lundi, janvier 31, 2011

Le baptême de Jésus Matthieu 3,13-17

Réflexions sur le baptême du Christ.


Au Prieuré en ce jour où la liturgie propose le "baptême de Jésus" nous avons réfléchi à partir de cette icône. Ce que j'en ai retenu, c'est l'"or" du haut du tableau et le sombre du bas, ce qui incarne ce passage de l'ombre à la lumière, de la vie à la mort. Il y a aussi la nudité (comme celle de la naissance et de la mort) le vêtement porté par un des anges, la terre comme fendue (les tombeaux s'ouvriront et je vous sortirais de vos tombeaux) le mouvement de Jean le Baptiste et enfin la minuscule colombe portée par une espèce de dard (ou je sais il s'agit d'une symbolisation de la présence du père) mais il y a quelque chose dans cette verticalité qui est presque inquiétant. Même si le Jourdain est personnifié, d'une certaine manière cette scène reste sobre, car seul Jean a vu la colombe et la voix, qui l'a réellement entendue? Jésus étant un parmi d'autres!


Quand j'avais lu ce texte, j'avais pensé à un autre personnage du premier testament, qui porte le même nom que lui, à savoir Josué: Dieu sauve... Et là, on est dans une autre dimension: celle de l'extraordinaire qui peut terrifier aussi bien le peuple choisi que les peuples aux alentours.

Le Jourdain arrête de couler et dégage un chemin pour que le peuple traverse à pieds secs. Il y a le concours des prêtres porteurs de l'arche, il y a quelque chose de très militaire. Cela se répétera d'une certaine manière pour la prise de Jéricho.


La traversée du jourdain fait rentrer le peuple dans la terre qu'il doit conquérir. C'est la sortie du désert pour entrer d'une certaine manière dans la conquête de la terre.

Jésus lui entre dans sa vie publique. Il sort peut être du silence de Nazareth pour entrer dans le bruit de la vie. Bien entendu il ira dans le désert pour montrer que l'on peut vivre dans ce milieu sans céder à  la tentation (à la différence du peuple). 

Mais avec Jésus, on n'est plus dans la théâtralisme. Certes pour les apôtres certains miracles comme la tempête apaisée susciteront de la crainte, mais avec la crainte a disparu pour être remplacée par par l'amour. Et  finalement c'est ce que dit cette petite colombe qui transperce celui dont les pieds les mains et le coeur seront un jour transpercés.

mercredi, janvier 26, 2011

"Je le veux, sois purifié"Mt 8,1-4



Des trous…



J’emprunte souvent un chemin qui fut jadis bétonné mais que les saisons ont au fil des ans malmené et qui est plein de trous, de nids de poule comme on dit: quand il pleut le chemin est dangereux. 

Parfois les plus gros trous sont bouchés (gravier et bitume), mais très rapidement de nouveaux trous se forment et le travail précédent est comme annulé. Il y a aussi le fait que cette route (ce chemin) est empruntée parfois par des camions et que ceux ci ébranlent encore plus la structure. Il faudrait certainement refaire la route en profondeur, mais cela coute cher et les travaux de cette ampleur ce n’est pas drôle pour les usagers.

Je sais que toute métaphore a ses limites, mais ce chemin évoque pour moi les trous  (les blessures diraient certains) qui sont en nous, qui se forment et se reforment au fil du temps et des événements que nous sommes obligés de vivre et que les trous liés au passage des camions (qui ne doivent pas prendre ce chemin) sont comme ces traumatismes qui détruisent la personnalité en profondeur. 

Ces trous comment empêcher qu’ils ne deviennent des danger ? Comment éviter qu’ils ne s’agrandissent, qu’ils envahissent tout, qu’ils détruisent ? Comment réparer ces trous ? Faut il les combler (bricolage) et c’est déjà mieux que rien car la route redevient praticable au moins pour un temps, ou faut il refaire toute la route avec la lenteur que cela implique et voir même en interdire le passage durant un certain temps ?


Pour le dire encore autrement, je pense que lorsque quelqu’un  a souffert de maltraitances durant son enfance, on peut dire que sa vie psychique est remplie de trous. Certaines prises en charges permettent de remblayer les trous et heureusement cela permet un mieux être. Mais la question que je me pose est la suivante : comment refaire la route toute entière ? Refaire la route, ce serait la guérison… Mais est ce possible ?


Il fut un temps où seule la psychanalyse était la thérapie qui permettait non pas de guérir (la guérison étant donnée par surcroît), mais de redevenir sujet. 


Aujourd’hui, il existe de multiples thérapies qui permettent un mieux être, mais ne sont elles pas parfois seulement des rustines ? On parle beaucoup de cure de guérison, de cure d’âme (ce qui était quand même un des premiers noms donné par Freud à sa méthode du parler), mais qu’est ce que guérir ?


Je veux dire que toute thérapie n’est pas guérison. Parfois elle colmate le trou, ça va mieux, mais si à nouveau le temps de dégrade, un trou va se former ailleurs et la route continue à s’abimer. Ces rustines sont indispensables, mais elles peuvent faire illusion.


La guérison c’est autre chose.


 


Quand Jésus dit au lépreux : je le veux, sois purifié, il se passe quelque chose d’autre, car venant de Lui, ce n’est pas seul l’extérieur qui est rendu propre et net, mais aussi l’intérieur. Que lépreux au lieu d'aller au temps comme le lui a ordonné Jésus, se mette  à raconter ce qui lui est advenu, c'est peut être justement parce que tout l'être a été renouvelé, qu'il a vécu une naissance et que sa joie il veut la faire partager. 







Freud parle d’abréaction dans les psychanalyse. C'est un mécanisme qui transcende complètement la démarche analytique, qui fait que brusquement les choses prennent sens et cessent de faire poids. "C’est le processus de décharges émotionnelles qui, en libérant l'affect lié aux souvenirs d'un traumatisme jusqu'alors refoulé, en annule les effets pathogènes". Ce qui se passe est imprévisible, il faut bien entendu que le cadre soit suffisamment sécurisant pour que cela puisse advenir. Cela se passe dans et par le corps. C'est le  moment où le patient redevient sujet de lui même et même sujet parlant (le parle être dirait Lacan), même s’il ne parle pas. Il se sent exister, il se sent libre. Et cela n’est pas lié à la parole de l’analyste: ce n'est pas de la magie, c'est un autre phénomène qui pour moi est spirituel et non psychologique. 

La guérison telle que j’ai envie de la concevoir n’est pas la fin d’un symptôme si gênant soit il, mais la possibilité de devenir un vivant parmi d’autre, un être debout.





Pour les personnes qui ont été des victimes (et bien souvent elles continuent à l’être mais sous d’autres formes car l’inconscient cela fonctionne)  il y a la possibilité dans un temps premier et fondamental de dire l’abus, d’être entendue et reconnue non plus comme « responsable » de ce qui est arrivé, coupable, porteur de honte et d’opprobre, mais comme une victime. Mais ensuite de ce statut il faut pouvoir sortir.



 Récemment j’entendais une prédicatrice dire en parlant de la guérison du paralytiqueMarc 2,1-12 : "porter son lit, c’est passer du statut de victime au statut de témoin" et j’ai trouvé cette phrase admirable car la personne qui a été victime a alors un rôle, une place, un devoir.  




Si les groupes chrétiens qui se centrent sur la guérison des blessures (ce sont ceux que je connais un peu) fonctionnent assez bien, c’est qu’il y a à la fois le phénomène de groupe qui donne un contenant sécuritaire, sans risque, qui permet une certaine détente, et surtout la présence non pas du thérapeute humain, mais de l’Esprit Saint, qui est le tiers qui permet le renouvellement  et pour certains la guérison c’est à dire à la fois la cicatrisation des blessures, mais aussi des séquelles invisibles de ces blessures et surtout la vivification de l’être.


 Les personnes qui ont vécu un abus, ont une partie d’elle même qui est morte ce jour là et la guérison ce n’est pas tant la remémoration des actes, ou la fin de la souffrance, mais de redevenir vivant, entier, unifié.


Il est évident aussi que le thérapeute n’est que le vecteur et que même s’il a une bonne technique et un grand respect de la personne, il n’est pas le guérisseur.


La guérison est une démarche spirituelle, Je veux dire que l’abréaction (ou la catharsis dont parlait Aristote : « Nous voyons ces mêmes personnes, quand elles ont eu recours aux mélodies qui transportent l'âme hors d'elle-même, remises d'aplomb comme si elles avaient pris un remède et une purgation » est autre chose que le fruit d’une technique thérapeutique.

C’est une expérience vécue dans un cadre particulier, avec une ou des personnes qui permettent enfin la sécurité, mais qui est une guérison voire une nouvelle naissance, Celui qui vient au monde ce jour là (et c’est bien souvent dans les larmes qui lavent et purifient) est un homme nouveau ou renouvelé, mieux armé aussi pour supporter les aléas de la vie qui ne viendront plus s’accrocher sur le vécu pathogène (qui lui est enfin comme désaccroché, désolidarisé du rocher de la personnalité) sans pour autant être oublié ou nié.

Si l’acte du pardon est si difficile et si long dans le temps (je me souviens avoir vu des reportages sur des groupes de paroles aux Etats Unis, où le pardon pouvait parfois être donné après des années et des années de travail , sans d’ailleurs que l’on puisse prévoir quoique ce soit quant à la possibilité de cet acte), c’est qu’il n’est possible que lorsqu’il y a eu guérison et non colmatage.

Bien entendu il est indispensable d’utiliser toutes les techniques thérapeutiques qui permettent de mieux vivre, mais peut être faut il accepter que la guérison est un moment imprévisible, qui prend tout l’être et qui l’ouvre à une dimension intérieure qu’il avait comme oubliée.



Peu importe le nom que l’on donne à cette ouverture : Energie, Energie Divine, Esprit Saint, mais peut être que le simple fait de reconnaître et de savoir que cette Energie existe, et qu’elle peut agir si on lui en donne le droit, permet la guérison qui permet de vivre libéré du mal que l’on a subi.

La guérison permet de créer quelque chose à partir de ce vécu de mort ou pour reprendre mon image de la route, de faire une nouvelle route, bordée d’arbres, où le chant des oiseaux pourra se faire entendre et où il fera bon marcher avec d’autres. 

mercredi, janvier 12, 2011

Iconoclaste

Il y avait longtemps...



Entendu souvent ces derniers temps: "fais briller sur nous ton amour".. Je ne savais pas qu'il y avait une poudre pour récurer l'amour, pour le faire briller comme un sou neuf. Est ce que par hasard l'amour de Dieu pourrait se ternir? Bref, bizarre.

 "Que ta Grâce nous permette d'accueillir tes grâces" Je suppose que je chipote, mais là j'ai l'impression d'un dialogue de fou. Si on n'a pas la Grâce initiale alors on ne peut accueillir les autres , et si les autres permettaient justement de comprendre comme le dit Paul ce qu'est la Grandeur, la profondeur... Bref, ridicule.Ou alors on s'adresse à Dieu comme à un Roi, on l'appelle Votre Grace et on lui demande, mais que Lui demande t on? J'ai vraiment l'impression qu'on se mord la queue.


Et surtout.....

Pentecôte

résurrection
nativité


J'ai l'impression que dans le déroulement de l'année liturgique on passe sa vie à attendre non pas la commémoration d'un événement (ce qui serait normal) mais l'événement lui-même alors qu'il est dépassé depuis des siècles. Actualiser c'est bien, mais point trop n'en faut.

Oui il faut préparer les chemins ou le chemin du Seigneur, mais la préparation ne doit pas devenir une fin en soi, devenir plus importante que la la venue et la présence.

Ne dit on pas avant chaque célébration: "Préparons nous à la célébration de l'eucharistie en reconnaissant que nous sommes pécheurs.."

Certes il y a un avant et un après et pour la messe, il faut souvent laisser ce qu'on était en train de faire, et se mettre dans un autre temps, le temps de Dieu et cela ne se fait pas par enchantement. Cela c'est notre condition d'hommes et il est bon d'en tenir compte. Au Prieuré bien souvent avant que la célébration ne commence il est demandé de faire silence autour de soi et en soi et ce moment est une bonne chose.

Je sais que lorsqu'il y a commémoration de la nuit pascale (Haggada de Pâques) il s'agit à la fois de faire mémoire de ce fait du passé qui a fait sortir le peuple choisi de l'esclavage, mais de reconnaître que c'est aujourd'hui que Dieu continue à agir ainsi. Cela je le comprends et l'admets tout à fait. C'est ce qui se joue à chaque eucharistie.

Mais j'ai l'impression que dans l'année liturgique, la préparation devient plus importante que l'événement qu'il y a comme une chosification de ce que nous commémorons. Il y a durant ces temps de préparation une espèce de recherche de l'indignité de l'humain de la peur de la colère si nous ne changeons pas, et ce temps qui devrait être un temps de joie pour moi perd sa puissance de vie.

Certes Jésus s'est incarné un jour du temps, mais aujourd'hui l'important c'est que cette incarnation qui a permis que la relation entre l'homme et Dieu (le divin) devienne une relation vivante, agissante, transformante.

 Que nous nous inclinions devant ce que Dieu a choisi de faire oui, que nous contemplions ce Dieu qui a pris chair d'homme oui, mais en ne dissociant pas la naissance du reste.

Aujourd'hui il n'est plus ce bébé, il n'est plus cet homme mort sur une croix, il est celui qui nous a donné l'Esprit qui nous fait entrer dans le coeur de Dieu et c'est cela qui est important.



Quand on célèbre un anniversaire, on se réjouit de ce que la personne soit encore vivante, qu'elle entre dans sa deuxième ou dixième ou centième année. On se réjouit d'une victoire sur la mort, et on souhaite à la personne de continuer à être victorieux dans la suite.

A la limite Noël ce serait se réjouir que plus de 2000 ans après sa naissance Jésus soit encore célébré, connu, reconnu, que des hommes donnent leur vie pour Lui.

Oui Jésus est venu dans notre monde un jour du temps, oui je peux faire semblant que ce jour ce soit aujourd'hui, oui je peux me préparer (comme on me le demande à cela en m'extasiant devant la grandeur d'un dieu qui choisit de devenir homme) mais pour moi Jésus est le vivant, le ressuscité.

Peut être que ce travail de mémorisation est nécessaire, mais il ne doit pas devenir une sorte d'idole.

Je peux m'identifier aux rois mages devant ce bébé, je peux regarder ces épiphanies, ces théophanies, mais sans jamais les chosifier.

Alors oui à l'avent, qui renvoie à l'incarnation (plus qu'à la naissance)  oui au  carême (qui renvoie peut être plus à la résurrection qu'au décès) , oui au temps pascal qui renvoie déjà à l'effusion de l'Esprit, oui à tout ce qui met en nous la puissance et la force de la vie et non la stagnation.