'étais signe d'une présence, qu'ils ont compris comme étant Présence d'un envoyé du Très Haut. 

Mais aujourd'hui, je me présente pour faire comprendre à ces soldats qui montent la garde devant un tombeau vide, mais cela ils ne le savent pas, qu'ils ne sont rien, mais vraiment rien devant la face de Dieu. Qui peut tenir devant l'éclat de sa puissance? Qui peut se mesurer à Lui?   

Alors je suis cet être lumineux, cet être qui semble immense, cet être si fort qu'il peut rouler avec un seul doigt la pierre qui ferme le tombeau. Oui, ils ont scellé la pierre, comme si cela pouvait empêcher quoique ce soit...

Je suis assis sur cette pierre, la terre a tremblé; mais ce n'est pas elle qui a ouvert le tombeau. Les hommes ont eu peur, car c'était la deuxième fois que la terre tremblait en si peu de temps. La première fois, des tombeaux s'étaient ouverts. Là, le tombeau ne s'est pas ouvert, parce qu'il n'avait pas de corps à rendre. Mais il fallait que la lumière pénètre en lui, et moi, l'Ange du Seigneur, j'ai roulé la pierre, cette pierre qu'ils avaient scellée pour qu'il soit impossible d'entrer dans le tombeau pour prendre le corps. Je l'ai touchée et elle s'est déplacée, cette pierre. 

Et je me suis assis sur elle… 

Et alors j'ai vu les hommes perdre pied à ma vue, tomber sur le sol morts de peur, eux qui n'ont pas eu peur de mettre la main sur le Fils. Et en moi, j'ai souri. Qu'ils aillent rapporter cela aux grands-prêtres! Qu'ils comprennent ce qu'ils ont fait, et qu'ils s'humilient enfin devant la face du Très-Haut.

Et j'ai vu les femmes, qui elles aussi semblaient terrifiées, mais pas de la même manière. Elles se demandaient si je n'étais pas Jésus, revenu à la vie, sous cette forme qui montrait au monde sa divinité. Je les ai rassurées. Puis comme mon rôle est de transmettre les ordres du Très Haut, je leur ai transmis le message que j'avais reçu.

Je leur ai dit que Jésus était revenu à la vie: mais la Vie avec une majuscule; qu'il était le Vivant, qu'elles devaient entrer dans la grotte pour voir de leurs yeux qu'il n'était plus là, et qu'elles devaient aller voir les disciples et leur dire que Jésus les attendait en Galilée.

Elles ne sont pas entrées dans le tombeau. Elles ont laissé en plan les aromates qu'elles avaient préparées; elles ont pris, si je puis dire, leurs jambes à leur cou pour prévenir les autres. Et j'ai vu Jésus, qui était là devant elles, comme pour les rassurer; comme pour leur dire qu'il était là avec elles, qu'il ne les avait pas abandonnées. 

Moi, je voyais tout ça d'un peu plus haut, car j'avais disparu à leur vue; mais voir le Fils de l'Homme se manifester, c'est ma Joie.

Elles sont tombées à ses pieds. Elles ont même attrapé ses pieds, comme pour le retenir, comme pour être sûres que ses pieds étaient bien sur le sol, qu'il ne flottait pas, qu'il n'était pas un fantôme! Elles se sont prosternées devant lui, et là, elles ont bien dû lâcher ses pieds. Je suis sûr que mon Seigneur devait rire en Lui.

Il leur a dit ce que je leur avais déjà dit: d'aller dire à ses frères qu'ils doivent quitter Jérusalem et se rendre en Galilée, là où tout avait commencé, là où ils l'avaient vu, reconnu comme le Messie. Mais je crois qu'après la peur qu'elles ont dû avoir en me voyant tout nimbé de lumière, il a comme toujours bien fait de se montrer ainsi à elles, de les rassurer, pour qu'elles ne soient plus dans la peur, mais dans la Joie, et pour qu'elles soient comme les apôtres de sa résurrection. 

vendredi, septembre 20, 2019

Un convive raconte ce qui s'est passé chez Simon le Pharisien: Luc 7,36-50

Cet épisode d'une femme qui vient, au cours d'un repas, prendre soin des pieds de Jésus et les oindre de parfum, se retrouve dans les autres évangiles, mais pas au même moment. 

La femme dont il est question ici n'a pas de nom, et c'est peut-être une bonne chose. 

J'ai voulu ici montrer l'étonnement d'un des convives qui a assisté à cette scène étonnante, mais très choquante pour lui: qui est cet homme qui a le pouvoir de pardonner les péchés? 


Un convive raconte.

Notre ami Simon, lui qui se targue de respecter la Loi comme personne, et d'être un juste, a comme souvent offert un repas. Il avait invité Jésus, et c'était l'occasion pour nous de voir de plus près cet homme dont on parle tant, cet homme qui parle de lui en se nommant le Fils de l'homme.

Il était donc là quand est arrivée une de ces femmes aux longs cheveux qui volent sur leurs épaules quand elles sortent, une de ces femmes qui sont de mauvaises femmes, qui passent parfois d'un homme à l'autre. Avant qu'on ait pu faire quoi que ce soit, elle était là, aux pieds de Jésus, à genoux. Et elle pleurait, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus, qui se laissait faire. On aurait dit un peu une maman entrain de laver les pieds de son enfant quand il rentre à la maison. Quand les pieds lui ont paru enfin propres, enfin c'est l'impression que j'ai eue, elle a cassé le col d'un flacon de parfum, peut-être que ce flacon lui avait été donné par un admirateur, parce que oui, cette femme est belle, très belle, et elle a oint les pieds de Jésus qui n'a rien dit, rien fait, mais qui souriait tout en mangeant, un peu comme s'il était au septième ciel. 
Je dois dire que j'étais un peu étonné, parce que nous savions tous que cette femme n'était pas recommandable. 

Et voilà que Jésus s'adresse à Simon et lui demande de l'écouter. Et il se lance dans une petite histoire de débiteurs qui ne peuvent pas rembourser leur dette et d'un créancier qui remet la dette aux deux, sauf que l'un doit 500 pièces d'argent et l'autre seulement 50. Et il pose une drôle de question, à savoir lequel des deux aimera le plus le créancier; moi, j'aurais parlé de reconnaissance, pas d'amour. Toujours est-il que Simon a répondu ce qui paraît logique: que c'était celui qui devait le plus, qui allait aimer le plus. Peut-être que reconnaissance et amour ça va ensemble pour certains. 

Jésus lui a dit qu'il avait bien répondu; mais moi je me demandais un peu où il voulait en venir.

Et puis là, il lui a fait remarquer que lui, Simon, n'avait pas été très hospitalier envers lui, car il n'avait pas proposé d'eau pour qu'il se lave les pieds, mais que la femme, elle, avait versé ses larmes pour lui laver les pieds. Puis il a continué en disant qu'il n'avait pas reçu de marques d'affection, qu'il était un peu comme une bête curieuse dans ce repas, alors que la femme, elle avait embrassé ses pieds, comme on embrasse les pieds de son bébé (ça c'est moi qui le dit); parce que pour embrasser les pieds de quelqu'un il faut soit beaucoup l'aimer, soit lui baiser les pieds en signe de respect, mais là, c'était bien de l'amour. Et pour terminer, il a parlé du parfum, comme d'une onction, et il a reproché à Simon de ne pas lui avoir donné une onction d'huile quand il était entré chez lui, alors que la femme, elle lui avait oint les pieds, en signe de respect, en signe d'amour. Un peu aussi comme s'il disait à Simon qu'il n'avait reconnu en lui, l'envoyé, celui dont parle le prophète Isaïe. 

Nous étions tous un peu mal à l'aise, parce que nous n'avions pas vu cela du tout dans ces gestes. Et Jésus alors a dit que les péchés de cette femme étaient pardonnés, parce qu'elle avait montré beaucoup d'amour. 

Et là, nous avons réagi en nous même. Car pour quoi se prend-il celui-là, pour remettre les péchés. Enfin il n'a pas dit "Je te remets ta dette", mais "Toute ta dette est remise", comme il avait déjà dit à un homme paralysé à Capharnaüm. Il ne lui a pas dit de rentrer chez elle, comme il l'avait dit à l'homme, mais il lui a dit d'être en paix, et de rentrer chez elle. Et je pensais qu'au lieu de verser ce parfum sur les pieds, en quelque sorte de le gaspiller, elle aurait mieux de vendre ce parfum et de donner l'argent à des pauvres, là elle aurait respecté un peu la loi. Mais non, il a juste dit "Sois en paix, ta foi t'a sauvée". 

Alors là, je crois que j'ai compris quelque chose. Cette femme que moi je méprise, cette femme que je regarde de travers, cette femme de la ville, quelque chose s'est passé en elle. Car, après les mots de Jésus, elle s'est mise debout, elle nous a tous regardés, elle l'a regardé lui; et elle est sortie, comme si elle était une reine. Elle était remplie de dignité, elle était transformée. Alors si Jésus est capable de faire cela, avec une telle femme, sera-t-il capable de changer nos cœurs si attachés à nos coutumes, à nos certitudes. Peut-être que je vais me joindre à ceux qui vivent au jour le jour avec lui. Je suis finalement très reconnaissant à Simon de m'avoir laissé partager le repas de ce jour, jour qui est comme une naissance aussi pour moi. 


La guérison de l'esclave d'un centurion - Lc 7,1-10.

C'est un texte bien connu, puisqu'à chaque messe on répète du moins partiellement la phrase prononcée par le centurion de Capharnaüm: "Seigneur je ne suis pas digne que tu viennes dans ma maison, mais dis seulement une parole, et ..."

Je mets des points de suspension, car la demande du Centurion concerne son esclave, alors que la notre, nous concerne. Ce qui m'a toujours frappée, c'est qu'on ne sait pas quelle parole Jésus a prononcé, puisqu'il loue la foi de cet étranger au peuple. 

Je me suis d'ailleurs demandé si, dans l'optique lucanienne, cette péricope n'était pas à rapprocher de celle que l'on trouve dans les Actes des Apôtres, à savoir celle du Centurion Corneille, comme si Luc voulait montrer que non seulement la bonne nouvelle sera accueillie dans les nations, et qu'elle est bien pour tous, mais que la foi de ceux que les juifs considèrent comme des impies est peut-être supérieure à la foi du peuple choisi. 

Cet épisode, j'ai eu envie de présenter sous deux angles différents, celui du centurion, et celui d'une personne qui entend ce qui se passe et qui le raconte ensuite à des amis.


Le centurion romain raconte....

Mon esclave fidèle, mon esclave qui a été comme un père pour moi, qui s'est occupé de moi et de mes fils, est là, tremblant de fièvre et je sais qu'il va mourir. Les médecins sont venus, mais ils disent qu'il n'y a rien à faire. Et pourtant, il y a bien ce Jésus, qui fait des miracles, seulement, même si j'admire sa religion, jamais il ne viendra chez moi qui ne suis pas juif. Mais s'il sait que j'ai donné mes deniers pour bâtir la synagogue dans laquelle il a parlé, dans laquelle il a pu guérir la main d'un homme; peut-être qu'il acceptera de rentrer dans ma maison pour guérir mon vieil esclave. 

Je me suis dit que je pourrais envoyer deux ou trois de mes amis, des notables juifs - parce que je peux quand même dire amis, même si je suis l'occupant - pour lui demander de venir chez moi, pour guérir mon esclave. Et ils sont partis à sa rencontre. 

Un peu de temps a passé, et je me suis dit que non, ça ne devait pas se passer comme ça. Il ne devait pas rentrer chez moi. Si mon empereur s'invitait chez moi, chez moi pauvre centurion de son armée, je me sentirais indigne d'un tel honneur. Mais là c'est moi, l'occupant, qui lui demande à lui, d'entrer chez moi, lui qui est tellement plus que César. Cet homme, il est différent de Jean le Baptiste que je suis allé écouter et qui m'a fait comprendre combien j'étais injuste envers cette population. Il y a en lui une puissance bien plus grande que celle qui est dans mon empereur. Il commande à la fièvre, il commande à la tempête, il commande à la lèpre. Sa parole est forte. 

Alors non, je ne vais pas lui demander de venir chez moi, je vais simplement lui demander qu'il prononce ces mots qui guérissent, qui sauvent. Et ces mots, parce qu'il est un homme pas comme les autres, un homme vraiment de Dieu, auront en eux la force de guérison. Ses mots ne reviennent pas sans avoir accompli ce qu'ils doivent faire. Cette phrase, elle n'est pas de moi, mais de l'un de leur prophètes, et elle parle de leur Dieu.. Je crois vraiment que cet homme, dont le nom veut dire "Dieu sauve", il est vraiment le messie.

Alors j'ai envoyé d'autres amis, pour lui dire de ne pas venir, que je n'étais pas digne de lui, que je reconnaissais sa puissance, et pour lui demander qu'il prononce simplement ces mots qui guérissent le corps et l'âme. Et j'ai attendu leur retour.

Seulement voilà, d'un coup mon esclave s'est redressé sur son lit, comme si quelqu'un l'avait pris par la main. Il a demandé à boire, et la fièvre était tombée. Mes amis sont arrivés à ce moment là et m'ont dit que Jésus avait dit qu'il n'avait jamais rencontré en Israël quelqu'un avait une foi en lui semblable à la mienne. Et j'ai eu l'impression que cela voulait dire que le salut dont il parle n'est pas seulement pour les juifs, mais pour toutes les nations, pour tous les hommes. Et cela m'a profondément réjoui. Peut-être qu'il voudra quand même entrer dans ma maison…




Quelqu'un qui est dans la foule, raconte.. 

Il est vraiment très fort ce Jésus de Nazareth. Il guérit, il chasse des démons, mais là il a guéri un homme sans même venir le voir, sans même le toucher et même sans paroles, je veux dire que souvent il menace la fièvre, il menace les éléments qui lui obéissent, mais là, rien. Juste une phrase: jamais je n'ai trouvé pareille foi en Israël.. Il parlait de ce centurion qui vit chez nous à Capharnaüm depuis des années. 

A force de nous côtoyer, je crois que ce centurion romain s'est rendu compte que son empereur, même si sa parole fait force de loi dans tout l'empire, même si sa puissance est grande, ne pouvait pas être considéré comme un Dieu. Et il a découvert notre Dieu, notre Dieu qui nous a fait sortir d'Egypte, notre Dieu qui nous a ramené de l'Exil, notre Dieu qui aujourd'hui visite son peuple dans la personne de ce Jésus, de ce Dieu qui est avec nous, de ce Dieu qui est notre force.

Ce centurion, qui est un homme de valeur, a un esclave âgé, auquel il tient beaucoup. On dit que cet homme l'a élevé, et l'a suivi depuis toujours. Mais il est tombé malade, et il est à l'article de la mort. Alors il a pensé à demandé au nouveau prophète de venir chez lui pour qu'il guérisse son esclave.

Il lui a envoyé en ambassade des notables, et Jésus s'est mis en route. Il n'était pas loin quand d'autres sont venus vers lui. Ils lui ont dit que leur ami ne voulait pas mettre Jésus dans l'embarras en lui demandant d'entrer dans une maison païenne. Et surtout ils lui ont dit que leur ami, qui a des hommes qui obéissent à ses ordres, donc à sa voix, était certain que si Jésus ordonnait à la fièvre de tomber, elle tomberait, parce que que lui était bien plus puissant qu'un simple centurion. 

Et là Jésus a été, comment dire cela, surpris, mais c'est bien plus que cela. Il s'est arrêté alors que nous étions tout près de la maison du centurion; et contrairement à ce que je pensais, il n'a pas prononcé de phrase pour chasser le démon qui rendait cet homme malade, il n'a pas prié. Non rien de tout cela. Il a juste dit que c'était la première fois de sa vie que quelqu'un qui n'appartient pas au peuple choisi, avait une telle foi en lui. 

Des amis m'ont certifié que l'homme s'est levé, qu'il avait retrouvé la santé, et cela sans que Jésus le touche.. Qu'est ce que Jésus a voulu dire quand il a parlé de la foi de ce Romain? Est-ce que les Romains, ces païens qui croient en des multitudes de Dieux et qui imaginent même que leur Empereur est un Dieu, ces impies, croiront en notre Dieu, grâce à cet homme? 

Je me pose beaucoup de questions, mais je suis sûr que s'il continue à faire de telles choses, ça finira mal pour lui. 

jeudi, septembre 05, 2019

La pêche de Jésus: Lc 5,1-11

C'est le texte proposé par la liturgie aujourd'hui, un texte bien bien connu, celui de la pêche miraculeuse de Pierre - qui dans cet évangile se nomme encore Simon. Je me suis dit qu'on (enfin les commentateurs) allait nous bassiner avec le "va en eau profonde", qu'on doit pouvoir rapprocher des "périphéries" de notre pape François; et à chaque fois je me dis que dans ce lac là, l'eau profonde est, de fait, bien proche de la rive. Mais bon c'est une belle phrase, qu'on peut rapprocher de ce que le Seigneur dit à Abram: "Va...". Je me suis dit aussi que Jésus est très fort pour pêcher des hommes, que ce soit sur la terre (début de l'évangile de Jean, où il en pêche aussi 4, mais pas les mêmes) et donc sur la mer. Ce qui m'est apparu aussi, c'est le changement qui se fait dans Simon; et c'est peut-être pour cela que Luc, au verset 8, n'écrit plus "Simon", mais "Simon-Pierre", comme si ce qui s'est passé là était un changement profond pour celui qui sera un jour le roc.

Je reprends donc le texte à ma manière, c'est-à-dire en commentant verset par verset, ou par groupe de versets; puis je laisse parler Pierre, même s'il se répète un peu par rapport aux textes que j'ai déjà publiés...



En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu, tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth.  
Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets.
Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’écarter un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait les foules.

Décor planté. Et on retrouve Simon, sur qui va se centrer le projecteur. Donc "temps un": Jésus est revenu à Capharnaüm, si on croit le texte d'hier, où il est dit "qu'il enseigne dans leurs synagogues". Là il choisit d'enseigner en plein air: la foule sur la terre, lui dans une barque sur la mer. 

Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche. »
Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. »
Et l’ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer.
Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient.

Est ce qu'on peut prendre ça pour un remerciement? Tu m'as prêté ta barque et ton temps, et moi je te remercie en te donnant ce salaire étonnant, un trop-plein de poissons? Mais pour que cela se réalise, il faut que Simon fasse confiance, et fasse même un acte un peu fou. Pêcher en plein jour, devant tout le monde. Accepter le regard de l'autre, des autres. Et il le fait peut-être aussi parce qu'il sait que Jésus est capable de beaucoup; mais il ne sait pas ce que ça lui réserve, sauf qu'il faudra à nouveau remonter les filets qui risquent d'être vides, de les laver et de les plier. Donc refaire le travail précédent. 

Sauf que les filets reviennent plein de poissons, tellement pleins qu'il faut l'aide d'une autre barque.

À cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » 
En effet, un grand effroi l’avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêché;  
10 et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras.» 

Et là, curieusement, changement du nom, comme si un baptême s'était fait.. Il devient Simon Pierre dans le texte. Et il est pris par cet effroi que l'on a déjà noté quand Jésus chasse des démons et les fait taire. Effroi devant cet homme, qu'il pouvait croire connaître, et qui commande aux éléments. Effroi qui lui fait voir dans cet instant Jésus comme le Tout-Autre. Et il vit ce que vécut autrefois le prophète Esaïe en voyant Dieu, dans son temple. Il ressent sa petitesse, sa lourdeur, son manque de foi, bref ce qu'on peut appeler son péché. Il a peur, peur d'être comme foudroyé; comme ces démons qui étaient sortis des gens. Est-ce le baptême pour Simon, fils de Jonas, qui devient Pierre? 

Qui est cet homme qui est le maître des éléments, et qui ordonne aux poissons de se laisser prendre en plein jour? Qui est-il? 

Et c'est alors le dialogue, qui commence avec une de ces phrases clés: "Ne crains pas." Et la promesse: "Non tu ne vas pas mourir, je ferai de toi un pêcheur d'hommes" - phrase que Simon n'a certainement pas comprise. Tu feras sortir des hommes de ce milieu considéré comme le leur par les forces du mal, pour les plonger dans un milieu où ils trouveront la vie.

11 Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.

Après cette expérience fondamentale pour eux, ils ne retournent plus dans leur maison, ils ne laissent plus Jésus aller ailleurs seul, non, ils le suivent. Et pour Jésus, c'est une bonne pêche. 

Je crois profondément que pour suivre Jésus, il est indispensable de faire une expérience qui nous déplace complètement de ce que nous connaissons, de nos certitudes. Et c'est là que la relation nouvelle avec lui se joue. Nous sommes des hommes, et il faut que cela passe par notre corps, notre âme (connaissance) et notre esprit (rencontre autre). 

Simon-Pierre raconte:

Il était venu chez moi, il avait guéri ma belle-mère; et la manière dont il l'avait fait m'avait estomaqué - et pourtant j'en ai vu des choses dans ma vie. Il faut dire que déjà c'était un jour de Sabbat, et normalement il n'aurait pas dû faire ça. Mais il s'est penché vers elle, elle qui avait du mal à respirer, et il a menacé la fièvre comme si c'était un mauvais esprit, lui a ordonné de sortir d'elle, et elle a été guérie; elle s'est levée et elle s'est mise à préparer la maison pour le repas du sabbat. Il faut dire que depuis que moi j'ai parlé de ce Jésus, elle tremble. Elle a peur que je le suive, elle a peur que je laisse tout en plan; et elle se fait du mauvais sang et ça la travaille. Alors peut-être que c'est de cet esprit d'inquiétude, ce mauvais esprit, que Jésus l'a libérée. Ensuite il avait guéri des malades, chassé des esprits mauvais une partie de la nuit, et disparu au petit matin. Et il avait déclaré qu'il n'allait pas rester chez nous: qu'il devait apporter la Parole partout. Nous, on aurait bien voulu le garder pour nous, un guérisseur pareil. Mais non, il est parti. 

Et puis ce matin il était là, sur le bord du lac. Il nous a vus, nous rangions les filets. Je dis nous parce qu'il y avait avec moi André et nos amis, les fils de Zébédée; et ça avait été une nuit pourrie: pas un seul poisson, ou des si petits qu'on avait dû les remettre dans le lac. Il m'a demandé de le prendre dans sa barque; et de là il s'est mis à enseigner. Je pense que ça devait le changer de parler en plein-air comme ça, avec le petit vent du lac, avec le soleil, et avec la foule sur le rivage. 

Il a parlé un bon bout de temps; moi j'écoutais, mais pas trop finalement. Il s'est alors tourné vers moi et m'a dit de jeter les filets. Je l'ai regardé comme s'il était fou. On ne pêche pas en plein jour, qu'est ce qu'ils allaient penser de moi les autres sur le bord? Et puis je me suis souvenu qu'il avait été plus fort que la fièvre de ma belle-mère, et qu'il avait chassé des démons en quantité. Alors je l'ai fait, j'ai jeté les filets, après avoir été, comme il me l'avait ordonné, en eau profonde; mais on est vite en eau profonde sur ce lac. 

Et là, les filets se sont remplis, remplis remplis, comme s'il ordonnait aux poissons de venir se faire prendre. Et j'ai ressenti la peur de ma vie. Qui était-il celui là, que je croyais connaître parce qu'il avait logé chez moi? J'ai compris ce que le prophète Esaïe avait pu ressentir quand il s'était retrouvé à la cour du Très-Haut. Je me suis senti minable, je me suis senti sale, je me suis senti tout petit, je me suis senti comme écrasé par mon passé, par mes doutes, par mon péché. Et j'ai eu peur, très peur de lui. Qui était-il? 

Il m'a regardé, et m'a dit de ne pas avoir peur. Et sa voix m'a rassuré, son regard m'a rassuré. Il m'a dit qu'il ferait de moi un pêcheur d'hommes. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais ce qui est sûr, c'est que moi il m'a bien ferré, il m'a bien pêché; et pour lui, j'irai au bout du monde. J'avais sûrement besoin de ce miracle pour que ma transformation se fasse, et ça il le savait, et il a pris son temps finalement. C'est aujourd'hui que moi et les trois autres, nous pouvons le suivre. Peut-être que nous deviendrons des pêcheurs d'hommes, mais lui, aujourd'hui, il nous a sortis de notre lac, il nous a sortis de notre vie, il a fait de nous des hommes nouveaux, il nous a donné vie. Et je crois qu'être pêcheur d'homme, c'est cela: donner la vie.