jeudi, septembre 20, 2007

"Les cheveux de la pécheresse" Luc 8, 36-40

Catherine Lestang

En lisant ce passage hier, j'ai été très sensible dans un premier temps aux "reproches " de Jésus.

"Tu ne m'as pas versé de l'eau sur les pieds, et elle m'a arrosé les pieds de ses larmes et les a essuyés de ses cheveux".

Ceci est étonnant quand on sait à quel point la purification est importante chez les pharisiens. Ce que je trouve beau dans cette représentation c'est que la femme touche sans toucher. Et si cette femme est la Marie Madeleine du matin de la Résurrection, alors le "ne me touche pas" prend pour moi un autre sens: celui du rappel d'une première rencontre.

"Tu ne m'as pas donné de baiser et elle ne n'a cessé de me couvrir les pieds de baisers".
Le baiser concerne en général le visage à moins que ce ne soit un geste d'accolade, qui est comme un enveloppement. Et c'est ce qu'elle fait en "couvrant" les pieds de baisers. Quelle mère n'a pas couvert les corps de son bébé de baisers? Et Jésus se laisse envelopper.

"Tu n'as pas répandu d'huile sur ma tête, elle au contraire a répandu du parfum sur mes pieds".
Quand j'entends le début de cette phrase je ne peux m'empêcher de penser à l'onction donnée par Samuel d'abord à Saül, puis à David. Cette onction qui fait d'eux des hommes choisis et remplis par l'Esprit. Mais Jésus n'a pas besoin de cette onction. Par contre il y a un autel des parfums dans la tente de la rencontre. Et le parfum c'est aussi reconnaître la divinité de cet homme aux pieds peut-être sales...

Elle a reconnu en Jésus le prophète, le guérisseur et peut-être et surtout " Dieu qui sauve" (le nom de Jésus). Alors que Simon se dit en lui-même "s'il était prophète" il saurait qui elle est..

Simon est il heureux d'avoir chez lui ce Jésus? Cela je ne le crois pas. Est-il choqué d'avoir à accueilliir en prime dans sa pure maison une femme "en cheveux"? Certainement.
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Il me semble que le simple fait pour une femme de cette époque, d'apparaître dans un lieu public les cheveux dénoués est significatif. Avons nous déjà eu le moindre tableau où Marie ou les saintes femmes ne portent pas de voile? Jusqu'à une époque récente, les femmes ne sortaient pas "en cheveux" dans la rue. Les cheveux dénoués, libres ou libérés ont été le signe d'une vie dissolue jusqu'à la première moitié du XX siècle.

Quand je lis ce texte je ne peux m'empêcher de penser à une jeune fille turque qui devait se faire opérer d'une malformation de la colonne vertébrale. Pour elle, le difficile ce n'était pas l'intervention, mais le fait que ses cheveux allaient être coupés (je dirais presque massacrés). Elle m'a expliqué que au paradis les femmes ont pour tout ornement leur chevelure, qui les enveloppe entièrement et sans ce manteau, pas de paradis... Et sa crainte non dite de mourir pendant l'intervention se disait par sa peur de ne pas accéder au paradis parce qu'elle allait perdre ce qui faisait d'elle une femme.

Alors il me semble que Jésus n'avait pas besoin d'être prophète pour savoir qui était cette femme.

Mais la phrase finale qui est comme un parallèle à celle où prononcée au début du texte:
"le pharisien se dit en lui-même si cet homme était un prophète. .. "

"ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire entre eux: qui est -il celui là qui va jusqu'à remettre les péchés",

montre bien qu'il n'est plus question de prophétisme mais de la divinité de celui qui sait" QUI Il EST".

Pendant l'écoute de ce texte une autre pensée m'est venue. Quand on ouvre sa porte à jésus, on ne sait pas qui va venir en même temps que Lui, et des fois ça "décoiffe"!

jeudi, septembre 13, 2007

Le "non savoir".


Une longue promenade en longeant la côte bretonne, m'a laissé du temps pour laisser s'installer en moi "la prière du coeur" et pour penser. Ce que j'aime avec cette prière, c'est qu'elle s'adapte au rythme de la marche, elle s'installe en moi, elle s'inscrit en moi. Cela ne m'empêche pas de réfléchir, de penser.

A un moment donné j'ai ressenti le besoin de vider ma tête de certaines préoccupations. Et j'ai pensé à ce que Jésus dit des riches. Il est plus difficile pour eux d'entrer dans le royaume que pour un chameau de passer par la porte de l'aiguille. En d'autres termes- car l'image du chameau me parle, car il porte un tas de marchandises sur ses flancs, ce qui l'empêche de passer sauf s'il se déleste de ses paquets- il y a des préoccupations qu'il faut laisser s'envoler...

J'ai perdu mon chat il y a un peu plus de deux mois. Et cette absence qui par moments est encore très douloureuse, est un peu comme si j'avais été délestée de quelque chose, car compte tenu de son âge et des soins journaliers très nombreux, elle avait un certain poids.La perte de cet animal qui a partagé ma vie pendant 17 ans, m'a permis de ressentir que quelque chose de ma vie partait.Mais que cet allégement pouvait me permettre de vivre autrement et que de ce mal pouvait surgir un bon.

J'ai dû faire face à des problèmes de santé; même s'il s'agit d'une pathologie détectée très tôt, là encore il a bien fallu que quelque chose "tombe", car cette atteinte somatique est un rappel que la mort est peut-être proche. Alors apprendre à vivre peut-être autrement, se créer moins d'obligations.

En fait il y a longtemps que j'espérais cet allègement, mais le chemin qui m'a été proposé reste un chemin étroit, et pierreux. Cependant il correspond bien à une demande déjà très ancienne. "Ce corps là est trop lourd" dit le Petit Prince à l'aviateur. C'est si facile d'accumuler et d'imaginer que cette accumulation sert de citadelle.

Je sais beaucoup de choses en psychanalyse. Mais actuellement ce savoir est comme en arrière plan. Je peux l'utiliser quand il est nécessaire, mais je n'ai pas besoin de me réfugier derrière ce savoir pour me sentir exister. Il est en moi, en profondeur, il est intégré, ce n'est plus un ballot de savoir.

J'ai appris quand j'étais étudiante beaucoup de choses sur la religion qui est la mienne, à savoir le catholicisme. Ces dernières années d'autres acquis sont venus et viendront car pour animer un groupe un certain savoir est nécessaire.

Mais ce savoir sur Dieu (pour simplifier) peut devenir pesant. On peut se réfugier derrière ce que l'on sait. Et le savoir peut devenir une sorte d'idole.

Alors tout en marchant, la prière du coeur a pris une autre direction. Seigneur enlève mon savoir et remplace le par le non savoir.

Le non savoir ce n'est pas "pas savoir" ou ignorer. Non, c'est abandonner ce que l'on sait car de toutes les manières un savoir sur le divin ne peut-être que partiel. C'est cesser de s'accrocher à ses certitudes, à ses représentations (qui heureusement évoluent au fil des événements de la vie), c'est enlever les ballots pour se laisser guider par l'esprit.

Durant cette marche j'ai eu beaucoup de mal avec certaines dénivellées.Je me suis rendue compte que je pouvais modifier la trajectoire quand c'était possible, pour faire comme sur un sentier de montagne: casser la pente par des petits changements de direction. Et c'était un peu comme si un autre savoir que j'avais oublié, se manifestait.

J'ai lu autrefois un livre consacré aux femmes à la naissance de leur premier enfant. Cela s'appelait "le Gai Savoir". Le Gai Savoir c'est celui des sages femmes.

Et peut-être que peu à peu le "non savoir" peut se transformer et peut-être même se transmettre comme le gai savoir, qui n'est pas la propriété privée des femmes sages.

Cet après-midi nous avons atteint un lieu nommé " les quatres vents" ce qui m'a fait penser à Ezéchiel dans la vision des ossements desséches et ensuite sur la mer il y avait quatre grands oiseaux blancs, superbes qui en s'envolant donnaient corps à ces quatre vents et qui pour moi, cet après midi, symbolisaient la présence de l'Esprit de Dieu, celui que Jésus nous a donné en plénitude.

On parle beaucoup des "doutes" de Mère Thérèsa en ce moment. Et si cette apparente sécheresse était justement l'incarnation de ce non savoir sur Dieu qui ne se laisse jamais enfermer, même dans l'être humain?