mardi, mars 29, 2022

Jean 4, 43-54 "Seigneur descends avant que mon enfant ne meure".

 

Jean 4, 43-54 "Seigneur descends avant que mon enfant ne meure".


Quatrième semaine de Carême, on commence l'évangile de Jean. Au moins il y aura une cohérence dans les textes de semaine. Il reste à voir ce qu'on nous proposera comme première lecture. 

 

 

Réflexions sur le texte.

 

En lisant ce texte, j'ai été frappé par les différences qui existent entre ce texte et ceux de Matthieu et de Luc qui parlent, non d'un officier royal mais d'un centurion. J'ai fait un tableau, comme pour une concordance, mais la version de Jean diffère trop pour que ce soit vraiment utilisable. 

 

Chez Matthieu, le centurion s'adresse directement à Jésus, c'est lui qui dit qu'il n'est pas digne que Jésus entre chez lui, mais qu'il sait que la parole de ce dernier est puissante et qu'elle peut effectuer un miracle.

 

Chez Luc, ce sont des amis du centurion: étant non juif il ne veut ni s'adresser à Jésus directement, ni l'inviter à entrer dans sa maison, pour qu'il ne soit pas obligé d'entrer dans la maison d'un non circoncis, même s'il s'agit d'un craignant Dieu. 

 

Chez Jean le contexte est très différent. Il s'agit d'un officier royal; et cela ne se passe pas à Capharnaüm, même si c'est là que se trouve et la résidence de l'officier et le malade, mais à Cana. 

 

Le titre même d'officier royal pose question, puisqu'à cette époque, il n'y avait pas de roi. Hérode le grand, était appelé le roi, mais pas ses fils. On peut penser qu'il était attaché à la cour d'Hérode, tétrarque comme le note Luc au début de son évangile, qui devait, si on reprend la décapitation de Jean, avoir une véritable cour. Certaines traductions disent "Seigneur de la cour", "officier du roi", "homme de cour", officier royal, ce qui est très différent de centurion de l'armée romaine. Si comme cela m'a été enseigné il y a fort longtemps, cet homme est un dignitaire de la cour d'Hérode, je peux aussi penser qu'il est juif et non païen, ce qui change quand même les choses. 

  

Par ailleurs, Jean prend le soin de dire que Jésus, après un bon accueil en Samarie (c'est ce qui suit la rencontre avec la Samaritaine au puits de Jacob Jn 4 1-42) et le fait que de nombreux Samaritains croient en lui après l'avoir entendu parler, se demande quel accueil il va recevoir en Galilée . 

 

Jean cite alors une phrase que Jésus a dite dans la synagogue de Nazareth: "Nul n'est prophète en son pays". Et si on fait le lien avec les synoptiques (ce qu'il ne faudrait peut-être pas faire), Jésus parle d'Elie et d'Élisée,  qui ont nourri pour l'un et guéri pour l'autre deux étrangers. Alors je me suis demandée, même si je ne suis pas sûre que ce type de typologie intéresse jean, si malgré tout ce dernier veut montrer que Jésus est bien un prophète, bien plus qu'un prophète. 

 

Je me suis demandée si on ne peut pas faire un parallèle entre ce qui s'est passé entre Elisée et Naaman le général syrien qui vient pour se faire guérir de la lèpre. Ce général est très déçu par le non accueil d'Élisée, qui ne vient pas à sa rencontre et qui lui fait dire de se plonger sept fois dans les eaux du Jourdain; et ce haut fonctionnaire royal, qui lui sachant que Jésus est à Cana, va l'attendre, lui demande avec instance de descendre chez lui à Capharnaüm, pour sauver son enfant qui est mourant (et je trouve que le verbe descendre, employé par trois fois, évoque aussi ce qui attend cet enfant si Jésus n'intervient pas); qui dans un premier temps se fait presque réprimander, et qui dans un deuxième temps retourne chez lui avec une parole, "ton fils est vivant", parole qu'il accepte comme vraie. Il pose là un acte de foi semblable à celui de Naaman (même si pour ce dernier, c'était un peu à son corps défendant). Et de même que Naaman, en retournant chez lui, proclamera que le seul Dieu, c'est le Dieu d'Israël, de même, cet homme et toute sa maison (qui peut être importante) croit en Jésus, c'est-à-dire reconnaît en lui celui qui donne la vie, le Sauveur. Et il croira lui et toute sa maison. 

 

On peut aussi penser que Cana, c'est un peu le miracle d'Elie qui se refait. Ce n'est plus de l'huile et de la farine qui se multiplient durant un temps, mais l'eau qui devient vin. 

 

Le prêtre qui commentait cet évangile a fait remarquer que lors du miracle de Cana, les serviteurs sont envoyés faire goûter ce qui a été prélevé dans les jarres, mais ils ne savent pas ce que l'eau est devenue du vin. De même, lui pense (peut-être contrairement à moi) que quand Jésus lui dit "va", il ne sait pas du tout si son fils est guéri ou non. De même qu'Abraham ne sait pas ce qui va advenir de lui, mais part; et c'est sa foi qui va permettre qu'il devienne le père des croyants. 

 

 

Lecture du texte en regroupant les versets. 

 

43 En ce temps-là, après avoir passé deux jours chez les Samaritains, Jésus partit de là pour la Galilée.

 44 – Lui-même avait témoigné qu’un prophète n’est pas considéré dans son propre pays. 

 

Intéressant, la durée. Deux jours chez les Samaritains, et quitter un endroit où il respecté et accueilli pour aller dans un ailleurs qui semble inquiétant. Mais ce sera aussi ce qui se passera pour les disciples, après le troisième jour (en fait bien après).

 

45 Il arriva donc en Galilée; les Galiléens lui firent bon accueil, car ils avaient vu tout ce qu’il avait fait à Jérusalem pendant la fête de la Pâque, puisqu’ils étaient allés eux aussi à cette fête. 

 

Une explication: si ça se passe bien avec ces habitants-là, c'est qu'ils connaissent Jésus et ont vu ce qu'il a fait pendant la fête de la Pâque. Est-ce qu'il s'agit des vendeurs chassés du Temple (peut-être que cela a réjoui pas mal de monde, ainsi que la manière dont Jésus ne se laisse pas faire par les anciens). 

 

46 Ainsi donc Jésus revint à Cana de Galilée, où il avait changé l’eau en vin. 

Jésus va quand même dans un lieu où il doit être bien accueilli après tout, n'a-t-il pas permis que la noce se termine bien et je peux penser que la famille du ou de la mariée peut lui faire bon accueil, à lui et à ses disciples..

 

Or il y avait un fonctionnaire royal, dont le fils était malade à Capharnaüm. 

47 Ayant appris que Jésus arrivait de Judée en Galilée, il alla le trouver ; il lui demandait de descendre à Capharnaüm pour guérir son fils qui était mourant. 

 

Et là, on nous parle d'un fonctionnaire royal (pas n'importe qui, un peu comme Naaman le général syrien). Si je fais un lien entre ce fonctionnaire royal, et Naaman le syrien, c'est que Jésus a dit que personne n'est prophète dans son pays, et que cette phrase aurait été prononcée à Nazareth, avec à l'appui les actions d'Elie et d'Elisée en faveur d'étrangers. Et je pensais que ce fonctionnaire de haut rang, aurait pu souhaiter que Jésus accède à sa demande, et le suive immédiatement à Capharnaüm. Un peu comme Naaman qui ne comprend pas que le prophète reste chez lui et se contente de lui donner un ordre: va te plonger sept fois dans les eaux du Jourdain. Là aussi, avec Jésus, il y a aura un "va". Et finalement l'un comme l'autre deviennent des croyants. 

 

Ce verbe descendre va être employé par trois fois. Le premier, c'est ce que le fonctionnaire royal désire: que Jésus accepte de ne pas rester à Cana, et donc fasse les 30 kms qui le sépare de Capharnaüm, dans l'urgence. Et il semble ne pas concevoir qu'on lui résiste. 

 

48 Jésus lui dit : « Si vous ne voyez pas de signes et de prodiges, vous ne croirez donc pas ! » 

49 Le fonctionnaire royal lui dit : « Seigneur, descends, avant que mon enfant ne meure ! » 

 

La phrase prononcée par Jésus semble donner un coup d'arrêt. Dans l'Exode il est question de voir des signes et des prodiges, et de rester avec le cœur endurci. Et cette réponse de Jésus semble avoir un impact. Car je peux imaginer que le ton sur lequel est fait la demande est totalement modifié. Ce n'est plus un ordre, c'est une demande, d'un père pour son fils; et non plus d'un officier à un homme qu'il pense être un guérisseur.

  

50 Jésus lui répond : « Va, ton fils est vivant. » L’homme crut à la parole que Jésus lui avait dite et il partit

51 Pendant qu’il descendait, ses serviteurs arrivèrent à sa rencontre et lui dirent que son enfant était vivant.

 

Comment entendre ce "va"?  Et peut-on le dissocier de l'affirmation, ton fils est vivant ce qui est somme toute beaucoup plus que "ton fils est guéri". 

 

La vie est revenue en cet enfant, Jésus a donné la vie à cet enfant pour que son père et toute la maison comprenne qu'en Jésus le Royaume est là, que la vie se donne en plénitude.

 

52 Il voulut savoir à quelle heure il s’était trouvé mieux. Ils lui dirent : « C’est hier, à la septième heure, (au début de l’après-midi), que la fièvre l’a quitté. »

53 Le père se rendit compte que c’était justement l’heure où Jésus lui avait dit : « Ton fils est vivant. » 

 

Jésus va rendre l'Esprit à la neuvième heure, même si ce n'est pas dans Jean. La septième heure, cela pourrait être six plus un, six la création de l'homme, sept, le renouveau du repos demandé par le Shabbat. Mais c'est bien la confirmation de l'efficacité de la parole de celui que Jean appelle le Verbe.

 

Alors il crut, lui, ainsi que tous les gens de sa maison.

 

Là, c'est une autre phrase qui fait choc en lui. La première c'est cette sorte de réprimande de Jésus, sur les signes et les prodiges, et là, c'est la confirmation de l'heure de la puissance de la Parole. On a besoin parfois de confirmation pour croire et c'est peut-être ce que le "alors" signifie.

 

54 Tel fut le second signe que Jésus accomplit lorsqu’il revint de Judée en Galilée.

 

Il y a eu deux signes. Le vin des noces, et la vie donnée. 

 

 

Le fonctionnaire royal raconte.

 

J'étais à Jérusalem après du roi Hérode. On m'a parlé d'un certain Jésus, un homme de Galilée, qui a eu le culot de chasser les vendeurs du temple, ce qui je dois le dire, m'a fait bien plaisir. J'ai entendu dire qu'il parlait beaucoup, qu'il ne se présentait pas comme un rabbi qui passe son temps à couper les cheveux en quatre, mais surtout qu'il était à l'écoute et qu'il était bon. 

 

En rentrant chez moi, à Capharnaüm, j'ai trouvé ma femme en larmes. Notre fils était brûlant de fièvre, rien n'arrivait à la faire baisser, il était comme un sac de chiffon dans son lit, trop faible même pour boire; la vie le quittait, il était en train de mourir. Personne ne savait que faire. Quelqu'un de ma maison m'a dit que Jésus était à Cana. Alors je suis parti en grande hâte pour le trouver, lui demander de venir chez moi, de descendre à Capharnaüm, pour donner la vie à mon fils. Il fallait que j'arrive avant qu'il n'ait quitté cette localité. Je me suis hâté, et l'inquiétude me rongeait.

 

En arrivant à Cana, j'ai vu qu'il n'était pas seul. Il avait ses disciples, mais aussi beaucoup d'autres personnes. On m'a raconté qu'il y a peu, il avait participé à une noce, et qu'à partir d'eau puisée dans les citernes il a procuré un vin d'une excellente qualité aux invités, qui allaient en manquer. Cela montre bien sa bonté et sa générosité.

 

 Alors je me suis approché de lui et je lui ai demandé de descendre chez moi à Capharnaüm, pour guérir mon fils mourant. J'étais très ému de le voir, de le rencontrer. 

 

Et là, il a eu une phrase rude, comme si j'étais à la recherche d'un geste magique. Il m'a dit: si vous ne voyez pas des signes et des miracles vous ne croirez donc pas. Qu'est ce qu'il veut dire par "croire"? 

 

Mais moi, bien sûr je ne désirais qu'une seule chose, qu'il quitte Cana au plus vite, que nous puissions descendre à Capharnaüm, nous hâter le plus possible, parce que les heures étaient comptées, qu'il entre chez moi, qu'il touche mon fils, qu'il le guérisse. Et puis, je suis habitué à ce qu'on ne me résiste pas. Et j'avais tellement peur qu'il refuse. 

Alors j'ai insisté, je lui ai dit "Seigneur descends avant que mon fils ne meure". Il y a eu un silence; je pensais qu'il allait se mettre en route, m'accompagner; Il m'a dit "va, ton fils est vivant!" Et il avait un tel ton que je l'ai cru. Mais c'était quand même difficile à imaginer; et j'ai pris la route. 

 

Et pourtant, au fil des heures, je sentais que mon fils était vivant. Mais que la route me semblait longue! J'ai marché toute la nuit.

 

Au petit matin, des gens de ma maison sont venus à ma rencontre. Ils m'ont dit que mon fils était vivant. Je leur ai demandé à quelle heure la guérison avait eu lieu. Ils m'ont dit à la septième heure, et c'était l'heure à laquelle Jésus m'avait dit que l'enfant était sauvé. La même heure. Et là, moi l'officier, moi qui finalement ne croit plus en grand-chose, j'ai cru en cet homme. 

 

Sa parole avait été comme celle du Très Haut., qui ne revient pas sans avoir accompli ce qu'elle a dit.  Sa parole avait agi. Sa parole avait fait. Mon fils était dans la vie. La mort avait été vaincue. Que le Très Haut soit Béni de nous avoir envoyé un tel homme sur notre terre!

 

Je suis arrivé chez moi, j'ai raconté à toute ma maison ce qui venait d'arriver et tous nous avons cru que cet homme avait les paroles qui donnent la vie, les paroles de la vie éternelle.

 

 

 

vendredi, mars 25, 2022

Lc 1, 26-38. "Et voici que dans sa vieillesse Élisabeth ta parente a conçu,

Luc 1, 26-38. Annonciation.


 

 

J'avais commencé à me laisser "bercer" par le texte de l'Annonciation, avec l'idée de laisser une nouvelle fois, Marie raconter ce qui s'était passé pour elle ce jour; ce jour où, par son oui, des cieux nouveaux et une terre nouvelle sont advenus, même si les yeux humains ne pouvaient pas le voir. Je lui avais déjà laissé raconter en 2009  https://giboulee.blogspot.com/2009/12/lannonciation.html , et plus récemment j'avais laissé l'Ange Gabriel raconter ce qui s'était passé avec les différentes personnes que le très Haut lui avait demandé de rencontrer (Zacharie, Marie, Joseph)  

https://giboulee.blogspot.com/2018/12/temps-de-lavent-lange-gabriel.html

 

Et il m'a brusquement semblé que l'annonce de la grossesse d'Elisabeth avait été le signe dont Marie avait besoin. Je ne peux pas justifier cela, mais les signes sont importants, et ils nécessitent aussi la foi. Alors j'ai su que je bâtirai cette histoire un peu autour de cela. Car quand on y pense, Marie venait d'entendre quelque chose d'impensable, de fou, et ce quelque chose de fou s'est déjà réalisé en cette vieille femme stérile, qui n'ose pas croire vraiment à la vie qui est en elle. 

 

J'ai toujours pensé que c'est la présence de Marie, avec la vie qui est en elle, qui donne vraiment vie à cet enfant qui certes était bien dans le ventre d'Elisabeth mais qui était immobile. Le tressaillement dont parle Luc, je l'ai toujours ressenti comme si l'enfant se mettait enfin à vivre, à se mouvoir, à devenir vraiment un bébé à naître pour sa mère. 

 

C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai eu envie d'encadrer le texte de l'Annonciation, d'une part par les versets 24 et 25 qui disent qu'Elisabeth garde le secret sur cette naissance - comme si malgré ce qu'elle dit "sur cette honte qui a été lavée" elle n'est pas sûre que cet enfant vivra - et, d'autre part, par les versets 49-50, qui mentionnent l'entrée de Marie chez Elisabeth et qui renvoient à ce qui s'est passé avec l'entrée de l'Ange dans sa propre demeure: la manifestation de l'Esprit Saint. 

 

Voici donc le texte, dans la version AELF.

 

24 Quelque temps plus tard, sa femme Élisabeth conçut un enfant. Pendant cinq mois, elle garda le secret. Elle se disait :

25 « Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi, en ces jours où il a posé son regard pour effacer ce qui était ma honte devant les hommes. »

 

26 Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth,

27 à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.

 

Tout est posé là. Un ange, une ville, une jeune fille promise, deux prénoms, trois prénoms: Gabriel, Marie, Joseph et même quatre: David. C'est par Joseph que se fait l'appartenance à la maison de David;

 

28 L’ange entra chez elle, et dit : « Je te salueComblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »

29 À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.

 

Chaque fois que je lis ce début de verset, je repense à l'Ange du Seigneur qui était venu et s'était assis sous un térébinthe, et qui s'était adressé à Gédéon, occupé à battre du blé dans un pressoir pour le soustraire aux Madianites (Jg 6, 11-12): "Le Seigneur est avec toi vaillant guerrier!" Et le dialogue qui s'instaure Gédéon et l'Ange, ne montre pas de crainte chez Gédéon - alors qu'il y en a chez Marie - mais un étonnement intense lié au qualificatif: "vaillant guerrier" d'un côté; et "comblée-de grâces" de l'autre... Comment le Très Haut peut-il voir en Gédéon, le petit dernier d'un clan sans notoriété, celui qui sauvera son peuple de Madian? Comment le Très Haut peut-il voir en Marie celle qui portera le sauveur d'Israël?

 

30 L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.

31 Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus.

32 Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ;

33 il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »

 

Si je me souviens bien, cela correspond point par point au livre de Daniel 7,14: "Et il lui fut donné domination, gloire et royauté; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent".

"Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite."

 

 

34 Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? »

35 L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu.

 

Le questionnement de Marie, on le comprend. Il ne met pas en doute la parole de l'ange, contrairement à ce qui se passe pour Zacharie; elle demande une sorte de dévoilement. Et la réponse de l'Ange est bien un dévoilement, puisqu'il annonce quelque chose de mystérieux, mais qui est présence de Dieu.

 

36 Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile.

37 Car rien n’est impossible à Dieu. »

 

Voilà le Signe, donné à la jeune fille. 

 

38 Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta.

 

L'ange la quitte, son travail est accompli, il peut rentrer à la maison. 

 

39 En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.

40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

 

Marie prend le relais en allant visiter sa cousine et en entrant dans la maison de celle-ci et en la saluant, de même que l'Ange entré chez elle et l'avait saluée. Elle aussi va en quelque sorte permettre la vie, chez l'enfant à naître.

 

Je me suis aussi demandée si les trois "voici" du texte ne pouvaient pas servir de piliers à la lecture, qui permet de voir et de contempler.

 

Le premier voici, c'est celui de l'ange: voici que l'Ange Gabriel, qui en quelque sorte donne sa feuille de route à la jeune fille qui est là, devant lui. Il y a la triade classique: engendrer, enfanter nommer. Marie va être mère, elle va enfanter celui qui sera le Fils du Très Haut; bref celui qui incarne ce qui est dit de lui par Daniel, mais qui est le Messie de Dieu. 

 

Le second c'est ce qui précède le signe donné: voici que dans sa vieillesse ta cousine Élisabeth a conçu, qui pour moi renvoie au texte d'Isaïe, Voici que la jeune fille est enceinte. Is 7, 14. Marie est la jeune fille qui est enceinte, et le signe pour elle, c'est Elisabeth.

 

Le troisième c'est le plus connu: c'est la réponse de Marie, Voici la servante du Seigneur qu'il me soit fait selon ta parole.

Et cela c'est un modèle pour nous.

 

 

Marie raconte.

 

En ce début d'après-midi, j'étais au frais dans la maison. J'avais ramené de l'eau de la fontaine qui est peu éloignée de chez nous et j'étais heureuse. Je pensais à Joseph, cet homme à qui j'ai été accordée en mariage et qui est descendant de David. 

 

Les volets étaient fermés, car il faisait déjà chaud. Tout à coup, j'ai ressenti une présence. J'ai levé les yeux, et j'ai vu un être qui me paraissait éclairé de l'intérieur, d'une lumière très douce. Sa voix était à l'image de tout ce qui émanait de lui. Il m'a saluée en m'appelant "comblée de grâces". Jamais personne n'aurait pu me dire cela. c'était presque un nom d'amour. Quand il a ajouté, le Seigneur est avec toi, j'ai pensé à Gédéon le Juge, qui avait été abordé aussi par l'Ange du Seigneur, il y a bien des siècles. A lui, il avait été dit "Salut à toi vaillant guerrier, le Seigneur est avec toi. Etait ce le même ange qui venait me parler? Mais malgré tout, en moi montait une crainte. 

 

Il m'a dit de ne pas avoir peur, que j'avais trouvé grâce auprès de Seigneur, que j'allais concevoir et enfanter un fils et que je lui donnerai le nom de Jésus. Moi, j'aurais un fils, moi le le mettrai au monde, moi je lui donnerai son nom, un nom voulu par Très Haut. J'étais abasourdie, j'entendais bien ce qu'il disait. 

J'entendais qu'il disait que cet enfant sera grand, qu'il sera appelé Fils du Très Haut, qu'il aura le trône de David son père et qu'il règnera pour les siècles. Mais les mots voletaient un peu autour de moi. J'entendais, mais cela me dépassait. 

 

C'était comme si un plan avait été prévu pour moi, mais comment cela pouvait-il se réaliser puisque j'étais une simple jeune fille de Nazareth promise à un homme. Cela me semblait impossible, impensable. 

 

Seulement, alors que je me sentais perdue, cet être de lumière m'a annoncé quelque chose qui a fait danser mon cœur de joie. 

 

Il m'a dit que ma cousine Élisabeth, cette femme qui est un modèle pour moi, mais qui est stérile, ce qui fut une véritable honte pour elle et pour son mari, le prêtre Zacharie, allait être mère. 

 

Mais il ne s'est pas contenté de dire cela, il a dit "Voici que ta cousine Élisabeth, a conçu un fils dans sa vieillesse" et ce "voici" a fait écho à un autre voici, prononcé par le prophète Isaïe: Voici que la jeune fille est enceinte. Elle enfantera un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. Et j'ai su que cette jeune fille, c'était moi! N'est-ce pas le rêve de toutes les jeunes filles en Israël? Être la mère de celui qui sauvera notre peuple. C'était pour moi un signe, mon signe. Je pouvais avoir une confiance totale.  

 

Alors, mon cœur s'est mis à sauter de joie, et quelque chose s'est passé en moi. L'ange avait dit que l'Esprit Saint viendrait sur moi et que le Très Haut me prendrait sous ombre, et c'est ce qui s'est passé. Ce que l'ange avait dit prenait corps en moi. Oui, rien n'est impossible à Dieu.

 

Moi qui désirais le plus au monde être la servante du Seigneur, être son esclave, cela se réalisait. Immense était ma joie, immense était mon désir d'aller trouver ma cousine pour partager avec elle ma joie. Et je me suis mise en route.

 

  

dimanche, mars 20, 2022

Mat 1,16 18-21 24a. Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse.

 


Fête de Saint Joseph. L'évangile proposé est un évangile bien connu (Mt 1,16), déjà entendu pendant le temps de l'Avent. J'ai raconté comment l'Ange Gabriel pouvait parler de sa rencontre avec Joseph https://giboulee.blogspot.com/2018/12/temps-de-lavent-lange-gabriel.html, mais aussi j'ai écrit en septembre à l'occasion de la Nativité de la Vierge https://giboulee.blogspot.com/2018/09/mt-1-18-marie-fut-accordee-joseph.html.

 

Comme souvent j'ai essayé de relire ce texte, comme si c'était une première fois.

 

16 Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ.

18 Or, voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.

19 Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret.

20 Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; 

21elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

 24aQuand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit.


Bien entendu il y a des trous, puisque le verset 16 termine la généalogie et qu'il manque le commentaire sur le nombre de générations. il manque également les versets 22-23, avec l'autre prénom de l'enfant à venir: Emmanuel - mais je dois reconnaître que c'est peut-être plus facile; et la fin du verset 24. 


J'ai essayé dans la mesure de mon possible de ne pas me servir du tout ce que l'évangile de Luc raconte sur Marie, la jeune fille de Nazareth. 

 

Ce qui m'a frappé, c'est que le texte est comme structuré autour des prénoms. Joseph revient 5 fois et tout tourne autour de lui. 


Marie ne revient que trois fois, mais c'est presque sur un mode mineur. Il en est de même du nom que portera l'enfant: deux fois. 


Joseph est nommé fils de David, et c'est la suite du récit matthéen qui parlera de Bethléem, lors de la venue des mages. De Marie, on ne sait rien, sauf qu'elle avait été accordée en mariage. Mariage de raison? Mariage de rencontre comme jadis la rencontre de Jacob avec Rachel? On ne sait pas; on peut tout imaginer. 

 

On sait enfin que Joseph est un homme juste. Certains commentateurs pensent que c'est cette qualité de Joseph qui le fait penser à renvoyer sa future épouse, car il se sent indigne d'être le père choisi pour élever cet enfant qui est don de l'Esprit. Je trouve cela très beau, mais j'aime pour ma part à sentir le trouble qui a pu prendre cet homme, qui voit ses espoirs de fonder une famille s'évanouir. Peut-être apprécie-t-il la franchise de sa future femme, mais quand même. 

 

Alors j'ai laissé Joseph raconter.

 

Joseph raconte.

 

 

Mon prénom c'est Joseph; et celui qui est mon guide, c'est ce Joseph des temps anciens, ce Joseph qui était devenu le bras droit de Pharaon en terre d'Égypte; et qui lors d'une famine avait permis à son père Jacob (mon père porte le même prénom) et à sa famille de s'établir sur des terres fertiles et de devenir un véritable peuple, le peuple de la lignée des fils de Jacob. Aujourd'hui, comme je suis un descendant de la tribu de Juda, et donc du roi David, je réside à Bethléem, la ville du pain. 

 

Je suis le fiancé d'une belle jeune fille. Elle s'appelle Myriam, ses parents sont morts, et elle a peu de famille. Notre mariage doit avoir lieu dans les mois qui viennent, mais la date n'a pas encore été fixée; nous apprenons à nous connaître et plus je la vois et plus elle me ravit. Elle est instruite, elle connaît bien les écritures et comme moi, elle attend la venue du Messie, celui qui doit sauver notre peuple. 

 

Il me semblait que tout allait pour le mieux, sauf qu'hier elle est venue me voir, seule, ce qui n'est pas la coutume. Elle m'a souri, elle m'a regardé, et a baissé la tête et elle m'a dit qu'elle attendait un enfant, et que cet enfant était engendré par le Souffle du très Haut. J'ai entendu les mots qu'elle disait, j'ai eu l'impression que tout s'effondrait. Je n'ai pas posé de questions. J'avais l'impression qu'elle s'attendait à ce que je ne dise rien.  Elle m'a regardé avec son beau regard, son doux regard, et elle est partie, la tête haute. Je l'aurais imaginée honteuse, mais pas du tout. Cela m'a surpris.

 

Comme je l'ai dit, j'étais abasourdi, désemparé, moi un homme fait, un homme avec un métier, un beau métier d'ailleurs. Je construis des maisons et ma maison à moi, la maison que je voulais fonder, elle s'effondre avant même d'avoir vu le jour. 

 

Je n'ai rien pu avaler de la journée. Je ne savais que faire. La prendre, la renvoyer? Je ne savais pas. Nous ne sommes pas mariés, alors je ne peux rien faire de légal, mais je vais la renvoyer, le plus discrètement possible, qu'elle quitte ce village, qu'elle aille ailleurs, qu'elle donne naissance à cet enfant et que personne ici ne la montre du doigt. Je les connais les gens d'ici, ils jugent si vite; et je ne voudrais pas qu'elle prenne une pierre. 

 

Et en même remps, je me dis que si cet enfant est ce qu'elle dit, qui suis-je pour refuser de m'en occuper? 

 

Elle est orpheline Myriam, et Dieu ne dit-il pas qu'il faut prendre soin des orphelins? Je ne sais pas, je ne sais plus. 


J'ai imploré le Très Haut de me guider, je l'ai loué parce que je sais que toute épreuve a un sens pour lui, et je me suis couché en essayant de trouver le sommeil.

 

Tout à coup, j'ai eu l'impression que je n'étais plus seul; il y avait une présence. 

 

Et j'étais sûr, dans ce sommeil qui en était un sans en être un, que c'était l'Ange du Seigneur. Je voulais bouger, mais je ne pouvais pas. Puis j'ai entendu une voix qui me disait: "Joseph, ne crains pas de prendre chez toi, Myriam ton épouse, car l'enfant qui est engendré en elle, vient de l'Esprit Saint". 

Il y a eu un petit temps de silence, et une paix est venue en moi. Ma douce fiancée avait dit vrai, l'enfant était bien engendré en elle, non par un autre, mais par l'Esprit du très Haut, cet esprit qui planait sur les eaux et qui a permis à tout ce que je connais d'exister. 

 

Puis il a repris, et il a dit que cet enfant serait un garçon, et que moi Joseph, je lui donnerais le nom de Jésus, ce nom qui signifie "Dieu sauve", parce que m'a-t-il dit, il sauvera le peuple de ses péchés. 

 

Cette phrase a fini de me rassurer car je sais au fond de moi que le Messie, qui sera issu de ma lignée, la lignée de David, ne sera pas un simple roi, qui viendrait renverser un pouvoir existant, mais qu'il aurait une autre fonction, autrement plus importante, vraie, plus digne d'un roi berger, nous faire devenir un peuple saint en nous sauvant de nos péchés. 

 

Je me suis rendu compte que la Présence m'avait quitté, je me suis réveillé, mais je dois dire que maintenant j'étais bien, je savais ce que je devais faire. Myriam sera mon épouse et cet enfant, certes je l'élèverai comme s'il était le mien, je lui transmettai tout ce qu'un père peut transmettre à son fils; mais aussi je veillerai sur lui comme un berger veille sur un agneau sans pareil, un agneau qui portera le péché du monde et qui l'en délivrera. 

 
Que ma joie était grande quand le jour s'est levé et quand j'ai dit les premières prières pour accueillir ce jour nouveau, ce jour qui était pour moi comme un premier jour. 

mercredi, mars 16, 2022

Luc 9, 28-36. La transfiguration.

Luc 9, 28-36. La transfiguration.

 

J'ai déjà commenté ce texte, ou du moins j'ai laissé Pierre raconter cet épisode à partir de l'évangile de Marc, qui était proposé en lecture continue avant le temps du Carême. https://giboulee.blogspot.com/2022/02/marc-9-2-13-la-transfiguration.html


Ce deuxième dimanche de Carême, c'est l'évangile de Luc qui nous est proposé.

 

Or au cours de la semaine passée, j'ai passé une journée au Prieuré St Benoît autour de la lectio divina. Et c'était ce texte qu'on nous a proposé pour nous "laisser caresser par lui", mais aussi pour le "mâcher, le remâcher". Il se trouve que j'ai utilisé ma Bible de Jérusalem, et la traduction proposée a été pour moi beaucoup plus "riche" que la traduction d'AELF.

 

C'est pour cela, que je propose une comparaison des deux textes, mais l'expérience faite ce jour là, montre que parfois prendre une autre traduction peut être très riche, voire même permettre de renouveler la prière.

 

Luc AELF

Luc  B.J.

28b En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. 


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29 Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. 

 

30 Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, 

 

 


31 apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.



 

 32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. 

 

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33 Ces derniers s’éloignaient de lui,

 

 quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » 

 

Il ne savait pas ce qu’il disait. 

 

34 Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. 

 

35 Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »

 

36 Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. 

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Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.



28 "Or il advint, environ huit jours après ces paroles, que, prenant avec lui Pierre, Jean et Jacques, il gravit la montagne pour prier.

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29. Et il advint comme il priait que l'aspect de son visage devint autre, et son vêtement d'une blancheur fulgurante. 

 

30 Et voici que deux hommes s'entretenaient avec lui, c'étaient Moïse et Elie,


 

31 qui, apparus en gloire, parlaient de son départ, qu'il allait accomplir à Jérusalem


 

32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil. S'étant bien réveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes qui se tenaient avec lui.

 

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33 Et il advint comme ils se séparaient de lui

que Pierre dit à Jésus: "Maître il est heureux que nous soyons ici, faisons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie:

 

 il ne savait ce qu'il disait.

 

34 Et pendant qu'il disait cela, survint une nuée qui les prenait sous son ombre et ils furent saisis de peur en entrant dans la nuée.

 

35 Et une voix partit de la nuée, qui disait, "celui -ci est mon fils, l'Elu, écoutez le. "

 

 

36 Et quand la voix eut retenti, Jésus se trouva seul. 

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Pour eux ils gardèrent le silence et ne rapportèrent rien à personne, ces jours là, de ce qu'ils avaient vu.

 

 

Ce qui a été utile pour moi, c'est d'emblée la scansion du texte: il advint. C'est nettement mieux que le "en ce temps là", dont AELF semble friande. Et cela m'a aidée à bien structurer le texte.

 

J'ai aussi été sensible au verbe "se séparer" et non pas s'éloigner, car d'emblée ce verbe, je l'associe à l'ascension de Jésus en Luc 24,51;" il se sépara d'eux et fut emporté vers le ciel". Cela me permet, mais je reconnais que c'est personnel, de mieux comprendre la réaction de Pierre, qui voudrait en quelque sorte interrompre ce mouvement des deux hommes Moïse et Elie, pour que cette ouverture ne se referme pas.

 

Enfin il y a eu "la voix qui sortit de la nuée", et non pas une voix qui se fait entendre, car cette expression renvoie immédiatement à ce qui se passe au Sinaï au chapitre 19, 9 "Je vais venir à toi dans l'épaisseur de la nuée, pour que le peuple qui m'entendra te parler mette sa foi en toi pour toujours" et là, j'imagine bien une voix qui sort de la nuée, cette voix qui comme le dit le psaume inquiète les biches en travail Ps 29,9.

 

En prenant le temps de lire et de relire ce texte, je me suis rendue compte que la nomination des trois disciples, en mettant Jean avant Jacques ne correspondait pas à ce que j'ai l'habitude d'entendre, et pourtant c'est de la même manière que ces trois là sont appelés pour rester avec Jésus lorsqu'il entre dans la maison de Jaïre. Ce sont les mêmes trois, qui n'arriveront pas à veiller avec Jésus au jardin des Oliviers, mais pas chez Luc. 

 

Cela m'a dans un premier temps conduite à un petit travail d'analyse des différents tableaux qui nous sont donnés, puis dans un deuxième temps à laisser Pierre raconter, mais raconter cet épisode - certes partagé avec les fils de Zébédée - comme quelque chose qui a dépassé son entendement, car ce sommeil profond, cette torpeur (qui évoque à la fois celle où fut plongé Adam lors de la création de la femme, et celle d'Abram lors de l'alliance), est peut-être un sommeil qui protège d'une vision qui ne serait pas possible pour l'humain.

 

Ce que je veux dire, c'est que depuis toujours j'ai du mal à comprendre ce sommeil qui les alourdit et le fait qu'à un moment, ils soient bien éveillés, mais que cet éveil arrive en quelque sorte après que les deux hommes aient fini de parler du départ de Jésus, (et moi j'aimerais dire sa mort), au moment où quelque chose se termine. 

 

Je pense qu'un certain sommeil est "tombé sur eux", car voir la Gloire, un être humain ne le peut pas. Mais il fallait quand même qu'ils puissent - eux qui allaient assister à la mort et à résurrection de Jésus, eux qui l'avaient reconnu comme le Messie, le Fils de Dieu - ne pas oublier que malgré les apparences, leur maître est bien le Seigneur et que la Gloire du Père est en Lui et sur Lui, même si les yeux ne peuvent pas la supporter.

Les différents tableaux. 

 

Premier tableau: Versets 28-29: Centration sur Jésus - "Son visage devint autre"

 

28b En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. 

29 Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante

 

Jésus prend avec lui Pierre, Jean et Jacques (et non pas Jacques et Jean), il gravit la montagne, et pendant qu'il prie, quelque chose se passe. Jésus est comme rempli par la Gloire: son visage change (ce qui évoque celui de Moïse quand il redescend avec les nouvelles tables de Loi, Ex 34, 29: 29 "Lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï, ayant en mains les deux tables du Témoignage, il ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis qu’il avait parlé avec le Seigneur."

 

A propos de ce vêtement qui devient d'une blancheur éblouissante ou fulgurante, (qui fait presque mal aux yeux), je me disais en priant ce texte ce dimanche matin, que Jésus me faisait penser à "Peau d'Âne" ou à une luciole en plein jour. Je m'explique. Une luciole dans la lumière, c'est tout gris, tout moche. Si on la met dans l'obscurité, elle éclaire. Peau d'Âne, la princesse qui fuit son père, se cache sous cette peau et sous une apparence de crasse, mais la nuit, elle apparaît dans sa beauté. Et Jésus c'est pareil. Il prie, ses disciples semblent endormis, et quand il prie, alors il se montre, 'lui qui est Lumière né de la Lumière', tel qu'il est, mais tel que nous, avec nos pauvres yeux, nous ne le voyons pas. Et le vêtement lui-même est comme atteint par la lumière intérieure qui émane de lui, ce vêtement que tout le monde essaye de toucher pour être guéri. Là c'est comme si Jésus pouvait se révéler enfin, mais peut-être que le sommeil profond (la torpeur) est nécessaire. S'ils avaient vu cela d'un coup, ils auraient peut-être été pris de peur. Là c'est un état différent.

 

Deuxième tableau: Verset 29-31.Moïse et Elie dans la gloire parlent avec Jésus. 

 

30 Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, 

31 apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.

 

 

Apparaissent Moïse et Elie, apparus en gloire, qui parlent avec lui de son départ qui devait s'accomplir à Jérusalem. Pour le moment on est encore en Galilée, mais on saura par la suite que les disciples, sont accablés de sommeil. Ce qui est rapporté là, c'est l'œuvre du narrateur. Mais il est bien possible que cette vision de la Gloire n'aurait pas été supportable. 

Dire "qui allait s'accomplir" ou dire "qu'il allait accomplir" ce n'est pas la même chose. On passe du passif à l'actif. Jésus choisit de faire ce départ, de la ville de Jérusalem? 

 

Troisième tableauversets 32-33.les disciples voient les deux hommes et Pierre propose de bâtir des tentes.

 

 32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. 

 

Dormaient-ils ou ne dormaient-ils pas? Quand on est accablé de sommeil, comment résister? Plus tard, à Gethsémani, ils ne résisteront pas et Jésus leur en fera le reproche. Pas facile d'être accablé de sommeil et de rester éveillé (AELF), ou de sortir complètement du sommeil (BJ). Mais là je ne peux pas trancher. 

 

S'ils dorment on peut penser que c'est une vision, comme celle rapportée dans la Genèse, mais dans laquelle il y a une alternance de sommeil et de veille. Abram ne sacrifie pas en rêve les animaux demandés par le Seigneur, mais c'est dans la torpeur qu'il voit la présence, et qu'il entend la voix du Seigneur. 

 

 

33 Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. 

 

Pour eux, c'est quelque chose de fugace s'ils viennent de s'éveiller vraiment, de sortir de leur torpeur, un peu comme Adam quand il voit sa compagne. Et on peut comprendre la réaction de Pierre: que cet instant ne cesse pas, qu'ils demeurent sur cette montagne. Mais cela a quelque chose d'un peu puéril si on veut. 

 

Alors j'ai toujours pensé que ce sommeil, cette torpeur était nécessaire, pour qu'ils ne soient pas trop troublés par ce qu'ils voient. Voir la Gloire ce n'est pas rien. Moïse se voile le visage lors de la rencontre à l'Horeb. L'important c'est qu'ils aient tous les trois la même vison. 

 

Et quand ils en sortent de cette torpeur, ils voient les deux hommes qui s'éloignent, ce qui pour moi est très différent de "se séparer, qui évoque ce qui se passera lors de l'Ascension. A Jérusalem, "Jésus se sépara d'eux" (Lc 24). 

 

Ce qu'ils voient, ce qu'ils perçoivent, cette séparation, pousse Pierre à désirer que cet instant soit retardé, que cet instant perdure, alors il propose de faire trois tentes… Tente de la rencontre, tentes de la Présence. Mais la Gloire de Dieu, peut-on la mettre sous tente? 

 

Quatrième tableau:  versets 34-35. La théophanie: la nuée et la voix: voir et entendre.

 

34 Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. 

 

Et là, on passe de la lumière, du hors temps, au nuage sombre qui tombe sur eux et les avale en quelque sorte. Et c'est la voix qui "sort "(je préfère cette traduction) de la nuée, la voix de Dieu sur la montagne du Sinaï. 

 

35 Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » 

Cette voix qui se fait entendre, cette voix qui sort de la Nuée, et qui doit surprendre les disciples de Jésus, elle affirme que ce dernier est le choisi, l'Elu, et que désormais c'est lui qu'il faut écouter. 

Peut-être que cela permet d'aller au-delà Dt 6,4 "Ecoute Israël le Seigneur notre Dieu est l'Unique". Désormais, c'est par lui que le Très haut se fait entendre et s'adresse à son peuple. Et si comme on le dit, écouter et obéir c'est le même mot (du moins en hébreu), c'est quand même un ordre très important qui est donné là.


 

Cinquième tableau:  retour à la normale Verset 36. Le silence des disciples qui ne sera rompu qu'après la résurrection.  

 

36 Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.

 

Ce silence on peut le comprendre. Ils ont été confrontés à l'indicible. Ce sera bien après la résurrection que Pierre fera mention de cette vision: 2P 17 Car il a reçu de Dieu le Père l’honneur et la gloire quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie.

18 Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte.

 

Bien sûr la finale est ici différente de celle de Marc, qui comporte un questionnement sur Elie, mais qui montre aussi qu'on ne pose pas de questions à Jésus sur ce qui vient d'être vu. C'est plus facile de s'accrocher au connu quand on vient de vivre une expérience pour le moins déstabilisante;

 

Pierre raconte.

 

Peut-être que vous ne me croirez pas, mais ce que j'ai vu ce jour, ce que nous avons vu tous les trois, nous l'avons réellement vu. Etait-ce une vision? Est-ce que nous dormions? C'est tellement difficile à dire, mais ce que nous avons vu, nous l'avons vu. Quand j'ai voulu leur construire des tentes, c'était bien moi qui parlait, bien moi qui étais prêt à agir. 

 

Ce jour là, il nous avait pris avec lui, nous les trois, qui avions vu ce qui s'était passé lors de la mort de la fille de Jaïre, nous, c’est-à-dire, moi Simon, Jean et Jacques. Jésus a trouvé un endroit pour prier; nous nous sommes affalés sur le sol pour récupérer et nous nous sommes endormis: je sais que je sentais le poids de mon corps, mes paupières qui se fermaient, mais je ne dormais pas vraiment. Et tout à coup, j'ai perçu, ou mes yeux ont perçu une lumière très vive. Cela émanait de mon maître. Son visage est devenu lumière, son vêtement est devenu tellement blanc que j'ai refermé les yeux. Et ce que j'ai vu ensuite, je n'arrivais pas à y croire. Là sur la montagne, il y avait Moïse et Elie, tous les deux nimbés d'une lumière à la fois douce et brûlante, la Gloire du Très Haut, et ils parlaient avec Jésus de son départ qui allait se faire à Jérusalem. Que je n'ai pas aimé entendre cela.  Certes il nous en avait parlé de ce qui risquait de lui arriver, mais moi, je ne voulais pas en entendre parler de ce futur terrible.

 

Puis, je me suis rendu compte que les deux êtres qui étaient avec lui étaient en train de séparer de lui. Je dis se séparer parce qu'à un moment, j'avais l'impression que tous les trois, ils faisaient un. Alors je ne sais ce qui s'est passé en moi, cela m'a tiré vraiment de ma torpeur, de les voir s'élever vers le ciel. J'ai proposé de leur faire trois tentes; ce serait facile de ramasser des branchages, mais je savais bien que ça ne servirait à rien, sauf que moi, j'avais tellement envie que cela dure une éternité.

 

Je n'avais pas fini de parler qu'un énorme nuage, venue de je ne sais où, est tombé sur nous. Moi et mes amis, nous étions terrorisés, nous sentions le poids de cette nuée sur nous, et une voix est sortie de cette nuée, je dirais qu'elle est partie comme une flèche lancée par un archet, et elle nous a parlé. Elle nous a dit: "Celui-ci est mon élu, écoutez le". Nous étions terrorisés, nous aurions voulu rentrer sous terre. Là j'ai compris ce qu'avaient pu ressentir nos ancêtres lorsque sur la montagne du Sinaï le Très Haut s'était adressé à Moïse.

 

Puis ce fut le silence, un grand silence. J'ai ouvert les yeux, parce que malgré moi, je les avais fermés; et il n'y avait plus personne, seulement nous trois et Jésus. 

 

Nous avons entamé la descente sans dire un mot. Si mes amis n'avaient pas vu la même chose que moi, je crois que j'aurais douté, mais tous les trois nous avions vu la même chose, entendu les mêmes mots. Cela, nous l'avons gardé en nous, et nous avons rejoints les autres disciples, mais nous étions vraiment secoués. Ressusciter une jeune fille, cela nous avait déjà montré qui il était, mais là, ce que nous avions vu, cette expérience que nous venions de vivre, je crois que c'était comme s'il nous prévenait qu'un jour nous le verrions à nouveau ainsi, mais après qu'il ait été livré aux anciens, et mis à mort.