la liturgie propose en ce moment une lecture du chapitre 6 de l'évangile de Jean, chapitre qui commence par la multiplication des pains (réponse au besoin biologique de l'être humain) et qui se continue par un long discours sur la manière dont Jésus veut donner une autre vie, à savoir se nourrir de Lui. Que ce discours reste très difficile à comprendre si on le prend au pied de la lettre certainement, car qu'est ce qu'un pain vivant? Est ce que comme dans les contes c'est un pain qui se régénère en permanence quand on l'a consommé? Est ce un pain qui ne moisit pas? qui ne se dégrade pas?Est ce un pain qui comme le fruit de l'Arbre de Vie de l'Eden donne une vie qui n'en finit pas?Est ce le viatique que nous désirons tous: une énergie qui nous permettrait de ne pas être dépendant des nourritures terrestres? Bref, cela pose des questions, mais ne les résout pas.
Avoir ou posséder la vie éternelle est un peu l'obsession de toute la Bible et plus particulièrement des évangiles. Mais il est important de noter que dans les synoptiques, la question est: que faut il faire pour avoir la vie éternelle en héritage (donc après la mort). La réponse de jésus au "jeune " homme riche "Toi, vends tout ce que tu as et suis moi "Lc18, 22, montre que cette vie éternelle, peut déjà se commencer ici, même si le fait de vendre ses biens est une sorte d'assurance sur l'Au-delà, puisqu'elle est dans la relation qui se crée entre cet homme et Jésus. Cela se joue déjà dans le ici et dans le maintenant.
Et il me semble que c'est bien cela qui se dégage de l'évangile de Jean. Il y a 17 occurrences de ce terme "vie éternelle" ce qui est considérable. Et l'obtention n'est pas liée à un faire (ce qui ne l'exclue pas) mais à un "être avec". Elle est liée à la foi en cet homme qui dit être Fils du Père: "la vie éternelle c'est qu'ils te connaissent toi le véritable Dieu et Celui que tu as envoyé, Jésus Christ" jn 17,3.
Or cette connaissance là, elle commence dès ici bas, ce qui pour moi veut dire que la vie éternelle n'est pas pour un futur mais pour un présent. Je pense qu'il faut différencier "être en vie" qui renvoie au biologique et "être vivant", qui est bien différent, car c'est de relation qu'il est question.
A la limite, ce qui se passera après ma mort n'est pas un moteur, je veux dire que ce que j'essaye d'être n'est pas lié à un désir de survie, à une certitude de vivre "bien" après ma mort biologique. Ce qui m'importe c'est de vivre aujourd'hui (même si le biologique dit qu'une fin se profile comme pour tout être humain) d'une manière qui me permet finalement d'être en relation avec moi-même, avec les autres et avec Dieu (même si pour pour moi Dieu est plus ce qu'il n'est pas que ce que je peux en dire).
Ou pour le dire autrement:l'important pour moi, ce n'est pas d'avoir la vie éternelle comme une possession ou comme un dû, mais d'être dans la vie éternelle dans le ici et maintenant.
A la limite il s'agit de remplacer au moins partiellement la dimension temporelle (qu'en est il du temps après la mort biologique) par une dimension spatiale: que deviendra la relation établie ici bas dans cet autre monde? Ce que je veux dire c'est que ce qui est important pour moi c'est que se crée en moi petit à petit un coeur en expansion, un coeur qui se laisse conduire et modeler par l'Amour (ou la Parole) et d'espérer que cela continuera mais sous une autre modalité après la mort.