Pèlerins d'Emmaüs devenus pèlerins de Jérusalem.
Luc 24, 13-32 Mercredi de la semaine pascale. Luc 24, 33-48 Jeudi de la semaine pascale
J'ai fusionné en un seul récit les deux péricopes rapportées dans le dernier chapitre de l'évangile de Luc. De ce fait, le récit commencera lorsque Cléophas et son compagnon, repartent à Jérusalem pour raconter ce qu'ils viennent de vivre, mais comme dans le récit précédent, ce ne sera pas un récit à la première personne, qui aurait suivi la trame lucanienne, mais un récit qui se veut un peu autre, qui prend peut-être un peu de distance, mais qui reste fidèle au texte.
RECIT
Ils avaient fait la route inverse, mais cette fois-ci, c'est comme s'ils avaient des ailes. Ils étaient arrivés dans cette grande salle où les disciples étaient restés ensemble depuis la mort de Jésus, cette mort sur la croix, cette mort voulue par les grands-prêtres et les anciens, qui avaient réussi à le faire mettre à mort comme un esclave, comme un brigand. Ils étaient plein de joie.
Ils voulaient leur dire que le Maître était vivant, que les femmes n'avaient pas déliré, qu'ils pouvaient en témoigner.
Ils voulaient leur raconter qu'ils avaient rencontré un inconnu sur la route qui allait de Jérusalem à Emmaüs, alors qu'ils rentraient chez eux la mort dans l'âme, ne comprenant plus rien, ne comprenant pas pourquoi personne ne s'était levé pour défendre Jésus, ce prophète qui avait fait tant de bien et tant de miracles. Mais après tout, eux aussi avaient pris la fuite quand il avait été arrêté.
Cet inconnu s'était joint à eux. Il leur avait demandé de quoi ils parlaient entre eux. Ils s'étaient étonnés de ce que cet homme ne soit pas au courant de cette mort. Mais lui, il semblait vraiment étonné. Eux ce qui les avait stupéfaits c'est qu'il leur avait dit, comme si cela le peinait profondément, qu'ils étaient des esprits lents à comprendre, des esprits sans intelligence, comme s'il y avait quelque chose à comprendre.
Cela les avait peinés eux, parce que cette mort qui avait tué tous leurs espoirs de libération de Jérusalem, les avait atteints au plus profond de leur cœur.
Puis, il avait pris la parole. Il avait parlé, parlé, de telle sorte qu'ils n'avaient plus fait attention au chemin, qu'ils ne sentaient plus la fatigue, qu'ils buvaient ses paroles comme une terre assoiffée.
Il leur avait montré comment toute la Tora, le livre de louanges et les prophètes, tous avaient à leur manière annoncé qu'un messie viendrait, qu'il fallait qu'il souffre ainsi pour entrer dans sa gloire.
Eux, ils sentaient que leur cœur s'allégeait, que peut-être tout n'était pas perdu.
Puis ils étaient arrivés dans leur village. L'homme qui parlait si bien, avait voulu les quitter, mais eux, sentaient bien que ce n'était pas possible. Il était entré chez eux, ils avaient préparé le repas du soir. Il avait regardé autour de lui, aidé à dresser le couvert. Il avait prononcé la bénédiction et rompu le pain.
Alors là, leurs yeux s'étaient comme ouverts. En cet inconnu, ils avaient vu, ils avaient reconnu Jésus. Ce n'était pas l'homme défiguré, mort sur cette croix, ce n'était pas exactement le Jésus d'avant, et pourtant c'était Lui, c'était bien Lui. Les traces des clous on le devinait, elles rayonnaient doucement. Leur cœur était dans l'allégresse, tout prenait sens. Lui, il avait disparu, mais Il vivait dans leur cœur.
Aussitôt ils étaient repartis leur annoncer la nouvelle. Les autres avaient eux aussi la même nouvelle à leur annoncer, car le Seigneur avait parlé à Pierre, il était vivant, il était vraiment ressuscité.
Ils se demandaient quand même s'ils n'avaient pas fait la route un peu pour rien, puisque les autres savaient, mais il fallait qu'ils parlent, il fallait qu'ils racontent, il fallait qu'ils transmettent, ils étaient tellement heureux.
Et voilà que maintenant, Jésus était là, présent, parmi eux.
Oui, Jésus était là, comme il avait été présent avec eux, présent chez eux. Il les avait salués, mais les autres, contrairement à eux, ils étaient dans la peur. Ils ne comprenaient pas, ils ne comprenaient plus. Ils étaient en fait morts de peur, ils pensaient voir un esprit, un fantôme.
Alors Lui, Il leur avait demandé de le regarder, de le toucher, de constater qu'il avait bien des os, qu'il avait bien une chair. Mais ça ne les rassurait pas vraiment. Il leur a demandé à manger. Il y avait un reste de poisson grillé, il l'avait pris.
Eux, les deux d'Emmaüs, ils étaient toujours dans la joie, le Maître était là, il était Le Vivant. Ils Le regardaient, Le regardaient comme pour imprimer son visage dans leur cœur.
Un peu de temps avait passé, la joie revenait aussi chez les autres
Ils avaient entendu Jésus dire presque les mêmes paroles que celles qu'Il leur avait dites sur la route. Qu'il était écrit, que le Christ souffrirait et qu'Il ressusciterait le troisième jour. Ensuite il leur avait expliqué comme à eux tout ce qui avait été écrit dans les livres saints à son sujet.
Mais il avait ajouté quelque chose d'autre. Il avait dit qu'eux les disciples, eux qui l'avaient vu vivant, eux qui l'avaient touché, ils devaient maintenant témoigner de cela, l'annoncer d'abord à Jérusalem, puis à toutes les nations, pour que tous les hommes entendent et comprennent que le pardon des péchés était pour tous, quelle que soit leur race, à condition qu'ils reconnaissent que Jésus est Seigneur.
Maintenant, leur vie avait un sens. Ils seraient témoins de ce qu'ils avaient vu, de ce qu'ils avaient entendu. Ils seraient eux aussi ses témoins là où ils vivraient, car ce qu'ils venaient de vivre, les avait transformés et la joie qui était en eux, ils se devaient de la transmettre.
LE TEXTE
J'ai séparé les deux péricopes et j'ai ajouté la finale.
Mercredi de la semaine pascale : Lc 24, 13-34
"Mais Lui, ils ne l'ont pas vu".
13 Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem,
14 et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.
15 Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient,
Ils étaient deux, deux tristes à en crever. Et pourtant, les femmes avaient dit qu'elles avaient vu la tombe vide et qu'elles avaient eu la vision s'un ange. Mais ça, ils n'en tiennent pas compte. Des femmes, on ne peut pas les croire. Et ils rentrent chez eux, déçus, tristes. Le "s'interrogeait" fait un peu penser à une discussion rabbinique.
Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.
16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
J'ai changé un peu la structure du texte. J'aime ce Jésus qui "chemine" avec eux, comme son Père le faisait autrefois pour son peuple. Je suis un Dieu qui chemine avait-il dit à David qui voulait lui construire un temple.
En soi, ce n'est pas tellement étonnant. Quelle image de Jésus ont-ils? Étaient-ils là au moment de la mise à mort? L'ont-ils vu défiguré? Si c'est le cas et c'est cette image là qu'ils ont de lui, alors impossible de le reconnaître, dans cet homme qu'ils vont prendre pour un étranger.
17 Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. 18 L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »
Et les voilà qui sont trois. Eux deux et un homme qui les a rattrapés sur leur route. Il taille la bavette et manifestement il a envie de se joindre à eux. Étonnante la question et rudement directe. Comment moi aurai-je réagi? Eux sont de bonne composition. Mais ils sont quand même tellement interloqués qu'ils s'arrêtent dans leur marche et marquent leur étonnement. Comment n'est-il pas au courant? Comment a-t-il pu ne pas voir, ne pas entendre?
19 Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple :
20 comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.
21 Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.
Et là, il entend lui l'annonce de sa mort, et la responsabilité des chefs dans cette mort, mais aussi leur déception et leur attente. Pourtant il y a l'instance sur le troisième jour, ce troisième jour qui passe. On peut supposer que c'est le début de l'après-midi.
22 À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau,
23 elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant.
24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
Pourtant, il s'est passé quelque chose, mais voir un tombeau vide c'est une chose, voir un ange c'est une chose, mais pour croire il faut le voir lui, et lui, ils ne l'ont pas vu. Ils sont juste dans l'incompréhension, peut-être dans l'attente de quelque chose. Mais au bout de trois jours….
25 Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !
26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
27 Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Jésus devient l'interprète. Il n'est plus l'étranger qui n'est au courant de rien, il est celui qui fait comprendre, qui raconte, qui donne du sens à cette mort indigne, nécessaire.
28 Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin.
29 Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
Les voilà chez eux, à la maison. Pourquoi ne passerait-il pas la nuit chez eux? Marcher seul sur les routes, ce n'est jamais bon, et il n'a pas dit où il comptait se rendre.
30 Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna.
31 Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.
Miracle de l'hospitalité, leurs yeux s'ouvrent, ces yeux empêchés de voir, ces yeux qui pour croire ont besoin de de voir. Là ils voient, ils voient dans cet étranger, dans cet inconnu qui parle si bien mais dont ils n'ont pas reconnu la voix, le Seigneur. Car certes c'est Jésus qu'ils voient, mais quel Jésus;
32 Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »
33 À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem.
Pour moi se lever est toujours signe de résurrection. Eux sont revenus à la vie, la tristesse est partie et la nouvelle ils ne peuvent la garder pour eux. Leur cœur est trop brûlant, il faut faire partager;
Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent :
34 « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. »
35 À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.
On pourrait presque dire, "et tout ça pour rien" puisque Jésus est apparu à Simon, mais eux, c'est un autre témoignage. Il a marché, Il a parlé, Il a partagé le pain, Il a été leur compagnon.
Jeudi de la semaine pascale : Lc 24, 35-48
"À vous d’en être les témoins."
35 En ce temps-là, les disciples qui rentraient d’Emmaüs À Leur tour, ils racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.
Et les voilà témoins.
36 Comme ils en parlaient encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! »
37 Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit.
Il faut dire qu'il y a de quoi. Quelqu'un qu'on sait certes être vivant (enfin plus ou moins) et qui arrive d'un coup. Cela évoque aussi ce que de passe chez Jean. Avec le même Shalom. Cela fait aussi penser mais pas dans cet évangile, à Jésus qui apparaît sur la mer, après la multiplication des pains (Jn 6, Let surtout Mc 6, 49" En le voyant marcher sur la mer, les disciples pensèrent que c’était un fantôme et ils se mirent à pousser des cris. 50 Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! "
es
38 Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ?
Quelle question. Marie et Zacharie sont bouleversés quand l'ange leur apparait. Mais Jésus pointe quand même le doute qui est là.
39 Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. »
Et c'est une invitation à le toucher, mais le font-ils? Cela évoque toujours Jean. C'est intéressant qu'il parle des os. Mais Il va montrer qu'Il est solide. Que les trous , sont là, comme signature, Il est le crucifié, Il est le ressuscité. Il est bien vivant avec un corps de chair et d'os.
40 Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.
41 Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? »
42 Ils lui présentèrent une part de poisson grillé
43 qu’il prit et mangea devant eux.
Le commentaire RCF évoquerait un repas partagé, mais là ce n'est pas ce qui est dit. Il mange seul, pour leur prouver qu'il est bien un homme.
Maintenant qu'ils sont rassurés (en théorie), jésus arrive à la phase 2 de son plan si je puis dire : leur permettre de comprendre ce qui est arrivé, ce qui lui est arrivé, le pourquoi. Et c'est là qu'il leur ouvre l'esprit à l'intelligence des écritures. Hier je me disais en entendant les actes que cette ouverture (et le don de l'Esprit) avaient fait de Simon le pêcheur de poissons, Pierre le pêcheur d'hommes. Parce que les écritures, il les maîtrise.
44 Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. »
45 Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures.
46 Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour,
47 et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem.
48 À vous d’en être les témoins. »
Mais cette intelligence des écritures, elle est là dans un but précis, une mission: annoncer que la conversion qui permet de croire en Jésus mort et ressuscité donne le pardon des péchés. Et cela doit être annoncé à Jérusalem et à toutes les nations.
La fin du chapitre: Luc 24, 49-51
"Il se sépara d'eux et il était emporté au ciel".
49 Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis.
Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »
C'est assez étonnant, lui, il est actif, il va faire quelque chose, mais eux, ils doivent être passifs, attendre, demeurer dans la ville.
50 Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.
51 Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
Toujours très étrange, cet actif : il se sépara d'eux, et le passif: il était emporté vers le ciel. Mais je dois dire que j'aime. Cela é toujours été comme une image de naissance, il se sépare de la matrice des disciples, et il va vers un ailleurs. Son temps est vraiment fini, ici, mais la force qui l'emporte vers le ciel, peut montrer le lien qui se fait entre le ici-bas et le ici-haut. Peut-être que là, tout est accompli.
52 Ils se prosternèrent devant lui,
puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie.
S'il est parti, devant qui se prosternent-ils? Cela évoque a minima le départ d'Elie.
53 Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.
Et les voilà qui sortent, qui n'ont plus peur, et qui louent dans Dieu dans le Temple.
Le Temple qui pour Luc est le lieu du début et de la fin.
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