dimanche, juillet 28, 2013

Les paraboles du Royaume, Matthieu 13, Suite


La parabole de l’ivraie.

Cette parabole dont nous avons si l’on peut dire l’explication puisque Jésus la donne spontanément, est pour moi encore plus difficile que la parabole du semeur, car il s’agit de la question du mal et aussi du jugement dernier. C’est donc une parabole déjà eschatologique, comme celle des 10 jeunes filles, des invités à la noce etc.

Que dit donc cette parabole quand Jésus la raconte à la foule? 

Tout d’abord il est question du « royaume de Dieu » qui est comparé à un champ dans le quel un homme a semé du bon grain. S’il s’agit du royaume est ce que le semeur est  Dieu ? Est ce que le champ est la terre, ou est ce que le champ est l’âme ? S'il s'agit de la terre, cela renvoie une création parfaite  conforme au texte de la genèse. Dans tous les cas la perfection renvoie à la création en Genèse 2. On reprend l’image de la parabole précédente du semeur. Ce semeur là sème dans la bonne terre, et il sème du bon grain. Ayant fait cela, toujours comme dans le Genèse, il se repose.

On dit souvent dans les évangiles que la nuit est comme le symbole des ténèbres, du mal. Il faut veiller durant ce temps là pour que l’ennemi ne vienne pas percer les murs de votre maison, ou réinvestir votre demeure. Jésus a d’ailleurs dans le chapitre précédent parlé du trop de confiance de l’homme délivré d’un démon et qui se retrouve à nouveau possédé par 7 autres (Mt, 13,40). Le sommeil qui est abandon de la vigilance n’est pas une bonne chose. Pour nous, cela évoque  aussi à ce que Jésus dira dans d’autres paraboles : veillez car vous ne savez ni le jour ni l’heure. 

Bref l’ennemi en profite pour semer de l’ivraie (qui signifie zizanie dit-on) en douce quand tout le monde dort. Celui qui fait cela pense que toute la récolte sera gâchée. Si personne ne s’en aperçoit, le pain qui serait fabriqué avec cette récolte sera mauvais, car l’ivraie est toxique et provoque chez l’homme des états d’ébriété proches de l’ivresse, d’où le nom de cette graminée.

Quand l’herbe eut poussée et produit des épis de blé (chaque herbe produira selon sa semence dit Dieu dans Genèse 2) et des épis d’ivraie, les serviteurs posent une question étonnante au maître, (or c’est bien une question que nous posons souvent à Dieu, quand nous ne comprenons plus ce qui se passe : « Est-ce que c’est toi qui t’es planté (trompé) et qui a fait cela. Ou encore « Est-ce toi qui est l’auteur de ce mal ?». La réponse du maître (donc du Fils de l’homme) est sans équivoque : "c’est un ennemi qui a fait cela", ce qui renvoie à  une notion de combat. Il est donc question du mal. 

Les serviteurs proposent une solution : puisque l’on peut faire la différence entre les deux plantes, alors arrachons la mauvaise herbe. Cela c’est un comportement très humain, auquel le maître répond en changeant de perspective (et cela c’est souvent ce que fait Jésus) : attendre que la moisson soit là et séparer ensuite l’ivraie du blé, brûler l’ivraie et mettre le blé dans le grenier.

Peut être que l’intérêt de la parabole, c’est de rappeler que le royaume ne se créera pas comme ça, que beaucoup n’en veulent pas (ce que vit Jésus dans son quotidien), mais qu’une justice existe et que le mal sera mis dehors. L'ivraie cela peut être aussi ce doute que les pharisiens sèment sans cesse dans le coeur des disciples, en voulant leur faire croire que Jésus est fils de Beelzébul, qu'il est possédé. Introduire le doute (la zizanie, autre sens  du mot ivraie) c'est bien faire l'oeuvre du Satan dans Genèse 3 et conduire l'homme à une sorte de folie (ivresse) où Dieu n'a plus sa place. 

Quant à l’explication que Jésus donne spontanément, elle est de l’ordre de l’eschatologie, ce à quoi les disciples ne s’attendaient peut être pas. Il est question de Lui, du monde (le champ), du bon grain (les disciples qui sont les sujets du royaume, qui reconnaissent Jésus comme fils), de l’ivraie (les sujets du Malin), de l’ennemi qui est le diable, de la moisson qui est la fin du monde, des anges qui sont les moissonneurs et qui feront le tri (ce qui renvoie un peu à Matthieu 25, où le tri se fait entre ceux qui ont reconnu le fils en chaque être humain si malheureux soit il, et les autres qui n’ont pas ouvert les yeux). La finale annonce d’autres finales: "les pleurs et les grincements de dents". Or dans les évangiles bien souvent les pharisiens grincent des dents quand Jésus fait ou dit quelque chose qui ne leur paraît pas conforme à leur Loi.

Alors que dire de cette parabole ? Le monde est ce qu’il est, il y a des bons et des mauvais, et un jour, ceux qui ont voulu empêcher la croissance du royaume, en pratiquant l’iniquité, ou qui ont été cause de chute (scandale) seront jetés dans le feu éternel alors que les autres brilleront d’un feu intérieur qui les fera resplendir. On peut dire que le bien finira par gagner. 

Bon, d'accord, c'est ce qu'une certaine lecture de ce texte peut me dire, seulement voilà, cela me laisse sur ma faim. 

Alors une petite voix en moi, me dit, et alors, tu en fais quoi de cette histoire ? Que les méchants aillent rôtir en enfer?  Cela te dit qu’il y a une justice, mais cette justice est celle de Dieu et ses critères ne sont pas tes critères, et puis l’enfer ce n’est pas ton truc.

Et puis une autre petite voix me dit : ne la remâche pas trop cette parabole, parce que tu risques de devenir ivre, puisque l’ivraie est une herbe toxique qui provoque chez l’homme des effets comparables à l’ivresse. Seulement voilà, j'aime bien remâcher pour que le texte me parle. et là, même si j'ai pu faire des liens avec le livre de la Genèse, cela ne me suffit pas.   

Et puis, il y a ces homélies déjà entendues qui disent que le champ c’est l’âme, et que en chacun d’entre nous, il y a du bon et du mauvais et qu’il nous faut nous regarder sans complaisance et arracher le mauvais (ce qui justement est déconseillé dans la parabole). Car finalement c’est peut être cela qui est le plus difficile : discerner ce qui est bon et ce qui ne l’est pas.

Si l’on regarde des photos de l’ivraie et des photos du blé, certes quand l’épi se forme il y a une différence. Il faut donc être attentif car quand tout est arrivé à maturité, la différence est beaucoup moins visible.


épis d'ivraie
épis d'ivraie à maturité
épis de blés et d'ivraie


 Plusieurs pistes me sont quand même apparues.

La première, c’est que l’ennemi si malin qu’il soit n’est pas arrivé à gâter toute la moisson. Certes le mal existe, mais il n’est pas vainqueur.

La seconde c’est que parfois "le mieux est l’ennemi du bien". Quand les serviteurs se rendent compte du malheur qui est arrivé à leur plantation, leur solution est d’arracher les plants toxiques, alors que ce qui leur est demandé c’est d’attendre, car arracher le toxique c’est prendre le risque d’arracher le blé. Il faut parfois ne pas se jeter tête baissée dans quelque chose, mais prendre du temps, prendre son temps. . Et je pense que cela est important.

Et puis surtout, finalement les deux épis se ressemblent beaucoup et il faut apprendre à discerner l'un et l'autre. or comme Jésus le dira nous avons tendance à voir la poutre du voisin et pas la paille qui est chez nous. Du mal il y en a, comme du bon il y en a. 

Il faut parfois être très patient avec soi même (et aussi avec ceux qui sont sur notre chemin) pour trouver le bon moment pour éradiquer le mal dont nous prenons conscience. Il y a des amputations qui provoquent des douleurs dites membre fantôme. Ce n’est pas parce que nous voulons arracher ce qui nous paraît mauvais en nous, que nous faisons forcément ce qu’il y a de mieux. Pour pouvoir déraciner, il faut parfois s’y prendre à plusieurs reprises, et ne pas léser ce qui est sain. 

Et finalement si ce sont les anges qui font la moisson, peut être faut il ne pas nous prendre nous pour des anges exterminateurs... Laissons leur faire leur travail qui n'est pas le notre. 

Finalement aujourd'hui cette parabole m'enseigne une certaine patience envers moi-même. Le mal ne s'arrache pas, il nécessite une attention permanente pour qu'il n'envahisse pas tout le champ, mais il est là, et il faut d'une certaine manière faire avec, jusqu'à ce que quelqu'un le brûle, le détruise et cela je pense que dès aujourd'hui c'est possible, mais pas avec mes forces, mais avec celles de l'Esprit Saint si je le laisse brûler en moi. Et malgré tout même si on parle de la douce chaleur de l'Esprit, il n'en demeure pas moins que le feu ça brûle. 

samedi, juillet 27, 2013

Les Paraboles du royaume. Matthieu 13.


I La parabole du semeur. Mat 13, 1-21




Ces paraboles, nous les connaissons presque par cœur, et pourtant je continue à avoir du mal à les faire miennes, à en faire du miel.
Prenons la première, celle du semeur. Si on ne connaît pas l’explication, qu’entend-on? On nous parle d’un semeur, donc de quelqu’un dont c’est le métier de semer, on va dire un paysan, un homme de la terre. Ce semeur, il sème un peu partout, et là c’est bizarre quand même, s’il connaît son métier: il perd sa semence, il perd la graine.

Qu’espère-t-il en semant au bord du chemin? Je ne sais pas comment étaient les bords des chemins en Palestine du temps de Jésus, mais on peut supposer que la terre est tassée par les passage, bien trop dure pour que la graine puisse s’enfouir, alors elle reste en surface et elle nourrit les oiseaux du ciel.

Qu’espère-t-il en semant dans les pierres, même si ces pierres retiennent dans leur creux un peu de terre ? Que la graine s’enracine ? Mais pourtant il voit bien qu'il n'y a pas assez de terre.  Alors il va avoir des espérances, ça va lever un peu; on ressent même sa désillusion quand il voit le petit épi se dessécher sous la chaleur du soleil. Ne fallait il pas commencer par enlever les pierres, en admettant qu’il s’agissait seulement d’un terrain pierreux et non pas d’une rocaille ?

Qu’espère-t-il en semant dans les ronces et les épines ? Là en dessous il y a de la terre, donc une partie pourra s’enfouir, pousser, mais les ronces elles aussi vont pousser, empêcher le soleil de passer et les plants faute de lumière vont péricliter. On peut même voir une sorte de combat entre la plante qui veut vivre et la ronce qui veut l’étouffer. Alors là encore pourquoi? Ne fallait il pas commencer par enlever les ronces?

Qu’espère-t-il en semant dans la bonne terre, si celle ci donne des rendements si différents? Là il va pouvoir récolter, engranger et faire son pain pour lui et pour les autres.

Quant à la finale : que celui a des oreilles pour entendre qu’il entende, c’est peut être là que se trouve ce que certains appellent la « pointe de la parabole ». 

Il faut comprendre que la graine c’est la parole dite. Mais si l’on se réfère au chapitre précédent, Jésus qui a fait des miracles le jour du Sabbat, est déjà condamné à mort par les pharisiens. Pratiquement tout le chapitre 12 montre comment le ton monte entre les tenants de la Loi et Jésus. Et le premier différent rapporté par Matthieu c’est au sujet des épis arrachés. Les disciples se nourrissent de ces épis. Ces épis ne sont ils pas la la parole de leur maître? S’ils s’en nourrissent ils pourront un jour à leur tour répandre la parole. Seulement les pharisiens restent à la surface: interdit d’arracher quelque chose un jour de sabbat. Alors peut être sont ils « le bord du chemin », trop dur pour que la graine fasse autre chose que rebondir. 

 Bref, pas simple, si on reste au début du chapitre, de comprendre que le semeur c’est Jésus envoyé par son Père, pour jeter la parole. Et là si on repense à la scène, Jésus est dans une barque et sa parole est lancée de la mer vers la terre, pour être entendue de tous. 

Quant à la suite elle est déconcertante. On a déjà l’impression que les paraboles les disciples n’aiment pas ça (les miracles c’est quand même beaucoup mieux, parce que le Maître montre sa puissance) parce qu’ils ne comprennent rien. Eux aussi ont les oreilles bouchées. Et pourtant Jésus leur dit qu’il y a une différence entre eux les disciples et les autres, la foule. Eux, ils ont tout quitté et certainement leurs certitudes, alors ils sont ouverts et seront dans l’abondance (l’explication est pour eux), alors que les pharisiens, car je pense que c’est surtout d’eux qu’il s’agit, pensent avoir, posséder, et du coup ils vont tout perdre, même s’ils ne s’en rendent pas compte.

Puis Jésus cite un texte d’Isaïe qui renforce la finale de ce qu’il a dit à la foule : « entende qui a des oreilles ». Or entendre et comprendre n’est pas facile.

Il s’agit d’un texte du premier Isaïe, Is 6, 10. Isaïe vient d’être choisi comme prophète et son premier travail est de dire au peuple qu’il écoute mais n’entend pas, qu’il regarde mais ne voit pas (ici on peut penser aux idoles dont on dit qu’elles ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas), et que le prophète doit les empêcher de discerner jusqu’à ce qu’une catastrophe (liée en grande partie au fait de se détourner du vrai Dieu) leur ouvre enfin le cœur et que leur cœur se convertisse.

Les disciples avant l’explication ont droit à une béatitude : mais vous heureux vos yeux parce qu’ils voient (ce qui évoque ce qui un jour sera dit à Thomas), et vos oreilles parce qu’elles entendent.
Quant à l’explication nous la connaissons tellement que d’une certaine manière elle parasite l’écoute de la parabole, puisque le sens nous a déjà été révélé.

Mais même là ne serait il pas possible de dire aujourd’hui les choses autrement ?

La graine semée sur le chemin est expliquée comme tombant dans le cœur d’un homme qui a entendu, sans plus. N’a-t-il pas pensé cet homme: Oh il parle rudement bien ce type là, il est intéressant, mais moi, bof… (œuvre du diable). Ce qui pourrait encore se dire : cause toujours…

Le grain semé dans les pierres serait le grain qui tomberait dans un cœur qui voudrait bien, qui se réjouit, mais qui n’a pas bâti sa maison sur le roc, mais sur le sable. Je sais bien que le roc ou les pierres ce n'est pas la même chose, mais c'était tentant de faire le rapprochement. Alors le découragement est vite là. C’est le «  « y en a marre »…

Le grain semé dans les épines, serait entendu dans le cœur. Au début il y a de la bonne volonté, mais il y aurait trop à changer. Cela sera comme développé dans la rencontre avec le jeune homme riche, celui qui avait de grands biens. Ce serait "moi j'ai des responsabilité Monsieur, ce que vous dites c'est très beau, j'aime bien mais soyez un peu réaliste..."

Quand au grain semé dans la bonne terre, là les disciples ont dû se réjouir, car ils sont la bonne terre.

Alors nous là dedans, puisque c’est censé être un texte actuel ? 

Il y a surement en nous des endroits où la parole ne fait que rebondir, d’autres où elle germe un peu et s’étiole, d’autres où elle est étouffée par les soucis et d’autres où elle prend racine. Le difficile est d’identifier ces lieux, et de demander à l’Esprit Saint non pas de nous culpabiliser de ne pas être que de la bonne terre, mais peut être de labourer ce qui est sec, ce qui est pierreux, ce qui est envahi de ronces pour que la mauvaise terre se transforme petit à petit en bonne terre. 

A suivre....car des paraboles il y en a d'autres.

jeudi, juillet 25, 2013

"Ce trésor vous le portez dans des vases d'argile" 1 Cor 4,7

En réfléchissant ce matin à ce verset sur lequel on a énormément écrit, j'ai commencé par me demander de quel trésor il s'agit.. Là je dirai que pour chacun c'est différent, mais il s'agit de porter quelque chose ou quelqu'un (une parole, un geste, une image, un souffle, un feu, ) qui possède une extrême valeur. J'ai eu longtemps une lampe en terre cuite et cette lampe en tant que telle était une sorte de porte lumière et donc elle portait un trésor.

Après j'ai pensé au mot argile, qui ne me gêne pas, parce que l'homme étant tiré de la glaise, il est de l'argile. L'important étant qu'il se laisse travailler par le potier pour que la glaise prenne forme et devienne vase, car finalement c'est ce mot là qui est devenu pour moi le mot important.

Un vase (et la porcelaine est une sorte de glaise particulière) bien travaillé peut avoir une jolie forme et surtout il est là pour mettre en valeur le bouquet qu'il porte. Il est là aussi pour que le bouquet dure puisqu'il contient l'eau. Alors être le vase c'est permettre à ce que demeure en soi son trésor et le montrer aux autres. Et quand le bouquet est très beau, on ne regarde plus le vase, on regarde le bouquet.

Puis ma pensée est partie sur autre chose: l'argile c'est aussi d'une certaine manière un symbole de pauvreté. Dans nos églises, on ne compte plus les objets en or travaillés qui ont été créés pour recevoir ces éléments si simples que sont le pain et le vin.

Je pensais à la pauvreté de ce que nous sommes.

Et à Charles de Foucauld le petit frère des pauvres. Et pour moi, il est réellement devenu petit frère des pauvres quand il est tombé gravement malade et qu'il a été soigné et guéri par ceux qui étaient pour lui les pauvres. La pauvreté ce n'est pas ne pas avoir, c'est nous qui décidons finalement qui est pauvre et que ne l'est pas, avec nos critères de nantis (là je parle pour moi). La pauvreté c'est peut être la suffisance, quand on s'imagine savoir, connaître, comprendre et que du coup on se ferme.

Devenir frère des pauvres, cela veut dire non pas donner ce qui est en soi (même si c'est déjà beaucoup), non, c'est accepter de recevoir totalement ce qu'ils ont à nous donner, c'est en quelque sorte devenir dépendant. La maladie a rendu Charles de Foucauld dépendant, et là il est devenu frère. Devenir frère ou soeur de ceux que nous essayons d'aider n'est donc pas si facile, car la dépendance ce n'est pas forcément quelque chose que nous aimons.

Finalement quand Jésus dit (finale de l'évangile d'aujourd'hui Mat 20,28):" Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir", c'est  peut être aussi cela: accepter d'être dépendant de l'autre, de ne pas suivre son chemin mais d'accepter d'aller là où l'autre veut aller.

lundi, juillet 22, 2013

Marie-Madeleine "Au voleur!" Jn 20, 1-2,11- 18

"Au Voleur!": réflexions à partir de l'évangile proposé ce 22 juillet pour la fête de Marie-Madeleine. 

En relisant cet évangile de Jean, proposé à juste titre pour la fête de Marie-Madeleine, j'ai été frappée par la réaction de Marie quand elle arrive tôt le matin au tombeau dans lequel Jésus a été déposé. Je peux l'imaginer ayant passé toute cette fête et ce sabbat pascal à ronger son frein, à attendre que les premières étoiles du matin nouveau apparaissent enfin. 

Et puis peut être que ce tombeau qui réalise la prophétie du prophète Isaïe (Is 53,9: On a mis chez les méchants son sépulcre, chez les riches son tombeau), n'est pas le tombeau définitif et puis même si les hommes ont mis autour du corps ce qu'il fallait, c'est sûr que cela n'a pas été fait, comme elle l'aurait fait elle. 

Elle voit que la pierre a été roulée, et sa réaction est immédiate: il y a eu vol, on a volé le corps de "son Seigneur", de celui qu'elle aime plus que sa vie. Elle ne crie pas, mais elle file voir les chefs du groupe: Pierre et Jean. Elle ne dit pas: on a volé, mais on a enlevé le corps, ce qui revient au même. 

On connaît la réaction des disciples, qui entrent dans le sépulcre alors que Marie prise par son idée fixe du vol n'est même pas entrée pour voir ce qui est arrivé. Ils  constatent le vol, mais pour l'un, Jean, cela est ouverture de yeux: le Seigneur est redevenu vivant, on ne l'a pas volé, Il est parti; pour l'autre Pierre, on ne sait pas trop. 

Eux partis, Marie se risque à entrer dans le tombeau. Elle est tellement dans son idée, celle du vol, que à travers se larmes elle voit sans les voir deux hommes qui lui parlent. Le tombeau n'est pas vide, mais cela ne change rien pour elle, elle elle veut "son corps",le corps du "Seigneur son Maître" comme elle va le leur dire et pour cela elle est prête à tout pour le récupérer, quitte à ameuter toute la ville. 

C'est alors que toujours à travers ses larmes, elle entrevoit un homme, qui est près du tombeau. Cet homme je doute fort qu'il soit vêtu de blanc comme sur les représentations que nous en avons, car si Marie le prend pour jardinier, même si elle lui donne du "Seigneur", c'est qu'il est vêtu comme un tout à chacun. D'ailleurs la tunique de Jésus a été jouée aux dés et ses vêtements partagés par les soldats. 

Cet homme lui repose la question déjà posée sur le "pourquoi des larmes" mais il va plus loin, il sait bien que pour Marie la disparition est un vol alors il demande: "qui cherches-tu" ce qui est quand même curieux dans un cimetière. Et là un peu d'espoir pour elle. Peut -être sait il où est le corps parce que c'est cela qui compte pour elle, le récupérer, le prendre, le laver, comme elle a déjà lavé ses pieds il n'y a pas si longtemps, le parfumer, en faire "sa chose". Et elle, la faible femme, elle se voit porter un corps pour "le reprendre". 

C'est là que les choses se dénouent enfin, pour nous qui savons qui est le "Jardinier": il l'appelle par son prénom et le son de la voix la fait sortir enfin de cet espèce de rêve éveillé  dont elle n'arrive pas à sortir: celui du vol. Car le tombeau ouvert aurait pu évoquer pour elle la résurrection de son frère Lazare, mais non, le vol a été sa première idée et impossible d'en démordre.

Alors ça y est, elle l'a retrouvé son aimé et elle le tient enfin. Mais là Jésus introduit son Père dans cette relation duelle, et cela c'est je pense l'important pour que Marie puisse "lâcher le corps retrouvé", pour qu'elle entre dans une autre relation avec Jésus qui n'est plus "son" Jésus mais celui qui lui donne une mission, être en quelque sorte son porte-parole. Non,  Jésus n'a pas été volé, il n'a pas été enlevé, il est parti vers Son Dieu pour que Son Dieu (son Père) devienne notre Dieu (notre Père). 

Je crois que dans toute vie spirituelle, il y a des espèces de cycles dans notre relation avec Jésus. Le risque est toujours immense de s'approprier la personne de Jésus, de nouer avec Lui un lien certes privilégié (comme nous avons pu en avoir avec certains membres de nos familles, avec certains amis), mais qui parfois bascule sans que nous nous en rendions compte dans la possession.

Cela se fait doucement, imperceptiblement. Et d'une certaine manière cela finit par mettre Jésus dans une sorte de tombeau. Il est devenu notre propriété. 

Alors arrive un jour où l'on est comme perdu, parce que "ce" Jésus là, on l'a perdu, on nous l'a volé. Et tout un travail peut et doit alors se faire pour que nous comprenions que le lien devait être coupé (et cela c'est le travail de l'esprit Saint qui oeuvre à cela), parce que petit à petit il s'était perverti.

Le Seigneur ne nous appartient pas, c'est nous qui lui appartenons et c'est différent. A certains moments, nous crions aussi "Au voleur", parce qu'il n'est plus là où nous croyons qu'il était, mais ça ne sert à rien. Il n'a pas été volé, il ne nous a pas été enlevé. Il est "ailleurs" parce que nous ne pouvons pas le "retenir". 

Quand à nouveau nous le reconnaissons et acceptons qu'Il est d'abord "Le Fils", alors un nouveau lien se crée, un véritable lien où nous pouvons nous laisser aimer par Lui, à sa manière à Lui et pas à la nôtre. 

Je pense aujourd'hui que toute la vie spirituelle est une sorte de combat où des liens qui étaient à un certain moment de bonne qualité se sont pervertis (rigidifiés, épaissis) et qu'ils doivent être coupés pour pouvoir être remplacés par d'autres qui seront peut être un jour eux aussi coupés et remplacés. Nous ne sommes pas les possesseurs de Dieu (Père, Fils Esprit); c'est nous qui devenons la demeure, ce qui est bien différent. Quand Jésus dit à la Samaritaine (Jn4,14) "qu'il est la source d'eau jaillissante en vie éternelle", c'est peut être cela qu'il exprime aussi autrement: une source, on ne peut pas la retenir et c'est pour cela qu'elle irrigue tout autour d'elle.


samedi, juillet 20, 2013

Récit de la sortie d'Egypte: Exode 12,37-42


La sortie d’Egypte ou l’histoire d’une « expulsion ».

En réfléchissant ce matin à ce texte, il m'est venu l'idée, en reprenant certains mots employés par le rédacteur, que la sortie de la terre d'Egypte peut se comprendre comme l'histoire d'une expulsion. Et de là m'est venue l'image de la naissance, car la mise au monde d'un être humain se fait bien par une expulsion. Les mots qui m'ont servi de support ont été: la ville de Ramsès, les troupeaux de boeufs, "chassés d' Egypte", la durée du séjour et enfin les armées du Seigneur. 

Quand on vit plus de quatre siècles sur une terre, elle devient la vôtre, surtout quand votre terre d'origine (celle de Jacob) ne vous appartenait pas quand vous l'avez quittée. Même si vous ne prenez pas toutes les coutumes des habitants, il est bien évident que c'est là où vous vous sentez chez vous. Alors quitter cette terre, même si depuis une génération la vie y est devenue insupportable, n'est pas facile. Il est bien possible, quand on lit les difficultés rencontrées par Moïse par la suite, que cette expulsion ait été vécue comme un traumatisme, et qu’il ait fallu bien du temps aux exilés (car pour beaucoup quitter une terre sur laquelle on a vécu plus de 4 siècles est certainement un exil) pour admettre la réalité et s’en remettre.

La sortie de la terre d’Egypte peut s’entendre comme un combat entre deux Dieux, le Dieu Unique qui sera un Dieu qui sauve de l’esclavage, et Pharaon qui représente les Dieux de la terre d’Egypte qui veulent garder pour eux tout un peuple, le soumettre pour en faire leur objet. On peut comprendre alors le passage de la Mer rouge comme l’ultime tentative du Dieu du mal (l'Egypte) pour reprendre le contrôle de celui qui lui échappe. Sa mise à mort signe la victoire du Dieu d’Israël et fait d'Israël un peuple libre, mais qui aura bien du mal à assumer cette liberté.

      La première réflexion qui m’est venue est liée au nom de la ville d'où partent les Hébreux pour aller dans le désert : Ramsès. Cette ville qui porte le nom du pharaon doit être une ville dédiée à sa gloire, à sa puissance, à sa divinité. Ils y étaient réduits à faire des briques. Les briques, cela évoque dans le livre de la Genèse la construction de la tour de Babel. Les hommes parlaient une seule langue, "briquetaient", et comme l'explique André Wénin étaient soumis à un régime totalitaire, ce qui était bien le cas des Hébreux. Maintenant si on admet les thèses de Joseph Davidovits(1), qui démontre que Joseph était le détenteur d'un secret permettant de fabriquer des ciments et des citernes qui ne fuyaient pas, quelle déchéance que de finir en faisant des briques avec de la paille!

Ramsès veut avoir une ville (ce qui remplace la Tour de Babel) qui sera le symbole de sa force, de sa grandeur, et en tant que Pharaon n’est-il pas un Dieu? Quand Moïse lui demande de donner trois jours de repos à son peuple pour aller dans le désert à la rencontre de leur Dieu, ne s’agit il pas déjà de faire comprendre à Pharaon qu’il n’est pas un Dieu ? Ceci explique alors le refus opposé à ce départ: ils ne reviendront pas, je perdrais mes esclaves; et je ne serai plus leur Dieu. Quitter la terre d’Egypte c’est bien sortir du joug humain.

     La seconde c’est le troupeau qui accompagne le peuple. Partir dans le désert avec des moutons et des bœufs en quantité, quand on sait que le bœuf est quand même le représentant de l’Egypte (le bœuf Apis) il me semble que ce n’est pas rien. Ils prennent en otage le Dieu porteur du soleil entre ses cornes. 

Et de là est venue l'image d’un combat des Dieux, Dieu d’Israël et Pharaon, qui à lui seul est tous les Dieux « mauvais », qui veut ce grand peuple pour lui tout seul, pour le garder à son service, pour en faire son esclave.

     La troisième idée est liée au mot « chassés » - sans avoir eu le temps de faire des provisions sauf des galettes sans levain (du moins la pâte); mais n'oublions pas que dans un autre texte il est rapporté que les voisins des Hébreux leur donnent de l'or et des bijoux au moment où ils quittent le pays, ce qui modère un peu le misérabilisme (Ex 11, 12 et Ex 12, 35)
Avant eux, le livre de la Genèse dit d’Adam et d’Eve qu’ils ont été « chassés » du paradis terrestre. Peut être que l’auteur du livre de l’Exode, au fond de lui, considère l’Egypte comme un paradis dont le peuple a été expulsé (mais sans avoir rien fait de mal puisque ce n’est pas lui a provoqué le dernier fléau) et que au fond de lui restera le souvenir d’un « utérus » où il pouvait recevoir de la nourriture, en oubliant l’esclavage…

On note aussi cette foule disparate qui l’accompagne. Espèrent-ils que la fête pour leur Dieu va se transformer en méchoui géant (avec les moutons), ou bien s’agit il d’autres habitants de la ville qui aimeraient profiter de ce départ pour quitter le pays ?

     Enfin la dernière idée qui m’est venue est liée au texte lu le jour précédent Ex 11,10.12,1-14, qui est le récit du sacrifice de l’agneau « pascal », du sang mis sur les linteaux, et de la mise à mort des premiers nés d'Egypte: on pourrait dire qu'une naissance se fait dans le sang, le sang de la mère.

Le sang des premiers-nés est le signe que le travail est commencé et que l’expulsion est proche. Il a fallu la mort de tous ces fils pour que le peuple naisse à la liberté et apprenne aussi petit à petit à connaître Celui qui avait provoqué l’expulsion. La mort de tous a permis la  naissance d’un seul. 

Pour nous il en va autrement : c’est la mort du Fils (un seul), l’Agneau, qui par le sang répandu (comme jadis le sang sur le linteau des portes) donne la vie à tous. Sa mort est notre mise au monde.

Si on regarde l'Egypte comme la terre maternelle du peuple, les difficultés de Moïse se comprennent mieux, car refaire le cheminement d'Abraham, tout quitter sur la foi d'une promesse n'est jamais facile quand on sait ce que l'on a laissé derrière soi.

(1)La Bible avait raison, tome 1, L’archéologie révèle l’existence des Hébreux en Égypte, éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2005 (ISBN 2-86553-182-1).

vendredi, juillet 19, 2013

"Les épis arrachés un jour de sabbat" Matthieu 12, 1-8

C'est un épisode bien connu, mais qui reste difficile. On sait que cela se passe un jour de Sabbat, mais on n'a pas la moindre idée de l'heure, sauf que les disciples ont faim et que manifestement personne ne les a invité à "casser la croûte", on sait qu'ils sont en dehors du village (je dis village parce qu'il y a des champs de blé qui doivent être un peu en dehors), et curieusement il y a des pharisiens. D'accord c'est un jour de Sabbat, ils ne doivent pas travailler, mais est ce que épier son prochain n'est pas travailler à faire le mal? C'est d'ailleurs ce que Jésus va essayer de leur faire entendre à la fin du texte: "c'est la miséricorde que je désire et non les sacrifices".

Mais ce qui m'interroge dans ce texte c'est la question des pharisiens sur les épis de blés "arrachés" par les disciples qui ont faim. En fait je me demande s'ils ne sont pas aussi à compter le nombre de pas que Jésus a fait et s'apprête à faire (et donc à entraîner ses disciples avec lui) et que comme ils n'osent pas l'attaquer directement ils s'en prennent aux disciples. Car si on (je) ne sait pas comment se déroulait un sabbat du temps de Jésus, on sait que le nombre de pas ne devait excéder 2000 et donc voir Jésus déambuler dans les champs peut tout à fait indiquer que cette prescription là n'est pas importante pour lui, puisque son but et d'annoncer la parole, de la semer. Mais comme les pharisiens ne sont pas surs d'eux, ils s'en prennent aux disciples en accusant jésus d'être un mauvais maître en les laissant transgresser les prescriptions de la Tora.;

Il est bien évident qu'il y a une différence entre moissonner les épis et arracher les épis pour simplement les manger (ce qui nourrit certes, mais qui ne vaut pas un morceau de pain). Car la réponse de Jésus renvoie au pain, ce pain que David a pris pour lui (et non pour ses hommes contrairement à ce que Jésus affirme 1 Sam 21, 4), pain consacré, comme un jour les grains de blé moulus et transformés en pain seront le signe de sa présence.

Seul celui qui deviendra nourriture peut dire "il y a ici plus que le temple", mais cela les pharisiens ne peuvent l'admettre.

mercredi, juillet 17, 2013

"Quand Jésus invective" Mt11,28

J'ai toujours franchement détesté ces versets du chapitre 11 où Jésus invective les villes de Galilée: Mat 11, 20 "Alors il se mit à invectiver contre les villes où avaient eu lieu la plupart de ses miracles, parce qu'elles ne s'étaient pas converties. 21« Malheureuse es-tu, Chorazin ! Malheureuse es-tu, Bethsaïda ! Car si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que, sous le sac et la cendre, elles se seraient converties. 22Oui, je vous le déclare, au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées avec moins de rigueur que vous.23Et toi, Capharnaüm,seras-tu élevée jusqu'au ciel ? Tu descendras jusqu'au séjour des morts !Car si les miracles qui ont eu lieu chez toi avaient eu lieu à Sodome, elle subsisterait encore aujourd'hui.24Aussi bien, je vous le déclare, au jour du jugement, le pays de Sodome sera traité avec moins de rigueur que toi. »

Peut-être voulait il faire réagir ses auditeurs avant de partir sous d'autres cieux (Jérusalem), mais ces versets je ne les aime pas. Est ce si facile de "se" convertir? Comme ils ont été lus récemment, je me suis demandée ce qui me gênait tant.

 La première chose qui est venue c'est que je n'aime pas quand Jésus est brutal comme l'étaient les un prophètes, que ce soir Jérémie ou Isaïe. Prédire la destruction alors qu'il est venue annoncer la vie, cela me dérange. Et de plus cela me semble antinomique  avec la phrase qu'il dit de lui-même: "je suis doux et humble de coeur". Pourtant être doux de de coeur ne veut pas dire être lénifiant.

La deuxième chose que je n'aime pas c'est la destruction. La vision d'une ville détruite m'est insupportable.  Et puis il s'agit de destruction, à la fois au sens propre (la ville) mais aussi au figuré: les habitants qui descendent en enfer (damnation éternelle). Et cela je n'aime pas non plus. Surtout que c'est tout le monde, sans distinction aucune.

Enfin c'est la notion de peur: "voilà ce qui va vous arriver si..."

Peut-être que dans le récit mathéen puisqu'on est quand même relativement au début de la prédication, Jésus espère t il encore "sauver" son peuple à la suite du travail de Jean le Baptiste. Peut être faudra t il que ces échecs relatifs, ces épreuves si on peut dire, lui permettront de comprendre que seule sa destruction à lui permettra la conversion. La première annonce de la passion dans ce récit intervient au chapitre 17, c'est à dire pratiquement au 2/3 du récit, c'est à dire assez tardivement alors que chez les autres évangélistes les annonces se situent avant la moitié du récit.


 Puis au fil des heures, ma réflexion a glissé sur le reproche de la non conversion. Certes on on entend sans cesse "convertissez vous", mais moi, je sais que je ne peux pas faire cela, mais que je dois "être" convertie, que c'est passif et pas actif. Je sais que c'est un Autre qui petit à petit va faire ce travail de conversion. Je peux remplacer le mot de conversion par le mot changement. Bien sûr en suivant certaines règles je peux faciliter le travail mais je n'en suis pas maître.

Il est des changements qui peuvent être radicaux du moins qui paraissent radicaux dans ce qu'ils montrent mais si radicaux soient ils ils sont induits, permis aidés par quelqu'un qui est là et qui guide. L'expérience qui permet le changement, n'est pas de notre ressort. elle est donnée. Comme pour étayer cela, le texte proposé par le blog de Séraphim était consacré à la conversion de Claudel:  PS Je viens de lire un récit de la "conversion de Claudel"... Cela lui est arrivé, celui lui a été donné, cela ne vient pas de lui...http://www.seraphim-marc-elie.fr/article-la-conversion-de-claudel-118570231.html

Mais avant d'en arriver là, je me suis livrée à une sorte de relecture de ce chapitre pour voir ce qui le précède, ce qui le conclue et ce que je pouvais en tirer.

     -Dans le chapitre 10 Matthieu parle du choix des apôtres (qui viennent pour un certain nombre d'entre eux, comme lui de Galilée),des dons qui leur sont accordés, de leur mission, ce qui les attend. Mais on a aussi une sorte de révélation: celui qui reçoit le disciple reçoit le Maître. Jésus envoie souvent ses disciples en avant de lui pour préparer l'annonce: celle du royaume qui est tout proche, qui est là. Et les "miracles" sont là en quelque sorte pour préparer les auditeurs à "ouvrir " les yeux, les oreilles, leur coeur à ce qui est en train de se passer.

   - Ce qui est en train de se passer sera dit au chapitre 11, 25: "Je te loue Père, Seigneur du ciel et de la terre d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout petits" 27 Tout m'a été remis par mon Père, nul ne connait le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connait le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler".

En d'autres termes il ne s'agit pas moins que de reconnaître en voyant ces miracles que Dieu est là en cet homme qui se dit son Fils.

   - Ce chapitre 11 s'est ouvert sur un dialogue entre Jésus et les disciples de Jean le Baptiste qui veut savoir si Jésus est bien celui qui doit venir. Et c'est peut être cela le "noeud du chapitre": oui Jésus est bien celui qui doit venir et malheur à ceux qui ne le reconnaissent pas malgré les signes qui sont là (les miracles). L'éloge de Jean qui se termine par des reproches à ceux qui écoutent: à savoir vous n'êtes jamais content, vous critiquez tout, vous ne vous laissez pas atteindre, vous vous blindez dans votre savoir. Est ce que voir ce qui arrive aux autres est suffisant pour changer son propre coeur? Je n'en suis pas certaine. Et pourtant c'est peut être à cela que servent ou devraient servir (si toute fois on peut employer ce mot) les miracles.

 Et cela débouche sur les versets d'invectives aux villes de Galilée. Ces versets comme je l'ai dit, je ne les aime pas  surtout quand je les compare aux versets où Jésus pleure sur Jérusalem et sa destruction. Luc13,34. Après tout, ce sont bien ces villes là qui lui ont donné les premiers apôtres..

 Ce que Jésus dit aussi c'est que si les villes païennes de Tyr et de Sidon avaient vu les miracles qui ont eu lieu en Galilée, elles auraient fait comme Ninive (livre de Jonas)autrefois, elles se seraient converties sous le sac et la cendre. Et finalement toute la réflexion autour de se texte se fait pour moi autour de de ce mot "conversion".

Parce que plus le temps passe et moins je pense qu'il est possible de "se" convertir. Certes on peut poser des gestes (le sac et la cendre pour montrer publiquement que l'on regrette un certain comportement, en admettant que ce soit ça le sens de ce rituel de pénitence), mais les gestes sont une chose, la conversion en est une autre. Un minerai ne se converti pas en métal pur, il est converti par le travail qui se fait, qui est fait sur lui.

Un être humain n'a pas en lui les forces de se transformer, il est important de reconnaître que quand cette pulsion lui est donnée, elle vient en partie d'un autre, à lui de la réaliser ou pas. Je pense que le don de l'Esprit Saint c'est la possibilité pour tout homme de se laisser transformer, convertir pour devenir un vivant à l'Image du Fils et à la ressemblance du Père qui est celui qui donne la vie. 


vendredi, juillet 12, 2013

Matthieu l'apôtre.

J'ai toujours été frappée en lisant l'appel de Matthieu, tel que lui-même (ou quelqu'un écrivant en son nom) le rapporte, par la sobriété du texte; ce qui tend à prouver peut être à quel point ce qui s'est passé ce jour là a bouleversé sa vie. 

Le chapitre 9, qui est le chapitre qui raconte cet événement, montre ce que fait Jésus après "le discours sur la montagne", mais surtout comment il commence à poser question aux une et aux autres, puisque chaque miracle, chaque fait, est source de discussion, soit avec les scribes (guérison du paralytique), soit avec les pharisiens (repas pris avec les publicains), soit avec les disciples de Jean (question du jeune), voire avec la foule qui se moque de lui (résurrection de la fille du notable). 

Mais j'en reviens à l'appel de Matthieu:Mt 9,  9Comme il s'en allait, Jésus vit, en passant, assis au bureau des taxes, un homme qui s'appelait Matthieu. Il lui dit : « Suis-moi. » Il se leva et le suivit. 10Or, comme il était à table dans sa maison, il arriva que beaucoup de collecteurs d'impôts et de pécheurs étaient venus prendre place avec Jésus et ses disciples.  

Si on compare avec l'évangile de Luc:Lc 5,  Après cela, il sortit et vit un collecteur d'impôts du nom de Lévi assis au bureau des taxes. Il lui dit : « Suis-moi. » 28Quittant tout, il se leva et se mit à le suivre.
29Lévi fit à Jésus un grand festin dans sa maison ; et il y avait toute une foule de collecteurs d'impôts et d'autres gens qui étaient à table avec eux.  

Il y a deux différences notables: dans un cas le prénom qui veut dire "don de Dieu"; dans l'autre cas le patronyme Levi  (ce qui n'est pas rien quand on connait la place des lévites dans le service du temple et qu'ils sont en quelque sorte des donnés à Dieu). Il y a aussi le repas donné soit dans la maison de Jésus mais que l'on peut comprendre comme un repas de fête (pour un nouvel adepte), soit dans la maison de Matthieu qui avant de tout quitter fait la fête pour Jésus et tous ceux qui veulent venir et voir. 

Alors m'est venu l'envie de raconter.....

"Je m'appelle Matthieu, en principe je suis un "don de Dieu", mais tout le monde me regarde avec mépris, tout le monde même me fuit, refuse de me regarder comme si j'étais transparent, comme si je n'existais pas, parce que pour gagner ma vie, j'ai repris le métier de mon père: collecteur d'impôts. Et cela pour les "autres" pour les "purs" c'est comme être possédé. Je travaille pour l'envahisseur, je prends l'argent de mes frères pour le leur donner. Eux bien souvent ils prêtent à leur frères à des taux exorbitants, mais ça, ça ne les gêne pas et pour récupérer leur argent ils n'ont pas peur d'aller devant les tribunaux. 

Ma tribu, c'est la tribu de Lévi. Les lévites, ce sont ces hommes de la tribu de Moïse qui doivent participer  tous les jours au culte de notre Dieu, et moi, je suis là, à ma table, à réclamer de l'argent et même si chaque jour comme mes frères je célèbre l'Unique en récitant les psaumes, je n'ai pas de place. 

Comme tout le monde à Capharnaüm, j'avais entendu parlé d'une sorte de prophète du nom de Jésus, peut être une sorte de nouveau Josué qui nous ferait sortir de la soumission que nous devions aux romains. Par des amis, j'avais su qu'il avait raconté des choses très étonnantes, comme par exemple dire que regarder une femme c'est déjà de l'adultère, que se mettre en colère contre son frère, c'est passible de la géhenne. Il m'intéressait bien cet homme avec son radicalisme, seulement moi, j'étais bloqué là à ma table, à réclamer des sous qui ne m'appartenaient pas, à récolter des regards mauvais. J'avais aussi entendu parlé de miracles et là j'ai commencé à me dire: si seulement il pouvait passer devant moi, et me regarder, simplement me regarder. 

Et voilà que c'est arrivé. 

Il sortait de la ville, il avait (je l'ai su après) guéri un paralytique qui s'était mis à marcher et il est passé par la porte de la ville devant mon bureau. Moi je savais que c'était lui parce qu'il y avait une petite foule autour de lui. Je savais que je devais lui demander de l'argent, mais en avait il? J'étais prêt à le lui avancer cet argent, à lui et aux siens, je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. 

Il s'est arrêté devant ma table, il m'a regardé, oui regardé et là quelque chose a explosé en moi. Enfin j'avais du poids, enfin j'existais. Il m'a dit "suis moi' et là je n'ai pas même pas réfléchi, je me suis levé de ma chaise, je me suis mis debout (comme si je commençais enfin à vivre, parce que cette chaise, c'était une vraie croix pour moi), et oui je l'ai suivi et je ne suis jamais revenu en arrière. 

Je ne sais plus tellement j'étais heureux si on a mangé chez lui ou dans ma maison. Ce que je sais c'est que tous ceux qui comme moi sont "transparents" aux yeux des bien pensants étaient là et qu'ils étaient heureux parce qu'ils avaient une place. Ce que je sais c'est que bien sûr les pharisiens de ma ville ont critiqué, ont essayé d'abîmer notre plaisir, mais Il a pris notre défense, il a dit qu'il était là pour nous, pas seulement pour eux, il a dit que c'était les malades qui avaient besoin de médecin qu'il était venu appeler les pécheurs et que la miséricorde il était venu pour "leur" montrer ce que c'était. 

Après, parce qu'il y a eu un après, j'ai été choisi pour faire partie des apôtres, moi le lévite, je crois que j'avais vraiment ma place: j'allais pouvoir témoigner et montrer comment en lui les écritures s'étaient accomplies.