jeudi, avril 28, 2022

Jn 3, 1-22. La rencontre avec Nicodème.

 Nicodème Jn 3, 1-22.

 

La liturgie propose trois jours de suite la rencontre de Nicodème avec Jésus. Je les mets dans cet ordre là, car c'est bien cet homme, ce pharisien, ce notable, qui vient trouver Jésus pendant la nuit. Un peu comme s'il voulait se cacher de ses concitoyens, qui pourraient le regarder d'un mauvais œil. 

 

La récente série vidéo "The Chosen" présente cet homme de manière assez étonnante: surtout il "piste" un peu Jésus, pour comprendre "comment" fait cet homme. Il est fasciné par ce qu'il entend dire de lui. Mais ce qui m'a le plus étonné dans la vidéo, c'est que la rencontre se passe à Capharnaüm, alors que pour moi, la rencontre a lieu à Jérusalem. Si on suit la chronologie de Jean, qui fait aller Jésus - chapitre 2 - de Cana (premier signe, avec l'eau devenue vin de noces) à Capharnaüm, d'où il monte à Jérusalem, chasse les vendeurs du Temple, puis célèbre la première Pâque (il y en a trois dans le récit johannique), rencontre ensuite Nicodème puis reste ensuite en Judée où il baptise, rien ne prouve que Jésus est resté à Jérusalem, et la rencontre pourrait avoir eu lieu en Galilée. Mais cette mention de l'auteur sur Jésus qui se rend en Judée m'a un peu interpellée. Impossible de savoir si la rencontre se passe à Jérusalem, ce que je continue à croire, ou en Galilée. Mais la mention sur la Judée reste question. 

 

Ce qui est certain, c'est que ce "Maître", qui est membre du Sanhédrin, veut en savoir plus sur Jésus. Mais comme le note l'évangéliste, la rencontre a lieu dans la soirée, et on peut supposer que Nicodème a envoyé quelqu'un pour fixer un rendez-vous qui l'arrange. 

 

On ne peut pas dire que la rencontre se passe bien. Le moins que l'on puisse dire c'est que Nicodème, qui plus tard prendra la défense de Jésus et réclamera son corps à Pilate, au nom de tous les pharisiens, se fait quand même bien malmener par Jésus. On a parfois l'impression d'un dialogue de sourds, avec un jeune homme, très brillant, qui semble horrifié par l'incapacité de comprendre de son "vieil" interlocuteur, qui trop souvent prend les choses au pied de la lettre, ce qui est quand même la manière rabbinique de laisser un texte questionner, et qui passe vraiment pour un demeuré (j'emploie ce terme exprès, car Jean affectionne ce terme: si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera, nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure").  Car c'est peut-être bien cela le chemin de Nicodème., et notre chemin, devenir "demeure".

 

 

Nicodème raconte (1).

 

Depuis peu, il y a un jeune homme, enfin je dis jeune car il doit avoir entre trente et quarante ans, mais plus près de 30, ce qui pour moi qui ai le double de son âge est jeune, un Galiléen, qui fait des choses peu ordinaires. Il est de Nazareth, mais de Nazareth que peut-il sortir de bon? Certains pensent qu'il est le Messie, mais le Messie, lui, doit être de la descendance de David et donc être né à Bethléem.

 

On m'a raconté qu'il est allé voir ce Jean qui baptise sur les bords du Jourdain, ce Jean qui fait un peu penser à Elie le prophète; qui n'a été investi par aucun d'entre les nôtres, mais qui dit être la voix qui crie dans le désert. Et beaucoup viennent à lui. À certains d'entre nous qui sont allés le questionner, pour savoir au nom de quoi il faisait ce qu'il faisait, prêcher un baptême de conversion, il a dit qu'il y a chez nous, quelqu'un que nous ne connaissons pas; mais que lui, il ne s'estime pas digne de délier la courroie de sa sandale. Il dit aussi avoir vu l'Esprit, tel une colombe, se poser sur cet homme, quand il est remonté des eaux du Jourdain, et avoir dit qu'il était l'agneau de Dieu. Certains disent que celui dont il parle, ce serait ce Jésus, ce Nazaréen. 


Mais nous, les pharisiens, nous ne l'aimons pas trop, Jean; il est très populaire parmi les soldats, et tous ceux qui sont à la solde des romains, des pécheurs. Mais parler de conversion, ça ne fait de mal à personne.

 

Ce Jésus est venu à Jérusalem au moment de la célébration de la Pâque. Et, à ma grande joie je dois le reconnaître, il a chassé les vendeurs du Temple, vendeurs qui ne devraient pas être là, et qui sont des profiteurs. Mais il a eu une phrase curieuse, une phrase qui m'interroge, pour justifier son geste. Il a dit "Ne faites pas de la maison de mon Père, une maison de voleurs". Que veut-il dire par là?  La maison de son Père. Voudrait-il nous faire croire que notre Dieu, est son Père?

 

On dit qu'il a ensuite beaucoup parlé, et fait quelques guérisons et quelques expulsions; mais cela, nos disciples aussi en sont capables. 

J'avais envie de me faire ma propre opinion, et j'ai envoyé mon serviteur le voir, pour qu'il me propose une heure de rencontre. Mais je ne veux pas me faire remarquer, je suis déjà un peu considéré comme un excentrique; je tiens à le rencontrer de nuit.

 

En arrivant, un peu pour lui faire comprendre que je n'étais pas contre lui, mais avec lui, je lui ai dit que je savais que Dieu était avec lui, parce que les signes qu'il accomplissait ne peuvent venir que d'une union avec le Très-Haut et si comme l'a dit ce baptiseur, l'Esprit est sur lui, qui suis-je pour le contrer? 

 

Et là-dessus, il est parti dans les hauteurs si je puis dire. Au lieu de me répondre amicalement, il m'a dit sur un ton très péremptoire, que "à moins de naître d'en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu". Naître d'en haut, mais qu'est-ce qu'il veut dire? Et lui alors, lui qui est né à Nazareth, on ne sait même pas trop qui est son père, qui est-il pour me balancer une phrase pareille. Et en bon rabbin que je suis, j'ai repris un mot, pour qu'il s'explique. Je lui ai demandé, "Comment un homme peut naître quand il est vieux? Comment peut-il revenir dans le ventre de sa mère"? Et en moi-même je pensais que cette dernière ne devait plus être de ce monde! Ma mère nous a quitté il y a longtemps. Là, j'espérais lui avoir montré que j'avais de la répartie moi aussi.

 

Mais lui, il est parti sur autre chose. Et je n'ai pas compris. Ce n'était pas un raisonnement, c'était une affirmation. Il n'a pas répondu à ma question, comme si elle était stupide. J'avais l'impression que ce n'était plus à moi qu'il parlait, mais à ses disciples, qui le regardaient avec admiration. Il a dit "que nul, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu". Là, si je crois ce que le Baptiseur a dit, il parle de lui, mais peut-être pas seulement. Va-t-il proposer un autre baptême? Mais qui est maître de l'Esprit, à part le Très Haut? 

 

Et il a continué, en disant que je ne sois pas étonné par ses paroles (et là ça devait bien se voir qu'étonné je l'étais), "que ce qui est né de la chair est chair, que ce qui est né de l'Esprit est esprit"

Il veut dire quoi? Tous, nous sommes nés de la chair, tous nous avons un corps, un corps tissé dans le sein de notre mère, et nous pensons que pour certains, l'Esprit de Dieu repose sur eux, c'est ce qu'affirmait Isaïe (2); et j'aime à pense que de l'Esprit du Très Haut est sur moi quand je récite les psaumes, les prières, quand j'offre des sacrifices, quand je fais l'aumône, quand je donne la dîme. 


Puis il a ajouté "il faut naître d'en Haut". Il oppose le bas, peut-être notre monde, avec le Haut, le lieu de la Présence. Au fond de moi, je le sais bien mais comment faire? Et il a conclu par une analogie en disant que "le vent souffle où il veut, qu'on entend sa voix, mais qu'on ne sait ni d'où il vient, ni où il va. Et que c'est pareil pour qui est né de l'Esprit." Alors là, qu'est ce qu'il veut faire comprendre? Que je ne sais pas d'où il est, ni où il va? Mais que lui, qui se dit si je comprends bien envahi par l'Esprit, quand il parle, c'est la voix du Très Haut que j'entends? C'est un peu comme s'il affirmait être le prophète, celui que Moïse nous a promis.

 

Là encore, pour montrer que je suivais son raisonnement, j'ai demandé "comment cela pouvait se faire"?. Là il a fait semblant d'être étonné que moi, "un maître qui enseigne en Israël, je ne connaisse pas ces choses là". J'avais l'impression qu'il avait un petit air ironique, mais pas méchant. Sauf que je reconnais que j'ai bien du mal à le suivre. Je ne sais jamais sur quel plan il va poursuivre.

 

Et là, j'ai eu l'impression qu'il s'envolait. Il a employé du je, du nous, du vous et le vous c'était vraiment comme une attaque. On aurait dit qu'il y avait en lui une présence qui lui parlait et que nous, nous n'étions pas capables d'écouter et de comprendre ce qu'il voulait nous dire.

 

Il a dit, non pas que nous ne recevions pas son témoignage, mais "notre" témoignage. Et là il n'a pas tort parce que pour qu'un témoignage soit reçu, il faut deux personnes et c'est comme si lui, témoignait de cette présence en lui, mais cette présence je ne la vois pas, et c'est peut-être là le difficile. Et il a conclu bizarrement en disant que "nul n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme". Et il a ajouté," De même sur le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin qu'en lui, tout homme ait la vie éternelle".

 

Alors là, je suis un peu rentré en moi-même, dans mes pensées. S'il dit être le Fils de l'homme, celui qui est figure du Très Haut, dans le livre de Daniel (2)s'il dit qu'il est venu du ciel pour nous donner la vie éternelle, celle qui va bien au-delà de la mort du corps, qui est-il? Et je l'ai écouté parler à ses disciples, car moi, j'étais incapable de continuer le dialogue. 

 

Et il a dit en s'adressant à tous, que Dieu avait tellement aimé le monde, qu'il lui avait donné son Fils Unique, pour que tout homme qui croit en lui, ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle". Quand il disait cela, j'avais l'impression d'entendre le prophète Ézéchiel qui parle des brebis qui s'égarent à cause des prêtres, et je me demandais s'il ne s'agissait aussi un peu de nous les pharisiens avec notre grand respect de la loi, mais surtout des préceptes, et que si cet homme ne serait pas le vrai berger, celui qui permet aux brebis de trouver un pâturage et aussi d'être protégées. (3)

 

Je crois qu'ensuite il s'est mis à parler de lui, en disant que Dieu, qu'il considère comme son Père,  "l'a envoyé dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé". Et je dois reconnaître qu'en moi, cette phrase a résonné et résonne encore, et que j'ai vraiment envie de croire. Mais je suis incapable de savoir s'il est fou ou si vraiment il est l'envoyé, et pourtant jusqu'à présent sa vie est celle d'un homme inspiré.

 

Et comme s'il avait lu en moi, il a repris ce verbe "croire" en disant que celui qui croit en lui échappe au jugement, et que celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu'il n'a pas cru au nom du Fils Unique de Dieu".Mais qui pourra croire parmi nous que Dieu a un Fils, et qu'il l'a envoyé dans le monde? C'est tellement étonnant. Il va me falloir du temps pour laisser cela faire son chemin en moi.

 

Il a conclu en disant que la lumière (je pense que c'est lui) est venue dans le monde, mais que monde ne l'a pas reçue: que les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres sont mauvaises".

  

Ensuite, il me semble qu'il a terminé par une sorte de sentence, je dirai presque de proverbe. 

 

Il a dit" que celui qui fait le mal déteste la lumière, il ne vient pas à la lumière de peur que ses œuvres ne soient dénoncées". Je dois dire, que malheureusement il a raison. Personne n'aime que ce qu'il fait de mal soit dévoilé, et même le reconnaître reste très difficile, parce que parfois, on ne se rend pas compte que c'est mal. Et quand il dit "que celui qui fait le mal déteste la lumière", c'est un peu comme s'il disait que celui qui fait le mal a peur que la lumière le blesse, lui fasse mal aux yeux; alors il préfère rester dans l'obscurité. C'est un refus, et ces refus, nous savons que Dieu ne les aime pas. S'il nous appelle aussi souvent "le peuple à la nuque raide", c'est bien parce que nous en sommes spécialistes. Et je me demande si lui, ne se considère pas comme la lumière; et que nous refusons - nous qui savons - de lui reconnaître cette qualité, parce que quelque part cela nous fait peur. 

 

Puis, il a symétrisé, en disant que "celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu'il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu". Peut-on comparer faire le mal avec faire la vérité? Est-ce que "vérité" cela veut dire "bien"? Mais la connaissance du bien et du mal, c'est tellement compliqué, même pour moi qui suis un maître. Peut-être parle-t-il de lui? Je ne sais pas. 

 

Là-dessus, je l'ai quitté, et je suis revenu rempli de perplexité dans ma demeure. Pour moi, il est certain que c'est un homme habité par l'Esprit. Est-il ce qu'il dit être, le Fils de l'homme? Cela je ne le sais pas. Je verrai bien comment cela va évoluer au fil de jours, mais je crains qu'il ne finisse comme un blasphémateur, lapidé. 

 

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(1) Les phrases tirées de l'évangile Jn 3, 1-22 sont en italique.

(2) Is 61,1

(3) Ez 34,11-61

 

samedi, avril 23, 2022

Jn 21,1-12. La troisième manifestation de Jésus ressuscité.

Jn 21, 1-12. L'apparition sur le lac.


C'est le texte proposé pour le vendredi de l'octave de Pâques.

 

Si on se réfère au chapitre 20 de cet évangile, l'auteur nous dit "qu'il y a encore beaucoup de signes que Jésus a faits en présence de ses disciples, et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom."

 

Et pourtant le rédacteur a éprouvé le besoin de rapporter la troisième manifestation de Jésus. Elle se passe sur les bords du lac de Tibériade, ce qui évoque la multiplication des pains (Jn 6); les disciples sont peu nombreux, mais nommés: ils sont sept, Simon-Pierre, Thomas, Nathanaël, les fils de Zébédée donc Jacques et Jean (on retrouve donc les trois qui ont vu la transfiguration), et deux autres disciples, l'un d'eux étant le disciple que Jésus aimait.

 

Ce qui est étonnant, c'est qu'à Jérusalem Jésus a répandu son esprit sur ses disciples en soufflant sur eux, et leur a donné le pouvoir de remettre les péchés ou de les maintenir. On peut quand même se demander pourquoi un certain nombre de disciples, dont ceux que nous savons être de Galilée, s'en sont retournés chez eux finalement comme si rien n'était advenu; comme s'ils pouvaient reprendre leur vie, là où ils l'avaient laissé. 

 

Peut-être que toute cette séquence, qui se termine par l'envoi de Pierre en mission, est là pour nous dire que maintenant que Jésus est revenu à la vie et que la mort a été vaincue, il n'est plus question de faire comme si rien ne s'était passé: il faut aller de l'avant. 

 

On dit souvent que, si Pierre passe un vêtement au moment où il saute à l'eau pour rejoindre Jésus sur la rive, c'est parce que - comme Adam au moment de la faute - il se sent coupable et se met à l'abri derrière ce vêtement; qui va être trempé et ne servira à rien. Je ne pense pas que la culpabilité soit en cause (même si c'est ce que la suite du texte pourrait faire croire avec la triple question); parce que ce qui s'est passé à Jérusalem, et le don de l'Esprit, montre que Jésus est passé lui aussi à autre chose. Mais ici Pierre, en reprenant sa vie d'avant, sa vie de pêcheur, a pris encore la fuite, plus que la nuit du Jeudi saint. Et le feu de braises certes renvoie au feu qui a entendu ce reniement, mais peut-être aussi au buisson ardent, qui brûle sans se consumer et qui est lieu de la présence de Dieu. 

 

Je me disais aussi que les trois questions de Jésus, surtout la première, prennent un autre sens, si on admet que Pierre a refait un petit groupe d'amis pour refaire avec eux une vie.

 

- Le "Simon-Pierre, m'aimes-tu plus que tu aimes ceux-ci" (est-ce que tu me préfères à eux, tes amis) prend alors tout son sens. Et Pierre en répondant "oui", choisit d'aimer Jésus: et alors Jésus lui demande d'être le berger de ses agneaux (c’est-à-dire de ceux-là qui sont les "enfants" de Jésus, ce qui renvoie à la manière dont Jésus les appelle au début de la péricope).

 

- Le second "Simon-Pierre, m'aimes-tu vraiment" peut effectivement faire référence à ce qui s'est passé durant la nuit du jeudi au vendredi (mais peut-être ne faut-il pas oublier que Pierre a essayé de défendre Jésus en blessant un serviteur du grand-prêtre), et pousse un peu Pierre dans ses retranchements. Cela l'oblige, lui l'impulsif, à réfléchir. Et sa réponse: "Oui, toi Seigneur tu le sais" va bien dans ce sens. Et là, Jésus augmente en quelque sorte la charge: désormais, il y a les brebis, ces brebis dont Jésus parlait au chapitre 10, qui sont ceux qui connaissent sa voix. Et là, ça fait du monde. 

 

- Quant à la troisième question, puisqu'il s'agit de ce verbe aimer qui a deux sens en grec, je peux penser que pour Pierre il est impossible d'aimer au sens plein, comme Jésus aime et que cela il le sait et que cela l'attriste et c'est peut-être pour cela que Jésus se met à son niveau et lui parle de cet amour d'amitié, mais cet amour là, quand il va jusqu'au bout, permet bien d'être le le vberger des brebis du Seigneur.. 

 

Je pense qu'il se fait là tout un chemin de conversion pour Pierre, un chemin que l'on est tous, appelé à faire, mais chacun à sa manière.

 

Mais je reconnais que c'est une interprétation très osée de ma part.

 

Bien sûr il y a le filet qui ne se rompt pas contrairement au voile du temple (mais ce n'est pas la même rédaction); il y a les 153 poissons sur lesquels on a beaucoup écrit, (si on cherche la signification des 153, outre St Augustin et le nombre d'or, voir https://www.bibliorama.org/jean-21-11-les-153-gros-poissons/). Mais il y a surtout que ce pain et ces poissons, ceux qui sont déjà là et ceux qui sont apportés par Pierre, évoquent tellement ce qui s'est passé le jour où Jésus a nourri une foule. Là il partage ces aliments, et c'est lui qui nourrit, et ce sera bien aux disciples de reprendre ce geste et de nourrir ces nations qui demandent à connaître le Fils. 


 

Simon-Pierre raconte.

 

Notre maître, celui pour lequel nous avons tout quitté, avait été mis à mort sur une croix. Il avait dit que cela devait arriver, qu'il devait mourir sur une croix, mais je n'arrivais pas à y croire. Et quand c'est arrivé, croire qu'il pouvait revenir à la vie c'était impossible. Quand un poisson est sorti de l'eau, il meurt. Quand un homme est sur une croix, il meurt. 

 

Et pourtant, par deux fois il s'est manifesté, il est apparu alors que nous étions enfermés dans la chambre haute, parce que nous avions peur que les juifs ne veuillent mettre la main sur nous, comme si nous avions volé le corps. Et il avait soufflé sur nous, nous avait donné ce pouvoir énorme de maintenir les péchés ou au contraire de pouvoir délier. Et Thomas ,qui lui était absent lors de cette première venue, et qui refusait de nous croire, a reconnu que Jésus était bien redevenu vivant, et que Jésus était son Seigneur et son Dieu. Car l'homme que nous avions connu n'était plus là, c'était un autre, et quelque part nous en avions un peu peur. 

 

Et puis nous avons décidé de retourner chez nous en Galilée, loin de Jérusalem, le temps que la pression retombe. On reviendrait peut-être pour la fête du don de la Loi, la fête de Chavouot,  même si désormais cette loi était remplacée par celle que le Seigneur nous avait donnée: de nous aimer les uns les autres comme Lui nous avait aimé. 

 

Et ce soir-là, j'avais envie de pêcher. Je l'ai dit à mes amis, ceux de toujours, Jacques et Jean, Nathanaël, mais aussi à Thomas, et à deux autres dont Jean, celui qui comprend toujours tout avant tout le monde, comme s'il était en prise directe sur Jésus; et encore un autre. Et toute la nuit nous avons pêché et rien, rien, rien. C'en était à pleurer. 

 

Et quand nous avons regagné le rivage, un homme au loin nous a interpellé. Il nous a dit: "Hé les enfants, avez-vous du poisson?" Quelle drôle de question et pourquoi, nous appeler ainsi, comme s'il nous connaissait? Nous avons répondu que non. Là il nous a dit de jeter le filet à droite de la barque. Cela nous a étonné, mais nous l'avons fait et là, la barque a commencé à se pencher vers la droite, sous le poids du filet qui se remplissait. Et c'est là que Jean, (pas le frère de Jacques) m'a dit: "c'est le Seigneur", et j'ai su qu'il avait raison.

 

Seulement, j'avais un peu honte de moi, parce que le soir où il avait été arrêté et quand il avait annoncé que je le trahirai par trois fois, moi, je pensais vraiment donner ma vie pour lui et le suivre partout et j'avais quitté Jérusalem, et j'avais repris ma vie d'avant. Alors j'ai passé un vêtement, et j'ai sauté à l'eau. Les autres ont suivi et ils ont laissé la barque sans remonter le filet. Quand je suis arrivé au bord, avec mes vêtements trempés, il m'a fait signe d'aller auprès du feu pour me réchauffer; il ne disait rien, il me regardait comme lui seul sait regarder. Et là, j'ai vraiment su qu'il était ressuscité, qu'il était le Seigneur, qu'il était Dieu, comme Thomas l'avait dit. 

 

Sur le feu de braise, il y avait du poisson et du pain, et ça sentait bon. Il a demandé de prendre aussi de notre poisson et c'est là que je suis retourné à la barque que j'ai amené le filet sur la terre, que j'ai constaté que le filet ne s'était pas rompu, ce qui est étonnant avec une charge pareille, et qu'il y avait 153 poissons. Et des beaux poissons; pas de ce ceux qu'on rejette. Et ces poissons, c'était un signe rien que pour nous, notre signe. Surabondance, vie, présence. 

 

D'un coup, je me suis retrouvé comme en arrière dans le temps: ce jour où, après avoir guéri un homme qui ne marchait plus depuis trente-huit ans, Jésus avait dû quitter Jérusalem parce que les pharisiens lui reprochaient d'avoir obligé l'homme à porter sa civière un jour de Shabbat. Et nous nous étions retrouvés en Galilée, chez nous, avec une foule importante que nous voulions renvoyer, car la nuit était proche. C'était peu de temps avant la fête de la Pâque. Il avait nourri la foule lui tout seul avec ce que nous avions, du pain et du poisson. Et ici, il y avait à nouveau du pain, du poisson grillé et il nous a partagé cela. Tous les sept, nous étions à nouveau avec "notre" Jésus, celui qui avait nourri la foule, qui avait dit qu'il donnerait sa vie pour que nous ayons, nous, la vie éternelle. 

 

Un petit moment a passé. Et puis, par trois fois, il m'a demandé si je l'aimais. Et par trois fois j'ai dit que oui je l'aimais plus que ceux qui étaient là, que oui je l'aimais et que oui je l'aimais, mais que je ne savais pas faire. Et par trois fois il m'a donné la charge d'être le berger. 

 

Moi qui ne suis qu'un pauvre pêcheur, je lui succède pour prendre en charge ses brebis. Moi l'impétueux, et bien j'accepte cela, comme l'intendant, qui sait qu'il n'est que l'intendant, et qui fera de son mieux pour que la parole d'amour se répande sur toute la terre. Peut-être que cela me conduira à la mort, mais là au moins je pourrai lui ressembler, je donnerai vraiment ma vie pour lui, et jamais plus je ne le renierai.   

jeudi, avril 21, 2022

Lc 24, 35-48. Cléophas raconte ce qui s'est passé pour eux à Jérusalem.

Luc 24, 35-45. Jésus se manifeste aux disciples à Jérusalem.

 

Mercredi et jeudi de la semaine pascale, la liturgie propose la rencontre de Jésus avec les disciples qui se rendent à Emmaüs, et le retour de ceux-ci à Jérusalem après que le Seigneur se soit fait reconnaître et qu'ils aient eu le cœur tout brûlant. https://giboulee.blogspot.com/2017/02/notre-coeur-netait-il-pas-tout-brulant.html

 

Ce qui se passe ensuite à Jérusalem et qui est rapporté par Luc, c'est pratiquement la finale de son évangile. Mais dans l'évangile de Jean, le même jour, il y a des disciples enfermés dans le Cénacle par peur des juifs, et finalement des évènements assez semblables, que ce soit la première phrase prononcée par Jésus - "La Paix soit avec vous" (la phrase qu'il demande aux disciples de dire quand ils entrent dans une maison qui les accueille), la peur des disciples, la nécessité pour Jésus de montrer la trace des plaies, le fait qu'il mange. Ce sera plus tard (Jn 21) qu'il partagera avec eux du poisson grillé, alors que chez Luc cela se fait le jour même.  


Dans cet évangile, Jésus ouvre leur esprit à l'intelligence des écritures, mais leur demande d'attendre un certain temps que le Père fasse descendre sur eux l'Esprit; alors que chez Jean cet esprit est donné par le souffle de Jésus, avec le pouvoir de remettre les péchés. Cela sera la tâche des témoins, dans l'évangile de Luc, d'annoncer la conversion en son nom pour le pardon des péchés; à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. 

 

La difficulté qui demeure, c'est que Luc promet un don de l'Esprit, mais Jésus les quitte à Béthanie, le jour même, alors que dans les Actes, il demeure quarante jours avec eux.

 

 

 Cléophas raconte.

 

Quand nous sommes arrivés à Jérusalem, nous étions encore avec notre joie de ce que nous avions vécu, et nous voulions dire aux disciples - qui se cachaient plus ou moins - que oui le Seigneur était revenu à la vie, que les femmes n'avaient pas déliré, que nous en étions les témoins. Et le fait que nous soyons deux, cela donnait de la force à notre témoignage. 

 

A notre grande surprise, ils n'ont pas eu l'air étonné. Ils nous ont dit que le Seigneur s'était manifesté à Simon-Pierre, et nous avons commencé à leur raconter par le détail comment alors que nous étions sur la route qui nous ramenait chez nous, complètement abattus, tristes, malheureux, un homme nous avait demandé ce qui se passait pour que nous fassions cette tête. C'est vrai que normalement quand on revient chez soi après la célébration de la Pâque, on ne fait pas cette tête là. 

 

Comme nous étonnions que cet homme ne soit pas au courant de ce qui s'était passé, il nous a demandé de lui raconter. Dire que nous ne savions pas à qui nous parlions! Mais est-ce que nous pouvions le reconnaître, alors que la dernière image de lui que nous avions était celle d'un homme défiguré, le visage ensanglanté, sur une croix? Peut-être aussi que la tristesse nous rendait incapable d'ouvrir les yeux. Mais voilà, c'est un fait, nous ne l'avons pas reconnu. Et le voilà qui nous dit que nous sommes des idiots. Enfin il ne l'a pas dit comme ça, mais il nous a dit que nous étions sans intelligence. 

 

Nous en étions là de notre récit lorsque tout à coup, alors que personne n'avait frappé à la porte, il était là au milieu de nous. Et je dois dire, que la peur s'est abattue sur nous, une peur palpable. Même nous qui l'avions pourtant vu. Certains pensaient que c'était un esprit, un revenant. Lui, je crois que ça l'a fait rire, ça se voyait dans ses yeux. 

 

Il nous a alors demandé de le toucher, ce que nous, nous n'avions pas fait. De sentir qu'il y avait bien de la chair et des os, et il a montré les marques des clous. Cela non plus nous ne l'avions pas vu, enfin si, mais tellement brièvement, au moment où il nous a partagé le pain et c'était là qu'il avait disparu à nos regards. 

 

Ensuite il nous a demandé de quoi manger; je pense que c'était pour nous rassurer. Devant nous, il a mangé du poisson grillé et du pain.

 

Puis il s'est mis à parler, comme il l'avait fait avec nous. Il nous a montré comment les écrits de Moïse, les écrits des prophètes et les psaumes parlaient de lui, de sa venue, du salut qu'il apporterait. Et nos esprits s'ouvraient, et nos cœurs étaient dans la joie. Cette mort n'était pas un non-sens, mais elle donnait la vie au monde. 

 

Il nous a alors dit que désormais nous serions témoins de sa mort et de sa résurrection, que nous proclamerions que se convertir à lui donnerait le pardon des péchés; que cela serait vrai pour toutes les nations, et bien sûr pour Jérusalem. 

 

Puis il a ajouté que son Père allait nous donner, répandre sur nous, cet Esprit dont lui nous avait parlé; que nous devions attendre d'être revêtus de cette force, de cette puissance, pour témoigner de lui. 

 

Et il a disparu. Et notre cœur brûlait toujours.

 

 

mardi, avril 19, 2022

Jn 20, 12-18. La rencontre entre Marie-Madeleine et Jésus. 2022

 

Jn 20, 12-18. La rencontre entre Marie-Madeleine et Jésus. 2022

 

Mardi de l'octave de Pâques.

 

C'est étonnant, je pensais avoir beaucoup écrit sur ce texte que j'aime, mais finalement il y a peu de choses. Ce billet écrit pour la fête du 22 juillet reste d'actualité mais peut-être faut-il le rafraîchir: https://giboulee.blogspot.com/2020/07/jai-vu-le-seigneur-jn-20-18.html

 

C'est le texte avec les "retournements" de Marie. J'aime beaucoup regarder ses attitudes. Mais ce matin, je crois que le dernier retournement c'est le choix de la vie. La voix de Jésus lui permet enfin de se détourner de ce lieu de mort vers lequel elle revient sans cesse, comme si elle était aimantée par ce vide, pour aller enfin vers le dehors, le jardin, la vie. Et ces mouvements-là, ils sont bien souvent les nôtres; et parfois il faut se forcer à ne pas être aimanté par le malheur, par la mort, mais aller vers ce qui reste vivant, ce qui est en vie , ce qui donne la vie.

 

Le texte.

 

11 En ce temps-là, Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, toute en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau.

 

Très étonnant les postures. Elle est debout, elle est à l'entrée, et elle pleure. Elle est seule, les autres sont partis. Jean, le disciple, certainement transformé, Pierre semblable à lui-même, mais ils ne cherchent pas le corps avec elle, comme si cela ne les intéressait pas. Et elle, elle est seule.

 

12 Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus.

13 Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. »

 

Et là, j'imagine qu'elle tourne la tête vers le tombeau, elle qui n'y est pas entrée. Elle, elle ne voit pas les linges, contrairement aux deux autres, mais deux anges, qui pour moi symbolisent les anges de l'arche d'alliance. Et eux au moins ils parlent, et ils s'intéressent à elle. Seulement, ils ne disent toujours pas où est le corps; et le corps, elle le veut. Et du coup, eux peuvent rester où ils sont, cela ne l'intéresse pas.

 

14 Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus.

15 Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. »

 

Et là, elle regarde à nouveau non plus vers la mort, mais vers le jardin, vers la vie, et elle voit cet homme qui s'intéresse lui aussi à elle. Après tout, c'est quand même une semaine importante dans la vie des juifs, la Pâque, les pains azymes. Et deux questions, pourquoi pleures-tu, qui cherches tu. Et là, elle ne se démonte pas, elle, la femme, elle ira chercher le corps du mort. Parce que pour elle, il est mort, mort. Et peut-être qu'elle regarde à nouveau vers le tombeau, ce qui peut aussi expliquer le retournement. 

 

16 Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître.

 

 Et là, parce qu'elle se tourne vers lui et pas vers le lieu où il aurait dû être, elle entend la voix, elle le reconnaît et elle peut le nommer, celui qui est le Maître de la vie et de la mort, qui a vaincu la mort. 

 

17 Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »

 

Et là, il lui confie une mission. Et pour moi, si Jésus est descendu dans les profondeurs qui ne l'ont pas retenu, c'est qu'il a vraiment terminé sa mission et qu'il peut aller vers le Père - sur les hauteurs; et que désormais ce Dieu est devenu le Dieu de tous, et le Père de tous. Car au ciel aussi, il s'est comme produit une transformation.

 

18 Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit.

 

Ce qui reprend un peu ce qui s'est passé pour l'évangéliste: il vit et il crut. Mais ce n'est pas le même voir. 

 

Marie raconte.

 

Simon Pierre et Jean - le disciple qui est un ami de Jésus - sont partis. Quand ils sont sortis du tombeau, Simon-Pierre est resté de marbre, et pas un mot. L'autre, lui, c'était différent, il avait l'air heureux, apaisé, mais ils ne m'ont rien dit et ils m'ont laissée seule. Moi qui espérais qu'ils m'aideraient à trouver le corps! Mais non, rien. Et moi je me sens abandonnée, et mes larmes coulent.

 

Maintenant, je me tiens dehors, je n'arrive pas à entrer. Et en me penchant pour regarder je vois deux hommes assis là. Mais qu'est-ce qu'ils font là? Avant ils n'y étaient pas. Ils sont vêtus de blanc. Je pourrais presque dire qu'ils me font penser à ces anges qui étaient de part et d'autre du propitiatoire dans l'arche d'alliance, mais ils me font un peu peur. Je ne comprends pas trop. Est-ce que ce lieu est devenu sacré? 

 

Ils me demandent pourquoi je pleure. Quelle question. Moi je ne leur demande pas ce qu'ils font là. Et eux, ils ne me disent pas où est le corps. Alors je les laisse là, et je regarde de l'autre côté, vers le jardin. 

 

Là, je vois un homme, et je me dis que celui-là, peut-être, me répondra, que c'est le jardinier chargé de l'entretien du jardin. Et comme je ne sais pas trop si Joseph avait le droit d'utiliser ce tombeau tout neuf, peut-être qu'il a pris le corps. 

 

Il me regarde avec bienveillance, il me demande pourquoi je pleure et qui je cherche. Lui au moins, il est un peu plus humain. Alors je lui réponds que si c'est lui qui a emporté le corps qui était là, qu'il me dise où il s'en est débarrassé pour que moi je puisse l'emporter. De fait je ne sais où je le mettrais, mais ce corps je le veux. Et je regarde à nouveau vers ce lieu où il a reposé. En fait je voudrais que le corps revienne là, dans l'obscurité, dans la nuit, mais que le tombeau ne soit plus vide. Que je puisse faire quelque chose, que je puisse agir.

 

Et là, celui que je prends pour le jardinier prononce mon nom; et avec cette manière de le dire qui est cette manière unique qu'avait mon maître de le dire. Alors là, mon cœur tressaille en moi, la joie m'envahit et je me tourne vers lui, avec cette envie de me jeter tout contre lui, pour sentir sa chaleur, sa peau, de voir son regard; et je lui dis tout doucement "Rabbouni", parce que c'est comme cela que moi je l'appelle, mais là, c'est autre chose, parce que maintenant il est le maître de la vie, il est le vivant. 

 

Il me demande alors de ne pas le retenir, parce qu'il n'est pas encore monté vers le Père. Chaque mot qui sort de sa bouche, je le déguste. Il commente ce qu'il vient de dire, il me dit d'aller vers ses frères, et de leur dire qu'il monte vers son Père qui est maintenant notre Père, qu'il monte vers son Dieu qui est notre Dieu. Je crois qu'il me dit quelque chose de très important, que moi je dois transmettre, même si je ne comprends pas très bien. Je comprends juste que désormais, moi aussi je peux appeler, comme Lui, le Très haut mon Père, et que ce Dieu que j'imaginais loin de moi, dans les hauteurs, il est là, en Moi, comme il l'a été pour mon bien-aimé. Je crois qu'il me dit que désormais lui et nous, nous sommes ses frères, que nous avons le même père, parce qu'il a donné sa vie pour nous tous, par amour.

 

Alors en grande hâte, je suis partie et je leur ai annoncé que j'avais vu de mes yeux vu Jésus le Seigneur, et je leur ai transmis ce qu'il m'avait dit. 

 

Maintenant ce sont des larmes de joie que je verse. Il est vivant, je suis vivante, la vie s'est manifestée, la mort a été vaincue.

 

lundi, avril 18, 2022

Jn 13, 18_21. Le disciple que Jésus aimait

A propos de celui - Jean - qui se  désigne comme "le disciple que Jésus aimait". 

 

En lisant ce vendredi 15 avril la passion selon St Jean, et en prenant le temps de la lire, j'ai été frappée par le rôle de celui qui dit être le disciple aimé de Jésus - le narrateur si l'on peut dire, par rapport à Pierre; parce qu'ils ne semblent pas aller l'un sans l'autre...


C'est grâce à ce dernier que Pierre peut entrer dans la cour de la maison du grand-prêtre, et que donc ensuite le triple reniement aura lieu. Ce disciple, lui, entre parce qu'il est connu, puis se rendant compte en se retournant que Simon-Pierre n'a pas suivi, va voir la servante et lui permet d'entrer. Il a presque un rôle de portier. 

 

Et j'ai fait un rapprochement avec ce qui va se passer au tombeau, après que Marie de Magdala soit allée prévenir Simon-Pierre - et donc Jean par contre coup, que le corps a disparu, qu'elle ne sait pas où le corps a été déposé, et qu'elle est dans un état de panique complet.

 

Les deux hommes courent, et je pense Marie est avec eux. Le disciple arrive le premier, reste en quelque sorte sur le pas de la porte (l'inverse de ce qui s'est passé pour Simon-Pierre), voit cependant en se penchant que les linges sont à plat. Et je pense ce que "à plat", montre bien qu'il n'y a rien en dessous. Mais cela lui laisse du temps pour "digérer" l'information, pour voir.


Pour lui, c'est un peu un miracle en deux temps, comme pour l'aveugle de Siloé. Ne pas voir, prendre le temps d'aller jusqu'à la source, pour que le miracle, l'ouverture des yeux, se fasse.

 

Simon Pierre arrive, et entre, lui, sans réfléchir; il veut voir. Et il voit que les linges sont pliés à plat, à leur place, et que le suaire est aussi à sa place. C'est alors que le disciple entre; et lui, voit et croit. Comme si quelque chose s'était passé pour lui, qui ne se passe pas pour Simon-Pierre qui n'a pas compris qu'il fallait que Jésus ressuscite d'entre les morts. Puis ils rentrent chez eux, et c'est Marie qui prend le devant de la scène.

 

Ce qui m'a frappée, c'est la relation qui semble se créer entre ces deux hommes: et où le disciple qui n'a pas été appelé en Galilée, qui est vraisemblablement de Jérusalem - peut-être comme on le dit un jeune prêtre séduit par Jésus, est tout le temps entre Simon et Jésus.

 

J'ai eu alors envie de raconter autrement ce que la liturgie nous fait lire au cours de ce qu'on appelle le livre des heures, les chapitres 13 à 21, puisqu'au bord du lac, c'est encore ce disciple qui a le beau rôle si je puis dire. Qui représente-t-il? 

 

Il y a deux choix possibles: de laisser parler Simon-Pierre, qui est quand même peut-être un peu jaloux; ou de laisser parler le disciple, qui parlerait à la première personne. Ce qui m'est venu cette nuit, c'est que c'était comme cela que je devais faire. D'autant que cela renvoie à un de mes articles d'il y a très longtemps, quand j'essayais de donner la parole à des enfants polyhandicapés qui n'avaient que leur corps pour exprimer ce qu'ils ressentaient. 

https://giboulee.blogspot.com/2004/12/qui-suis-je-propos-des-polyhandicaps.html

 

Qui suis-je?

 

Je suis celui qui au cours d'un repas, a dit à Simon-Pierre, parce que j'étais le plus proche du Seigneur, que c'était celui qui avait mis la main dans le plat en même temps que Jésus qui le trahirait. A-t-il compris que c'était Judas? Je n'en suis pas certain. Mais j'ai admiré la délicatesse du Seigneur, qui ensuite s'est adressé au traitre en lui disant de faire ce qu'il avait à faire sans perdre de temps. Je reconnais que ce jour là, j'avais la meilleure place, tout près du cœur du Maître et que je pouvais même le sentir battre, ce cœur qui nous aimait à la folie.

 

Je suis celui qui a vu que les gardes, venus pour arrêter Jésus, avaient comme reculé avant de porter la main sur lui, et que Jésus leur avait demandé de laisser partir les siens. Et cela je l'avais trouvé tellement beau, qu'il pense à nous.

 

Je suis celui qui a vu que Simon avait blessé un des serviteurs du grand-prêtre, un dénommé Malchus. Mais qu'est ce qui lui a pris à Simon. On va vouloir aussi sa tête maintenant; toucher à un serviteur du grand-prêtre, c'est vraiment de la folie. Mais il est comme ça Simon. Il fonce trop. 

 

Je suis celui qui n'a pas pris la fuite, et qui a suivi Jésus alors qu'on le menait dans le palais de Hanne, le beau-père de Caïphe, le grand-prêtre de cette année. Moi je rentre facilement parce que je suis connu, mais pour Simon c'était impossible après ce qu'il avait fait. Mais comme je connaissais la servante, il est rentré lui aussi. Et au cours de la nuit, par trois fois il a dit que Jésus, il ne le connaissait pas. Et le coq a chanté, et la prophétie de Jésus s'est réalisé. Et Jésus est sorti peu après pour être conduit chez Pilate.

 

Je suis celui qui était au pied de la croix, quand tout arrivait à la fin. Je suis celui à qui le Maître a confié sa mère, je suis celui qui l'a entendu dire qu'il avait soif, je suis celui qui l'ait vu incliner la tête et rendre l'esprit. Tout cela je l'ai vu. Tout cela, je l'ai senti dans mon corps. Et j'ai vu et j'ai su que sa vie, personne ne la lui avait prise, qu'il l'avait donnée; et en moi j'espère que cette vie lui sera rendue.

 

Je suis celui qui au petit matin, le lendemain de la Pâque, a vu arriver Marie de Magdala, en larmes, comme une folle, nous dire que le corps avait disparu.

 

Je suis celui qui est parti en courant avec Simon et Marie, et qui suis arrivé le premier au tombeau. Je ne voulais pas entrer, question de préséance: après tout, c'est Simon qui doit reprendre le flambeau. Et j'ai vu que le corps n'était pas là, et que ce ne pouvait pas être un vol, parce qu'il n'y avait aucun désordre et qu'on ne prend pas un corps sans son linceul. 

 

Je suis celui qui, en entrant dans le tombeau, a cru que le Seigneur était revenu à la vie, parce qu'il est la vie et qu'il a toujours dit que les ténèbres ne pouvaient pas retenir la lumière. Et en moi, il y avait une joie que personne ne pouvait me ravir; mais ni Simon ni Marie ne comprenaient. Ils étaient dans leur ailleurs, dans leur tristesse; et moi aussi j'étais ailleurs, mais je savais que je témoignerais de ce que j'avais vu, de ce que j'avais entendu: que la vie s'était manifestée, et quelle vie!

 

Je suis celui qui était là quand Thomas disait qu'il ne croirait pas tant qu'il ne mettrait pas ses doigts dans les trous des poignets percés par les clous et dans le côté percé par la lance, et j'étais là aussi quand le Seigneur est revenu montrer les marques des clous et de la lance.

 

J'étais là quand il a soufflé sur les apôtres et a répandu sur eux son Esprit. 

 

Et surtout j'étais là au petit matin, après une nuit de pêche infructueuse sur le lac de Galilée, quand un homme auprès d'un feu nous a appelé pour nous demander si nous avions du poisson, nous a dit de jeter le filet qui en un rien de temps a été rempli de gros poissons. Et je crois que j'ai été le seul à savoir que cet homme là-bas c'était le Seigneur, et le seul à pouvoir le dire à Simon, qui pour aller le rejoindre s'est jeté à l'eau pour arriver sur la rive. 

 

J'étais là quand par trois fois le Seigneur a demandé à Simon s'il l'aimait vraiment plus que tout, plus nous tous, et qu'il l'a institué le pasteur de son troupeau, comme lui l'était. Et j'étais aussi là quand il a dit à Simon de le suivre, et à moi de demeurer. A ce moment-là nous n'avions pas compris, mais ce que le Seigneur dit, cela se réalise toujours. 

 

Alors avez-vous trouvé qui je suis?

 

Je suis le disciple que Jésus aimait.

Je suis le conteur. 

Je suis l'écrivain.

Je suis comme vous aujourd'hui celui qui transmet.

Je suis celui sait que le nom de Dieu est Amour. 

vendredi, avril 15, 2022

Jn 8-11."les interrogations d'un pharisien".

 Dans un précédent billet, j'ai laissé la plume à un pharisien qui récrimine contre ce Galiléen qui depuis qu'il est à Jérusalem est un véritable empêcheur de tourner en rond. 

Un peu de temps à passé, et Isaac, ce pharisien, se pose des questions, et se sent bouleversé par ce que nous appelons la résurrection de Lazare. 

Voici ce qu'il écrit à son ami Josué.

Mon très cher Josué,

 

J'avais commencé à te parler de ce Jésus de Nazareth qui nous complique bien la vie à Jérusalem. Si ça continue, il va voir tout le peuple avec lui. Ces maudits qui s'imaginent avoir trouvé le messie qui va les aider à se révolter contre l'occupant, et nous, nous savons bien que les Romains ne le supporteront pas et que la réaction sera dans le sang. Alors nous pensons de plus en plus à le prendre en défaut pour pouvoir le lapider, le mettre à mort, mais en ayant le droit et la loi pour nous.

 

Nous avions même élaboré un vrai piège pour trouver une raison de le lapider. Je dois dire que c'était brillant. Nous lui avons amené au petit matin une jeune femme, surprise en délit d'adultère. Bien entendu elle était seule, l'amant avait trouvé moyen de prendre la poudre d'escampette. Nous avons alors en quelque sorte mis en demeure Jésus de nous dire ce que nous devions faire, puisque Moïse nous a dit de lapider ces femmes. Curieusement, il est resté là où il était assis; il s'est mis à écrire je ne sais quoi sur le sol. Ceux qui étaient plus près ont dit que c'était le nom du Très Haut. Un peu de temps a passé. C'était un silence à couper au couteau. La femme, lui, nous. L'un de nous lui a reposé la question. Là il s'est redressé, nous a regardés et nous a dit: "Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre!" Là je reconnais qu'il nous a pris complètement au dépourvu. Qui peut dire qu'il est sans péché? Tu sais comme moi que le juste pèche sept fois par jour. Alors nous sommes partis, presque honteux, parce que vouloir le lapider lui, c'est quand même un meurtre. Il parait qu'il a renvoyé la femme en lui disant de ne plus pécher. Je reconnais que son attitude m'a étonné. Il avait dit un peu la même chose à ce paralytique qu'il a guéri un jour de shabbat. Étonnant quand même. 

 

Mais ensuite il a repris ce langage énigmatique qui nous contrarie tant. Je vais de donner quelques exemples. Ce qui est pénible, c'est qu'il affirme quelque chose, et que lorsqu'on essaye de le pousser dans ses retranchements, on a toujours l'impression de ne pas l'avoir compris, de ne pas le suivre là où il est, lui. Deux mondes différents, et il ne fait aucun effort pour s'adapter à nous. Le pire, c'est qu'on a toujours l'impression qu'il a un temps d'avance sur nous. Pour un homme qui n'a pas fait d'études, je dois dire que c'est très désagréable, et que cela augmente encore notre envie de le faire disparaître.

 

Par exemple il a déclaré qu'il allait s'en aller vers celui qui l'a envoyé; que nous le chercherions  (enfin là, je crois qu'il se trompe, on a plutôt envie d'être débarrassé de ce beau parleur), et que là où il irait nous ne pourrions venir. On a pensé qu'il pourrait partir rejoindre les frères de la diaspora ou même se donner la mort, mais pas de réponse. 

 

 Quand on lui fait remarquer que ce qu'il dit de lui ne peut être retenu, puisqu'il faut deux témoins dans notre loi, il nous répond que son témoignage est valable, parce que lui, il sait d'où il vient, et où il va, que nous ne le savons pas; et surtout, que le Père qui l'a envoyé témoigne pour lui. Et là-dessus, ça devient un dialogue de fou. Il affirme que lui connait le Père, que nous, nous qui avons la Loi et les Prophètes, nous ne le connaissons pas. Et pourtant nous passons notre vie à apprendre à le connaître, en respectant les lois, et ses décrets et préceptes; alors que lui, il viole le shabbat.

 

Il a aussi des phrases étonnantes. Je vais t'en donner quelques exemples. 

 

Il dit: "Je suis la lumière du monde". Mais pour qui se prend-il?

Alors que nous nous moquions de lui, qui disait qu'Abraham s'était réjoui de sa venue - alors que lui, qui n'a pas cinquante ans, il ne pouvait pas l'avoir vu, il a rétorqué: "Avant qu'Abraham fut, Je suis". Alors là, oser parler de lui-même avec le nom même que le très Haut a donné à notre père Moïse au buisson ardent, c'est plus que nous ne pouvons en supporter.

Il dit aussi que celui qui garde ses paroles ne verra jamais la mort. Et quand on lui rétorque que tous nos pères sont morts, il répond que nous ne comprenons rien. 

Il a aussi dit que nous les pharisiens, nous disons que nous voyons, et que notre péché demeure. Nous dire ça à nous! 

 

Une autre fois, il a affirmé qu'il est lui le bon pasteur, qu'il connaît ses brebis, et que ses brebis le connaissent. Et là, je sais qu'il pense au texte de notre prophète Ezéchiel. Mais celui qui est le berger, c'est le très Haut, ce n'est sûrement pas cet homme.

 

Il dit aussi qu'il est la porte par laquelle passent les brebis, et il nous fait bien comprendre que les brebis ce sont les prostituées, les publicains, les sans loi ni foi. Mais pour qui se prend il? 

 

Ensuite il nous accuse de vouloir le mettre à mort. Il n'a pas tort, mais si nous voulons l'éliminer, ce n'est pas à cause des guérisons qu'il fait - ce qu'il appelle les œuvres de son père, mais parce qu'il se prend pour Lui. Il ose dire que lui et le Père, (et il parle de l'Unique), ils font Un, que le Père est en lui et que lui est dans le Père. 

 

Maintenant je dois, pour être honnête avec toi, te parler de ce qui vient de se produire à Béthanie. C'est là que vit une famille qui fait partie de ses amis. Imagine toi que l'un des leurs, Lazare, est tombé gravement malade. Sa sœur Marthe a envoyé des amis à elle, lui demander de venir pour guérir son frère. Mais il n'a pas bougé. En fait, il est allé là bas alors que Lazare était mort depuis quatre jours. Quatre jours, là il était vraiment mort. Eh bien, il est allé devant le sépulcre où il était déposé; on nous a même dit qu'il avait pleuré - avec une autre femme, Marie, la petite sœur de Lazare. Il a demandé que l'on ôte la pierre, et il a dit: "Lazare, viens dehors". Ceux qui étaient là, n'en croyaient pas leurs oreilles. Mais le mort est sorti, avec les bandelettes et tout et tout. Il a juste dit de le délier, et c'est ce ce qui a été fait. Vivant! Cela m'interroge. Dieu exaucerait-il un pécheur? Alors je ne sais que penser. Peut-être que ce Jésus révèle un autre visage d'Adonaï, ce Dieu qui est le Dieu de la vie? Je veux dire le visage d'un père rempli d'amour, un père aimant.

 

Je crains cependant que ce miracle ne pousse nos grands prêtres à vouloir vraiment l'éliminer par tous les moyens. Je te tiendrai au courant, mais je dois dire que je ne sais plus; et que j'aimerais finalement bien le rencontrer ce Jésus, simplement le voir, comme l'a fait avant moi Nicodème. 

 

La Pâque est toute proche. Je crains le pire.. 

 

Ton fidèle ami Isaac


mercredi, avril 13, 2022

Mt 26, 14-25. La trahison de Judas

Mt 26, 14-25.

La liturgie propose deux jours de suite la trahison de Judas.: évangile de Jean et évangile de Matthieu. 

Ce qui m'a frappée hier dans le récit johannique, c'est qu'au cours du repas, Jésus est bouleversé en esprit, et c'est là qu'il annonce qu'il va être trahi par un de siens. Certes, nous, lecteurs des évangiles nous le savons déjà, puisque Jean écrit (Jn 13, 2): "au cours du repas, alors que le diable avait déjà mis dans le coeur de Judas, fils de Simon l'Iscariote, l'intention de livrer Jésus". Mais cela ne veut pas dire que Jésus, lui, le savait. Et pour moi, c'est comme si d'un seul coup, Jésus avait été comme prévenu que la trahison viendrait de l'intérieur, et par un des siens.  https://giboulee.blogspot.com/search?q=Judas

Le texte d'aujourd'hui, Mt 26, est précédé de l'onction à Béthanie. Il m'a toujours semblé que cet événement avait été pour Judas, la goutte qui a fait déborder le vase. 


Judas raconte. 

 

Je dois dire que trop c'est trop. Je lui ai fait confiance, j'ai tout quitté pour le suivre. Et je l'ai suivi. Il m'a fait confiance, il m'a confié la gestion des finances et croyez moi, cela n'a pas plu du tout à Levi, cet ancien publicain. Mais c'est moi qu'il a choisi. Il m'a envoyé en mission avec Simon, pas celui qui a nommé Roc, mais l'autre, celui qui a été un zélote. On s'entend bien tous les deux. On a chassé des démons, on a guéri des malades. Cela me plaisait beaucoup, J'avais l'impression de pouvoir conquérir le monde. 

 

Mais au fil des jours, Jésus a changé, Il s'est mis à parler de sa mission comme d'un échec. Il parlait d'être livré aux anciens, d'être condamné à mort, et de redevenir ensuite vivant. Mais ça, à d'autres; oui, lui il a redonné la vie à des enfants, la fille de Jaïre et le fils d'une veuve, mais à lui, qui va lui redonner la vie? Si encore il parlait de monter dans les cieux, de disparaître sur un char de feu, comme le prophète Elie, oui, ça ça aurait du panache. Mais non, il parle de mourir comme un malfaiteur. Et moi, je ne l'ai pas suivi pour ça.

 

Il y a quelques jours, nous étions invités chez Simon le lépreux à Béthanie. Juste avant, le Maître avait dit qu'il allait être crucifié, crucifié comme un malfaiteur, comme un impie. Alors si ça doit se terminer comme ça, moi, je ne veux pas participer à ça. Et en plus, pendant le repas, une femme est entrée, et elle a versé sur sa tête le contenu d'un flacon qui contenait un parfum hors de prix. Lui, il avait un air béat. Cela faisait un peu penser au cantique qui dit: "Qu'il est bon pour des frères d'habiter ensemble, c'est comme l'huile précieuse qui descend sur la barbe, sur la barbe d'Aaron, qui descend sur le bord de ses vêtements", sauf que si lui, il nageait dans le bonheur, nous tous, nous trouvions que cet argent qui avait servi à acheter ce parfum, il aurait mieux valu nous le donner pour que nous ayons un peu de sous soit pour nous, soit pour les pauvres qui nous suivent. 

 

Et là, Jésus s'est fâché. Il nous a dit que des pauvres nous en aurions toujours, mais que lui, il allait partir, et que ce qu'elle avait fait là, c'était comme en prévision de sa mise en terre. Et pour moi ça a été trop. Comme je savais que les anciens et les grands-prêtres le veulent pour l'interroger, et qu'ils n'arrivent pas à lui mettre la main au collet, j'ai décidé de les voir, parce que moi, je sais où il aime se rendre quand il est à Jérusalem. Je leur ai demandé ce qu'ils me donneraient. Ils ont parlé de 30 pièces d'argent. Moi j'aurais préféré un petit morceau de terre. Mais bon c'est comme ça. Et j'espère que cela permettra de tout stopper. Mais la Pâque est proche et je ne sais pas trop comment faire. 

 

Et voilà, que le premier jour de la fête des pains sans levain est arrivé et qu'il a fallu préparer le repas. Nous nous sommes installés dans une salle que Jésus connaissait. Et tout à coup il a dit que l'un d'entre nous allait le trahir. Là j'ai commencé à me trouver mal. Et certains demandaient si c'étaient eux qui feraient cela, comme si c'était pour dans dix ans. Mais le Maître ne répondait pas; il a eu par contre une phrase épouvantable pour moi. Il a dit qu'il aurait mieux valu que cet homme ne vienne pas au monde. Puis il a dit, que celui qui le trahissait avait mis la main dans le plat en même temps que lui. Je sais bien que sa main a touché la mienne, mais il n'y avait pas que moi. Peut-être que je ne suis pas le seul. N'empêche que quand j'ai senti ce contact, je ne savais plus trop ce que je devais faire. Aller voir les prêtres,? Ne rien faire? 

 

Alors l'air de rien, je lui ai demandé: Rabbi, est ce que ce serait moi? J'ai dit Rabbi, parce que je n'arrive plus à lui dire Seigneur comme les autres. Et lui, tout doucement, il m'a dit, tu vois bien que tu le sais… 

 

Alors, je n'ai pas pu rester. J'ai fait mine de devoir chercher quelque chose en ville, mais c'est cette nuit que je vais trouver les prêtres. Ils feront de lui, ce qu'ils voudront, mais cet homme n'est pas celui qu'il dit être. Et moi, je ne peux pas faire comme si c'était lui le sauveur du peuple. Je suis triste, mais je pense que je fais le bon choix.

 

  

lundi, avril 11, 2022

Jn 12, 1-11. L'onction à Béthanie

 Jn 12, 1-11, L'onction à Béthanie.

 

Lundi de la semaine sainte. 

 

Je me suis toujours demandée si ce qui s'est passé là, à Béthanie, n'a pas permis à Jésus d'utiliser ce geste avec ses disciples en Jn 13 pour le lavement des pieds.


Bien sûr, c'est très différent. Pour moi, le geste de Marie est un geste d'amour, presque maternel, d'une femme qui embrasse, parfume le corps de son tout petit, et qui ce faisant est enveloppée dans son odeur à lui, et lui de son odeur à elle, puisque c'est elle qui a choisi. 

 

Jésus, lui, va faire un geste paternel avec ses disciples, un geste d'homme. Certes un geste qu'il est demandé d'entendre en termes de service, mais il me semble que cela va bien au-delà. Jésus, en faisant ce geste, devient "un" avec celui auquel il lave les pieds: sa pureté à lui enserre l'impureté du disciple et la dissout dans sa sainteté. 

 

Commentaire du texte.

 

Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, qu’il avait réveillé d’entre les morts. 

2 On donna un repas en l’honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était parmi les convives avec Jésus. 

3 Or Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum. 

 

On est inséré dans le temps; la Pâque est proche. On est inséré dans un lieu, Béthanie, qui est près de Jérusalem. Et on a des personnages: Jésus, Marthe, Lazare, Marie. 

 

Pour moi, Lazare, quand il se réveille d'entre les morts, est guéri de la maladie qui l'avait emporté. Il n'est pas un squelette, comme je pense l'avoir lu autrefois, un malade convalescent qui n'a que la peau sur les os. 

Marthe, fait le service. Comme dans l'évangile de Luc.

Marie n'est plus assise aux pieds de Jésus, mais elle s'occupe des pieds de Jésus. Et l'odeur du parfum les enserre l'un et l'autre dans un même cocon d'odeur; peut-être même que toute la maison en est remplie. Elle ne pleure pas comme la pécheresse de Luc, non. Elle essuie avec ses cheveux, par un geste qui est maternel. Ils sont presque comme la mère et son enfant. Ensemble, inséparables dans la mort qui va advenir.

Par ailleurs la maison, pour la psychologue que je suis, c'est un contenant qui renvoie à l'image maternelle. Alors cette maison qui est embaumée, qui embaume, elle est peut-être aussi à l'image de ce qui sera le tombeau de Jésus dans quelques jours.

 

4 Judas Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit alors : 

5 « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? » 

6 Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait. 

 

Et voilà Judas qui entre en scène, comme il entrera en scène lors du lavement des pieds. 


J'aime bien le "on". On peut presque l'entendre comme une critique de Lazare. Après ce qu'on a fait pour lui, n'aurait-il pas dû remercier plus qu'avec un simple repas? Donner de l'argent pour les pauvres? Et on sait qu'il exprime tout haut, ce que les autres disciples disent aussi dans les synoptiques. Seulement c'est le coup de patte de Jean à Judas, qu'il doit détester cordialement;

 

7 Jésus lui dit : « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement ! 

8 Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. » 

 

Et là, où la zizanie aurait pu arriver, je veux dire que Lazare aurait pu faire des reproches à Marie, ou même Marthe, Jésus apaise. "Laisse-là", elle m'oint en vue de ce jour où je vais être mis au tombeau. Si c'est 6 jours avant la Pâques, on est le dimanche. 

 

9 Or, une grande foule de Juifs apprit que Jésus était là, et ils arrivèrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir ce Lazare qu’il avait réveillé d’entre les morts. 

10 Les grands prêtres décidèrent alors de tuer aussi Lazare,

11 parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient, et croyaient en Jésus.

 

Et là, on passe à autre chose. On sait que la mort de Jésus est décidée, mais si on tue Lazare aussi, la preuve en quelque sorte que cet homme est un homme de Dieu, un prophète comme Elie ou Élisée, alors on aura gagné, plus personne ne désertera le pouvoir des prêtres.

 

 Jean, le disciple bien-aimé, raconte

 

Jésus avait redonné la vie à Lazare. Au bout de quatre jours, il était sorti vivant du tombeau, il était sorti peut-être aveuglé par la lumière du jour, mais vivant et je dois dire guéri. Moi qui m'étais attendu à voir quelqu'un décharné par la maladie, il n'en n'était rien. 

 

Peu de jours après, il nous a invités, nous les disciples, à un repas, je dirai plus qu'un repas de remerciements, un repas d'action de grâce. Et comme d'habitude, il en avait laissé l'organisation à Marthe. Et voilà, que Marie, celle avec laquelle Jésus avait pleuré quand il s'était rendu sur la sépulture de Lazare, est entrée dans la salle. Elle avait avec elle un flacon de parfum, un de ces parfums qui est réservé aux riches, et elle l'a versé sur les pieds de Jésus. Une odeur s'est répandue sur ses pieds, mais sur lui, autour de lui, et elle a pris ses cheveux comme pour caresser ses pieds. Elle aussi était tout imprégnée de cette odeur. Cela pour moi évoquait une mère en train de l'occuper de son petit, elle et lui étant inséparables, enveloppés dans la même odeur, dans la même senteur, absents du reste du monde.

 

Et voilà que Judas a rompu le charme. Il s'est étonné que l'on ne lui ait pas donné ce parfum qu'il aurait pu revendre pour avoir de l'argent pour les pauvres. En fait, comme c'est lui qui gère les finances de notre groupe, je sais très bien que cet argent il l'aurait en grande partie gardé pour lui. Mais c'est un peu comme s'il interpellait Lazare en lui faisant remarquer qu'il devrait faire attention à cette folle de Marie.

 

Heureusement que Jésus a pris la parole. Il l'a fait taire en lui faisant remarquer que des pauvres, il y en aurait toujours et hélas c'est bien vrai, mais que lui, non, il ne serait pas là pour toujours et que ce geste-là, il était pour lui, pour lui seul, et que c'était un vrai geste d'amour. La mort de Jésus, je me dis que Judas, il doit bien souhaiter que cela lui arrive et qu'il fera tout pour ça. Jésus a ajouté que ce geste, c'était comme pour anticiper ce qui allait de passer. Mon cœur s'est serré quand il a parlé d'ensevelissement. Mais au fond de moi, je sais bien que ça va mal se terminer.

 

Le repas s'est terminé, mais le charme était rompu. En rentrant à Jérusalem, j'ai appris que les grands prêtres, qui voulaient que Jésus leur soit livré, avaient aussi décidé de tuer Lazare, parce qu'à cause de lui de nombreux pharisiens se détournaient d'eux et apprenaient à vivre d'une manière plus conforme à la volonté de celui que Jésus appelle son Père. Ils sont vraiment odieux. Enfin s'ils s'imaginent que ce meurtre changera quoique soit au dessin du Très-Haut, ils se trompent.