vendredi, septembre 30, 2022

Luc 15 et Nb 21: J'ai péché contre le Ciel et contre toi.

 Livre des Nombres (Nb 21) et Parabole du fils perdu: "J'ai péché contre le ciel et contre toi". 

 

Il se trouve que, juste après la lecture du chapitre 15 de Luc, la liturgie de semaine propose, pour la fête de l'exaltation de la croix, le texte du livre des Nombres (Nb 17, 4-9) qui est presque toujours associé à ces fêtes de la croix. L'extrait proposé rapporte l'incident où, une fois de plus, les fils d'Israël n'en peuvent plus de ce désert dans lequel Moïse les a entraînés pour qu'ils soient libérés de l'esclavage égyptien. Ils n'en peuvent plus de cette manne... Car quoi qu'en dise le livre de la Sagesse (Sg 16,20) - "À l’inverse, tu donnais à ton peuple une nourriture d’ange; tu envoyais du ciel un pain tout préparé, obtenu sans effort, un pain aux multiples saveurs qui comblait tous les goûts" -, il devait bien avoir toujours le même goût ou certainement la même texture, et il y a de quoi s'en lasser.  

 

Et les voilà qui récriminent; c'est leur bouche qui profère cela. Le terme récriminer doit être très en deçà de la réalité. Je pense que des injures devaient être proférées.

 

Du coup, c'est un peu la loi du talion; ils sont punis par où ils ont péché. 

Dans leur bouche il y a des paroles brûlantes de haine ou de colère contre leur Seigneur; et apparaissent des serpents venimeux, à la gueule brûlante, qui les mordent (comme eux ont mordu et Moïse et le Seigneur) et en font périr un grand nombre. 

 

Alors, dans l'épreuve, vient la réflexion: si nous n'avions pas récriminé contre le Seigneur et contre Moïse, cela ne serait pas arrivé. Ce qui nous arrive c'est une punition. Et du coup, même si c'est un peu simpliste, un peu infantile, un peu pensée magique, les voilà qui font le lien entre leurs injures et les morsures. 

 

Et c'est tout penauds qu'ils vont voir le seul qui peut trouver une solution. C'est la phrase de reconnaissance du péché, de la faute: "Nous avons péché contre Dieu et contre toi " 

 

Puisque toi, tu es l'ami du très Haut, puisqu'il te parle comme un ami à son ami, fais quelque chose pour nous. Nous reconnaissons que nous avons dû l'offenser par nos récriminations et oublier tout le bien qu'il nous a fait, (on peut noter qu'ils ne demandent pas pardon, comme on le ferait aujourd'hui). C'est à Moïse d'intercéder pour que ces attaques cessent. 

 

On peut d'ailleurs remarquer que bien souvent dans la suite il suffira, par exemple à David ou même au roi Achab, de reconnaître leur faute, de s'humilier devant Dieu, pour que la sanction, sans être forcément levée, soit allégée, ou déplacée dans le temps.

 

Après le meurtre de Nabot, on peut lire (1R 21, 27): Après avoir entendu les paroles d'Elie, Achab déchira ses habits, se couvrit d'un sac à même la peau et jeûna. Il dormait avec ce sac et il marchait tout lentement. 28 La parole de l'Éternel fut adressée à Elie le Thishbite:. 29 «As-tu vu qu'Achab s'est humilié devant moi? Eh bien, parce qu'il s'est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur durant sa vie. Ce sera pendant la vie de son fils que je ferai venir le malheur sur sa famille.»,

 

Ou encore dans les Chroniques (2Ch 33, 12): Manassé s'humilie devant le Seigneur, et l'Éternel se laisse fléchir.

 

Je ne m'attarderai pas sur la suite: la confection du serpent d'airain, dressé sur un mat, et qui permet à celui qui le regarde d'être sauvé de la mort, à défaut de la douleur de la morsure.  

 

Mais ce qui m'a frappé, ce qui a résonné en moi, c'est que le début de la demande du peuple est, à un mot près (ciel à la place de Dieu), la même phrase qu'élabore le fils prodigue dans sa misère: "Je me lèverai et j'irai vers mon père, et je lui dirai : J'ai péché contre le ciel (Dieu) et contre toi, je ne suis pas digne d'être appelé ton fils. Traite-moi comme l'un de tes ouvriers."

 

Cette parabole des deux fils est racontée par Jésus pour que les pharisiens renoncent à leur perception d'un Dieu qui punit, qui juge; pour qu'ils comprennent sa bonté, sa fidélité et sa miséricorde. 

Alors, entendre cette phrase, qu'est-ce que cela peut générer en eux? 

 

Se rendent-ils compte que, comme le fils cadet, ils sont coupables de ne pas faire confiance en l'amour de ce père, qui sans se lasser, attend le retour de son fils; fils qui, certes, n'a pas été emmené en exil, mais qui s'est exilé lui-même? Donc que, contrairement à ce qu'ils peuvent penser, eux aussi sont attendus. Et pas seulement ceux qu'ils considèrent comme des pécheurs?

 

Se rendent-ils compte que cet homme, Jésus, pourrait être, comme un nouveau Moïse, un intercesseur entre eux et leur Dieu? Cela semble inimaginable, mais sait-on jamais. Il suffit parfois que la parole tombe dans un bon terrain pour qu'elle fructifie et rapporte ce qu'elle peut rapporter. Je veux dire que peut-être certains des auditeurs de Jésus l'auront entendu cette parole, cette parabole, et qu'elle aura porté du fruit.

 

Se rendent-ils compte qu'eux aussi, malgré tout leur savoir, parfois malgré leurs richesses - et leur amour de l'argent reproché par Jésus - sont cependant dans un temps de famine? Qu'il leur manque quelque chose? Qu'ils sont dans le besoin? Est-ce que cette parabole va leur ouvrir les yeux? 

 

Se rendent-ils compte qu'ils ont besoin de Jésus pour aller vers cette vie éternelle qu'ils cherchent avec une telle ferveur, alors qu'ils sont étouffés par leur savoir? 

 

Je ne sais pas. Mais je sais que cette petite phrase venue d'un livre ancien, ce livre qui raconte ce temps d'exil dans le désert, m'a permis d'entendre un peu autrement cette parabole des deux fils.: de ne pas oublier que Jésus, le nouveau Moïse, nous fait sortir de notre terre d'exil, à condition tout simplement que nous reconnaissions que seuls nous ne pouvons pas faire la traversée. Bien souvent nous nous empêtrons dans des tas de règles qui ne servent à rien, qui rigidifient tout alors qu'il suffit de reconnaître notre impuissance pour que, avec nous, il intercède son père pour que la terre promise nous soit donnée. Et enfin ce serait ne jamais oublier cette figure du père, de ce père chaleureux, qui attend ce simple retournement vers lui pour ouvrir les bras, et accueillir. 

 

Pour faire parler Jésus, ou pour le laisser raconter, lui, dans la mesure où j'ai réfléchi sur ce verset que l'on trouve à la fois dans l'évangile et dans le livre des Nombres, je ne peux pas utiliser comme je le fait d'habitude le texte de l'évangile de Luc. J'ai besoin de celui de Jean, de la rencontre avec Nicodème (Jn 3), car c'est là que l'on trouve en filigrane la présence du texte des Nombres, avec la phrase: "Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi". C'est un verset que j'aime énormément. Souvent quand je l'entends, je vois, parce que j'ai fait des études scientifiques, la limaille de fer attirée par un aimant: Jésus, l'Aimant, sur la croix, élevé entre terre et ciel, attire à Lui tous ceux qui veulent bien le reconnaître, et leur donne la Vie. 

 

Jésus raconte - Jésus nous raconte.

 

Je ne suis plus tellement loin de terminer le temps qui m'a été imparti sur cette terre. Ma mort approche de jour en jour. Et de jour en jour, aussi grandit l'écart, l'incompréhension, entre ma bonne nouvelle, celle du Père qui est là pour tous ses enfants, pour tous ceux qui le reconnaissent qu'ils sont besoin de lui pour entrer dans le royaume, et les pharisiens; qui m'en veulent de plus en plus, pour tout et pour rien.

 

Je sais très bien que guérir un homme un jour de Sabbat, un homme qui n'a rien demandé, mais qui pourtant est venu parce que moi, j'étais invité au repas, ce jour-là par un notable pharisien, cela les choque. Ils ne veulent pas entendre, pas comprendre, que je suis là, que mon père est là, pour sauver, pour donner la vie. Et la vie, cet homme malade en avait besoin. 

Alors, une fois de plus, j'ai voulu leur faire comprendre que certes, ils peuvent penser être justes, parce qu'ils respectent certaines prescriptions de Moïse... Ils en ont rajouté tellement d'autres, avec leur tradition des anciens, qu'ils ne sont plus si justes que cela, et eux aussi ont besoin de conversion; mais cela ils ne veulent pas l'entendre. Avec Jean c'était déjà la même chose.

 

La parabole que je leur ai racontée parle de deux fils, de deux frères. Le cadet, celui qui si souvent dans nos écritures est le mieux aimé, celui qui est choisi, comme Abel, comme David, celui-là décide de partir, de faire sa vie, alors que l'autre reste près du père; mais il reste là parce que ça ne se fait pas de partir, et qu'il est sûr d'hériter du domaine en bonne et due forme par la suite. Son père, il le sert, mais au fond il ne l'aime pas. 

 

Le petit, qui est parti pour avoir la belle vie, un jour, parce qu'il a tout perdu, parce qu'il se sent dans les griffes de la mort; quelque chose en lui se réveille. Bien sûr, c'est intéressé, mais si j'ai mis dans sa bouche la phrase que disent nos ancêtres qui, dans le désert, avaient récriminé contre Moïse et contre mon Père et qui avaient été confrontés à la mort par l'attaque de serpents venimeux, ce n'est pas pour rien.

 

 La faim, c'est un peu comme un serpent, ça vous brûle en permanence. Les anciens, eux, ont compris que s'ils n'avaient pas récriminé contre Moïse et contre le Seigneur, cela ne serait pas arrivé, et ils ont reconnu, comme le garçon le reconnaît, qu'ils ont péché contre le Seigneur et contre Moïse; et cette reconnaissance donne le remède.

 

Accepteront-ils de me regarder, le jour où ils m'auront suspendu au bois de la croix, pour reconnaître que je leur donne cette vie éternelle, qu'ils essayent d'attraper, de posséder comme un dû? 

 

La fin de mon histoire montre la jalousie entre les deux frères. Quand l'aîné entend le son des flûtes, et qu'il sent les bonnes odeurs du festin, il est incapable de se réjouir. Il reproche à son père d'accueillir le paria, celui qui de son point de vue est devenu un maudit, un intouchable, et de lui donner l'amour dont il avait besoin. Acceptera-t-il de partager ce repas de fête, lui qui est dans la haine? Et eux, ils sont dans la haine.

 

Pourquoi refusent-ils de comprendre que je suis le Berger, le bon Berger qui donne sa vie pour son troupeau et pour ses brebis; pourquoi refusent-ils de comprendre que la miséricorde est tellement plus importante que la condamnation; pourquoi refusent-ils de comprendre que je ne suis pas venu pour condamner; que je suis la lumière du monde? Pourquoi restent-ils dans leur aveuglement? 

 

Oui, il me reste peu de temps. Bientôt je serai à Jérusalem, ce sera la Pâque, et je serai l'Agneau Pascal. Comprendront-ils qu'une fois élevé, j'attirerai tout à moi? 

  

mardi, septembre 13, 2022

Lc 15;1-32. Les trois paraboles de la joie: quand un pécheur se convertit - 24° dimanche du temps ordinaire année C - Septembre 2022

  

La parabole du fils prodigue, nous l'avons entendue pendant le temps du Carême (année C), et la revoilà pour ce 24° dimanche du temps ordinaire, de cette même année C. 

 Pour ma part, j'ai proposé au fil des années plusieurs regards sur ce passage de Luc. Celui du père, https://giboulee.blogspot.com/2016/09/les-paraboles-de-la-misericorde-luc-15.html

celui de l'aîné, qui semble rempli d'envie et de rancœur,  https://giboulee.blogspot.com/2021/03/luc-15-32-32-il-fallait-festoyer-et-se.html et enfin celui de ce fils qui a pris un jour de sa vie la clé des champs pour faire une expérience de ce qu'il pensait être la liberté:  https://giboulee.blogspot.com/2021/03/luc-15-14-il-fait-tout-depense-quand.html . Donc trois regards sur cette parabole du fils perdu et retrouvé comme on dit aujourd'hui. Comme le font remarquer certains, il s'est perdu tout seul, un peu comme la brebis, mais personne n'est vraiment parti à sa recherche. Et on assiste plutôt à des retrouvailles dans ce texte, du moins pour ce fils-là, car pour l'aîné, on est plutôt dans une scène de rupture. 

 

 Peut-être manque-t-il le regard de Jésus. Qu'est ce qui le pousse encore et encore à essayer de convertir ces pharisiens qui par certains côtés ont comme lui un amour dévorant pour la parole, pour son père, mais qui se sont enraidis à vouloir obéir sans discerner ce qu'il en est de la volonté de Dieu, et peut-être à se façonner un Dieu à leur image.  Dans le chapitre qui précède celui qui nous est proposé aujourd'hui, il avait été question de la guérison de l'homme atteint d'hydropisie, un jour de Sabbat dans une synagogue. Jésus avait posé une question aux pharisiens qui sont là: "Est-il permis oui ou non de faire une guérison le jour du Sabbat", question presque analogue à celle qu'il avait déjà posée lors de la guérison de l'homme à la main desséchée dans une synagogue. Devant l'absence de réponse, Jésus guérit l'homme et le renvoie chez lui. Mais quand j'entends ce texte, je l'associe automatiquement à ce qui passe dans l'évangile de Marc, lors de la guérison de l'homme à la main desséchée (Mc 3,1-6),où l'évangéliste rapporte que devant l'absence de réponse à sa question 'Est-il permis un jour de sabbat de faire le bien ou de faire le mal, de sauver une vie ou de la perdre', il promène sur eux un regard navré de colère (trad B.J.), ce qui traduit bien sa tristesse devant cette rigidité. 

 

Alors peut-être qu'un jour je laisserai la parole à Jésus, car je me demande parfois si ce fils qui quitte la maison de son père, non pas pour brûler la vie par les deux bouts, mais pour se frotter à nous qui sommes infréquentables et nous aimer encore et encore, et donner sa vie pour que nous puissions retourner à notre maison, ce n'est pas lui ce fils prodigue qui distribue tout. 

 

Mais j'ai choisi de laisser parler un pharisien, un de ceux pour lesquels ces trois paraboles, ces trois histoires sont racontées; peut-être un de ceux qui n'a pas du tout apprécié cette guérison un jour de Sabbat et les réflexions de Jésus sur ceux qui se précipitent sur les premières places au cours d'un repas, et inviter ceux qui ne peuvent rendre l'invitation; sans parler de cette parabole où ceux pour lesquels un repas de noces, préparé de longue date, sera finalement donné à d'autres, qui n'en sont peut-être pas dignes au regard des pharisiens.  

 

Un pharisien raconte.

 

Ce qui est sûr, c'est qu'il faudra bien trouver un moyen pour le faire taire, ce Jésus de Nazareth. Il se prend pour un prophète, pour l'envoyé. Il ose dire qu'il est le maître du Sabbat. Il ne réprimande pas ses disciples quand ils transgressent l'interdiction de tout travail agricole le septième jour. Il fait des guérisons ce jour-là, alors qu'il y a six autres jours dans la semaine pour venir se faire guérir. Il risque de pervertir nos propres disciples. 

 

Et parfois, pourtant, il dit et il enseigne de beaux préceptes. Ne dit-il pas qu'il faut aimer et prier pour ses ennemis, donner tout ce que l'on a et tout ce que l'on est? Sauf que, de cela, qui en est capable? Mais sa prédilection pour les pécheurs, pour les femmes de mauvaise vie, pour les collaborateurs, est vraiment insupportable. Il se permet de nous donner des leçons de morale: ne pas prendre la première place quand on est invité à un festin, mais surtout il semble vouloir nous faire comprendre que nous, nous n'entrerons pas dans le Royaume; alors qu'en respectant la Tora comme nous le faisons, c'est pourtant cela que nous désirons de toute notre force.

 

Et là, comme en nous-mêmes nous pestions parce que ceux qui le suivent, ce sont comme je l'ai dit des pécheurs et des publicains, il s'est adressé directement à nous, et nous a raconté trois histoires, ces histoires dont il a le secret. Je crois qu'il veut nous prouver qu'un pécheur, qui renonce à ses péchés, fait quelque chose de bien; et que cela est agréable à notre père céleste. Cela le prophète Ézéchiel le disait aussi.  

 

Mais je dois dire que le voir en permanence ou presque, même si ses disciples disent qu'il passe des nuits entières à prier, avec ces pestiférés, prendre ses repas avec eux, alors que toute la loi nous dit de ne pas frayer avec eux, c'est insupportable. Et pourtant il chasse des démons, il guérit des malades, et il mange avec les pécheurs. Qui est-il? Puisqu'on sait que Dieu n'exauce pas les pécheurs. 

 

Pour sa première histoire, il nous a pris à partie ou presque. Il nous a demandé si, lorsque l'une de nos brebis venait à se perdre, nous n'abandonnions pas tout le troupeau, les quatre-vingt dix-neuf autres, pour aller la rechercher. Il a parlé de brebis qui se serait perdue dans le désert. Une brebis si difficile à retrouver. Il en faut de la patience pour la faire sortir d'une crevasse, il faut espérer qu'elle ne s'est rien cassé, et il faut la porter souvent sur les épaules pour la ramener. 

 

Là, je me suis demandé de qui il parlait vraiment. De nous, de lui qui dit qu'il est venu chercher les malades, qui se prend un peu pour un berger, ou même de notre Berger, celui qu'il ose parfois appeler son Père. Parce que c'est comme cela qu'il le nomme. Ne l'avons-nous pas entendu dire: "Je te bénis Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux savants et de l'avoir révélé aux tous petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir. Tout m'a été remis par le Père, nul ne connait le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler". 

 

Et il a ajouté, ce qui est vrai, que lorsque nous retrouvons cette brebis qui s'est sauvée, qui a quitté le troupeau, nous en sommes tellement heureux que nous convions tous nos amis et que nous faisons la fête avec eux. Et pour lui, cette joie-là, elle existe aussi au ciel, pour un seul pécheur qui change de vie. Et il a même dit qu'il y avait plus de joie pour un pécheur qui se convertit que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion. Peut-être qu'il voudrait que nous nous réjouissions pour ces foules qui le suivent; et qui, d'après ce qu'on dit, pour beaucoup changent de vie? Mais là, il peut toujours rêver. 

 

Après je dirais qu'il a enfoncé le clou, en racontant l'histoire d'une femme qui avait dix pièces d'argent et qui en perd une; et qui retourne toute sa maison pour retrouver la pièce. Si c'est la pièce de la couronne de la mariée, alors oui, je la comprends. Sans la pièce, toute la couronne est bonne à jeter. Et même si c'est une simple pièce d'argent, je comprends qu'elle remue tout,  et même qu'elle allume une lampe en plein jour, pour la retrouver. Enfin ça, c'est bien un truc de femme. Qui d'entre-nous perdrait une pièce d'argent! Et il parle ensuite de la joie qui est la sienne, quand tout le travail de retourner la maison a porté ses fruits. Et de cette joie qu'elle partage avec ses amies. Et pour lui, ce serait la même chose avec les anges qui se réjouissent dans leur chœur angélique quand un pécheur se convertit.  Mais qu'est-ce qu'il en sait? 

 

Puis il nous a raconté une histoire assez différente, celle d'un homme qui a deux fils. L'un d'entre eux, je dirai que c'est le prototype de pécheur: il demande son héritage, il prend tout, il s'en va, il fait la fête, il dilapide tout. Il brûle, comme on dit, la vie par les deux bouts. Mais voilà, un jour il se retrouve sans le sou, et bien sûr sans amis. Notre livre des Proverbes nous dit de beaux enseignements sur ces insensés. Puis quand il est vraiment au bout du rouleau, il se souvient qu'il a un père, qui donne de quoi manger à ses ouvriers, comme tout bon responsable. Il faut dire qu'il y a une famine dans le pays, et qu'il est réduit à garder des porcs, ces animaux impurs, qui eux peuvent se gaver, mais pas lui. 

 

Et là en quelque sorte cette famine lui permet de réfléchir. Il décide de bouger, de ne pas rester passif à pleurer et à se lamenter sur lui: de rentrer chez son père, et de lui dire de ne plus le considérer comme son fils (ce que je trouve très bien après ce qu'il a fait); et de l'embaucher comme un de ses serviteurs. Il se dit que comme cela il aura à manger, et tant pis pour la honte. 

 

Seulement le père de cet homme ne l'entend pas de cette oreille. Imaginez-vous (enfin cela Jésus ne le dit pas) mais que, jour après jour, il attendait le retour de son fils. Et quand il le voit arriver, en haillons, sentant mauvais, mais en vie, alors que le fils voudrait disparaitre sous terre, lui, il lui ouvre les bras, et le couvre de baisers. Je ne sais pas si beaucoup de pères seraient capables de cela, une mère peut-être, même sûrement, mais un père? Dès que le fils ouvre la bouche pour lui dire la belle phrase qu'il a préparée et où il se reconnaît pécheur et indigne d'être appelé fils, il appelle ses serviteurs pour que ceux-ci le lavent, lui donnent la plus belle robe, des sandales, et même une bague et il fait organiser un grand festin, tellement il est heureux d'avoir retrouvé ce fils qu'il pensait être mort, et qui est vivant. Je ne sais pas qui il a invité, mais j'imagine toute sa maisonnée.

 

Je pense que Jésus, veut nous faire comprendre la joie qu'il peut y avoir au ciel quand un pécheur se repent, reconnaît son péché, même si finalement la motivation qui le pousse à revenir chez lui, auprès de son père, est le désir de ne plus souffrir de la faim, et non pas de demander vraiment pardon. Je dois dire que parler du très Haut comme cela, ça m'a un peu retourné. Mais Jésus a continué son histoire et là, j'ai beaucoup moins aimé. 

 

Il a parlé de l'autre fils, le fils aîné, celui qui fait en quelque sorte marcher le domaine. Il est un peu comme un super-intendant. Car le fils revient des champs, fatigué, épuisé par sa journée de travail, et il entend le bruit de la fête. Il n'en croit pas ses oreilles, et il demande ce qui se passe. Un serviteur lui dit que son père a fait tuer le veau gras parce que son frère est revenu, et qu'il est en bonne santé. 

 

Alors là, il se met très en colère; et je le comprends, parce que ce n'est pas juste. Il est tellement en colère qu'il ne veut pas participer au festin. Il dit à son père qu'il fait la fête pour ce malpropre, alors que pour lui, le père n'a jamais rien donné, et que vraiment ce n'est pas normal. Et le père de lui dire qu'il pouvait demander et même se servir sans demander, et là le fils a ouvert des grands yeux, jamais il n'avait imaginé que son père pouvait être comme ça. Puis il ajoute qu'il fallait bien faire la fête parce que son frère est revenu à la vie. 

 

Ce que fera ce fils, Jésus ne le dit pas. Est-ce qu'il va entrer dans la maison, pour faire plaisir à son père, pour lui obéir, mais comment va-t-il réagir quand il verra son frère? Car l'ignorer, il ne peut pas le faire. Peut-il entrer dans la joie? C'est vraiment très difficile, ce qui lui est demandé là. Et là, si moi, j'étais ce fils, je ne sais pas ce que j'aurai fait. 

 

Est-ce que notre Dieu, qui nous a dit "Soyez saints comme je suis saint" peut nous demander de nous réjouir quand un pécheur se convertit? Notre tradition ne parle-t-elle pas des colères de notre Dieu, qui est - comme il l'a révélé à Moïse - un Dieu certes plein d’amour et de vérité, qui garde sa fidélité jusqu’à la millième génération, et supporte faute, transgression et péché, mais ne laisse rien passer, car il punit la faute des pères sur les fils et les petits-fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération? 


Quand je pense à tout ce que ce fils a fait comme péchés, imaginer que notre Dieu, Béni soit-il, puisse dans son paradis faire un festin de noces pour un pécheur qui montre son repentir, c'est pour moi impensable et presque blasphématoire. 

 

Alors oui, ces trois histoires sont bien jolies, mais moi je lui en veux à Jésus. Nous les pharisiens nous n'aimons pas les pécheurs, nous les fuyons,  parce que nous avons peur qu'ils soient un peu comme des lépreux et qu'ils puissent nous souiller, nous contaminer. Nous n'invitons pas n'importe qui chez nous, nous ne faisons pas la fête quand nous apprenons que l'un d'entre eux a renoncé à péché mais nous, toute notre vie est effort pour être agréables à Dieu. 

 

Faut-il être un pécheur pour être aimé de Lui? Je ne sais plus, je ne sais pas, mais je sais qu'un jour Jésus nous a reproché de ne pas entendre les prophètes, ceux qui disent que le sacrifice qui est agréable à Dieu, ce ne sont pas les taureaux ou les chevreaux, mais la pratique de la miséricorde. Et là, le Dieu qu'il nous présente, c'est ce Dieu de miséricorde, ce Dieu d'Amour. Mais est-ce ce Dieu-là dont moi je veux pour sauver notre peuple? Je dois dire que je ne sais pas.

 

Et tandis que je me faisais cette réflexion, une pensée étrange m'est venue. Ce Jésus dit (ou certains pensent) qu'il est le fils du très Haut; d'ailleurs il se présente parfois comme le "Fils de l'homme". Et si c'était lui le fils que nous considérons comme indigne, venu d'en haut pour se commettre avec nous les hommes, nous qui sommes tous pécheurs - car cela je dois le reconnaître; et qui viendrait nous sauver? 

 

Je n'aime pas cette pensée, parce que le messie doit être un descendant de David, et que celui-là il vient de Nazareth. Alors attendons et veillons à la pureté, et battons-nous pour que la loi soit respectée et que notre Dieu vienne visiter ton peuple et faire le grand ménage.On verra alors si ce Jésus, est bien le Messie. Mais en attendant, nous veillerons. 

  

vendredi, septembre 02, 2022

Lc 5, 1-11. L'appel des premiers disciples sur le lac. 1° septembre 2022

Une  pêche improbable.

 

Cet épisode de pêche miraculeuse ne se trouve que dans l'évangile de Luc; il signe en quelque sorte la conversion de deux familles de pêcheurs, celle de Simon et celle des fils de Zébédée; des hommes faits; sûrement pas des intellectuels. 


Ce qui me frappe c'est qu'il n'y a pas d'appel, contrairement à ce qu'on peut lire dans l'évangile de Marc; ce qui laisse à supposer que ce qui a été vécu ce jour-là a provoqué un tel changement intérieur que ces hommes laissent tout pour suivre Jésus, qui, même si sa réputation commence à être connue, n'est quand même qu'un petit guérisseur, un petit prophète, comme il devait y en avoir tant d'autres. Le fait que dans cet évangile Jean ait été arrêté, mais non mis à mort, peut désigner Jésus comme un successeur possible; mais il semble bien que les disciples de Jean restent fidèles à Jean. 

 

Ce qui m'a paru intéressant, c'est ce qui se passe sur la barque, car il est dit que Simon tombe à genoux devant Jésus (ce qui sur des poissons n'est pas évident), et qu'il dit "éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur", et qu'il est rempli d'effroi. Cela me fait penser à ce qui se passe dans le temple, lors de la vision d'Isaïe Is 6,5 "Je dis alors :" Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures: et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! " Je pense que Simon fait, là, l'expérience du divin, de la Présence, et cette expérience-là lui permet de partir à la suite de cet homme, qui est certes un homme comme tous les autres, mais qui est tellement plus que cela: qui est signe de la Puissance du Dieu. 


C'est ce que le récit de Simon essaiera de montrer, en repartant de ce qui s'est passé dans la synagogue, et dans la maison de sa belle-mère.

 

Mais tout d'abord, le texte.


Le texte.

 

 

1 En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu, tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth.

2 Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets.

3 Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’écarter un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait les foules.

 

Les propriétaires des barques sont à terre et lavent les filets. Jésus commence par être étouffé par la foule, donc la solution pour continuer, c'est prendre une barque. Et il prend celle de Simon. A-t-il un projet en tête à ce moment-là? 

 

4 Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche. »

5 Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. »

 

Et c'est peut-être la manière de remercier que Jésus a trouvé. Lui donner plein de poissons. Il s'agit donc de ramer, de partir au large, d'avoir des filets dans la barque et de les jeter. Mais en plein jour, cela ne se fait pas. Si, même la nuit, ils n'ont rien pris, qu'en sera-t-il dans la journée.

 

6 Et l’ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer.

7 Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient.

 

Et c'est l'abondance, la surabondance. Il faut l'aide des deux autres. C'est étonnant que la deuxième barque soit là. Mais c'est important de pouvoir compter sur les frères, sur les autres. Ce qui me surprend un peu, c'est les filets qui allaient se déchirer, ce qui laisse à supposer que la pêche retournerait dans le lac, or ils ne se déchirent pas, malgré le grand nombre de poissons et les barques qui enfoncent mais qui ne chavirent pas. Quand le Seigneur fait quelque chose, il le fait bien. 

 

8 À cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. »

9 En effet, un grand effroi l’avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêché ;

10 et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon.

 

A quoi est dû ce grand effroi que l'on a déjà entendu avant-hier après l'expulsion de l'esprit Impur. La réaction de Simon évoque à minima celle d'Isaïe dans le Temple. Mais c'est bien le questionnement par rapport à Jésus; il n'est pas un simple prophète, ou alors il est comme Elie: il est rempli de puissance et de force; et c'est le contact avec le Divin, et cela est inquiétant. Simon a peur: Dieu ne répond pas aux pécheurs, mais à ceux qui sont emplis de sa présence. Simon se reconnait pécheur, et peut-être qu'il a peur d'être foudroyé sur place. 

 

Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras.»

 

Je suppose que dans cet évangile, c'est la première fois que cette phrase: sois sans crainte, arrive. N'aie pas peur: je te veux du bien; je veux ton bien. Et un jour, ce sont des hommes que tu prendras, comme moi.

 

11 Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.

 

Cet effroi me plaît. Car il y a aussi cela en Jésus et j'ai (on) a tendance à l'oublier. Il est pleinement homme, mais tellement autre, tellement différent que cela peut faire peur; et on oublie trop facilement qui il est; et en même temps, certes il y a ce miracle, mais aussi l'expression d'une gratitude. Tu m'as prêté ta barque, elle était vide, et la voilà pleine pour ta famille. Et tu m'as fait confiance, et tu m'as accueilli chez toi. 

 

Comment raconter cet épisode:

 

Pour raconter ce qui vient de se passer, je suis volontairement restée dans le récit lucanien. Contrairement à l'évangile de Jean, où Simon est choisi grâce à son frère André, dès le tout début de la mission de Jésus, rappelons que Jésus après son baptême et les tentations au désert, commence sa mission en Galilée. On ne sait pas trop ce qui se passe, mais l'accueil à Nazareth montre que des guérisons ont déjà été accomplies., puisque Jésus ne peut pas faire grand chose, à cause de leur manque de foi. Après avoir été rejeté de sa ville natale, Jésus arrive à Capharnaüm, avec déjà une certaine réputation. Il chasse un démon impur, et semble ensuite s'inviter chez Simon. Il guérit sa belle-mère, guérit ensuite beaucoup de malades et de possédés, s'en va dans un lieu désert (pour prier, dit Marc), et dira à ceux qui le cherchent qu'il lui faut annoncer le règne de Dieu et qu'il proclame l'évangile dans les synagogues des pays des juifs. On peut donc supposer que Jésus a quitté Capharnaüm, et qu'en y revenant, il est normal qu'il demande à Simon de lui prêter sa barque, puisqu'ils se connaissent et que Simon d'une certaine manière est en dette par rapport à lui. . 


Et ce qui va se passer là, c'est quelque chose qui marque Simon tellement en profondeur, qu'il va tout quitter pour suivre cet homme, alors que contrairement à ce qui se passera pour l'appel de Lévi, il n'y a pas d'appel à proprement dit, mais le vécu, le chamboulement intérieur qui suit. L'expérience de la Présence de Dieu dans cet homme provoque le désir profond de tout quitter et de le suivre. C'est ce qui se passe au plus profond qui provoque le changement de vie. 

 

Simon raconte:

 

Par le plus grand des hasards j'étais à la synagogue, lors du dernier Sabbat. Je suis pêcheur, et parfois je reconnais que je pêche alors que cela n'est pas autorisé, mais je dois faire vivre ma famille. Et là, il y avait cet homme, Jésus, qui a commenté les écritures. Pour une fois, je ne me suis pas endormi. Avec lui, c'était vivant, c'était concret et je me sentais concerné. Et tout à coup, un homme s'est mis à lui crier dessus, à l'interrompre. Cet homme était possédé, et Jésus a menacé l'esprit impur qui était en lui, avec une autorité étonnante. Je voyais bien qu'il n'était pas impressionné, qu'il n'avait pas peur, alors que moi, j'avais peur. Il a ordonné à l'esprit de la fermer et de partir, et c'est ce qui s'est passé. Tous nous étions remplis d'effroi devant ce qui venait de se passer. Et le service a repris. Jésus m'a demandé de le recevoir. J'ai accepté; cela m'ennuyait, parce que ma belle-mère est malade. Mais je n'ai pu dire non;

 

Dès qu'il est arrivé chez moi, j'aurais voulu qu'il se lave les mains, qu'il puisse faire ses ablutions, il est allé voir la maman de ma femme. Il l'a regardée, il a menacé la fièvre, comme il avait menacé l'esprit impur; et Madeleine, c'est son nom, s'est levée. La fièvre était tombée, elle était guérie; et aussitôt elle a repris sa place de maîtresse de maison et s'est occupée de le servir, de nous servir. 

 

Comme c'était la fin du sabbat, beaucoup qui avaient appris ce qui s'était passé à la synagogue sont venus pour être guéris, et ils l'ont été; et beaucoup d'esprits ont été chassés. Et toute la nuit ou presque a passé à cela. Au petit matin, je ne sais pas comment il a fait, mais il a disparu. Moi j'étais tellement fatigué que je m'étais endormi. 

 

Un peu plus tard, il y avait à nouveau plein de malades devant chez nous. Alors nous sommes partis à sa recherche, et il nous a dit qu'il devait annoncer la bonne nouvelle aux villes et villages de Galilée et qu'il ne fallait pas le retenir. Et il est parti.

 

Quelques jours ont passé. Nous avions passé la nuit à pêcher, sans succès. Et c'était pour nous une vraie galère, car nous avions besoin de vendre du poisson pour vivre. Nous étions en train de laver les filets, et nous étions tristes et abattus. 

 

Et tout à coup, il y avait plein de monde qui arrivait et Jésus qui était revenu; la foule était tellement dense qu'elle l'étouffait presque. Il m'a alors demandé de lui prêter ma barque. Il s'y est installé, et il a commencé à leur parler, et tous étaient subjugués par sa parole, par ses paroles. Moi, j'étais dans la barque avec lui et avec mon frère André. Nos collègues Jean et Jacques, je ne sais pas trop pourquoi, avaient remis leur barque à l'eau, peut-être pour mieux l'écouter. Et voilà qu'il me dit d'aller en eau profonde et de jeter mes filets. 

 

Je l'ai regardé comme s'il était fou. On voit bien qu'il ne connaissait rien à la pêche. Tout le monde sait que dans la journée ce n'est pas le moment de pêcher. Mais je l'avais vu guérir ma belle-mère, alors je lui ai fait confiance. Nous avons ramé et jeté les filets et voilà que les filets étaient pleins, comme ils ne l'avaient jamais été. Un miracle je vous dis, un miracle. On a appelé les deux autres, et il y avait tellement de poissons que les deux barques enfonçaient.

 

Je me disais que si c'était sa manière de nous remercier de lui avoir prêté notre barque, c'était bien la marque d'un dieu, car cette surabondance pour moi elle était divine. Et pourtant il n'avait rien dit, et en même temps, je me sentais tellement petit, tellement ridicule, devant lui. Il avait fait ce miracle pour moi, j'en étais certain. Et comme je l'ai dit, quelque chose en moi me faisait comprendre que cet homme, qui commandait aux poissons de la mer, était bien plus que ce que je voyais de lui. J'ai alors ressenti un véritable effroi, une véritable crainte, la crainte du Seigneur dont parlent les écritures, et je me suis prosterné devant lui, en lui disant de s'écarter de moi, car j'étais un homme rempli de péché. Et, croyez-moi si vous le voulez, mais je suis tombé à genoux devant lui. 

 

J'avais beau être sur mon bateau, avec ces poissons, j'avais l'impression d'être comme le prophète Isaïe dans le Temple du Très Haut, rempli de mon péché, de mon impureté, à avoir envie de disparaître, mais aussi de le contempler. Il m'a regardé, m'a dit d'être sans crainte, moi qui en étais rempli et qu'il ferait de moi un pêcheur d'hommes. Je ne sais pas vraiment ce qu'il voulait dire, mais lui, il attire à lui, alors peut-être que c'est cela qu'il voulait dire. Mais ce que je sais, c'est que cet homme, je le suivrai jusqu'au bout du monde. Et peu importe si personne ne comprend.

 

Nous avons ramené les barques à terre, le poisson a été mis dans des bourriches, il a été vendu, et l'argent est revenu à nos familles, mais nous, nous, moi et mon frère, Jean et son frère Jacques, nous sommes partis avec lui, à sa suite, puis annoncer que Dieu est présent et qu'il a donné sa puissance à cet homme.

 

Pour conclure, je dois dire que voir en Jésus cette puissance, et non pas toujours la miséricorde, même si l'évangile de Luc est présenté comme l'évangile de la miséricorde, me permet de voir en Jésus le Christ, celui en qui la force de l'Esprit demeure. Et pour moi, c'est beaucoup plus vivifiant.