vendredi, avril 15, 2022

Jn 8-11."les interrogations d'un pharisien".

 Dans un précédent billet, j'ai laissé la plume à un pharisien qui récrimine contre ce Galiléen qui depuis qu'il est à Jérusalem est un véritable empêcheur de tourner en rond. 

Un peu de temps à passé, et Isaac, ce pharisien, se pose des questions, et se sent bouleversé par ce que nous appelons la résurrection de Lazare. 

Voici ce qu'il écrit à son ami Josué.

Mon très cher Josué,

 

J'avais commencé à te parler de ce Jésus de Nazareth qui nous complique bien la vie à Jérusalem. Si ça continue, il va voir tout le peuple avec lui. Ces maudits qui s'imaginent avoir trouvé le messie qui va les aider à se révolter contre l'occupant, et nous, nous savons bien que les Romains ne le supporteront pas et que la réaction sera dans le sang. Alors nous pensons de plus en plus à le prendre en défaut pour pouvoir le lapider, le mettre à mort, mais en ayant le droit et la loi pour nous.

 

Nous avions même élaboré un vrai piège pour trouver une raison de le lapider. Je dois dire que c'était brillant. Nous lui avons amené au petit matin une jeune femme, surprise en délit d'adultère. Bien entendu elle était seule, l'amant avait trouvé moyen de prendre la poudre d'escampette. Nous avons alors en quelque sorte mis en demeure Jésus de nous dire ce que nous devions faire, puisque Moïse nous a dit de lapider ces femmes. Curieusement, il est resté là où il était assis; il s'est mis à écrire je ne sais quoi sur le sol. Ceux qui étaient plus près ont dit que c'était le nom du Très Haut. Un peu de temps a passé. C'était un silence à couper au couteau. La femme, lui, nous. L'un de nous lui a reposé la question. Là il s'est redressé, nous a regardés et nous a dit: "Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre!" Là je reconnais qu'il nous a pris complètement au dépourvu. Qui peut dire qu'il est sans péché? Tu sais comme moi que le juste pèche sept fois par jour. Alors nous sommes partis, presque honteux, parce que vouloir le lapider lui, c'est quand même un meurtre. Il parait qu'il a renvoyé la femme en lui disant de ne plus pécher. Je reconnais que son attitude m'a étonné. Il avait dit un peu la même chose à ce paralytique qu'il a guéri un jour de shabbat. Étonnant quand même. 

 

Mais ensuite il a repris ce langage énigmatique qui nous contrarie tant. Je vais de donner quelques exemples. Ce qui est pénible, c'est qu'il affirme quelque chose, et que lorsqu'on essaye de le pousser dans ses retranchements, on a toujours l'impression de ne pas l'avoir compris, de ne pas le suivre là où il est, lui. Deux mondes différents, et il ne fait aucun effort pour s'adapter à nous. Le pire, c'est qu'on a toujours l'impression qu'il a un temps d'avance sur nous. Pour un homme qui n'a pas fait d'études, je dois dire que c'est très désagréable, et que cela augmente encore notre envie de le faire disparaître.

 

Par exemple il a déclaré qu'il allait s'en aller vers celui qui l'a envoyé; que nous le chercherions  (enfin là, je crois qu'il se trompe, on a plutôt envie d'être débarrassé de ce beau parleur), et que là où il irait nous ne pourrions venir. On a pensé qu'il pourrait partir rejoindre les frères de la diaspora ou même se donner la mort, mais pas de réponse. 

 

 Quand on lui fait remarquer que ce qu'il dit de lui ne peut être retenu, puisqu'il faut deux témoins dans notre loi, il nous répond que son témoignage est valable, parce que lui, il sait d'où il vient, et où il va, que nous ne le savons pas; et surtout, que le Père qui l'a envoyé témoigne pour lui. Et là-dessus, ça devient un dialogue de fou. Il affirme que lui connait le Père, que nous, nous qui avons la Loi et les Prophètes, nous ne le connaissons pas. Et pourtant nous passons notre vie à apprendre à le connaître, en respectant les lois, et ses décrets et préceptes; alors que lui, il viole le shabbat.

 

Il a aussi des phrases étonnantes. Je vais t'en donner quelques exemples. 

 

Il dit: "Je suis la lumière du monde". Mais pour qui se prend-il?

Alors que nous nous moquions de lui, qui disait qu'Abraham s'était réjoui de sa venue - alors que lui, qui n'a pas cinquante ans, il ne pouvait pas l'avoir vu, il a rétorqué: "Avant qu'Abraham fut, Je suis". Alors là, oser parler de lui-même avec le nom même que le très Haut a donné à notre père Moïse au buisson ardent, c'est plus que nous ne pouvons en supporter.

Il dit aussi que celui qui garde ses paroles ne verra jamais la mort. Et quand on lui rétorque que tous nos pères sont morts, il répond que nous ne comprenons rien. 

Il a aussi dit que nous les pharisiens, nous disons que nous voyons, et que notre péché demeure. Nous dire ça à nous! 

 

Une autre fois, il a affirmé qu'il est lui le bon pasteur, qu'il connaît ses brebis, et que ses brebis le connaissent. Et là, je sais qu'il pense au texte de notre prophète Ezéchiel. Mais celui qui est le berger, c'est le très Haut, ce n'est sûrement pas cet homme.

 

Il dit aussi qu'il est la porte par laquelle passent les brebis, et il nous fait bien comprendre que les brebis ce sont les prostituées, les publicains, les sans loi ni foi. Mais pour qui se prend il? 

 

Ensuite il nous accuse de vouloir le mettre à mort. Il n'a pas tort, mais si nous voulons l'éliminer, ce n'est pas à cause des guérisons qu'il fait - ce qu'il appelle les œuvres de son père, mais parce qu'il se prend pour Lui. Il ose dire que lui et le Père, (et il parle de l'Unique), ils font Un, que le Père est en lui et que lui est dans le Père. 

 

Maintenant je dois, pour être honnête avec toi, te parler de ce qui vient de se produire à Béthanie. C'est là que vit une famille qui fait partie de ses amis. Imagine toi que l'un des leurs, Lazare, est tombé gravement malade. Sa sœur Marthe a envoyé des amis à elle, lui demander de venir pour guérir son frère. Mais il n'a pas bougé. En fait, il est allé là bas alors que Lazare était mort depuis quatre jours. Quatre jours, là il était vraiment mort. Eh bien, il est allé devant le sépulcre où il était déposé; on nous a même dit qu'il avait pleuré - avec une autre femme, Marie, la petite sœur de Lazare. Il a demandé que l'on ôte la pierre, et il a dit: "Lazare, viens dehors". Ceux qui étaient là, n'en croyaient pas leurs oreilles. Mais le mort est sorti, avec les bandelettes et tout et tout. Il a juste dit de le délier, et c'est ce ce qui a été fait. Vivant! Cela m'interroge. Dieu exaucerait-il un pécheur? Alors je ne sais que penser. Peut-être que ce Jésus révèle un autre visage d'Adonaï, ce Dieu qui est le Dieu de la vie? Je veux dire le visage d'un père rempli d'amour, un père aimant.

 

Je crains cependant que ce miracle ne pousse nos grands prêtres à vouloir vraiment l'éliminer par tous les moyens. Je te tiendrai au courant, mais je dois dire que je ne sais plus; et que j'aimerais finalement bien le rencontrer ce Jésus, simplement le voir, comme l'a fait avant moi Nicodème. 

 

La Pâque est toute proche. Je crains le pire.. 

 

Ton fidèle ami Isaac


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