lundi, février 28, 2022

Marc 17-30. L'homme qui voulait avoir la vie éternelle en héritage.

Si on suit la chronologie de Marc, après la Transfiguration, au chapitre 9, Jésus est retourné à Capharnaüm, et c'est de là qu'il prend le chemin vers Jérusalem, ce qui fait quand même pas mal de kilomètres. 

 

Quand il arrive en Judée (ou du moins quand il atteint la vallée du Jourdain), les foules s'amassent, comme en Galilée; et comme en Galilée, des pharisiens veulent se faire une idée sur lui, en le mettant à l'épreuve par des joutes oratoires; et c'est la question de la répudiation des femmes par leur mari. 

 

Ensuite des parents conduisent leurs enfants à Jésus, et la réaction négative des disciples. Puis Jésus reprend son chemin. Sauf que quelque chose se passe: la rencontre avec celui que, selon les évangiles, on appelle le jeune homme riche ou l'homme riche - cas de l'évangile de Marc. 

 

Même si l'attitude de cet homme, dont on ne sait rien sauf qu'il est peut-être bien habillé, est très respectueuse, j'ai vraiment l'impression que Jésus a du mal à supporter qu'une fois de plus quelqu'un se mette sur son chemin et le retarde; car il a un rendez-vous à Jérusalem, il doit y être pour la fête de la Pâque. Mais cette rencontre mal commencée va se terminer par quelque chose de précieux pour nous: l'homme ne peut pas se sauver tout seul, ce qui est impossible à l'homme est possible au Très Haut. 

 

J'ai laissé la parole à un disciple. 

 

Un disciple raconte.

 

Décidément, entre les pharisiens, les parents, les demandes des uns et des autres qui se précipitent sur Jésus dès qu'il arrive près d'une ville ou d'un village, il y a toujours des inopportuns. Aujourd'hui, c'est un homme très bien habillé qui, juste au moment où nous allions partir, s'est jeté aux pieds de Jésus et l'a interpellé (enfin je dis interpellé, mais ce n'étais pas cela, c'était une demande avec de l'angoisse) en lui disant "Bon maître que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage". 

 

Je ne sais pas pourquoi, mais Jésus a réagi vigoureusement. Il n'a pas aimé qu'on dise de lui qu'il était un bon maître. C'est vrai, qu'est-ce qu'il en sait cet homme? C'est un peu de la flatterie, pour être sûr d'être écouté. Jésus lui a demandé pourquoi ce qualificatif puisque le seul qui est bon, c'est le Très-Haut. Et puis peut-être que Jésus pensait que c'était encore un truc des pharisiens pour le disqualifier auprès de ses disciples. 


Et puis, avoir la vie éternelle en héritage, quelle drôle de demande. on voit bien qu'elle vient d'un riche. Peut-on hériter de cela? Qui peut donner la vie éternelle sinon celui que Jésus appelle son Père? 


Alors il lui a rappelé ce que tout le monde sait, pour "avoir" la vie éternelle; mais Jésus, ce "avoir", il ne l'aime pas du tout, parce que c'est posséder; et même s'il parle du royaume qui est présent, le royaume on ne met pas la main dessus. 

 

Donc il lui a rappelé les commandements donnés par notre père Moïse. Il lui a dit de ne pas commettre de meurtre, d'adultère, de vol, de ne pas porter de faux témoignages, d'honorer son père et sa mère; et il a ajouté: de ne faire de tort à personne. Il me semble que cela, c'est sa manière à lui de dire de faire du bien à son prochain. Comme beaucoup d'entre nous, il a dit que cela, il le faisait depuis toujours. Et moi, j'avais l'impression qu'il n'était pas venu pour entendre ce que Jésus venait de dire, qui est ce que les pharisiens aussi disent. Il y a eu un silence, et il m'a semblé que Jésus l'a regardé différemment. Autant son regard était énervé au début, autant là, il était devenu attentif, présent. 

 

Il a alors ajouté qu'une chose lui manquait, même si en apparence tout était parfait, et qu'il devait vendre tous ses biens, les donner aux pauvres, ce qui lui donnerait un trésor dans le ciel, et le suivre. Avoir un trésor dans le ciel, c'est bien ce qu'il voulait. Seulement quand on est riche, même si être riche est un gage de bénédiction du Très Haut, cela vous donne des responsabilités, et les lâcher ce n'est pas facile. 

 

Il a regardé vers le sol, il n'a plus rien dit, et il est parti, je dirais presque comme un voleur. 

 

La seule chose, c'est que Jésus lui aussi était triste. 

 

Un peu de temps a passé, enfin un temps très court; et, comme souvent, il s'est servi de ce qui venait de se passer pour nous faire comprendre quelque chose, enfin pour essayer de nous faire comprendre quelque chose, parce que nous n'avons pas compris.

 

Il nous a dit que c'était plus difficile pour quelqu'un qui a des richesses d'entrer dans le royaume, que pour un chameau d'entre par le trou d'une aiguille. Quelle drôle d'image. Ça m'a fait même rire, je voyais cet homme se transformer en chameau avec ses deux bosses et se contorsionner pour entrer dans un trou beaucoup trop petit. 

 

Sauf que nous on n'a pas bien compris, parce que pour nous, être riche, c'est signe que Dieu est avec nous; et beaucoup de pharisiens ont des richesses, ce qui leur prouve que Dieu est avec eux.

 

Mais du coup on se demandait qui pouvait être sauvé. Je veux dire: pourrait entrer dans le royaume. C'est vrai qu'il avait dit, au tout début, "bienheureux les pauvres, car le royaume de Dieux est à eux" (1). Est-ce que nous, nous sommes vraiment des pauvres? 

Et là Il nous a dit que ce qui était impossible aux hommes, était possible à Dieu. Alors là j'ai compris que si je me remettais complètement dans les mains de Dieu, je pourrais entrer dans ce royaume dont lui parle, que j'ai tellement de mal à imaginer, mais pour lequel j'ai quand même quitté beaucoup de choses, même si le seul fait d'être avec lui, remplit et comble.

 

Mais malgré tout, tout vendre, c'est dur. 

Une fois l'étape du jour trouvée, le repas partagé, Pierre a posé la question qui nous brûlait les lèvres. Il lui a demandé, quelle serait notre récompense à nous qui avions tout quitté pour le suivre. Il a dit qu'on aurait tout au centuple; mais - parce qu'avec lui il y a des "mais" - on aurait aussi des persécutions dans ce monde, et la vie éternelle dans le monde à venir.

 

Alors je me dis que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Et maintenant que nous allons vers Jérusalem, je me demande, si nous le perdons lui, ce que nous allons devenir.


Il existe un billet plus ancien, qui est centré sur l'évangile de Matthieu.

 https://giboulee.blogspot.com/2017/08/tout-cela-je-lai-observe-que-me-manque.html

 

 

(1)Luc 6, 20. 

mercredi, février 23, 2022

Marc 9,38-40. L'homme qui expulse des démons et qui n'est pas un disciple.

Mc 9, 38-40

 

Bien souvent, quand on raconte les nombreux miracles qui ont lieu dans des églises pentecôtistes, quand on nous parle de guérisons ont lieu dans d'autres lieux que dans nos églises ou dans "nos lieux " de guérison, on se sent peut-être un peu en colère, surtout que durant des décennies l'entente avec eux ces hommes et ces femmes qui ont vécu leur Pentecôte était loin d'être bonne. Et d'autant moins bonne qu'ils nous considéraient comme des idolâtres. 

 

Peut-être que ce petit texte de Marc est là pour nous dire que le jugement n'est pas pour nous, et que nous avons à remercier l'Esprit Saint de se manifester au travers de ces hommes et ces femmes pour que le nom de Jésus soit révélé.

 

Là il y a quelque chose d'important pour nous aujourd'hui. On ne peut faire un miracle au nom de Jésus, - et on retrouvera cela dans les actes, avec ce magicien qui veut payer pour avoir le droit de faire des miracles au nom de Jésus, mais qui les fait pour sa propre gloire Ac 8, 5-20 - que si le nom de Jésus est bien manifestation de la Présence de Dieu, qui aujourd'hui vient sauver et être là avec son peuple. Alors, nous laisser toucher par ce qui se passe ailleurs, ne pas être jaloux de tous ces miracles qui sont faits par d'autres. Apprenons à les regarder comme des frères, même s'ils sont différents de nous. 


Le texte étant très court, le voici dans la traduction liturgique.


38 En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » 

 

39 Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; 


40 celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

 

 

 

 Jean l'apôtre, le fils de Zébédée, raconte.

 

Je suis vraiment en colère, mais c'est vrai que j'ai le sang chaud. Ce n'est pas pour rien que Jésus ne nous a appelés, mon frère et moi, fils du tonnerre. 

 

Il y a un homme qui n'est pas de "chez nous", que je ne connais pas, et qui se met à expulser des démons en utilisant le nom de Jésus. Mais pour qui il se prend? C'est nous qui avons reçu ce pouvoir, pas lui. Nous avons le pouvoir de chasser les démons, de guérir les malades, et nous annonçons cette bonne nouvelle que Dieu est là parmi nous, qu'il a planté à nouveau sa tente chez nous, et qu'il nous délivre du mal. 

 

Seulement le Maître n'a pas du tout réagi comme je le voulais. Il m'a regardé avec son regard qui ne dit rien de bon, mais il me connaît! Et de fait il s'est adressé à nous tous, il nous a dit qu'il ne fallait pas empêcher quelqu'un qui utilise son nom pour faire un miracle, pour faire du bien. 


Qu'il ne fallait surtout pas l'en empêcher, car celui qui fait cela a compris qui il est Lui notre Rabbi et la Puissance qui est en lui. Il dit que celui-là ne pourra pas dire du mal de nous, contrairement à beaucoup d'autres, qui ne font rien et qui nous critiquent sans cesse, parce qu'ils ont les yeux comme ceux des aveugles et que personne n'arrive à les leur faire ouvrir. 

 

Et il a ajouté que celui qui n'est pas contre (et là je pensais à ces scribes et à ces pharisiens, mais aussi aux frères de Jésus) est pour nous. 

 

Mais j'ai quand même du mal avec cela. Apprendre à supporter que ceux qui suivent un autre chemin que le nôtre puissent aussi faire des miracles, eh bien ça ne me plaît pas du tout, et ça me met en colère. Nous, nous avons tout quitté pour le suivre, et ceux-là, ils arrivent avec le bec enfariné et ils font des miracles; vraiment ce n'est pas normal!

 


   


 

lundi, février 21, 2022

Marc 9, 14-2. La guérison de l'enfant épileptique

Cette guérison est également rapportée par Matthieu, mais elle est absente chez Luc. Je me suis demandée si chez ce dernier la résurrection de la fille de Jaïre, que l'on trouve rapportée par les trois évangélistes, ne remplaçait pas cette guérison, spectaculaire, d'un enfant qui est tout le temps en danger de mort, et qui est sourd ,donc qui n'entend pas les appels, et muet, donc qui ne peut pas poser de questions. Ce que je remarque c'est que dans les deux cas Jésus prend la main de l'enfant, l'aide à se lever et dans les deux cas, l'enfant se met debout et se met à marcher. Et pour moi, c'est une scène de retour à la vie, de renaissance de résurrection. 

En 2019, j'avais laissé parler la maman de cet enfant, parce que des mamans d'enfants épileptiques, j'en ai connu, et que je peux imaginer leur drame au quotidien. https://giboulee.blogspot.com/2019/02/

 

Dès 2012, ce texte m'a fait réfléchir: 

https://giboulee.blogspot.com/search?q=la+guérison+de+l%27enfant+épileptique 

 https://giboulee.blogspot.com/2012/11/a-propos-des-guerisons.html


Pour avoir côtoyé des enfants et des adolescents épileptiques, les guérir de cette pathologie, celle que l'on appelle la petite mort, c'est vraiment leur redonner la vie.


Aujourd'hui, j'ai laissé la parole à un des disciples qui a participé à la guérison impossible de cet enfant.

 

 

Un disciple raconte. 

 

Jésus était parti avec Pierre, Jacques et Jean. Pourquoi n'a-t-il pas pris André, le frère de Simon-Pierre, c'est un mystère. Il nous a laissés continuer à annoncer que le royaume était proche. Nous sommes arrivés dans un village et un homme nous a parlé de son fils, qui est possédé par un esprit impur; mais cet esprit impur, il l'empêche de parler, il l'empêche d'écouter, bref il est sourd et muet. Pour moi, il est pas très normal cet enfant, et il ne marche pas bien. 

 

Cet enfant, il nous l'a amené, et André a ordonné à l'Esprit de sortir, mais il ne s'est rien passé. Parfois les esprits refusent de sortir, alors nous nous mettons en groupe, nous imposons les mains et nous interpellons l'esprit et il part. Mais là, même à plusieurs, rien. 


Nous étions très tristes pour cet homme et pour cet enfant, qui semblait complètement perdu. Il avait d'ailleurs un drôle de regard, ou plutôt il ne nous regardait pas, il était dans son monde. Il marchait, mais il ne semblait pas savoir où il allait. Quel âge avait-il? Peut-être sept ou huit ans. Je dois dire que vraiment je plaignais ses parents, et je me demandais ce qu'ils avaient fait pour vivre un pareil cauchemar. 

 

Seulement les scribes s'en sont mêlés, ils ont commencé à dire que nous n'avions aucun pouvoir, que notre maître ne nous avait rien transmis, que nous n'avions pas le droit de faire cela. Et voilà que Jésus arrive avec les trois autres. Je dois dire que cela m'a soulagé, parce que j'étais énervé et perdu. 

 

Il a pris les choses en main, avec autorité comme il sait si bien le faire. Il nous a demandé ce qui se passait, mais avant que nous ayons pu lui expliquer notre échec, le père s'est adressé à lui, en lui disant que son fils était possédé par un esprit impur qui le rendait sourd et muet, et qui le jetait au sol, en le faisant baver; il a dit "écumer", mais je crois que c'est de bave dont il s'agit. 

 

Alors là, je n'ai pas compris. Jésus a regardé la foule, il nous a regardé et il a dit une phrase que je n'ai pas aimée. Il a dit "génération incroyante, jusqu'à quand serai-je serai-je auprès de vous, jusqu'à quand devrai-je vous supporter? Il nous a traités d'incroyants. Et pourtant on voulait vraiment bien faire. C'est comme s'il nous disait que nous n'étions pas sûrs d'être de taille à affronter le démon, et au fond de moi, je reconnais que c'est vrai. Mais pour aujourd'hui, Jésus est là, avec nous et il va prendre les choses en main. Mais le doute, oui, il était bien là. 

 

Puis, il a demandé au père de l'enfant depuis combien de temps c'était comme cela. C'est rare qu'il pose des questions, mais je crois qu'il voulait en savoir un peu plus. Cela faisait presque penser à un médecin qui pose des questions pour se faire décrire la maladie. 

 

Le père lui a dit que c'était depuis sa petite enfance, et surtout que l'enfant était en danger, parce que le démon le faisait tomber là où on faisait des feux, et aussi dans l'eau. Cela il ne nous l'avait pas dit, mais je veux dire qu'avoir un enfant qui risque de se tuer, c'est horrible. Et il a ajouté que si Jésus pouvait quelque chose, il lui demandait de le faire, pour cet enfant et pour lui. Il lui demandait d'avoir de la compassion pour eux deux, de venir à leur secours.

 

Jésus l'a regardé, il n'a pas semblé avoir été ému par la demande de compassion, et il a eu cette phrase étonnante:  "Pourquoi dis-tu: 'si tu peux'. Tout est possible à celui qui croit"

 

Je n'ai pas trop compris. Mais ça fait deux fois qu'il parle de foi.  Est ce que cet homme, au fond de lui, n'est pas sûr que Jésus peut faire cela? Est-ce qu'il pense que c'est impossible? Que personne ne le peut? 

 

Et là il y a eu un silence. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais nous avons entendu une phrase qui nous a étonnés: car l'homme a répondu, comme s'il avait été touché au plus profond de lui-même: "Je crois, viens en aide à mon manque de foi". Curieusement cette réponse, j'aurais pu la faire moi aussi. 

 

Dans cet homme, quelque chose avait changé, il ne revendiquait plus un miracle pour son fils, il demandait quelque chose pour lui, qui le sortait de lui-même. 

Il y avait de plus en plus de monde. Jésus a alors menacé l'esprit qui rend sourd et muet, et lui a dit de sortir de l'enfant; de ne plus jamais y rentrer. Et là, l'enfant est tombé sur le sol, il s'est mis a trembler de tous les membres et à sortir de sons incompréhensibles. Il avait les yeux révulsés; c'était affreux. J'ai cru que le démon était sorti, mais qu'il était tellement furieux qu'il avait tué l'enfant: qui était maintenant tout mou sur le sol. Le père regardait effaré lui-aussi, mais ne disait rien. 

 

Jésus alors, a pris l'enfant par la main. Le regard était redevenu normal, il regardait autour de lui comme quelqu'un qui se réveille d'un cauchemar.


Jésus l'a aidé à se mettre debout et il l'a rendu à son père, qui l'a pris dans ses bras et qui est rentré chez lui sans rien demander. Mais il avait l'air tellement heureux. Pour moi, mais peut-être que je me trompe, c'est comme si le démon avait tué l'enfant et que Jésus lui a redonné la vie, comme il l'avait fait avec la fille de Jaïre.

 

J'étais vraiment décontenancé. J'étais heureux pour cet enfant pour sa famille, mais pourquoi est-ce que nous, nous n'avions pas réussi. Car ce démon nous l'avions menacé nous aussi. 

 

Une fois rentrés, nous lui avons demandé pourquoi nous n'y étions pas arrivés. Il a juste répondu que cette sorte de démon se chassait par la prière. Et c'est vrai que nous, nous nous sommes contentés de crier sur lui, mais nous n'avons pas demandé à notre Père qui est dans le ciel de venir à notre aide, de nous donner sa force pour que le démon laisse cet enfant. 


Je ne sais comment le dire, mais il y a eu un combat entre lui et nous, parce que nous pensions être les plus forts, alors que la force ce n'est pas la nôtre mais celle qui nous a été donnée par celui qui se nomme lui-même "le Fils de l'Homme".

  

samedi, février 19, 2022

Marc 9, 2-13. La transfiguration.

 La transfiguration. 

 

Étant allée en Palestine (maintenant on dit en Israël), la montagne de la transfiguration était pour moi le Thabor. J'y étais montée en 1963, et je dois dire que la montée n'était pas très rude, ce qui veut dire que c'était plus une colline qu'une montagne. Le Père Fabre, qui anime sur Internet le MOOC "Voyage biblique", propose l'Hermon comme lieu de la transfiguration . Cette haute montagne, qui peut avoir son sommet enneigé - neige qui renvoie à la blancheur des vêtements de Jésus, m'a paru être un lieu plus approprié que le Thabor. 

 

Jésus prend avec lui, Pierre, Jacques et Jean, les trois qui ont entendu Jésus dire à la fille de Jaïre "Thalita Koum", et qui l'ont vue revenir à la vie. J'ai employé le mot ressuscitation et non pas résurrection car il me semble mieux rendre compte de ce qui s'est passé. La vie reprend pour cette jeune fille, là où elle l'avait laissé, mais un jour la mort fera à nouveau son œuvre. 

 

Pierre étant le plus "actif " des trois je lui ai laissé la parole. 

 

 

Pierre raconte.

 

 

Ce jour là, Jésus nous avait pris avec lui, sans trop nous dire où nous allions. Nous étions les trois qui avions assisté à la renaissance de la fille de Jaïre. Je dis renaissance parce que je n'ai pas d'autres mots. Je pourrais peut-être dire "ressuscitation", parce qu'un jour la mort refera son œuvre. 

 

Il nous a emmené aux sources du Jourdain, puis nous avons entamé la montée de cette montagne, l'Hermon, et croyez moi, ça grimpe. L'Hermon, c'est cette montagne que les exilés qui rentraient des terres lointaines voyaient de loin., avec ses neiges éternelles.


Je dois reconnaître que nous en avions plein les pattes. Nous marchions avec lui depuis des heures. Finalement il a trouvé un endroit presque plat, et je dois dire que nous nous sommes assoupis. 

 

Mais au bout d'un temps, que je ne sais pas évaluer, quelque chose nous a réveillé en sursaut.

 

Jésus, notre Jésus, celui qui pour moi est l'Oint du très Haut, était devenu lumineux. Pas seulement son visage qui irradiait de la lumière, une belle lumière blanche et douce, mais ses vêtements. Et il n'était pas seul. Avec lui, il y avait notre Père Moïse, et le prophète Elie avec son manteau en poils de chameau. J'ai regardé Jacques et Jean, et comme moi, ils avaient les yeux grands ouverts. Mais comme moi, ils étaient couchés sur le sol. J'étais incapable de me mettre debout: ce que je voyais dépassait mon entendement. 

 

J'aurais voulu que ce moment dure éternellement. Alors j'ai proposé de leur construire de quoi se protéger du froid, trois tentes, mais c'était inutile, parce que d'eux rayonnait une certaine chaleur, et puis nous étions montés sans rien, mais c'était plus fort que moi. J'aurais voulu que cela dure, dure...

 

J'avais à peine fini de parler qu'une nuée, celle dont nos pères ont parlé, cette nuée qui les accompagnait dans le désert, qui était entrée dans le Temple de Jérusalem et qui un jour l'avait quitté quand le Temple a été détruit, s'est posée sur nous, et qu'une voix s'est fait entendre.

 

Je ne voyais personne et pourtant cette voix était bien là, dans mes oreilles. Cette voix nous disait d'écouter Jésus car il était le Fils Bien-aimé. C'était juste une phrase, mais elle résonne encore dans mes oreilles. "Écoutez-le". 

 

Et puis, d'un seul coup, plus rien. Jésus était là, semblable à lui-même, nous regardant avec bienveillance. Ce que nos yeux avaient vu, nous ne pourrions jamais l'oublier. Quel bonheur d'avoir vu cela. Seulement il nous a demandé de ne parler de cela à personne, avant qu'il ne soit ressuscité d'entre les morts. C'est la deuxième fois qu'il emploie ce "ressusciter d'entre les morts", et je dois dire que je ne sais pas trop de qu'il veut dire. 

 

Puis nous avons entamé la descente. Je dois dire que le voir avec Moïse et Elie, cela nous avait intrigué. Et puis ne dit-on pas que Elie doit revenir, du moins c'est ce que disent les scribes, ceux qui scrutent les écritures. Pour beaucoup Jean était une sorte de nouvel Elie. Et pourtant Elie était là avec lui. 

 

Il nous a dit qu'Elie devait revenir pour tout "remettre à sa place", mais que ça ne serait pas suffisant parce que cela n'empêcherait pas le Fils de l'Homme de souffrir et d'être méprisé. Je crois que là, il pensait à ce qu'a écrit le prophète Isaïe, qui parle d'un serviteur qui sera méprisé et qui souffrira pour le peuple. Il nous a dit aussi que Élie était venu, et là je pense qu'il parlait vraiment de Jean. 

 

Arrivés en bas, nous avons trouvé les autres, avec beaucoup de monde et les scribes qui discutaient avec eux. Et la vie a repris son cours.

 

jeudi, février 17, 2022

Marc 8, 27-33. La profession de foi de Pierre.

Cette profession de foi de Pierre est bien connue, puisque dans l'évangile de Matthieu elle fait de Pierre le "chef" de l'Eglise qui va naître un jour. 

Mais dans l'évangile de Marc c'est beaucoup plus sobre, sauf que Pierre, qui se considère certainement comme le meilleur ami de Jésus, se permet de dire ce qu'il pense de l'annonce faite par Jésus de sa fin - peut conforme à celle de l'Oint, et se fait traiter de Satan. Et peut-être que quand Jésus lui demande de passer derrière lui, c'est un moyen de lui dire de reprendre sa place de disciple, "un parmi d'autre". J'avais évoqué cela dans un billet de 2019: https://giboulee.blogspot.com/2019/02/passe-derriere-moi-satan-mc-8-27-33.html

Le Père Favre, dans le MOOC des Bernardins "Voyage Biblique" , que je suis avec beaucoup de plaisir en ce moment, se centre sur le texte de Matthieu (Mt 13, 16-23) et commente le "heureux es-tu Simon fils de Jonas" d'une manière qui m'a beaucoup surprise. Je me permets de citer.

"Pourquoi Simon est fils de Jonas ? En quoi Pierre peut-il ressembler au prophète Jonas ? Jonas est le prophète qui a coulé dans l'eau pour être pris dans un poisson. Pierre a vécu cette expérience de s'enfoncer dans l'eau et c'est, peut-être, parce qu’il a vécu l'expérience de sa propre faiblesse, de son propre doute, que c’est à lui qu’est donnée la grâce de pouvoir dire que Jésus est Fils de Dieu et Christ. Mais cela ne vient pas de lui, c'est une pure grâce. Cela nous oblige aussi à nous interroger sur cette profession de foi de Pierre, puisqu'elle ne vient pas de lui. 

SI vous allez au chapitre 50 du Siracide, vous verrez qu’on nous parle d’un certain Simon fils d’Onias, un grand prêtre. Est-ce que, à ce moment-là, Pierre ne serait-pas un grand-prêtre ? Qu'est-ce qui peut faire dire cela ? Parce que si vous continuez un peu plus loin, au chapitre 17, verset 1, vous vous apercevez que la Transfiguration est six jours après. Or Pierre, on le verra dans la vidéo suivante, propose de mettre des tentes


Donc la Transfiguration se vit au moment de la fête des Tentes. 


Et six jours avant la fête des Tentes que nous vivons là, c'est la fête du Yom Kippour, du Grand Pardon, et qu'est-ce qui se passe dans le Temple le jour du Grand Pardon ? Caïphe, le fils d'Hanne, rentre dans le Saint des Saints, c’est la seule fois de l’année où il peut rentrer dans le Saint des Saints, et il va balbutier le nom de Dieu et la tradition juive dit’ il le balbutie parce que c’est l’Esprit de Dieu qui le dit en lui’. 


Pendant que, à ce moment-là, Caïphe, fils d’Hanne, à Jérusalem, va, pour le Yom Kippour, balbutier le nom de Dieu pour obtenir le pardon des péchés, Képhas, l'autre nom de Pierre, fils de Yonas, va, ici même, prononcer le nom de Dieu, Jésus-Christ, fils de Dieu. 


Et ce n’est pas lui qui le prononce, c'est l’Esprit de Dieu qui le prononce en lui et il obtient le pouvoir de pardon des péchés. Ici, Jésus est en train de rendre caduque le sacerdoce de Jérusalem, les grands-prêtres de Jérusalem, et il est en train de le transférer sur Pierre qui dorénavant a un pouvoir que seuls les grands prêtres de Jérusalem avaient au Yom Kippour, c’est-à-dire, le pouvoir de pardon des péchés .


Cela me rend un peu perplexe, parce que j'avais toujours pensé que le père de Simon se nommait Jonas, et si on se réfère à Jean 21, c'est bien "Simon, fils de Jean m'aimes-tu " et non pas fils de Yonas. 


Je trouve cette analyse interessante, sauf que c'est l'évangile de Matthieu et non celui de Marc qui nous est donné ce matin. 


Si je reprends l'évangile de Marc, il y a la double interrogation de Jésus, un peu comme un Rabbi qui interroge pour enseigner, mais ici ce qu'il va enseigner, "qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands-prêtres, et les scribes, qu'il soit tué et qu'il ressuscite le troisième jour" a de quoi surprendre. 


Alors ce matin encore, j'ai laisse Pierre raconter.


Nous étions partis vers le nord du pays, en direction de Césarée de Philippe. Jésus allait dans les synagogues, enseignait, guérissait les malades, et la vie suivait son cours. Un jour, pendant qu'on marchait, il nous a posé une question qui semblait très importante pour lui. Il voulait savoir ce que les gens disaient de lui. 

Je pense qu'il devait le savoir, mais il nous a interrogés, un peu comme un Maître, un Rabbi, interroge ses disciples. Nous lui avons répondu que pour beaucoup il était comme Jean le prophète mis à mort par Hérode, ou bien le nouvel Elie, celui qui doit revenir à la fin des temps, ou encore un prophète. Mais cela revenait à faire de lui comme le double d'un autre. Il n'était pas reconnu pour ce qu'il était. Oui, il est bien de la lignée de prophètes, mais il est tellement plus que cela. On n'a jamais dit pour le prophète Jérémie qu'il était un nouvel Isaïe. Alors dire de Jésus qu'il est comme un prophète du passé, ça ne va pas. Mais c'est ce que disent les gens.

 

On a continué à marcher, et il a repris ses questions. Il voulait savoir ce que nous, nous pensions de lui. Alors là, je n'ai pas eu le temps de réfléchir, la réponse est sortie toute seule et je me sentais le porte-parole des autres. 

 

J'ai dit qu'il était le Christ, et pour moi, il est vraiment celui qui a reçu l'onction du Très Haut, il est le Messie, le Roi que nous attendons et qui va sauver Israël, le nouveau David qui avait vaincu les forces des Philistins, qui voulaient nous chasser de notre pays. Et puis il est aussi celui qui a la sagesse, mais une sagesse bien plus grande que celle du roi Salomon. Il nous a regardés et nous a dit de garder cela pour nous, de ne pas le répéter. Bon, quand il commande, on obéit, même si on ne comprend pas trop. 

 

Nous nous sommes arrêtés, et là il s'est mis à dire des choses horribles, qui faisaient froid dans le dos. En même temps, vu ce qui se passe avec les pharisiens, ce n'est pas tellement étonnant. 

Il a dit qu'il serait rejeté par les scribes et les grands-prêtres, qu'il serait tué, et que le troisième jour il ressusciterait. Et il a repris la marche. Alors là, mon sang n'a fait qu'un tour. Ce n'était possible que ça finisse comme cela. Ressusciter, je ne sais même pas ce que ça veut dire pour parler franc. Alors je l'ai rattrapé, et je lui ai fait des reproches. Et là, au lieu de comprendre que je voulais lui dire que je l'aimais, que je ne voulais pas que cela arrive, que je ne voulais pas que ça se termine comme ça, cette aventure que j'avais commencée avec lui, il s'est retourné, m'a regardé avec une sorte de colère et m'a dit une phrase horrible, il m'a dit que j'étais Satan, le tentateur, celui qui met des mauvaises pensées dans la tête des hommes, et que je ne comprenais rien; que mes pensées n'étaient pas les pensées de Dieu mais celles des hommes. 

 

Je me suis senti humilié, et j'aurais voulu rentrer sous terre, mais ce que j'avais dit je l'avais dit. J'ai repris la marche avec les autres, et je crois que je n'ai pas compris sa réaction. Peut-être a-t-il peur que je le détourne de sa mission, mais qui peut l'en détourner? Il faut que je me fasse à l'idée que ça finira mal. Mais qu'est -ce que cela me fait peur.

 

 

 

 


mercredi, février 16, 2022

Mc 8, 22-26 L'aveugle de Bethsaïde

Après avoir eu cette prise de bec avec les pharisiens (Mc 8, 11-13), Jésus accoste à Bethsaïde, le village d'origine de Pierre et d'André. Dans l'évangile de Matthieu ce village est déclaré malheureux, car il ne s'est pas repenti (changé de conduite, converti) devant les miracles qui ont été faits là. Et la punition sera lourde. S'agit-il de cette guérison, ou de bien d'autres guérisons, nous ne le savons pas. De même que nous ne savons pas où habitait cet infirme, puisque Jésus lui dira de rentrer dans sa maison sans passer par le village. 

 

En essayent de visualiser ce texte, je me suis rendue compte que lorsqu'il est dit que Jésus met de la salive sur les yeux de l'infirme (et c'est aussi ce qui se passe avec l'aveugle-né de Jérusalem), j'avais toujours imaginé qu'il s'agissait des paupières. Mais un aveugle a les yeux grands ouverts, il ne vit pas les yeux fermés, il vit avec des yeux morts, qui ne sentent plus rien, qui ne voient plus. Et c'est sur la cornée (pour parler en termes un peu techniques) que Jésus va déposer sa salive, et j'ai eu l'impression que pour cet homme, cela ne faisait ni chaud, ni froid, car il n'y croyait plus. C'est un geste sans importance. 


Et la question de Jésus l'a comme réveillé. Il a levé les yeux, il s'en est servi comme d'un organe vivant, et là c'est cette première perception de pouvoir enfin distinguer, mais de manière floue. 


Et là, au fond de moi, je pense qu'il devient capable de mettre sa foi dans cet homme qu'il ne distingue peut-être pas bien, mais qui peut le guérir complètement de sa cécité et c'est ce qui se passe. 


Il voit "nettement" comme le sourd-muet parlait "correctement". Il y a quelque chose de restauré, de totalement restauré car quand Jésus agit, il le fait complètement.


Aujourd'hui, nous voyons comme dans un miroir, en énigmes, mais alors je verrai face à face. À présent je connais de manière partielle, mais alors je connaîtrai comme je suis connu. 1Cor 13,12


Des organes morts, je pense que nous en avons tous, et  peut-être que l'on finit par s'y habituer. Que le Seigneur redonne vie à ces organes  c'est mon cri du jour. 

 

L'homme aveugle raconte.

 

J'ai perdu la vue petit à petit, et maintenant mes yeux sont morts. Ils sont ouverts, mais je ne vois rien. Des guérisseurs j'en ai vu, mais je n'ai pas retrouvé la vue.

 

Des gens de Bethsaïde sont passés chez moi, pour me conduire à un certain Jésus qui paraît-il a fait beaucoup de miracles. Des pêcheurs de ce lieu ont même quitté leur barque pour le suivre. Mais bon, moi les guérisseurs, je n'y crois guère, j'en ai tellement vu qui promettaient monts et merveilles.

 

Nous avons un peu marché, ma maison n'est pas très loin du village. Je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de monde. On m'a présenté à Jésus et on lui a demandé qu'il me touche.

 

Il n'a pas répondu, mais il m'a pris par la main et il m'a conduit un peu à l'écart, mais pas très loin. Je ne savais pas du tout où j'étais, j'étais un peu perdu. C'est cela être aveugle, il faut toujours faire confiance quand on n'est pas dans un lieu que l'on connait, et c'est difficile pour moi. Mais j'ai aimé qu'il me prenne par la main, car ce n'était pas de la pitié, mais un vrai désir de m'aider, d'éviter que je ne me prenne les pieds, que je tombe.

 

Nous nous sommes arrêtés, nous n'étions pas loin de la mer. La mer, que j'aimais la regarder, mais maintenant entendre le bruit des vagues c'est douloureux. J'entends mais je ne vois pas. J'ai alors senti qu'il mettait du mouillé sur mes yeux, je pense que comme tous les guérisseurs, il utilise sa salive. Et il a ensuite touché mes yeux. Mais moi, mes yeux ils sont morts, et ils ne servent plus à rien, et même s'ils étaient ouverts; ils sont baissés si je puis dire, ils sont renfermés sur eux-mêmes. Ce n'est pas facile à expliquer. En fait mes yeux sont endormis, ils ne servent pas.

 

Il n'a pas employé d'incantation, de formule toute faite comme les autres guérisseurs. Il y a eu un petit temps de silence, juste le bruit des vagues. Il m'a demandé si j'apercevais quelque chose. Alors cela a réveillé mes yeux, et je les ai levés et j'ai vu, mais j'ai vu flou. Je lui ai dit que je voyais des gens, mais que c'était comme des arbres, parce que c'est juste une forme, et qu'ils marchaient. 

 

Là, il a à nouveau posé ses doigts sur mes yeux, mais là je les voyais les doigts, et dès qu'il les enlevés, ma vue était revenue, je distinguais tout avec netteté. Passer du flou au net, c'est un vrai miracle. 

 

Avant que je puisse le remercier, il m'a dit de rentrer chez moi, et là, je n'avais besoin de personne; et de ne pas passer par le village. Bon ça je n'ai pas compris, mais j'ai obéi. 

 

Ce qui est sûr, c'est que ce Jésus, comme guérisseur, il est vraiment extraordinaire et il ne m'a rien demandé. Je suis juste rentré chez moi, et ça a été la fête. 

 

Seulement je ne comprends pas pourquoi il a en quelque sorte disparu de ma vie, après me l'avoir rendue, ma vie. 

 

Peut-être que son chemin à lui est autre. Peut-être que son chemin c'est de réaliser les prophéties d'Isaïe, de rendre la vue à ceux qui ne voient pas, et ainsi de nous réveiller, nous qui tellement souvent nous habituons à ne pas voir, à vivre dans l'obscurité alors que notre Dieu est le Dieu qui donne la Vie. Un de ces jours, moi aussi je partirai, je le trouverai et je me mettrai à sa suite. 

 

Jésus raconte. 

 

Je les avais ramenés à Bethsaïde, pour qu'ils puissent retrouver un lieu un peu familier; j'avais déjà fait beaucoup de guérisons dans ce petit village de pêcheurs, mais personne n'a changé son cœur, et cela me désole. 

 

Des gens sont arrivés, ils avaient un aveugle avec eux. Ils m'ont demandé de le toucher, mais lui, il était raide comme un piquet et manifestement , on ne lui avait pas demandé son avis, et il ne croyait pas que le royaume de Dieu s'était approché et que la vie était plus forte que la mort. Ses yeux étaient bien morts eux. 

 

Je l'ai pris par la main, parce que je le sentais perdu avec cette foule qui commençait à s'agglutiner, et nous sommes allés un peu plus loin, en dehors du village, là où on entend le bruit des vagues et où on sent l'air que la peau. Je voulais qu'il se sente bien.

 

Pour qu'il comprenne ce que je faisais, j'ai pris un peu de salive et j'ai enduit ses yeux, comme le jeune Tobit avait enduit les yeux de son vieux père, Tobie, pour lui rendre la vue. Et j'ai touché ses yeux. Curieusement, il semblait ailleurs, je ne sais pas où, mais absent. Je lui ai demandé s'il apercevait quelque chose, et là, ça l'a comme réveillé. Il a levé les yeux, j'ai vu le mouvement des yeux, et il a dit qu'il voyait bien quelque chose. Il a dit: des gens mais qui sont comme des arbres et qui bougent. Il y avait bien des arbres auprès de nous, mais il y avait aussi des gens qui arrivaient pour voir. Voir…

 

Alors j'ai à nouveau touché ses yeux, et là, il est devenu présent, totalement présent, car il attendait quelque chose de moi, et ce quelque chose lui était donné, et il a vu avec netteté, il a retrouvé la vue, mais peut-être plus que cela, il est redevenu vivant. 

 

Je lui ai demandé de rentrer chez lui, car ça maintenant il pouvait le faire sans aide, et de ne pas passer par le village, parce que moi, je ne voulais pas qu'il soit comme montré du doigt, comme un phénomène de foire, parce que dans ce village, les miracles ils refusent d'y croire. 

 

Nous nous allons continuer notre route, cette route qui me conduira à Jérusalem.

 




Mc 8, 11-22. Les disciples n'ont qu'un seul pain avec eux.

Marc 8, 14-21: ils avaient oublié de prendre de pain 

S'il n'y avait pas eu la fête de Cyrille et Méthode, nous aurions entendu hier ce qui se passe après la multiplication des pains en territoire païen. On aurait entendu que Jésus - mais on ne sait pas très bien où il est - aurait été trouvé par les pharisiens qui sortent (mais d'où sortent-ils?), et qui lui demandent, d'une manière certainement très autoritaire, de prouver son identité, en faisant "un signe venant du ciel". A croire qu'ils attendent une éclipse de lune ou de soleil ou un arrêt du soleil comme le fit jadis Josué. Le fait que les prophéties d'Isaïe se réalisent en Jésus ne leur suffit pas.

 

Mais là, Jésus semble excédé. On connaît la traduction de la Bible Bayard, qui fait dire à Jésus: "Plutôt crever!". Pour ma part, je préfèrerais "allez -vous faire voir", avec un refus formel de donner le moindre signe venant du ciel. On sait que dans d'autres évangiles il parlera du signe de Jonas. Il s'en va, et reprend la barque avec ses disciples, et c'est l'épisode de ce jour. 

 

Il me semble que très souvent Jésus, comme tout enseignant, utilise quelque chose qui vient de se passer, pour partir du concret et aider ses disciples à aller plus loin. Et là, il parle donc des pharisiens, avec leurs beaux discours sur la loi, mais qui ne sont pas capables d'ouvrir les yeux; qui peuvent séduire les foules. Et aussi d'Hérode, ou des partisans d'Hérode, qui doivent faire plein de promesses (on dirait des promesses électorales) pour attirer à eux des adhérents. Jésus lui, n'est pas ça, et ses disciples se devront d'être différents. 

 

Seulement les disciples, eux, qui ont peut-être embarqué à la hâte, se rendent compte qu'ils n'ont pas de pain, et cela les préoccupe tellement qu'ils en oublient ce que Jésus a fait par deux fois en donnant à manger aux foules avec très peu de denrées; et ce que dit Jésus, qui parle de levain donc de pain, leur passe complètement au dessus de la tête.

 

Peut-être faut-il reconnaître que lorsque nous sommes pris par la peur du manque, faire confiance, écouter la parole, et s'en nourrir est loin d'être facile.  

 

 

Un disciple raconte.

 

Jésus venait, si je puis dire, de s'en prendre plein la tête avec les pharisiens. On avait à peine débarqué, mis le pied à terre, qu'ils lui ont sauté dessus en lui demandant un signe venant du ciel. Comme si lui n'était pas le signe venant du ciel. Mais non, ils sont tellement dans leurs écritures qu'ils sont incapables de voir autour d'eux. Et là Jésus a haussé le ton pour leur dire (enfin il ne l'a pas dit comme ça) qu'ils pouvaient aller se faire voir, que de signe il n'y en aurait pas. Et il nous demandé, à nous qui espérions pouvoir nous poser, de reprendre la barque et d'aller ailleurs. 

 

Tout ça c'est bien gentil, seulement une fois embarqués on s'est rendu compte qu'on n'avait qu'un seul pain; et comme avec lui on ne sait jamais si on pourra trouver un endroit pour manger, on était très inquiets. Et en plus, comme normalement l'un d'entre nous doit s'arranger pour que l'on ait toujours un minimum pour manger, et qu'il ne l'avait pas fait, on était en colère contre lui. 

 

Et voilà que Jésus se met à nous parler de levain. Oui, il faut du levain pour faire du pain, et du pain on n'en n'avait pas. Il nous dit de nous méfier du levain des pharisiens et du levain d'Hérode. Pour les pharisiens, on connait tous leurs belles paroles et on voit bien qu'elles sont souvent vides, pour Hérode ou ses partisans, lequel d'entre nous écouterait ses discours où il promet monts et merveilles à ceux qui veulent l'indépendance du pays, la restauration d'Israël et le départ des Romains. Cela nous passe au-dessus des oreilles, et en plus, là, nous avons faim et du pain nous n'en n'avons guère. 

 

Il a bien vu que nous ne l'écoutions pas, et là, il nous a vraiment engueulés. Il nous a reproché de nous préoccuper du pain qui allait manquer. Il nous a dit qu'on était bouchés, qu'on avait des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre; et c'est vrai que là, on n'avait pas envie de l'entendre et de discuter avec lui comme les disciples le font avec leur Maître. Alors, comme souvent, nous avons regardé nos pieds, et là il nous a rappelés ce qu'il avait fait avec cinq pains et deux poissons, et avec sept pains et quelques poissons. Et c'est vrai qu'il y avait eu une surabondance. Je crois qu'il voulait nous dire que tant qu'il est avec nous, nous serons toujours dans l'abondance, et qu'il fera ce qui est nécessaire pour cela. Mais bon, c'est vrai que mes yeux sont bouchés et que j'ai du mal à croire, à voir en lui une machine à distribuer. Mais je reconnais aussi que nous ne lui avons pas demandé de faire quelque chose. 

 

Heureusement nous avons accosté, et du pain nous en avons trouvé. Mais qu'est ce que je n'aime pas quand il est déçu par nous.

 

 

dimanche, février 13, 2022

Marc 8, 1-10: deuxième multiplication des pains.

Marc 8, 1-10 

Toujours la lecture de l'évangile de Marc, toujours en territoire dit "païen"; toujours l'attention de Jésus aux plus fragiles. Et c'est cela qui est pour moi source renouvelée d'admiration et d'émerveillement. 


La deuxième multiplication des pains. Marc 7,

 

La première multiplication des pains a lieu en Galilée; Jésus prend le pain, lève les yeux au ciel, le bénit et le rompt. Cela a lieu après que les douze soient revenus de leur première mission et que Jésus ait décidé de prendre un temps de repos avec eux au bord du lac. Sauf que ce projet n'est pas passé inaperçu et qu'une foule était déjà là quand ils sont arrivés. 

 

En voyant cette foule, Jésus est pris de compassion, parce qu'il se rend compte qu'ils sont comme des brebis dans berger. Et là, il reprend à son compte les prophéties d'Ézéchiel qui disent que désormais, ce sera le très Haut qui sera le berger de son peuple; et qu'il veillera sur toutes les brebis, quelles qu'elles soient. 

 

Et c'est le jour-même que les disciples, qui n'ont toujours pas eu leur temps avec Jésus, lui demandent de renvoyer la foule. On connait la suite. 

 

Dans l'épisode d'aujourd'hui, Jésus et ses disciples, qui reviennent vers la Galilée, se trouvent en territoire païen. Et des foules le suivent et l'écoutent, et l'écoutent. Jésus, qui va continuer son chemin, veut renvoyer les foules. Il se rend compte que cela fait trois jours que ces hommes et ces femmes, venus d'un peu partout, sont là.  Et c'est lui qui s'inquiète pour eux, qui a peur que certains ne défaillent sur le chemin du retour; et c'est lui qui refuse de les renvoyer le ventre vide et qui demande à ses disciples de faire quelque chose, à savoir de leur trouver à manger. Là aussi, on connait la suite, puisque c'est la même chose: bénir et rompre.

 

Mais ce qui me frappe, c'est la compassion de Jésus, son attention aux plus faibles (certains pourraient défaillir en chemin), et aussi son désir d'associer les disciples à cet acte, et de leur montrer qu'avec Lui, rien n'est impossible. 

 

On sait qu'ensuite ils rentreront en Galilée, et que l'accueil des pharisiens sera plutôt glacial: on le sommera, pour le mettre à l'épreuve, de donner un signe venant du ciel, alors qu'il vient de nourrir 4000 personnes; mais cela semble ne pas compter. 

 

C'est un disciple qui raconte

 

Nous étions dans le territoire de la Décapole, le pays du roi Philippe, le frère d'Hérode qui lui avait pris sa femme et avait fait décapiter le pauvre Jean qui le lui reprochait. Jésus avait guéri une petite fille sans même la toucher, puis un homme qui était sourd et muet. Et quand cela s'était su, des foules étaient venues auprès de lui, et il avait guéri à tour de bras, et enseigné aussi. Seulement il fallait bien rentrer, et au bout de trois jours, il a voulu les renvoyer chez eux. Mais certains étaient là depuis trois jours et venaient de loin; et il ne voulait pas qu'ils rentrent chez eux le ventre vide. 

 

Il nous a demandé de trouver quelque chose pour eux, mais là, une fois de plus, on a pensé qu'il était un peu fou. Où trouver à manger pour une pareille foule. Il avait déjà fait le coup il n'y a pas si longtemps, mais bon, où trouver du pain. Il nous a demandé ce que nous avions. Et cette fois-ci nous avions quand même de quoi manger pour nous. Nous avions 7 pains. Nous les lui avons donnés. Je ne sais pas si ça nous plaisait tellement de donner ce que nous avions, pour des païens.. Avec lui on ne peut pas dire non, mais quand même.

 

Alors il a pris nos pains, il a prononcé la bénédiction, et là, il n'y avait plus 7 pains, mais des pains en quantité, qu'il a rompu. Nous les avons distribués, et les gens étaient heureux. Quelqu'un nous a donné quelques petits poissons grillés, et il a fait de même, et il y a eu des poissons pour tous. On a ramassé ce qui restait: sept corbeilles pleines.  

 

Alors il nous a dit de rentrer, de reprendre la barque. On a débarqué à Dalmanoutha. Et presqu'aussitôt, des pharisiens lui ont littéralement sauté dessus, pour lui demander un signe venant du ciel, pour prouver qu'il était bien un envoyé du Très Haut. Ils me font rire, eux, comme si le signe ils ne l'avaient pas. Les pauvres ont mangé et ils ont été rassasiés. Les sourds entendent, les paralysés marchent… 

 

 Des fois, je me demande ce qu'ils ont dans les yeux pour refuser de comprendre que Dieu est venu visiter son peuple; et que le salut est là. 

 

Et nous, nous les disciples, nous ne comprenons pas toujours ce qu'il dit ou ce qu'il fait, loin de là; mais au moins nous sommes avec lui et nous nous nourrissons de sa présence; et nous avons confiance en lui..

samedi, février 12, 2022

Marc 7, 31-37. Ils lui demandaient de poser la main sur lui.

 Marc 7, 31-37. La guérison d'un homme sourd et muet.

 

On est presque à la fin du chapitre 7. Jésus, un peu à son corps défendant, a expulsé un démon qui rendait malade une petite fille qui avait une maman païenne. Il n'y a pas eu contact avec cette enfant, un peu comme pour la guérison du fils ou de l'esclave du centurion, épisode non raconté par Marc, mais qui montre l'efficacité de la Parole, même en pays non juif, et aussi la foi de cette mère. 

 

Jésus prend une route qui va le ramener en Galilée. Et c'est là que se passe, dans un lieu inconnu, la guérison rapportée. 

 

C'est un texte que j'aime beaucoup, parce que pour une fois, comme dans la scène de la résurrection de la fille de Jaïre, on a une parole de Jésus en araméen. 


Et puis il y a aussi cette demande qui est faite à Jésus de "poser les mains sur lui", car cela évoque pour moi un chant que j'aime: "Ta main me saisit, ta droite me conduit, tu as posé sur moi ta main". (https://www.abiif.com/chants/ta-main-me-conduit-mp3)

 

D'un point de vue symbolique, on peut penser que cette ouverture des oreilles et de la bouche montre (d'autant que Marc a œuvré avec Paul) que les oreilles des non juifs vont s'ouvrir à la bonne nouvelle; que eux aussi apprendront à écouter, et que leur bouche proclamera la louange de Dieu qui se laisse connaître par tous les hommes. 

 

Mais revenons à la péricope d'aujourd'hui. 


J'avais dans le temps écrit un billet sur cet épisode où je me demandais comment Jésus avait fait pour mettre à la fois ses doigts dans les oreilles, et mettre de la salive sur la langue   https://giboulee.blogspot.com/search?q=guérison+du+sourd-muet  Aujourd'hui j'aimerais penser que Jésus par ces gestes, fait comprendre à l'homme, un peu comme avec une langue des signes, ce qu'il va faire pour lui. Et c'est alors qu'il peut prononcer ce mot; et là je me plais à imaginer que l'homme entend au moins la fin du Ef fa ta, et que là il comprend qu'il est guéri, et que sa langue va lui permettre de parler et d'être compris. Je pense ensuite que quand Jésus lève les yeux au ciel et qu'il soupire, c'est qu'il s'adresse à son Père du plus profond de lui-même, et que peut-être il pense non pas à cet homme unique, mais à tous ceux qui un jour, par ce qui se passera sur la croix, seront sauvés. 

 

J'ai laissé un disciple raconter cette scène, qui sera suivie de la deuxième multiplication des pains, où l'on voit (et en cela c'est différent de la première multiplication) la sollicitude de Jésus pour cette foule qui est restée trois jours (et non plus une journée) à l'écouter, et qui pourrait défaillir, si elle revient sans alimentation. Et le dernier verset de la péricope d'aujourd'hui  "Il a bien fait toutes choses, il fait entendre les sourds et parler les muets" (Isaïe 29,18), si on le remet dans son contexte, annonce la venue d'un temps nouveau, d'un temps où "les humbles se réjouiront de plus en plus dans le Seigneur, et les malheureux exulteront en Dieu, le Saint d'Israël." Is 29, 19.

 

 

Un disciple raconte

 

Nous avons quitté le beau pays de Sidon, et repris la route vers chez nous, en passant par la Décapole. La Décapole, nous y avions fait un bref séjour, c'était quand le Maître avait expulsé d'un pauvre homme un tas de démons qui l'empêchaient de vivre dignement. Seulement ces démons, une fois sortis, avaient trouvé asile dans un troupeau de porcs et les porcs, sûrement pour leur échapper, s'étaient précipités dans le lac, ce que les gardiens n'avaient pas apprécié; et on nous avait demandé de décamper, ce que nous avons fait. Et nous revoilà dans ce territoire. Je pense qu'on a dû parler de Jésus, car dans un village on lui a amené un homme sourd, qui s'exprimait un peu, pour qu'il pose la main sur lui. 

 

C'est beau, cette demande, "poser la main sur lui". Juste poser la main et espérer que le contact permettrait à leur ami de sortir du monde du silence, de sortir de l'enfermement.

 

A notre surprise, il a regardé l'homme, qui bien sûr regardait Jésus avec beaucoup d'étonnement; il n'a pas posé la main sur lui, mais il l'a conduit à l'écart, puisque lui, il n'avait jamais entendu parler de lui, et pour cause. Là, ils se sont assis. Jésus à mon avis, a voulu lui faire comprendre qui il était, un guérisseur. Alors il a mis ses doigts sans les oreilles de l'homme. Et il l'a regardé. Puis il a pris un peu de sa salive, et il a touché la langue de l'homme. Un peu de temps a passé. L'homme semblait attendre. 

 

Et Jésus a levé les yeux vers le ciel, comme il l'avait fait le jour où il avait donné à manger à tout le monde, au bord du lac, et il a murmuré, soupiré, effata. Il ne s'adressait pas à l'homme, mais à celui qu'il nomme son Père. Il lui demandait que ses oreilles s'ouvrent, que sa langue de délie pour qu'il puisse ouvrir sa bouche et peut-être chanter les louanges de notre Dieu.

 

Et l'homme s'est mis à parler. Jésus l'a reconduit au village, et tous étaient dans l'admiration; mais il leur a demandé de ne rien dire à personne. Là, c'était lui qui leur liait la parole si je puis dire. Et tous s'extasiaient car oui, il n'est pas un guérisseur comme les autres. Nous sommes partis très vite, comme s'il se sentait appelé à autre chose. Peut-être qu'il veut que ces non-juifs puissent s'ouvrir à la Présence du vrai Dieu, et que le Dieu d'Israël devienne vraiment le Dieu de tous les hommes.

dimanche, février 06, 2022

Lc 5, 1-11 La pêche sur les bords du lac de Tibériade

 Dans l'évangile de Luc, Jésus vient d'essuyer un échec dans la synagogue de Nazareth. L'évangéliste dit qu'après le baptême et les tentations, Jésus parcourt la Galilée et enseigne dans les synagogues. Alors peut-être que cet échec le pousse à inventer un autre mode de prédication: parler dehors à qui veut bien l'écouter, et c'est ce qui se passe ce matin là, à Capharnaüm. 

Toujours sans cet évangile, on ne sait rien de Simon, d'André et des fils de Zébédée, contrairement à l'évangile de Jean. C'est pour cela que je vais suivre la trame de cet écrit, en supposant qu'il s'agit d'une première rencontre, et en racontant ce que Simon a vécu ce jour-là. C'est le seul évangile qui rapporte ce miracle, qui sera repris par Jean, après la résurrection (Jn 21).

Simon, le pêcheur, raconte comment il a décidé de suivre Jésus.


 Toute la nuit sans rien prendre, toute la nuit. Cela arrive mais c'est rare. Et du poisson, j'en ai besoin pour pouvoir faire rentrer de l'argent à la maison. Rien. Nous avons regagné, André et moi, la rive, remplis de fatigue. Nous avons fait les gestes habituels, de remettre les filets dans la barque avant de les laver et de vérifier que les mailles sont en bon état. 


Nous étions vraiment découragés; et la fatigue de cette nuit sans sommeil nous accablait. Pour Zébédée et ses fils, qui sont nos compagnons, ce n'était guère mieux; un peu mieux quand même.

 

Mais sur le quai il y avait du monde, même beaucoup de monde, ce qui est rare en semaine et à cette heure là. Il y avait un homme qui parlait, mais sa voix ne portait pas vraiment. Je ne sais pas trop ce qu'il racontait. Peut-être un disciple de Jean, l'homme qui baptise sur le Jourdain et qui nous parle de la venue du Royaume. Ce Jean, je l'aime bien moi. Parfois je pense à le suivre.

 

Et voilà que cet homme, il me dit qu'il s'appelle Jésus et qu'il vient de Nazareth; il monte dans ma barque et il me demande de s'écarter un peu du large, ce que je fais pour lui faire plaisir. Il y a quelque chose dans sa voix, dans son regard, qui fait qu'on ne peut pas résister. Il s'assied, et là il parle, il parle. J'entends, mais je n'écoute pas trop. Je suis tellement fatigué et tellement déçu. 

 

Et puis il y a comme un silence, et il s'adresse à moi. Je pensais qu'il voulait que je le ramène au bord, mais non. Il me dit d'aller au large, en eau profonde et de jeter mes filets. Je l'ai regardé comme s'il était fou, mais il avait l'air de savoir ce qu'il voulait. Et puis, comme je l'ai dit, une autorité émanait de lui. 


Alors André et moi, nous avons pris nos rames, nous avons ramé, et nous avons jeté les filets. Ramer quand on est épuisé, c'est dur et en plus, jeter les filets en plein midi, jamais personne ne fait cela. 

Seulement quelque chose s'est passé. Il y avait, non pas un banc de poissons, mais des bancs de poissons, de races variées qui entouraient la barque, et ils se prenaient dans nos filets. Jamais nous n'avions vu une chose pareille. Les filets étaient sur le point de se rompre. On a fait signe aux fils de Zébédée pour qu'ils viennent nous aider. Les filets étaient tellement remplis qu'on avait du mal à les faire passer dans la barque. Et nos barques étaient tellement remplies, qu'elles s'enfonçaient. 

 

Quelque chose s'est passé en moi, j'ai ressenti quelque chose de l'ordre de la crainte. Qui était cet homme qui avait pouvoir sur les créatures de la mer? Je me suis senti misérable devant lui, je suis tombé à ses pieds, et je lui ai dit une phrase qui ne m'appartenait pas vraiment, une phrase prononcée autrefois par le prophète Isaïe lors de sa vision du Temple du Tout Puissant et de sa Gloire. Je lui ai demandé de s'écarter de moi, car j'étais un homme rempli de péché, et que lui il était rempli de la Puissance du Très Haut.

 

Il m'a regardé, et je me suis senti aimé. Il m'a aidé à me mettre debout, et il m'a dit de ne pas avoir peur, qu'il ferait de moi un pêcheur d'homme. Je ne sais pas ce que cela veut dire, attirer des hommes dans mes filets, mais manifestement il sait ce qu'il dit. Alors je lui ai fait confiance.

 

Nous avons regagné la terre ferme, les poissons ont été mis avec l'aide de tous dans des paniers, et des amis se sont chargés de la vente, parce que nous, nous les quatre, nous les amis depuis toujours, nous avions compris que nous avions trouvé le Maître que nous attendions, que nous cherchions; et nous l'avons suivi.

 

 

vendredi, février 04, 2022

Mc 6, 14-29." La jeune fille rentra dans la salle"

Mc 6, 14-29 La mort de Jean le Baptiste.

 

Le chapitre 5 de l'évangile de Marc avait rapporté la guérison de la femme qui perdait du sang et surtout ce qu'on appelle la résurrection de la fille de Jaïre. Puis Jésus était parti, et avait envoyé les douze en mission. C'est le début du chapitre 6. Et cette scène, qui arrive un peu comme une incise, apporte le récit de la mort de Jean le Baptiste, récit qui se trouve chez tous les évangélistes. J'ai, dans le passé, raconté comment le garde chargé de l'exécution avait vécu cette tragédie:  https://giboulee.blogspot.com/2019/02/la-mort-de-jean-le-baptiser-mc-6-14-29.html

 

Il se trouve que professionnellement je rencontre pas mal de personnes qui ont vécu dans leur enfance ou leur adolescence des situations traumatiques, générées par des personnes proches. Aujourd'hui, on sait que les séquelles sont importantes et peuvent perdurer pendant des années.  

 

J'ai noté que quand Jésus s'adresse à la fille de Jaïre, il l'appelle "jeune fille". C'est le même terme qui est utilisé ici, au verset 25, pour parler de la fille d'Hérodiade: "Aussitôt la jeune fille s'empressa de retourner vers le roi…" 


Et je me suis dit que cette jeune fille, qui va recevoir la tête de Jean sur un plat, a dû vivre un véritable traumatisme, d'autant que c'est elle qui l'a ensuite donnée à Hérodiade et que le temps du transport a pu être assez long. 

 

Alors j'ai imaginé que cette jeune fille a dû à la fois craindre cette mère qui a commis un meurtre, mais aussi la haïr, car elle a été son instrument. Sa mère s'est servie d'elle. Comment ne pas haïr une telle mère? 

 

 

 La fille d'Hérodiade raconte cette soirée qu'elle ne pourra jamais oublier.

 

 

Elle, ma mère, a quitté mon père Philippe parce que c'était le moyen d'avoir un titre, un vrai titre de reine, et ça, c'est ce qu'elle veut. Mais moi, elle ne m'a pas demandé mon avis, je suis une princesse, et je dois apprendre à devenir une reine. Et j'ai dû la suivre, mais moi le roi Philippe, je l'aime.

 

Seulement, Jean le prédicateur, celui qui baptise dans le Jourdain, s'est mis à tonner haut et fort contre Hérode, en disant qu'il n'a pas de droit de faire ce qu'il a fait. 

 

Je dois dire que je suis bien d'accord avec lui. Seulement ma mère, elle, déteste Jean et elle voudrait le faire mourir. Elle a obtenu qu'il soit emprisonné, pour que plus personne ne puisse plus l'entendre. Elle a essayé de l'empoisonner, mais il n'est pas mort; il a été malade et depuis, sa nourriture va directement des cuisines d'Hérode à la prison. 

 

Hérode a d'ailleurs une drôle d'attitude envers ce prophète. Parfois il le fait sortir de sa prison pour l'écouter, et il aime bien l'entendre; et en même temps il a peur des malédictions qui pourraient sortir de sa bouche, et il a peur aussi du peuple qui considère Jean comme un nouvel Elie.

 

Mais ma mère Hérodiade, elle, ne veut qu'une chose, qu'il se taise; et surtout qu'il n'influence pas Hérode qui est un faible. Elle a peur de tout perdre. Alors elle cherche ce qu'elle pourrait faire, et Hérode, elle le connaît bien.

 

L'anniversaire du roi est arrivé, et c'est là qu'elle s'est servie de moi. En fait elle avait tout manigancé dans sa tête. Elle voulait que j'aille danser devant le roi, que je lui fasse tourner la tête et qu'il me récompense. C'est tout ce qu'elle m'avait dit. 

 

Danser devant ces hommes avinés, je déteste cela, mais avec elle, je dois obéir. Et j'ai dansé, et Hérode m'a regardé avec un regard que j'ai détesté, qui m'a fait mal, qui me donnait envie de disparaître. Bien sûr il est tombé amoureux de ma beauté, de ma danse. Le plan de ma mère avait marché. Il m'a demandé de lui dire ce que je voulais, et qu'il me le donnerait, même si c'était la moitié de son royaume. Et il a juré devant tous les dignitaires, les chefs d'armée, et les notables qu'il le ferait. 

 

Sauf que moi je n'avais pas d'idée et je suis sortie demander à ma mère. Je pensais à des bijoux, à des perles rares… Mais elle, elle m'a ordonné de demander la tête de Jean et de la faire apporter sur un plat. Et là encore je n'ai pas pu refuser. Et c'est ce que j'ai demandé quand je suis retournée dans la salle du festin. Ma voix tremblait quand j'ai demandé cela.

 

 Quand Hérode a entendu ma demande, cela l'a dégrisé net. Mais il avait promis, et il a envoyé un garde exécuter son ordre. Le silence était tombé sur la salle. 

 

Le garde est revenu avec la tête de Jean. J'ai cru m'évanouir. Il y avait du sang partout. Il avait les yeux ouverts. J'ai pris le plat et je me suis sauvée en quelque sorte; Je l'ai apporté à ma mère. J'aurais voulu fermer les yeux, ne pas regarder, mais je ne pouvais pas faire autrement que de voir cette tête, celle d'un homme tué par vengeance, par ma faute.

 

Je ne sais pas ce que ma mère a fait de cette tête, mais moi je n'arrive plus à dormir. Je vois sans arrêt le garde qui revient, la tête, le sang; et c'est tout le temps. Quand j'arrive à m'endormir, les cauchemars sont là. Et maintenant je voudrais tuer ma mère, je voudrais qu'elle n'existe plus, car dès que je la vois, je pense à ce qu'elle m'a fait faire et j'ai envie de me tuer; de la tuer. 

 

Je ne veux plus être une princesse, je ne veux pas être une reine, je veux disparaître. Je veux m'enfuir, je veux partir, je ne veux pas qu'elle me retrouve. 

 

Peut-être que ce Jésus, qui semble inquiéter Hérode, pourra m'obtenir le pardon du Très Haut et me prendra avec lui. Je sais que Jeanne, la femme de l'intendant d'Hérode, fait partie des femmes qui le suivent, alors je vais tenter ma chance. Je n'ai plus de mère, je n'ai plus de père, je n'ai que ces images qui me hantent.