mardi, mars 29, 2022

Jean 4, 43-54 "Seigneur descends avant que mon enfant ne meure".

 

Jean 4, 43-54 "Seigneur descends avant que mon enfant ne meure".


Quatrième semaine de Carême, on commence l'évangile de Jean. Au moins il y aura une cohérence dans les textes de semaine. Il reste à voir ce qu'on nous proposera comme première lecture. 

 

 

Réflexions sur le texte.

 

En lisant ce texte, j'ai été frappé par les différences qui existent entre ce texte et ceux de Matthieu et de Luc qui parlent, non d'un officier royal mais d'un centurion. J'ai fait un tableau, comme pour une concordance, mais la version de Jean diffère trop pour que ce soit vraiment utilisable. 

 

Chez Matthieu, le centurion s'adresse directement à Jésus, c'est lui qui dit qu'il n'est pas digne que Jésus entre chez lui, mais qu'il sait que la parole de ce dernier est puissante et qu'elle peut effectuer un miracle.

 

Chez Luc, ce sont des amis du centurion: étant non juif il ne veut ni s'adresser à Jésus directement, ni l'inviter à entrer dans sa maison, pour qu'il ne soit pas obligé d'entrer dans la maison d'un non circoncis, même s'il s'agit d'un craignant Dieu. 

 

Chez Jean le contexte est très différent. Il s'agit d'un officier royal; et cela ne se passe pas à Capharnaüm, même si c'est là que se trouve et la résidence de l'officier et le malade, mais à Cana. 

 

Le titre même d'officier royal pose question, puisqu'à cette époque, il n'y avait pas de roi. Hérode le grand, était appelé le roi, mais pas ses fils. On peut penser qu'il était attaché à la cour d'Hérode, tétrarque comme le note Luc au début de son évangile, qui devait, si on reprend la décapitation de Jean, avoir une véritable cour. Certaines traductions disent "Seigneur de la cour", "officier du roi", "homme de cour", officier royal, ce qui est très différent de centurion de l'armée romaine. Si comme cela m'a été enseigné il y a fort longtemps, cet homme est un dignitaire de la cour d'Hérode, je peux aussi penser qu'il est juif et non païen, ce qui change quand même les choses. 

  

Par ailleurs, Jean prend le soin de dire que Jésus, après un bon accueil en Samarie (c'est ce qui suit la rencontre avec la Samaritaine au puits de Jacob Jn 4 1-42) et le fait que de nombreux Samaritains croient en lui après l'avoir entendu parler, se demande quel accueil il va recevoir en Galilée . 

 

Jean cite alors une phrase que Jésus a dite dans la synagogue de Nazareth: "Nul n'est prophète en son pays". Et si on fait le lien avec les synoptiques (ce qu'il ne faudrait peut-être pas faire), Jésus parle d'Elie et d'Élisée,  qui ont nourri pour l'un et guéri pour l'autre deux étrangers. Alors je me suis demandée, même si je ne suis pas sûre que ce type de typologie intéresse jean, si malgré tout ce dernier veut montrer que Jésus est bien un prophète, bien plus qu'un prophète. 

 

Je me suis demandée si on ne peut pas faire un parallèle entre ce qui s'est passé entre Elisée et Naaman le général syrien qui vient pour se faire guérir de la lèpre. Ce général est très déçu par le non accueil d'Élisée, qui ne vient pas à sa rencontre et qui lui fait dire de se plonger sept fois dans les eaux du Jourdain; et ce haut fonctionnaire royal, qui lui sachant que Jésus est à Cana, va l'attendre, lui demande avec instance de descendre chez lui à Capharnaüm, pour sauver son enfant qui est mourant (et je trouve que le verbe descendre, employé par trois fois, évoque aussi ce qui attend cet enfant si Jésus n'intervient pas); qui dans un premier temps se fait presque réprimander, et qui dans un deuxième temps retourne chez lui avec une parole, "ton fils est vivant", parole qu'il accepte comme vraie. Il pose là un acte de foi semblable à celui de Naaman (même si pour ce dernier, c'était un peu à son corps défendant). Et de même que Naaman, en retournant chez lui, proclamera que le seul Dieu, c'est le Dieu d'Israël, de même, cet homme et toute sa maison (qui peut être importante) croit en Jésus, c'est-à-dire reconnaît en lui celui qui donne la vie, le Sauveur. Et il croira lui et toute sa maison. 

 

On peut aussi penser que Cana, c'est un peu le miracle d'Elie qui se refait. Ce n'est plus de l'huile et de la farine qui se multiplient durant un temps, mais l'eau qui devient vin. 

 

Le prêtre qui commentait cet évangile a fait remarquer que lors du miracle de Cana, les serviteurs sont envoyés faire goûter ce qui a été prélevé dans les jarres, mais ils ne savent pas ce que l'eau est devenue du vin. De même, lui pense (peut-être contrairement à moi) que quand Jésus lui dit "va", il ne sait pas du tout si son fils est guéri ou non. De même qu'Abraham ne sait pas ce qui va advenir de lui, mais part; et c'est sa foi qui va permettre qu'il devienne le père des croyants. 

 

 

Lecture du texte en regroupant les versets. 

 

43 En ce temps-là, après avoir passé deux jours chez les Samaritains, Jésus partit de là pour la Galilée.

 44 – Lui-même avait témoigné qu’un prophète n’est pas considéré dans son propre pays. 

 

Intéressant, la durée. Deux jours chez les Samaritains, et quitter un endroit où il respecté et accueilli pour aller dans un ailleurs qui semble inquiétant. Mais ce sera aussi ce qui se passera pour les disciples, après le troisième jour (en fait bien après).

 

45 Il arriva donc en Galilée; les Galiléens lui firent bon accueil, car ils avaient vu tout ce qu’il avait fait à Jérusalem pendant la fête de la Pâque, puisqu’ils étaient allés eux aussi à cette fête. 

 

Une explication: si ça se passe bien avec ces habitants-là, c'est qu'ils connaissent Jésus et ont vu ce qu'il a fait pendant la fête de la Pâque. Est-ce qu'il s'agit des vendeurs chassés du Temple (peut-être que cela a réjoui pas mal de monde, ainsi que la manière dont Jésus ne se laisse pas faire par les anciens). 

 

46 Ainsi donc Jésus revint à Cana de Galilée, où il avait changé l’eau en vin. 

Jésus va quand même dans un lieu où il doit être bien accueilli après tout, n'a-t-il pas permis que la noce se termine bien et je peux penser que la famille du ou de la mariée peut lui faire bon accueil, à lui et à ses disciples..

 

Or il y avait un fonctionnaire royal, dont le fils était malade à Capharnaüm. 

47 Ayant appris que Jésus arrivait de Judée en Galilée, il alla le trouver ; il lui demandait de descendre à Capharnaüm pour guérir son fils qui était mourant. 

 

Et là, on nous parle d'un fonctionnaire royal (pas n'importe qui, un peu comme Naaman le général syrien). Si je fais un lien entre ce fonctionnaire royal, et Naaman le syrien, c'est que Jésus a dit que personne n'est prophète dans son pays, et que cette phrase aurait été prononcée à Nazareth, avec à l'appui les actions d'Elie et d'Elisée en faveur d'étrangers. Et je pensais que ce fonctionnaire de haut rang, aurait pu souhaiter que Jésus accède à sa demande, et le suive immédiatement à Capharnaüm. Un peu comme Naaman qui ne comprend pas que le prophète reste chez lui et se contente de lui donner un ordre: va te plonger sept fois dans les eaux du Jourdain. Là aussi, avec Jésus, il y a aura un "va". Et finalement l'un comme l'autre deviennent des croyants. 

 

Ce verbe descendre va être employé par trois fois. Le premier, c'est ce que le fonctionnaire royal désire: que Jésus accepte de ne pas rester à Cana, et donc fasse les 30 kms qui le sépare de Capharnaüm, dans l'urgence. Et il semble ne pas concevoir qu'on lui résiste. 

 

48 Jésus lui dit : « Si vous ne voyez pas de signes et de prodiges, vous ne croirez donc pas ! » 

49 Le fonctionnaire royal lui dit : « Seigneur, descends, avant que mon enfant ne meure ! » 

 

La phrase prononcée par Jésus semble donner un coup d'arrêt. Dans l'Exode il est question de voir des signes et des prodiges, et de rester avec le cœur endurci. Et cette réponse de Jésus semble avoir un impact. Car je peux imaginer que le ton sur lequel est fait la demande est totalement modifié. Ce n'est plus un ordre, c'est une demande, d'un père pour son fils; et non plus d'un officier à un homme qu'il pense être un guérisseur.

  

50 Jésus lui répond : « Va, ton fils est vivant. » L’homme crut à la parole que Jésus lui avait dite et il partit

51 Pendant qu’il descendait, ses serviteurs arrivèrent à sa rencontre et lui dirent que son enfant était vivant.

 

Comment entendre ce "va"?  Et peut-on le dissocier de l'affirmation, ton fils est vivant ce qui est somme toute beaucoup plus que "ton fils est guéri". 

 

La vie est revenue en cet enfant, Jésus a donné la vie à cet enfant pour que son père et toute la maison comprenne qu'en Jésus le Royaume est là, que la vie se donne en plénitude.

 

52 Il voulut savoir à quelle heure il s’était trouvé mieux. Ils lui dirent : « C’est hier, à la septième heure, (au début de l’après-midi), que la fièvre l’a quitté. »

53 Le père se rendit compte que c’était justement l’heure où Jésus lui avait dit : « Ton fils est vivant. » 

 

Jésus va rendre l'Esprit à la neuvième heure, même si ce n'est pas dans Jean. La septième heure, cela pourrait être six plus un, six la création de l'homme, sept, le renouveau du repos demandé par le Shabbat. Mais c'est bien la confirmation de l'efficacité de la parole de celui que Jean appelle le Verbe.

 

Alors il crut, lui, ainsi que tous les gens de sa maison.

 

Là, c'est une autre phrase qui fait choc en lui. La première c'est cette sorte de réprimande de Jésus, sur les signes et les prodiges, et là, c'est la confirmation de l'heure de la puissance de la Parole. On a besoin parfois de confirmation pour croire et c'est peut-être ce que le "alors" signifie.

 

54 Tel fut le second signe que Jésus accomplit lorsqu’il revint de Judée en Galilée.

 

Il y a eu deux signes. Le vin des noces, et la vie donnée. 

 

 

Le fonctionnaire royal raconte.

 

J'étais à Jérusalem après du roi Hérode. On m'a parlé d'un certain Jésus, un homme de Galilée, qui a eu le culot de chasser les vendeurs du temple, ce qui je dois le dire, m'a fait bien plaisir. J'ai entendu dire qu'il parlait beaucoup, qu'il ne se présentait pas comme un rabbi qui passe son temps à couper les cheveux en quatre, mais surtout qu'il était à l'écoute et qu'il était bon. 

 

En rentrant chez moi, à Capharnaüm, j'ai trouvé ma femme en larmes. Notre fils était brûlant de fièvre, rien n'arrivait à la faire baisser, il était comme un sac de chiffon dans son lit, trop faible même pour boire; la vie le quittait, il était en train de mourir. Personne ne savait que faire. Quelqu'un de ma maison m'a dit que Jésus était à Cana. Alors je suis parti en grande hâte pour le trouver, lui demander de venir chez moi, de descendre à Capharnaüm, pour donner la vie à mon fils. Il fallait que j'arrive avant qu'il n'ait quitté cette localité. Je me suis hâté, et l'inquiétude me rongeait.

 

En arrivant à Cana, j'ai vu qu'il n'était pas seul. Il avait ses disciples, mais aussi beaucoup d'autres personnes. On m'a raconté qu'il y a peu, il avait participé à une noce, et qu'à partir d'eau puisée dans les citernes il a procuré un vin d'une excellente qualité aux invités, qui allaient en manquer. Cela montre bien sa bonté et sa générosité.

 

 Alors je me suis approché de lui et je lui ai demandé de descendre chez moi à Capharnaüm, pour guérir mon fils mourant. J'étais très ému de le voir, de le rencontrer. 

 

Et là, il a eu une phrase rude, comme si j'étais à la recherche d'un geste magique. Il m'a dit: si vous ne voyez pas des signes et des miracles vous ne croirez donc pas. Qu'est ce qu'il veut dire par "croire"? 

 

Mais moi, bien sûr je ne désirais qu'une seule chose, qu'il quitte Cana au plus vite, que nous puissions descendre à Capharnaüm, nous hâter le plus possible, parce que les heures étaient comptées, qu'il entre chez moi, qu'il touche mon fils, qu'il le guérisse. Et puis, je suis habitué à ce qu'on ne me résiste pas. Et j'avais tellement peur qu'il refuse. 

Alors j'ai insisté, je lui ai dit "Seigneur descends avant que mon fils ne meure". Il y a eu un silence; je pensais qu'il allait se mettre en route, m'accompagner; Il m'a dit "va, ton fils est vivant!" Et il avait un tel ton que je l'ai cru. Mais c'était quand même difficile à imaginer; et j'ai pris la route. 

 

Et pourtant, au fil des heures, je sentais que mon fils était vivant. Mais que la route me semblait longue! J'ai marché toute la nuit.

 

Au petit matin, des gens de ma maison sont venus à ma rencontre. Ils m'ont dit que mon fils était vivant. Je leur ai demandé à quelle heure la guérison avait eu lieu. Ils m'ont dit à la septième heure, et c'était l'heure à laquelle Jésus m'avait dit que l'enfant était sauvé. La même heure. Et là, moi l'officier, moi qui finalement ne croit plus en grand-chose, j'ai cru en cet homme. 

 

Sa parole avait été comme celle du Très Haut., qui ne revient pas sans avoir accompli ce qu'elle a dit.  Sa parole avait agi. Sa parole avait fait. Mon fils était dans la vie. La mort avait été vaincue. Que le Très Haut soit Béni de nous avoir envoyé un tel homme sur notre terre!

 

Je suis arrivé chez moi, j'ai raconté à toute ma maison ce qui venait d'arriver et tous nous avons cru que cet homme avait les paroles qui donnent la vie, les paroles de la vie éternelle.

 

 

 

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