samedi, avril 02, 2022

Jn 7. "Les récriminations d'un pharisien".

Jn 7. "Les récriminations d'un pharisien". 

 

Cette semaine, les lectures proposées tournaient autour du chapitre 5 (la guérison du paralytique de la piscine de Bethesda, et la polémique qui s'en suit) et du chapitre 7, qui reprend cette polémique dans le contexte de la fête des Tentes. Jésus essaye de faire comprendre aux pharisiens qui il est, mais ceux-ci sont très hermétiques. 

 

J'ai eu envie, après la lecture proposée ce vendredi - Jn 7,1-30 - d'utiliser le texte de Jean pour imaginer ce qu'un bon pharisien pouvait reprocher à Jésus. 

 

Je ne ferai pas ou le moins possible de références aux Synoptiques, où les pharisiens reçoivent beaucoup de reproches: malheur à vous les pharisiens, hypocrites., sépulcres blanchis  etc. 

 

Dans le texte de Jean, le mot Dieu est fréquent, mais je doute qu'un juif pratiquant l'emploie, peut-être "Adonaï", mais je reconnais céder un peu à la facilité et avoir employé de vocable parce que c'était plus facile, tout en le remplaçant parfois par "Le très Haut".. 

 

Je voulais montrer l'exaspération des pharisiens. J'ai pensé à raconter cela sous la forme d'un écrit adressé à un ami de la Diaspora, donc qui n'est pas au courant de ce qui se passe à Jérusalem. Mais je reconnais avoir utilisé "mon style" et pas du tout le style épistolaire de l'époque (les épitres pauliniennes). C'est donc une sorte de relecture des sept premiers chapitres de l'évangile de Jean, un peu un survol; mais je reconnais que c'était l'inspiration de ce vendredi 1° avril, le jour des farces.

 

 

Mon très cher Josué,

 

 

Je tiens à te rapporter ce qui se passe dans notre ville de Jérusalem, depuis qu'un certain Jésus, un Galiléen, avec un accent à couper au couteau, s'est invité dans notre ville, avec des disciples à lui, tous des hommes pratiquement sans instructions. À se demander ce qu'ils lui trouvent pour avoir quitté leur métier, leur femme, leur maison pour le suivre. Imagine-toi, qu'il y a même un publicain qui le suit, un zélote, des pêcheurs. Tu te rends compte? 

 

La première chose qu'il a faite en entrant dans le temple c'est de chasser les vendeurs de bœufs, de brebis et de colombes et les changeurs de monnaie. Il s'est fait un fouet avec des cordes, et il les a tous chassé du Temple. Tu peux imaginer la pagaille dans les rues de la ville, avec les bœufs et les brebis qui allaient dans tous les sens. Il a renversé les tables des changeurs de monnaie et il a crié "Enlevez ceci d'ici, ne faites pas de la maison de mon Père une caverne de commerce". En soi, je reconnais qu'il a raison, mais dire de la maison du Très Haut qu'il est son père, alors là, ça dépasse les bornes. Que David dans les psaumes, parce que le très Haut l'appelle son fils, puisse l'appeler son Père, je l'accepte, mais celui-là qui sort de Galilée, d'un village perdu, pour qui se prend-il? Si encore il était de la descendance de David, mais non, il vient de Nazareth et comme chacun le sait que peut-il sortir de bon de Nazareth? 

 

Certains d'entre nous lui ont demandé un signe pour prouver qu'il était celui qu'il disait, comme si c'était possible. Il leur a rétorqué: "Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le rebâtirai".  Alors là, ça dépasse tout. Il a fallu quarante-six ans au roi Hérode pour faire du temple ce qu'il est aujourd'hui, alors trois jours!

 

Tu sais, cela fait penser aux contes que l'on raconte à nos enfants, où un héros - qui bien souvent est un petit dernier d'une famille illustre, malgré tout quelqu'un de pas très malin mais souvent de gentil - arrive à réaliser des choses inimaginables pour obtenir la main de l'élue de son cœur. Mais là, un homme sans aucune origine! C'est au moment de la Pâque que c'est arrivé. Il est resté un peu dans notre ville et il semble que beaucoup aient été séduits pas son enseignement et par quelques miracles. Puis, je crois qu'il est retourné dans ses terres. 

 

A propos de se prendre pour un héros, je vais encore t'en raconter une autre et je te reparlerai de ce qui nous énerve tant en ce moment un peu plus tard. 

 

Imagine toi qu'en Galilée, il a dit ni plus ni moins à nos amis qui étaient venus l'écouter dans la synagogue de Capharnaüm, que Moïse avait donné la manne à notre peuple, mais que lui, il était le vrai pain venu du ciel, et qu'il donnerait sa chair en nourriture et que celui qui mangerait sa chair et boirait son sang, aurait la vie éternelle. Tu te rends compte? Il est complètement fou, mais il est aussi dangereux. A cause de lui, le peuple va se détourner de ce qui est écrit dans nos livres, il n'aura plus foi en nous, il va se tourner vers ce fou qui dit donner cette vie éternelle que seul le Tout Puissant, béni soit-il peut donner. Et oser parler du sang alors que le sang appartient au Très Haut?  Mais je reviens à ce qui se passe dans notre sainte ville.

 

J'ai su que l'un des nôtres, Nicodème est allé le voir de nuit. Tu te rends compte, de nuit, comme s'il avait peur que ça se sache. Mais ici, tout se sait. Ce qui s'est passé entre eux, je ne sais pas, mais d'après ce qu'on dit notre Nicodème a été tout retourné.

 

Ah, encore autre chose, j'avais oublié de te dire qu'il a été voir ce Jean, qui baptise à tour de bras sur les bords du Jourdain. C'est donc qu'il a quelque chose à se reprocher. On raconte - mais on raconte tellement de choses - que quand ce Galiléen est remonté de sa baignade forcée, Jean aurait eu une vision. Il aurait vu une colombe venant du ciel, demeurer sur lui, et il aurait dit que ce Jésus était l'élu de Dieu.  Mais comment peut-on croire un fou comme ce Jean, qui vit dans le désert et qui se prend pour Elie? Enfin comme cela tu sais ce qui se passe ici. 

 

Maintenant j'en arrive à ce qui vient de se passer. Imagine toi, qu'un jour de Shabbat ce type est allé à la piscine aux cinq portiques, ce lieu qui est envahi par des superstitieux de toutes religions qui attendent un miracle quand l'eau de met à bouillonner.

 

Il a vu un homme couché sur une civière, et il l'a guéri. Il lui a dit de se lever et de prendre sa civière avec lui. Alors, quand certains d'entre nous ont rencontré cet homme dans la rue, ils lui ont dit que c'était interdit de porter quoique ce soit, ce jour là. L'homme leur a répondu que celui qui l'avait guéri lui avait dit de faire cela. Il a ajouté que lui, qui ne bougeait plus depuis trente-huit ans, qui attendait que quelqu'un le mettre dans l'eau, mais que jamais personne ne l'avait fait, il obéissait sans poser de question à cet ordre. Il a eu une phrase curieuse. Il a dit qu'il avait senti qu'en cet homme, il y avait un tel bouillonnement de vie, que ce n'était plus nécessaire d'aller dans le bouillonnement de l'eau. C'est étonnant quand même. 

 

Il ne savait pas que c'était ce Jésus qui l'avait guéri. Ce n'est qu'un peu plus tard que nous avons eu le fin mot de l'histoire. Et là, ce Jésus, nous avons voulu le coincer. Il le fallait bien. Il allait tout démolir. Un homme qui pousse un autre à ne pas respecter le Shabbat, ce n'est pas possible. Il doit disparaître. Il va falloir trouver comment. Mais le conseil est prévenu, et il a envoyé des gardes pour l'arrêter. 

 

Alors là, il nous en a dit des choses et des choses. Je vais essayer de résumer pour que tu te fasses une opinion. 

 

Il a dit que celui qui écoutait sa parole, écoutait Celui qui l'avait envoyé et que cela procurait la vie éternelle et que cela permettait d'échapper au jugement. 

 

Ensuite, c'est vraiment devenu du délire. Il a dit que les morts, tu lis bien, les morts, qui entendront sa voix, et là, il a parlé de lui comme étant le Fils de Dieu, eh bien ceux là redeviendront vivants, parce que sa voix à lui a un pouvoir énorme. Tu vois, quand je dis qu'il est fou. Il affirme que sa parole, qui est comme écho de celle de celui qu'il appelle son Père - et il parle du Très Haut - donne la vie finalement aux morts et aux vivants. Il se prend pour Dieu, ni plus ni moins. 

 

Il a ensuite affirmé (mais cela au fond ne me déplaît pas) qu'il y aurait une résurrection pour tous. Que ceux qui auront fait le bien n'auront pas besoin de jugement, mais que ceux qui auront fait le mal, eux, seront jugés et condamnés. Mais si je le suis bien, seuls seront sauvés ceux qui auront cru en lui, et ça, ça c'est impensable. 

 

Et pour couronner le tout, il ajoute qu'il ne fait rien de lui-même, qu'il écoute ce que lui chuchote son père, et qu'il lui obéit en tout. Qui entend le très Haut parler dans le creux de l'oreille? Personne! L'écriture est là pour nous dire ce qu'il veut, mais sa parole, plus personne ne l'entend! Et celui-là, il veut nous faire croire que lui, il est l'élu, le "choisi", et que comme le prophète Elie il entend le murmure du Très Haut. 

 

En fait personne n'est trop d'accord sur son origine, et sur ce qu'il enseigne. Ce qui est certain, c'est qu'il nous cherche, qu'il nous provoque. Il nous dit que Moïse nous a donné la Loi, mais que nous ne la suivons pas, que nous la pervertissons, que nous nous en servons. Il dit que si quelqu'un veut faire la volonté du Très Haut, vraiment la faire, alors il reconnaîtra que lui, et la doctrine qu'il enseigne, viennent de Dieu. Il dit qu'il ne cherche pas sa gloire, mais celle de celui qui l'a envoyé. La Gloire… Et il nous dit que nous, ce que nous voulons, c'est être reconnus les uns par les autres comme des hommes de bien, comme des hommes justes, et que cette reconnaissance nous suffit et que cela ce n'est pas correct. Pourtant nous en faisons des efforts pour que cette loi de Dieu soit respectée par nous, par nos familles, pour que son règne vienne enfin sur cette terre. C'est bien pour cela que nous jeûnons deux fois par semaine. Et lui, on raconte qu'il passe son temps dans les repas, à droite et à gauche. 

 

Il a repris aussi le reproche qu'on lui a fait d'avoir guéri un homme le jour du Shabbat. Il aurait bien pu faire ça un autre jour et ça n'aurait pas posé de question. Mais non, il a fallu que ce soit justement ce jour-là. Il nous a fait remarquer que quand une circoncision tombe un jour de Shabbat, que nous obéissons, puisque la loi nous dit que ce doit être le huitième jour. Là, je reconnais qu'il a marqué un point. 

 

Ce qui est étonnant c'est que tout le monde est divisé à son sujet. Imagine toi que dans la foule, certains le prennent pour un prophète et pensent que c'est pour cela que personne ne l'a arrêté. D'autres au contraire, pensent que ce n'est pas possible, et ils ont bien raison, parce que le Messie, personne ne saura d'où il vient. Et c'est contradictoire avec d'autres écritures qui disent que le messie sera de la lignée de David. Enfin, là, je ne sais plus trop. 

 

Ce que je sais, c'est qu'il s'est mis à haranguer le peuple. Vous pensez me connaître disait-il, vous pensez savoir d'où je viens, vous pensez tout savoir de moi, mais si je suis là aujourd'hui, c'est parce que je suis envoyé par celui qui est le Vrai - et là il parle du Très Haut, de notre Dieu créateur - et que c'est de là que je viens, d'un ailleurs que vous ne pouvez imaginez. Quand je te dis qu'il est fou!  Il raconte qu'il est en permanence auprès de Dieu. Il affirme aussi qu'il ne restera pas rester auprès de nous - sauf que nous ne lui avons rien demandé! - et qu'il va retourner auprès de celui qui nomme son Père. 

 

Il a quand même eu une phrase sublime, et cela je le reconnais. C'était le dernier jour de la fête des Tentes. Il a dit, et cela je l'ai entendu de mes propres oreilles, que si quelqu'un avait soif, qu'il vienne à lui (qui lui? Ça c'est la question), et qu'il lui donnera de l'eau vive. Et il a ajouté que de son sein couleront des fleuves d'eau vive. J'ai un peu pensé à la vision du prophète Ezéchiel qui voit ce fleuve d'eau vive qui sort du temple et qui irrigue tout, mais c'était une vision. C'est quand même une belle phrase. 

 

Pour finir, les gardes qui devaient l'arrêter ne l'ont pas fait et nos anciens et nos grands-prêtres, étaient furieux contre eux. Comment des hommes peuvent-ils se faire avoir par les discours de cet homme? Que les foules se laissent embobiner, oui, parce qu'elles ne connaissent rien à rien, mais nous, nous ne le laisserons pas faire. Nous allons bien trouver quelque chose pour arriver à le condamner. On va bien y arriver, car il risque de provoquer des émeutes dans Jérusalem. 

 

Mais il a quand même réussi à se faire un allié de Nicodème. C'est étonnant. J'espère lors de ma prochaine missive pouvoir de raconter comment nous avons réussi à nous débarrasser de lui.

 

Que le Seigneur te bénisse et te garde et te donne sa Paix.

 

Ton ami, Isaac. 

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