mardi, avril 16, 2019

Jean raconte comment il a trouvé un ânon pour Jésus et comment ensuite il a trouvé la salle pour célébrer la Pâque.

"Étonnant": 

Luc 19,29-30 et Luc 22,10-30: "Vous trouverez un ânon à l'attache - Vous suivrez un homme portant une cruche d'eau ..."

Quand on lit dans les synoptiques les récits de ce que nous appelons "l'entrée triomphale à Jérusalem "et " l'institution de l'eucharistie", on ne peut qu'être surpris par certaines demandes ou affirmations de Jésus, et se demander comment il pouvait le savoir.

La première concerne cet ânon que personne n'a monté et qui accomplit la prophétie du prophète Zacharie (Za 9, 9): "Exulte de joie fille de Sion! Crie de joie, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi: il est juste et victorieux, humble et monté sur âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse". Mais comment Jésus pouvait il savoir que dans ce village-là, il y aurait sa monture royale?  Et comment pouvait-il à l'avance indiquer ce qu'il faudrait répondre aux propriétaires de la bête?( Lc 19, 29-30)

La seconde concerne le choix de la salle où sera célébrée la Pâque - et cela ne devait pas être facile de trouver une telle salle. Savoir que les disciples rencontreraient un homme portant une cruche d'eau (cela devait être plus qu'insolite, car les porteuses d'eau normalement ce sont les femmes); savoir que ce dernier rentrerait dans une maison spécifique; savoir qu'une salle sera mise à sa disposition, il y a quand même de quoi rester un peu pantois (Lc 22, 10-13). 

Comme Luc rapporte, pour ce dernier événement, qu'il a envoyé Pierre et Jean (deux des témoins de la transfiguration), j'ai voulu laissé parler Jean, le fils de Zébédée. 


Jean, le fils de Zébédée, raconte:

Je sais bien qu'il nous a montré sa gloire il n'y a pas si longtemps, près de Césarée de Philippe; je sais bien qu'il sait ce qu'il y a dans le cœur de l'homme; mais malgré tout il y a des choses qui me démontent. Comment pouvait-il savoir qu'il y aurait un ânon jamais monté qui l'attendrait tout près du Mont des Oliviers? Comment pouvait-il savoir qu'il nous suffirait, à Pierre et à moi, de suivre un homme portant une cruche d'eau pour trouver le propriétaire d'une salle où nous pourrions célébrer la Pâques tous ensemble? Comment pouvait-il savoir tout cela? Cela fait deux fois qu'il nous fait le coup. D'où lui vient ce savoir?

La première fois, on n'était pas loin de Jérusalem. On avait été à Jéricho; Zachée le chef des publicains, Zachée le petit, nous avait offert un magnifique repas; et de mon point de vue, il était devenu "grand" quand il avait dit qu'il allait faire don aux pauvres de la moitié de ses biens, et que s'il avait fait du tort à quelqu'un il lui rendrait quatre fois plus. Mais là déjà Jésus nous avait surpris: il connaissait le nom de cet homme, et il avait vu qu'il avait grimpé sur un sycomore. Mais depuis que nous marchons avec lui, avec les miracles qu'il a faits, le pain qu'il a multiplié, on ne s'étonne plus...

Puis on s'était mis en route et là, Jésus nous avait raconté une drôle d'histoire, pas si drôle que ça.. Une histoire de talents, mais je n'ai pas bien compris, sauf que ça se terminait mal pour celui qui avait eu peur de son maître et n'avait pas fait fructifier la somme, et pour ceux qui ne voulaient pas que ce roi soit leur roi.  

On était arrivé près du Mont des Oliviers, à Béthanie; et là, il a demandé à deux d'entre nous, dont moi, d'aller au village d'en face, de détacher un petit âne, un petit âne sur lequel personne ne se serait encore assis, et de le lui amener, en disant aux propriétaires que le Seigneur en avait besoin et qu'il le leur rendrait ensuite. On était un peu soufflé, mais on a obéi; et on a tout trouvé comme il avait dit. Et on lui a amené l'ânon, qui se laissait faire, ce qui nous a surpris, parce que les ânes…Enfin celui là il nous a suivi sans faire trop d'histoires.

On a posé des vêtements sur le dos de l'âne, parce que monter "à cru" ça fait mal, et on a aidé Jésus à monter dessus. On a pensé à une prophétie: "Voici ton roi qui vient à toi, monté sur le petit d'une ânesse".

Et je pensais aussi à ce qui est écrit dans la Loi sur le rachat des premiers nés (Ex 34, 20): "Le premier-né des ânes, tu le rachèteras par un mouton; et si tu ne le rachètes pas, tu lui rompras la nuque. Tout premier-né de tes fils, tu le rachèteras. On ne se présentera pas devant le Seigneur les mains vides". Je me suis dit que peut-être ce petit n'avait pas été racheté (parce que ça, ça ne se fait plus), et qu'il représentait notre peuple, pas racheté; et que Jésus, le nouveau roi, allait faire cela. 

Quand on a commencé à redescendre vers Jérusalem, des gens sont sortis de partout, comme s'ils s'étaient donné le mot, ils agitaient des palmes et ils chantaient et acclamaient notre Jésus, monté sur son âne. Je pensais un peu au transfert de l'arche d'alliance du temps du roi David, avec le roi qui dansait, et la foule des disciples qui chantait. C'était beau, c'était presque magique, ces phrases répétées par tous:" Béni soit celui qui vient, Le Roi, au nom du Seigneur! Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux."

Mais hélas, comme d'habitude, les pharisiens ont cassé la joie. Jésus leur a dit que si nous nous taisions, les pierres se mettraient à crier. Alors là, ils n'ont plus rien dit. Puis quand Jésus a commencé à enseigner dans le Temple, on s'est bien rendu compte que dans le peuple, il y avait plein de personnes qui écoutaient le maître avec joie, mais que les prêtres eux, n'aimaient pas du tout, et qu'ils cherchaient à le tuer. Mais pour en revenir à l'ânon, comment Jésus avait-il su?

Et pour la préparation de la Pâque, ça nous a encore plus surpris. Car sI je reviens à l'ânon, on pouvait bien penser que dans un village, il y aurait des ânes et des ânons à l'attache; il y a des villages où les propriétaires mettent leurs animaux à disposition de ceux qui en ont besoin. Mais trouver dans Jérusalem un homme qui porte une cruche d'eau, le suivre - et des hommes qui portent des cruches, pardonnez -moi, mais ça ne court pas les rues. Entrer avec lui dans une maison que nous ne connaissions pas, dire au propriétaire que le Maître avait besoin de la salle haute pour lui et ses disciples, eh bien ce n'est pas si facile. Pourtant tout s'est déroulé comme cela, et nous avons acheté ce qu'il faut pour la célébration.

Et là… Là, si vous saviez…

Ce repas, il célèbre notre libération, notre sortie de l'esclavage. Il est mémoire du passé, mais il est aussi le présent: c'est aujourd'hui que nous sommes libérés, que nous traversons la mer, que nous recevons les Tables de la Loi, que nous sommes des vivants. Et là, Jésus  il a eu des gestes et des mots incroyables, qu'on n'a pas compris. Ils n'ont pris sens qu'après, une fois que sa mort nous a libérés de l'emprise du mauvais, de ce mauvais qui semblait avoir gagné, mais qui était enfin vaincu.

Oui, celui là, il sait tout, et il sait que nous l'aimons. 

dimanche, avril 07, 2019

Jésus raconte la femme adultère: Jn 8, 1-11

C'est le cinquième dimanche de Carême. L'évangile propose la femme adultère; et même si j'ai déjà écrit plusieurs textes sur ces versets, j'ai eu envie de laisser Jésus raconter. Mais j'ai eu aussi envie de remettre ce texte dans le contexte de mort: car, si je puis dire, quand Jésus est en Judée, il est "wanted", sa tête est quasiment mise à prix. Il dérange trop. Et dans cette histoire, il est bien question d'arriver enfin à se débarrasser de ce type qui est tellement gênant.

Ce qui se passe là, c'est aussi cette manière qu'a Jean de reprendre les synoptiques à sa manière. Car si on ne présente pas, dans les synoptiques, une femme ayant (soit-disant) commis l'adultère, cette question de l'adultère sera évoquée autrement, quand les pharisiens demanderont à Jésus si un homme a le droit de renvoyer sa femme, ou quand les sadducéens poseront la question de savoir avec lequel de ses époux la femme qui a épousé les sept frères vivra après la résurrection. Mettre Jésus à l'épreuve pour pouvoir le tuer..


Jésus raconte sa rencontre avec cette femme dont on ne connaît pas le nom...

C'était pendant la semaine de la fête des Tentes. J'avais hésité à monter au Temple, mais mon Père m'a dit que je devais y aller, être un juif qui obéit aux prescriptions de Moïse. Et une fois dans ce lieu, qui est le lieu ou qui devrait être le lieu de la Présence, j'ai enseigné; et les foules de ceux qui aiment m'entendre sont venues. J'aime leur parler, j'aime les enseigner. Ils commencent à se demander qui je suis.

Ils sont un peu empêtrés avec ce que disent les scribes sur le Messie: parce que pour eux je suis de Nazareth, et Nazareth est en Galilée. Et de Galilée, d'après leur manière de scruter les écritures, rien ne peut sortir de bon, surtout pas un prophète; et encore moins le messie. Ils ne savent pas que je suis pourtant de la descendance de David, et que j'ai vu le jour à Bethléem; mais c'est important qu'ils ne le sachent pas. Ils doivent me reconnaître comme le Fils, non pas à cause de mon origine géographique, mais parce que, comme mon Père, j'agis pour le bien et pour le bon. Et si j'ai guéri ce paralytique un jour de Sabbat, ce n'est pas pour transgresser, mais pour permettre à cet homme de vivre en fils, et n'est ce pas cela l'important? 

Mais si la foule m'apprécie, par contre les scribes et les pharisiens, et même les anciens qui siègent au Sanhédrin, sont tellement en colère contre ce que je suis, qu'ils ont même envoyé des gardes pour m'arrêter; tout ça, pour cette guérison. Mais au-delà, ils ont peur. Et ils ne savent pas de quoi. Du coup, ils refusent d'ouvrir les yeux de leur cœur et ils se servent de la loi comme d'une arme contre moi. Seulement, les gardes, qui sont des gens simples, n'ont pas porté la main sur moi, et ils en ont été pour leur frais; mais je suis sur "mes gardes", ils vont trouver quelque chose pour me mettre à mort.

Et aujourd'hui, après avoir passé la nuit dans le jardin des oliviers, ce jardin où il y a ce grand cimetière mais aussi ces arbres qui me font penser à cette phrase "et moi je suis comme un bel olivier planté dans le jardin de mon Dieu", je suis allé chanter les psaumes dans le temple et j'ai commencé à enseigner. Bien sûr mes disciples sont là, et déjà une petite foule. Et ils sont arrivés., ils je veux dire les "bien pensants", les "purs", les "justes". 

Avec eux, il y avait une jeune femme, elle me faisait penser à ma maman, elle était toute jeune. Surement une de ces femmes accordée à un homme bien plus âgé qu'elle, et qui est un peu une esclave, quoiqu'on en dise. Elle n'avait pas son voile; elle était vêtue à la hâte et il y avait des larmes qui coulaient. 

Ils m'ont interrompu, ont placé la femme en plein milieu devant moi. Ils m'ont dit qu'elle avait commis l'adultère, et qu'ils voulaient que je leur dise ce qu'ils devaient faire... Alors là.. SI je dis qu'il ne faut pas la lapider, ils diront que je ne respecte pas la Loi, et ils me lapideront avec elle. Et si je dis qu'il faut la lapider, ils diront que moi qui prêche la miséricorde des pécheurs, je ne suis pas cohérent, et je n'aurai plus aucun crédit auprès de ceux que j'aime tant enseigner. 

Alors je me suis assis, je suis comme rentré en moi-même, et je parlais à mon Père. Il m'a dit d'écrire sur le sol la loi que moi je devais mettre dans leur cœur, cette loi dont parlaient Jérémie et Ezéchiel, cette loi d'amour. Cette loi je l'ai écrite sur le sable, parce que le temps de l'écrire dans le cœur n'était pas venu: "Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés". Et eux, ils discouraient toujours, et elle, elle était de plus en plus terrorisée. Certains avaient déjà commencé à ramasser des pierres. Moi, je cherchais les mots pour exprimer la nouvelle loi, celle que je leur donnerai. 

Ils se sont à nouveau adressés à moi, et là je me suis redressé; et les mots sont sortis tous seuls: "Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre!" Je n'ai pas vraiment réfléchi, les mots se sont formés en moi. Et eux qui connaissent si bien la Tora, ils savent bien que le juste pèche sept fois par jour, alors eux.. Je ne juge pas, je suis triste à en mourir pour eux; mais cette femme, cette petite fille, qu'elle ait ou non commis l'adultère, n'est-elle pas aussi comme tout ce peuple qui n'écoute plus mon Père? Et moi je suis venu pour qu'ils aient la vie, pas la mort. 

Alors ils ont baissé les yeux, eux tous, tels qu'ils sont; et ils sont partis les uns après les autres, en commençant par les plus âgés. Et elle est restée seule, dans ce cercle vide. Elle et moi. Moi assis, elle debout. Elle n'osait pas me regarder. 

Je lui ai demandé où ils étaient - j'ai fait cela pour qu'elle revienne dans le présent, pour qu'elle sorte de son mutisme. Elle a ouvert la bouche pour dire qu'ils étaient tous partis. Je lui ai dit qu'elle pouvait partir, rentrer (mais où?); et qu'elle devait résister au péché. 

Il s'est alors passé quelque chose. Son regard s'est comme illuminé; je crois qu'elle m'a vu tel que je suis, sans péché. Et au lieu de partir, elle a regardé mes disciples.

Jean, celui qui a ses entrées auprès des grands-prêtres lui a souri, et lui a fait signe qu'elle pouvait venir avec nous. Un jour, un autre jour, c'est ma maman que je lui confierai, mais ce jour n'est pas encore là, même s'il n'est pas loin.