vendredi, septembre 15, 2023

Jn 19,25-27. Notre Dame des sept douleurs - 15 septembre 2023.


Hier c’était ce qu’on appelait autre fois l’exaltation de la Sainte Croix, et aujourd’hui la Croix glorieuse, avec la lecture de quelques versets du chapitre 3 de Jean: Le fils de l’homme sera élevé. Or certes il est élevé sur cette croix, mais de fait il y est pendu comme un criminel; il est peut-être dressé sur le monde, mais il est abaissé, lui le Fils de l’homme; il est alors totalement dans la volonté divine, et le monde est sauvé. Mais cela se fait dans le sang et dans la mort. 

 

Aujourd’hui c’est Marie des douleurs, avec un texte très bref de Jn 19: deux versets. 

En revenant sur ce texte de matin, j’ai senti la nécessité de laisser Marie raconter. Raconter ce qu’une maman peut ressentir quand elle assiste à la mort de son fils, totalement impuissante, et qu’elle reçoit une espèce de mission qui lui permet peut-être de se projeter dans le futur, un futur où elle sait - parce que la foi de Marie lui permet certainement de ne pas douter de la résurrection annoncée - qu’elle aura une place, un rôle: être la mère de ceux qui deviendront le corps de son Fils. 

 

Le texte

 

Est-ce que c’était fréquent que la famille ou les proches soient présents sur le lieu même de la mise à mort? Une exécution avait valeur d'exemple. Mais je pense qu'il a fallu en braver des obstacles, pour être là, sur le lieu. 

 

 

Je vois toujours Marie, avec son fils qu’elle ne peut pas toucher, et qui a du sang plein de visage et les mouches, parce que pour moi elles sont là. Et personne ne peut éponger le visage de Jésus. Il y a les autres qui se moquent de lui. Et elle est là, droite, debout. 

 

Elle n’est plus toute jeune Marie, elle peut avoir près de 50 ans. Et 50 ans, c’est peut-être déjà vieux, même si on a Anne dans l’évangile de Luc qui a 84 ans . Nous ne savons  pas à quel âge Marie est partie rejoindre son fils.  

 

Mais quelle souffrance. Je n’arrive pas imaginer qu’elle puisse voir le futur ressuscité dans cet homme de douleur. Mais peut-être que je me trompe. Maintenant il est plus que possible que sa foi lui permette un certain apaisement. 

 

Lui, Il a tout fait comme il le fallait. Il est au bout de sa vie. Peut-être que Marie est comme ceux qui perdent un être cher, mais qui savent qu’il a eu une vie pleine, et qui comprennent l’inéluctable. Mais un être humain reste un être humain et même si les oraisons parlent de la compassion (mot que je trouve trop faible) de Marie pour son fils, je pense que elle, elle souffre, et que comme toute mère, elle voudrait que ce soit elle qui souffre et pas lui, mais cela c'est impossible. 

 

 Je n’imagine pas qu’elle puisse elle en vouloir à Dieu, comme nous, trop souvent, mais quelle épreuve. Notre dame des 7 douleurs , disait-on disait autrefois.

 

 

 

25 Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine.

 

Donc auprès de Jésus, il y a 3 femmes et un homme; et les soldats. Qui est cette Marie, femme de Cléophas ? Est-ce que ce prénom, qui évoque les disciples d’Emmaüs, est donné par le rédacteur pour faire penser à la résurrection ? 

 

26 Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. »

 

Là il y a ce changement de registre: je pars, mais je ne te laisse pas seule; cet homme je te le donne, qu’il soit un fils pour toi. Tu prendras soin de lui et lui de toi. Il y a ce "femme" qui reste curieux, mais qu’on a déjà eu à Cana. A Cana c’est l’eau transformée en vin. Là c’est le sang qui devient source de vie, qui devient fleuve de vie. C’est presque le sang qui devient eau, comme le Jourdain. Le prêtre qui commentait cet évangile aujourd'hui, faisait remarquer que Jésus crée du lien entre ces deux qui sont en souffrance, entre ces deux qui l'aiment, entre ces deux qu'il aime.

 

27 Puis il dit au disciple : "Voici ta mère". Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.

 

Normalement elle aurait dû demeurer dans sa famille: peut-être est-ce cette famille qui est représentée par l’autre Marie; mais avec quel statut ? Une pestiférée ? Une maudite. La sortir de ça, cela semble très important: et le disciple devient comme un fils qui prend soin de sa mère. Est-ce que cela veut dire que le matin de la résurrection elle est chez Jean quand Marie Madeleine vient annoncer que le corps a disparu. Et là, je peux imaginer la joie envahissante car pour elle, si le corps n’est plus là, c’est qu’Il est vivant son Fils. Il est le Vivant, il est passé de la mort à la vie.


 

Marie raconte

 

Le vieux Syméon me l’avait bien dit (1)qu’un glaive de douleur transpercerait mon cœur, mais cela je l’avais mis dans un petit coin de ma mémoire, et j’avais commencé à comprendre quand mon Jésus était parti retrouver son cousin sur les bords du Jourdain[2)Enfin j’avais déjà compris lorsque nous étions montés à Jérusalem avec lui, pour sa première Pâque[3]Il était resté là-bas à parler avec les rabbis qui étaient dans le Temple, et nous l’avions cherché trois jours et trois nuits. Et quand je lui ai dit que pour son père et moi, cela avait cause d’une grande souffrance il nous avait répondu qu’il lui fallait être chez son Père; je n’avais pas trop compris, mais cela m’a quand même, bien fait comprendre que ce Fils, donné par l’Esprit Saint, ne m’appartenait pas. Bien sûr je le savais, mais pour une mère ce n’est pas facile, surtout qu’il est mon unique, même s’il a des cousins et cousines très proches. 

 

Je ne sais pas ce qui s’est passé sur les bords du Jourdain, mais je sais que Jean, quand il l’a vu, a dit qu’il n’était pas digne de délier la courroie de sa sandale, et qu’il avait vu l’Esprit descendre sur lui, tel une colombe et y demeurer. Et que Jésus était l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Je sais qu’il a pris avec lui André, Simon, Philippe et Nathanaël, ainsi qu'un jeune de Jérusalem avec lequel il avait un lien très fort. 

Quand je l’ai revu à Cana, [4]j’ai bien vu qu’il n’était plus le même. Je lui ai fait remarquer que le vin allait manquer, il m’a regardé un peu comme si je le dérangeais, comme si je lui demandais quelque chose d’impossible, mais moi je sais bien qu’il peut faire tellement pour que les hommes ne manquent de rien. Il m’a dit « Femme, que me veux-tu, mon heure n’est encore venue ». Je me suis sentie mise à distance et en même temps, je savais bien qu’il m’avait entendue et j’ai dit aux serviteurs que s’il leur demandait de faire quelque chose, ils le fassent. Moi, j’avais foi en lui. Et le vin n’a pas manqué, il a été en abondance. 

 

Aujourd’hui, je suis là. Aujourd’hui, mon cœur se tord en moi. Aujourd’hui ce sont d’autres noces que celles de Cana et je le sais. Aujourd’hui ce sont les noces qui se font avec le sang de mon fils entre tous les hommes et notre Père du ciel, que son nom soit béni!

 

Mais moi, je suis là, devant lui qui est torturé sur cette croix. Il y a deux autres femmes avec moi, et Jean, ce petit que mon fils aime tant. Tous les autres sont partis, ils l’ont abandonné. Je ne peux pas le toucher, je ne peux pas chasser les mouches qui rampent sur son visage ensanglanté, je ne peux pas enlever cette horrible couronne qui a été enfoncée sur sa tête par les soldats. Je ne peux comprendre pourquoi ils lui ont fait ça, pourquoi ils font du mal pour faire du mal; je ne comprends pas et mon cœur est dans la tourmente. Oui, c’est un glaive qui transperce mon cœur.

 

J’étais là, et il y avait aussi les soldats qui avaient partagé ses vêtements. Moi je pensais au corps de mon petit garçon, de mon premier-né, de mon beau petit garçon; dans quel état il est. Il a dit qu’il devait passer par toutes ces horreurs et qu’il reviendrait à la vie le troisième jour, et de cela je suis convaincue, lui qui a transformé de l’eau en vin, lui qui demeure dans le Père, lui qui est la lumière, et que les ténèbres de la mort ne pourront pas retenir; mais je suis là, douloureuse de sa douleur à lui.

 

Il m’a regardé, il a regardé Jean. Son regard était comme noyé par la douleur et la souffrance. Comment a-t-il trouvé la force de parler alors que chaque souffle était une victoire sur la mort ? Il m’a dit: "Femme voici ton fils". Et à lui il a dit: "Voici ta mère". Et c’était comme si la vie continuait: il me donnait quelqu’un à aimer, quelqu’un avec qui je serai comme une mère. Et lui a dit oui de la tête, et il m’a prise comme sa propre mère. 

 

Je dois reconnaître que retourner à Nazareth dans ma famille, moi qui n’ai plus de mari, moi dont le fils vient d’être condamné à mort comme un malfaiteur par les Romains, ne me souriait guère. Quelle vie m’attendait là-bas? J’aurais eu une vie dans la solitude, et surtout dans la honte. Là je vais rester avec lui dans cette famille qu’il a créée autour de lui, la famille de ceux qui ont écouté sa parole et qui l’ont mise en pratique. Et avec eux, j’attendrai qu’il revienne à la vie; car de cela je suis certaine. Mais que mon aujourd’hui est dur pour mon cœur. Que le Très Haut dont je suis la servante se souvienne de moi,  et vienne à mon secours et au secours de son Fils. 

 

Jean n’a pas voulu que je reste jusqu’au bout; je n’ai pas pu résister. Marie de Magdala, elle, est restée, elle a vu qu’il inclinait la tête, qu’il rendait l’Esprit, qu’un soldat en fin de journée lui avait transpercé le cœur et qu’il en était sorti du sang et de l’eau. Elle était là quand Joseph d’Arimathie et Nicodème l’ont enveloppé dans un linceul et mis dans une tombe neuve dans ce jardin qui est tout près du lieu de son exécution; et je suis chez Jean, et j’attends, comme la femme du Cantique des cantiques qui attend que son bien-aimé vienne la chercher. 

 



[1] Lc 2 25 et svts

[2] Jn 1 , 27-36

[3] Lc 2,43-52

[4] Jn 2, 1-5 

dimanche, septembre 03, 2023

Mt 16, 13-20 et 21-27 - 21° et 22° dimanches du temps ordinaire. Août et Septembre 2023.

 

Pourquoi réunir ces deux péricopes en une seule? Peut-être parce que le héros (heureux puis malheureux), c'est Simon-Pierre, sauf que je ne sais pas du tout qui va raconter ces évènements, et parce que dans un cas, Pierre quand il prend la parole dit finalement des mots qui le dépassent totalement, ce qui permet à Jésus de louer son Père d'avoir ouvert le cœur de Pierre qui reconnaît en Jésus le Fils du Dieu Vivant. Et que peu de temps après, devant les déclarations de Jésus qui le choquent, avec son bon cœur, ("moi Simon, je ferai tout pour que cela ne t'arrive pas, je ne veux pas que tu perdes la vie, je ne veux pas que tu souffres", ce qui est finalement une réaction assez enfantine), déclarations que somme toute nous pouvons parfaitement comprendre, parce que Jésus, nous aussi, nous l'aimons d'un amour charnel. La violence de la réaction de Jésus - "Passe derrière moi Satan" - donne à réfléchir; j'y reviendrai. 

 

La conclusion de ces deux récits, c'est de fait la transfiguration (chapitre suivant), qui permettra à Simon d'entendre la voix du Père qui demande d'écouter son fils; et de voir en Lui le Fils du Dieu Vivant. Peut-être que cela l'aidera par la suite à réagir moins vigoureusement quand Jésus parlera du futur qui l'attend et qu'il choisit.

 

 

Mt 16, 12-20

 

La semaine dernière, on était en pays païen. Jésus est parti après la guérison de la fille de la syro-phénicienne. Il part de là, arrive près de la mer de Galilée, gravit la montagne, guérit les foules - et ça dure trois jours, puisque à la fin du troisième jour c'est la multiplication des pains; cette fois-ci ce sont 7 corbeilles pleines. Jésus monte alors dans la barque et arrive dans un territoire, non localisé je crois. Au chapitre 16, c'est la demande du signe: ici ce sera le signe de Jonas. Jésus s'en va (pas trop content) et c'est l'épisode des pains oubliés et la diatribe de Jésus contre les pharisiens et leur levain. Et c'est l'épisode pour ce dimanche.

 

Il fut un temps où j'aurais dit  "Pour moi, tu es le divin plombier, celui qui nettoie les radiateurs bouchés par la boue; le divin jardinier, celui qui enlève les racines en profondeur, ce que je ne sais pas faire"; aujourd'hui je ne sais plus trop ce que je dirai. Simplement, Tu es celui qui est, tu es le présent, tu es la Vie et tu me la donnes. 

 

 

13 En ce temps-là, Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? »

14 Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »

 

Réponse intéressante: un prophète et non pas un simple guérisseur. Un prophète est un envoyé; Jésus en fait bien plus, mais dire cela ce n'est pas si mal.

 

15 Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »

 

C'est une question directe. Et il y a tout ce jeu autour de la parole. La prendre et la reprendre. Avant c'était Jésus, puis c'est Simon-Pierre, puis c'est Jésus à Pierre puis aux disciples. 

 

16 Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »

17 Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux

 

Il y a cette onction qui fait de lui le fils et l'épisode suivant, sera dans le droit fil de cela. C'est le Dieu vivant qui dit de cet homme, qu'il est son fils bien aimé.

 

 Je crois que j'aime cette phrase, parce que ce qui est dit là, ce n'est pas l'intelligence qui peut le dire: c'est un cadeau, un cadeau du Père; et si Pierre est heureux, c'est que là, il est comme Jésus, en lien direct avec notre Père, avec son Père.

 

18 Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.

19 Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »

 

L'église plus forte que la mort; et la mort, on peut dire que c'est la puissance du mal - et cela c'est une sacrée promesse. On parle au futur. Et le pouvoir terrestre donné à Pierre, qui fait presque de lui un Dieu.

 

20 Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne que c’était lui le Christ.

 

Et de même il demandera aux 3 de ne pas raconter la transfiguration avant qu'Il ne soit ressuscité d'entre les morts.

 

 

Mt 16 , 21-27

 

 

Suite de l'évangile de dimanche dernier, la confession de Pierre. La transfiguration n'a pas eu lieu. Là maintenant Jésus est certain que ses disciples ont compris qu'il est plus qu'un prophète, plus qu'un envoyé, et qu'il est celui qui est l'Oint, et surtout le fils du Dieu vivant (ce qui peut peut-être illuminer la manière dont il parle de lui, fils de l'homme. Il est bien plus que la réalisation de cet homme divin, il est le fils du dieu vivant. Alors il peut commencer à les faire descendre avec lui dans ce qui va se passer pour que le monde soit sauvé.

 

21 En ce temps-là, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.

 

Donc programme bien peu glorieux.

 

22 Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »

23 Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

 

Occasion de chute ou de scandale. Si tout à l'heure ce n'était pas Pierre qui s'exprimait, mais Dieu qui parlait par sa bouche, là, c'est peut-être l'amour de Pierre qui s'exprime, mais c'est certainement plus égoïste que cela n'en a l'air. C'est sûr que lorsque l'on aime quelqu'un on ne veut pas qu'il lui arrive malheur. On peut aussi penser que pour Jésus, homme, ce choix est loin d'être facile.  Mais Pierre en prend plein la tronche, car être reconnu comme le Roi, c'est bien une tentation pour Jésus. Et il doit renoncer à la gloire, la gloriole, pour passer par la croix. 

 

24 Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite,

qu’il renonce à lui-même,

qu’il prenne sa croix et

qu’il me suive.

 

25 Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.

 

 

Et comme souvent, Jésus fait de ce qui vient de se passer un enseignement. Quelle différence y a-t-il entre marcher à sa suite et suivre? Après une nuit de réflexion, je pense que Jésus demande de prendre le même chemin que le sien, un chemin qui semble mener à la mort, mais qui va vers la vie. Il s'agit d'un chemin d'abaissement, un chemin de non reconnaissance, un chemin avec de la souffrance. C'est le chemin de Jésus, mais cela doit être aussi le chemin de celui qui veut être son disciple. Avec lui, ce n'est pas la gloire sur cette terre qui sera donnée; mais à la fin des temps ce sera différent. 

 

Il y a trois impératifs: cesser de faire de soi le centre du monde; se reconnaître pécheur et avoir besoin du salut; et suivre le même chemin que celui de Jésus.

 

26 Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ?

 

Que vaut ma vie si elle n'est pas configurée à celle de Jésus, donc aussi à la croix? 

 

Quand je lis ce verset, je ne peux m'empêcher de penser à tous ces hommes qui, par leurs richesses ont le monde entier, mais qui sont si pauvres. 

 

27 Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. »

 

 

Quelqu'un raconte

 

Quand Jésus pose des questions, on est toujours un peu étonné. On se sent comme des élèves et on a peur de le décevoir, qu'il soit malheureux parce qu'on est un peu, pour ne pas dire beaucoup, bouché. Et les questions, il aime en poser. Là, nous étions du côté de Césarée de Philippe et il nous a demandé ce que les gens disaient du Fils de l'Homme. Bon, ça ce n'était pas difficile. On entend bien ce qu'ils racontent dans les villages où nous passons. Pour les uns il est un nouveau Jean-Baptiste, et pourtant il ne baptise pas, et il fait des choses très différentes: il guérit, il expulse les esprits mauvais, il donne du pain aux foules, et il a un autre enseignement, mais je pense que les gens ça les rassure de croire qu'Hérode n'a pas été le plus fort. D'autres disent que c'est Elie, et c'est vrai qu'Elie, il doit revenir du ciel où il a été enlevé, et qu'il annoncera la fin des temps; mais Jésus, lui, il ne crée pas la famine ou la sécheresse, il donne en abondance. Certains parlent de Jérémie: Jérémie ce prophète mal aimé, parce qu'il annonçait à juste titre des malheurs si les rois refusaient d'obéir aux ordres du Tout Puissant. Bref, tous pensent que Jésus est un prophète, peut-être celui qui doit remplacer Moïse et conduire le peuple comme Moïse l'a fait. Nous conduire vers la liberté.  

 

Il y a eu un petit silence, je ne sais pas si ça lui faisait plaisir d'être pris pour un prophète; le Fils de l'homme, celui qui viendra dans les temps futurs, c'est bien plus qu'un prophète. Mais bon.

 

Il s'est alors tourné vers nous, et il nous a demandé, ce que nous, nous disions de lui, qui il était pour nous. Moi j'avais envie de dire qu'il était celui qui m'avait trouvé, qui m'avait regardé, qui m'avait appelé et qui m'avait fait me sentir vivant. Mais Simon m'a pris de court. Il a dit " Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant". C'était étonnant cette réponse, et c'est bien ce que Jésus a dit à Pierre. Il y avait de la joie dans son regard; il a regardé Pierre et il a affirmé qu'il est heureux notre Simon Pierre, car ce qu'il venait de dire, il n'avait pas pu l'inventer, que c'était son Père qui est dans les cieux qui le lui avait révélé. Pierre n'en revenait pas, cela se voyait aussi. 

 

Et là, Jésus lui a dit que parce qu'il était comme habité par la Présence, alors les clés du royaume lui seraient données (vous vous rendez compte, un pêcheur qui devient l'intendant du royaume, qui a les clés, quel honneur). Puis il a ajouté que tout ce qu'il lierait sur la terre serait lié dans les cieux et que tout ce qu'il délierait sur terre serait délié dans les cieux. Je n'ai pas compris, mais seulement que désormais le ciel et la terre communiquent en permanence, que le vœu du Prophète Isaïe qui désirait que les cieux se déchirent, était en train de se réaliser. Puis il nous a demandé à nous de ne dire à personne qu'il était le Christ: celui avait reçu l'onction du très haut et qui était son Fils.

 

Nous avons continué notre marche, et pendant une halte, il nous a dit quelque chose de terrible. Il nous a dit que nous  devions aller vers Jérusalem, que là, il souffrirait beaucoup de la part des anciens, des grands-prêtres et des scribes, ce qui ne m'étonne pas, parce que vu ce qui se passe ici en Galilée avec les pharisiens qui veulent le mettre à mort, c'est sûrvqu'ils voudront se débarrasser de lui; qu'il serait tué et que le troisième jour il ressusciterait. Je ne sais pas trop ce qu'il veut dire par ressusciter, mais au fond de moi je me dis qu'il ferait mieux de rester en Galilée et de ne pas aller à Jérusalem si ça doit se finir comme ça. Nous étions tous abasourdis.

 

Pierre est allé le voir, je ne sais pas trop ce qu'il lui a dit, mais vu ses gestes, il devait lui faire des reproches et nous, nous avons entendu le Maître lui, dire de passer derrière lui, en le traitant de Satan (ça nous l'avons bien entendu, parce que Jésus a crié), et que les pensées de Pierre étaient celles des hommes mais pas celles de Dieu. Dire qu'il y a peu de temps, Jésus l'avait félicité! Pierre ne savait plus où se mettre, ni qui regarder. Et pourtant moi, je pensais comme lui: je ne voulais pas que mon Maître perde la vie, je l'aime mon maître, je veux qu'il reste vivant. Il parle bien de revenir à la vie, mais Jean le Baptiste n'est pas revenu d'entre les morts.

 

Puis il s'est adressé à nous tous. Il nous a dit que si quelqu'un voulait le suivre, il fallait qu'il se renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il le suive. Oh ça, c'est dur, et pourtant je le suis. Mais je crois que Jésus nous parle d'un chemin qui est celui qu'il va prendre, qui va le conduire à la mort; et que si nous voulons être ses disciples, il nous faut prendre ce chemin; que ce chemin semble mener à la mort, mais qu'il mène à la vie. Et que si on veut faire de soi le centre du monde, devenir riche, et bien on ne gagne rien du tout. Mais je ne suis pas trop sûr que ce soit ce qu'il a voulu dire. 

 

Il a terminé en disant qu'un jour, lui, le Fils de l'homme, lui le fils du Dieu vivant (Je trouve que Simon a bien parlé), il viendrait avec ses anges, dans la Gloire de son Père, et qu'il rendrait à chacun selon sa conduite. Il est donc celui qui a le pouvoir de juger. Il est bien le Fils du Très Haut. 

 

Nous avons continué notre chemin vers Césarée, mais je dois dire que nous n'étions pas rassurés par l'avenir. 

                                                                                                                

 

Les synoptiques

 

Mt 16, 13-20, 21-27

Mc 8, 27-33

Lc 9, 18-21

13 Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? »

14 Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »

 

27 Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? »

28 Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »

 

 

18 En ce jour-là, Jésus était en prière à l’écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : « Au dire des foules, qui suis-je ? »

19 Ils répondirent : « Jean le Baptiste ; mais pour d’autres, Élie ; et pour d’autres, un prophète d’autrefois qui serait ressuscité. »

15 Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »

 

16 Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »

 

 

29 Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »

 

 Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. »

20 Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Pierre prit la parole et dit : « Le Christ, le Messie de Dieu

17 Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.

 

 

 

 

18 Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.

19 Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »

 

 

 

 

20 Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne que c’était lui le Christ.

30 Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne.

21  Mais Jésus, avec autorité, leur défendit vivement de le dire à personne,

 

 

21 À partir de ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.

 

 

31 Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite.

 

 

22 et déclara : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »

22 Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »

 

23 Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

 

 

32 Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches.

 

 

33 Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

 

 

24 Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.

 

25 Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera.

 

26 Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

27 Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges 

 

dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite.

 

34 Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.

 

35 Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera.

3

6 Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ?

37 Que pourrait-il donner en échange de sa vie ?

3

 

 

 

8 Celui qui a honte de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi aura honte de lui, 

 

quand il viendra 

 

 

dans la gloire de son Père avec les saints anges. »

 

23 Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive.

 

 

24 Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera.

 

25 Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ?

 

 

 

 

26 Celui qui a honte de moi et de mes paroles, 

 

 

Lee Fils de l’homme aura honte de lui, 

 

quand il viendra 

 

 

dans la gloire, la sienne, celle du Père et des saints anges.

 

 

 

 

Matthieu est le seul à insister sur la primauté de Pierre.  

mardi, août 29, 2023

Mc 6, 23-30 MARTYRE DE Jean Baptiste.

Mc 6, 23-30.  Martyr de Jean Baptiste. 28 Août 2023

 

Un peu étonnant ces fêtes de Jean le Baptiste qui ponctuent l'année. Ce texte de ce que l'on appelait autrefois la "décollation" a déjà été raconté par deux personnes: Le garde qui assiste à la fête donnée en l'honneur d'Hérode, qui est de service et qui certainement a dû le regretter (https://giboulee.blogspot.com/2019/02/la-mort-de-jean-le-baptiser-mc-6-14-29.html); la jeune fille qui a demandé, la tête de Jean: https://giboulee.blogspot.com/2022/02/mc-6-14-29-la-jeune-fille-rentra-dans.html

Je pensais avoir fait un peu le tour de la question, mais Hérode là-dedans? Après tout, c'est quand même lui l'auteur du meurtre, même s'il s'est fait manipuler. Comment sortir de l'engrenage du mal?

 

Réflexions: le rôle du prophète.

 

Plusieurs choses m'ont frappée dans ce récit. La première étant le rôle et la place du prophète; et prendre la place de prophète, ce n'est pas une sinécure, cela engage. On peut bien voir ce qui se passe avec Jérémie, jeté dans sa citerne, ou comme le rappelle Jésus, ce qui est advenu à Zacharie. A la limite, comme on le lit au début de l'évangile de Matthieu,  appeler à la conversion c'est une chose, même si on ajoute que le royaume de Dieu est tout proche. Cela peut être entendu comme un message d'alerte: Le tout Puissant va se manifester, la fin du monde est proche, pour sauver votre peau convertissez- vous. Et Jean a été entendu. Mais passer, de là, à s'en prendre au roi, c'est autre chose. Dire à un puissant qu'il n'a pas le droit de faire ce qu'il fait, c'est plus que risqué; mais c'est aussi la fonction du prophète, comme cela sera celle des successeurs de Jésus, si je me réfère aux épitres pastorales - par exemple Ti 2,15 :

  "Dis ces choses, exhorte, reprends, avec une pleine autorité". Et faire cela c'est toujours prendre un risque. Le prophète Elie ne semble pas avoir tellement parlé au peuple, mais par contre les dialogues que nous avons sont avec le roi Achab; et là Jean fait de même. 

 

Si on relit les derniers chapitres de l'évangile de Matthieu (lecture suivie de semaine) dans le chapitre 23 on peut dire que Jésus fait de même avec les puissants de son temps, à savoir les scribes et les pharisiens. Jésus est bien, aussi, un prophète qui dénonce.

 

 Donc Jean prend un risque. Et il se retrouve en prison. Sauf que l'attitude d'Hérode est curieuse. Il s'agit de faire taire, pas de tuer; alors que pour Hérodiade il s'agit (comme c'est le cas avec Jézabel) de le faire disparaître définitivement, et pour cela tous les moyens sont bons. C'est aussi ce qui se passera avec Jésus: il faut faire taire. En ce sens on peut bien dire que Jean est le dernier des prophètes: il est un précurseur, et il n'est pas mort à cause de Jésus, mais de sa fidélité à son Dieu. 

 

Une question se pose aussi: cette arrestation n'est-elle pas plus l'œuvre d'Hérodiade que d'Hérode? Dans la mesure où ce dernier, dans ce texte, est présenté comme un être faible (il voudrait mettre à mort, mais il n'ose pas, et quand il fait venir Jean, il découvre un homme intelligent, qui lui montre ses fautes, et curieusement, il prend plaisir à l'écouter, ce qui permet de penser que ce qui va se passer ensuite est à l'opposé de son désir. 

 

Une question qui se pose à moi, est aussi la suivante: quand le mal est commis devant soi, comment s'y opposer? Est-ce que Salomé aurait pu s'opposer à sa mère? Est-ce que les convives auraient pu dire non, malgré le serment du roi? Cela reste une vraie question qui nous concerne tous. 

 

Le texte

  

17 En ce temps-là, Hérode avait donné l’ordre d’arrêter Jean le Baptiste et de l’enchaîner dans la prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, que lui-même avait prise pour épouse.

18 En effet, Jean lui disait : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère. »

 

Jean est dans son rôle de prophète; pas de témoin du Christ. On nous dit qu'il est enchaîné, entravé, lui qui prêchait la libération par la conversion. Mais il reçoit des disciples, puisque l'on sait qu'il les envoie demander à Jésus si ce dernier est bien celui qui doit venir.

 

19 Hérodiade en voulait donc à Jean, et elle cherchait à le faire mourir. Mais elle n’y arrivait pas

20 parce que Hérode avait peur de Jean : il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l’avait entendu, il était très embarrassé ; cependant il l’écoutait avec plaisir.

 

On peut imaginer qu'elle a essayé de le faire périr dans sa prison, mais que cela a été démasqué et déjoué. Elle fait un peu penser à Jézabel. Pourquoi Hérode a-t-il peur de Jean? Un reste de conscience? Ou peur qu'il ne lui jette une malédiction? Il y aurait aussi la réaction du peuple, de tous ceux qui ont entendu Jean et le considèrent comme le successeur d'Elie. Peut-on tuer un homme de Dieu, qui a prêché la conversion et qui y a réussi?  Est-ce que cela ne va pas provoquer une émeute? 

 

Très ambivalent, Hérode, là. Il a peur de Jean: de la parole de Jean. D'autant qu'il sait que ce qu'il a fait c'est mal. Mais en même temps, il ne rompt pas le dialogue. Peut-être veut-il lui faire comprendre le pourquoi de son choix. On peut se demander aussi si ce n'est pas le choix d'Hérodiade, qui s'est imposée à lui, par arrivisme personnel.

 

21 Or, une occasion favorable se présenta quand, le jour de son anniversaire, Hérode fit un dîner pour ses dignitaires, pour les chefs de l’armée et pour les notables de la Galilée.

22 La fille d’Hérodiade fit son entrée et dansa. Elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi ce que tu veux, et je te le donnerai. »

 

C'est un plan bien élaboré. Hérodiade attend qu'il soit bien enviné, bien gris, donc qu'il perde son contrôle. C'est alors qu'elle lui envoie une danseuse bien particulière, sa propre fille, une fille de roi. Et elle sait bien que cela va lui faire encore plus tourner la tête. Elle n'est pas une danseuse quelconque. Et cela va bien fonctionner. 

 

23 Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c’est la moitié de mon royaume. »

24 Elle sortit alors pour dire à sa mère : « Qu’est-ce que je vais demander ? » Hérodiade répondit : « La tête de Jean, celui qui baptise. »

 

Et effectivement, il voit la jeune fille, veut la conquérir en lui donnant ce qu'elle veut (l'acheter). Enfin là c'est ce que je peux imaginer. Sauf que se faire la fille de sa femme, fille qui est aussi sa nièce, c'est interdit. Mais ce qui va lui être demandé n'est pas du tout conforme à ce qu'il avait imaginé.

 

25 Aussitôt la jeune fille s’empressa de retourner auprès du roi, et lui fit cette demande : « Je veux que, tout de suite, tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste. »

26 Le roi fut vivement contrarié ; mais à cause du serment et des convives, il ne voulut pas lui opposer un refus.

 

On trouve le aussitôt chez Marc. Une fois de plus ça ne traîne pas. On est dans l'immédiat, dans le présent. On voit que la présence des convives complique les choses. Et du coup, on peut se demander si certains convives auraient pu s'y opposer? Mais ce sont pour un certain nombre des militaires, alors la vie d'un homme, que représente-t-elle pour eux?  Et s'opposer à Hérode, ce serait prendre un trop grand risque, en tous les cas pour les dignitaires.

 

27 Aussitôt il envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde s’en alla décapiter Jean dans la prison.

28 Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.

 

Pauvre garde qui ne devait pas s'attendre à finir la soirée de cette manière. 

Pauvre fille manipulée par sa mère, et qui ne sait pas s'opposer à elle. Recevoir la tête d'un homme mort, quelle fin de fête. 

Que le roi soit dessaoulé d'un coup, et contrarié, ça on veut bien le comprendre. Cela passe de la fête à l'horreur, de la vie à la mort. Et c'est la mort du prophète. 

 

29 Ayant appris cela, les disciples de Jean vinrent prendre son corps et le déposèrent dans un tombeau.

 

On a donc normalement un corps sans tête, contrairement au corps de Jésus qui lui sera entier, et dont aucun os n'aura été brisé.

 

 

Hérode raconte.

 

Comment a-t-elle pu me faire ça? Elle, c'est Hérodiade, la femme de mon frère Philippe qui est devenue mienne. Enfin je ne sais plus trop si c'est mon choix, parce que je la trouvais trop bien pour mon frère, ou si c'est elle, qui trouve plus avantageux d'être avec moi, parce qu'avec le territoire que j'administre, je suis bien plus près du pouvoir romain que mon frère. 

 

Elle m'a poussée à faire emprisonner Jean le prophète, celui qui baptise sur les bords du Jourdain. Il faut dire qu'il vitupérait contre moi en disant que je n'avais pas le droit de faire ce que j'ai fait. Mais il peut dire ce qu'il veut, je ne changerai pas, car Hérodiade m'est précieuse. 

Je l'ai donc fait emprisonner et enchaîner dans ma prison. Mais comme je la connais, ma femme, il y a mes gardes qui veillent, car je ne veux pas qu'il soit tué par elle. Cela monterait tout le peuple contre moi, qui me détesterait encore plus; Jean est homme juste, je dois dire que certes j'aimerais bien qu'il disparaisse, mais je prends plaisir à l'écouter quand je le fais sortir de sa prison de temps en temps. 

 

Il a des disciples qui viennent le voir, cela je ne peux pas l'empêcher. Du temps a passé, il me semblait qu'Hérodiade, qui ne me parlait plus de Jean, avait pris son parti. J'aurai dû me méfier, elle ne lâche rien et tout ce qui s'oppose à elle, elle le supprime d'une manière ou d'une autre. 

 

Est arrivé le jour de mon anniversaire. Comme chaque année, je reçois tous les dignitaires, les chefs de mon armée et les notables de Galilée. Il parait qu'en Galilée il y a un jeune prophète, qui commence à faire parler de lui. Il faudra que je fasse enquêter davantage sur lui. Je sais que lui et les pharisiens ce n'est pas le grand amour et que beaucoup voient en lui comme un fils spirituel de Jean.

 

Comme tous les ans, le vin a coulé à flot et nous avons tous bu à ma santé. 

 

Alors, Salomé, la fille d'Hérodiade est entrée. Qu'elle est belle avec sa jeunesse, sa naïveté, sa candeur. Elle s'est mise à danser et tous nous n'avions d'yeux que pour elle. J'étais comblé et quand la danse s'est arrêtée, j'ai fait le serment de lui donner tout ce qu'elle me demanderait, même la moitié de mon royaume. Enfin, je ne sais plus trop ce que j'avais promis, parce que malgré tout, j'avais le cerveau bien embrumé.

 

Elle est alors sortie pour demander à sa mère ce qu'elle allait me soutirer; là j'aurais dû me méfier, pourquoi demander à sa mère. Une jeune fille, cela aime les bijoux, les pierres précieuses, les vêtements, de nouveaux esclaves. Elle n'a pas besoin de consulter sa mère pour cela. 

 

Elle est revenue et m'a dit qu'elle voulait la tête de Jean, sur un plat. 

 

Alors un silence de mort s'est abattu sur la salle. Seulement je m'étais engagé par serment et un serment est un serment. Ne raconte-t-on pas l'histoire de Jephté qui s'était engagé par serment à offrir à Dieu pour le remercier de sa victoire, le premier être vivant (animal ou homme) qui passerait le seuil de sa porte. Il ne pouvait pas imaginer que ce serait sa propre fille, et il a dû pour ne pas rompre son serment la donner au Seigneur. 

 

Si encore les hommes qui étaient là avaient osé réagir, peut-être que j'aurais pu, mais je suis assez lâche et je n'ai pas osé, et j'ai envoyé un garde trancher la tête de Jean et la donner ensuite à la jeune fille. Je n'osais pas la regarder. Comment avait-elle pu me demander cela? Et nous avons passé un certain temps tous silencieux. 

 

Le garde est revenu avec la tête de Jean. Quelle horreur et comment une jeune fille peut-elle regarder cela. Elle est sortie avec la tête, et moi je n'ai plus jamais voulu la voir; et je le lui ai fait savoir. 

 

Je sais que les disciples de Jean, sont venu prendre son corps pour lui donner une sépulture. Est-ce que la tête leur a été rendue? Je le souhaite. 

 

Mais l'amertume est en moi. J'ai fait le mal, pour une fois à mon corps défendant. 

J'espère que le prophète de Galilée ne va pas s'y mettre lui aussi, qu'il ne va pas remplacer Jean le baptiseur. Il est virulent contre les pharisiens qui lui en veulent pour son succès auprès des exclus. Mais moi, le roi, ne suis-je pas aussi un exclu, je suis tout seul avec l'héritage de mon père qui pèse sur moi, car on me compare sans cesse à lui. Bon, me voilà à m'apitoyer sur moi-même. Peut-être que ce Jésus, il faudrait que je le rencontre, pour me rendre compte par moi-même s'il est aussi dangereux que Jean le baptiseur.

 

Hérodiade a tout combiné, tout arrangé. Peut-être qu'elle a fait œuvre utile, mais me manipuler, moi le roi, ça, je ne lui pardonnerai jamais.