"Au Voleur!": réflexions à partir de l'évangile proposé ce 22 juillet pour la fête de Marie-Madeleine.
En relisant cet évangile de Jean, proposé à juste titre pour la fête de Marie-Madeleine, j'ai été frappée par la réaction de Marie quand elle arrive tôt le matin au tombeau dans lequel Jésus a été déposé. Je peux l'imaginer ayant passé toute cette fête et ce sabbat pascal à ronger son frein, à attendre que les premières étoiles du matin nouveau apparaissent enfin.
Et puis peut être que ce tombeau qui réalise la prophétie du prophète Isaïe (Is 53,9: On a mis chez les méchants son sépulcre, chez les riches son tombeau), n'est pas le tombeau définitif et puis même si les hommes ont mis autour du corps ce qu'il fallait, c'est sûr que cela n'a pas été fait, comme elle l'aurait fait elle.
Elle voit que la pierre a été roulée, et sa réaction est immédiate: il y a eu vol, on a volé le corps de "son Seigneur", de celui qu'elle aime plus que sa vie. Elle ne crie pas, mais elle file voir les chefs du groupe: Pierre et Jean. Elle ne dit pas: on a volé, mais on a enlevé le corps, ce qui revient au même.
On connaît la réaction des disciples, qui entrent dans le sépulcre alors que Marie prise par son idée fixe du vol n'est même pas entrée pour voir ce qui est arrivé. Ils constatent le vol, mais pour l'un, Jean, cela est ouverture de yeux: le Seigneur est redevenu vivant, on ne l'a pas volé, Il est parti; pour l'autre Pierre, on ne sait pas trop.
Eux partis, Marie se risque à entrer dans le tombeau. Elle est tellement dans son idée, celle du vol, que à travers se larmes elle voit sans les voir deux hommes qui lui parlent. Le tombeau n'est pas vide, mais cela ne change rien pour elle, elle elle veut "son corps",le corps du "Seigneur son Maître" comme elle va le leur dire et pour cela elle est prête à tout pour le récupérer, quitte à ameuter toute la ville.
C'est alors que toujours à travers ses larmes, elle entrevoit un homme, qui est près du tombeau. Cet homme je doute fort qu'il soit vêtu de blanc comme sur les représentations que nous en avons, car si Marie le prend pour jardinier, même si elle lui donne du "Seigneur", c'est qu'il est vêtu comme un tout à chacun. D'ailleurs la tunique de Jésus a été jouée aux dés et ses vêtements partagés par les soldats.
Cet homme lui repose la question déjà posée sur le "pourquoi des larmes" mais il va plus loin, il sait bien que pour Marie la disparition est un vol alors il demande: "qui cherches-tu" ce qui est quand même curieux dans un cimetière. Et là un peu d'espoir pour elle. Peut -être sait il où est le corps parce que c'est cela qui compte pour elle, le récupérer, le prendre, le laver, comme elle a déjà lavé ses pieds il n'y a pas si longtemps, le parfumer, en faire "sa chose". Et elle, la faible femme, elle se voit porter un corps pour "le reprendre".
C'est là que les choses se dénouent enfin, pour nous qui savons qui est le "Jardinier": il l'appelle par son prénom et le son de la voix la fait sortir enfin de cet espèce de rêve éveillé dont elle n'arrive pas à sortir: celui du vol. Car le tombeau ouvert aurait pu évoquer pour elle la résurrection de son frère Lazare, mais non, le vol a été sa première idée et impossible d'en démordre.
Alors ça y est, elle l'a retrouvé son aimé et elle le tient enfin. Mais là Jésus introduit son Père dans cette relation duelle, et cela c'est je pense l'important pour que Marie puisse "lâcher le corps retrouvé", pour qu'elle entre dans une autre relation avec Jésus qui n'est plus "son" Jésus mais celui qui lui donne une mission, être en quelque sorte son porte-parole. Non, Jésus n'a pas été volé, il n'a pas été enlevé, il est parti vers Son Dieu pour que Son Dieu (son Père) devienne notre Dieu (notre Père).
Je crois que dans toute vie spirituelle, il y a des espèces de cycles dans notre relation avec Jésus. Le risque est toujours immense de s'approprier la personne de Jésus, de nouer avec Lui un lien certes privilégié (comme nous avons pu en avoir avec certains membres de nos familles, avec certains amis), mais qui parfois bascule sans que nous nous en rendions compte dans la possession.
Cela se fait doucement, imperceptiblement. Et d'une certaine manière cela finit par mettre Jésus dans une sorte de tombeau. Il est devenu notre propriété.
Alors arrive un jour où l'on est comme perdu, parce que "ce" Jésus là, on l'a perdu, on nous l'a volé. Et tout un travail peut et doit alors se faire pour que nous comprenions que le lien devait être coupé (et cela c'est le travail de l'esprit Saint qui oeuvre à cela), parce que petit à petit il s'était perverti.
Le Seigneur ne nous appartient pas, c'est nous qui lui appartenons et c'est différent. A certains moments, nous crions aussi "Au voleur", parce qu'il n'est plus là où nous croyons qu'il était, mais ça ne sert à rien. Il n'a pas été volé, il ne nous a pas été enlevé. Il est "ailleurs" parce que nous ne pouvons pas le "retenir".
Quand à nouveau nous le reconnaissons et acceptons qu'Il est d'abord "Le Fils", alors un nouveau lien se crée, un véritable lien où nous pouvons nous laisser aimer par Lui, à sa manière à Lui et pas à la nôtre.
Je pense aujourd'hui que toute la vie spirituelle est une sorte de combat où des liens qui étaient à un certain moment de bonne qualité se sont pervertis (rigidifiés, épaissis) et qu'ils doivent être coupés pour pouvoir être remplacés par d'autres qui seront peut être un jour eux aussi coupés et remplacés. Nous ne sommes pas les possesseurs de Dieu (Père, Fils Esprit); c'est nous qui devenons la demeure, ce qui est bien différent. Quand Jésus dit à la Samaritaine (Jn4,14) "qu'il est la source d'eau jaillissante en vie éternelle", c'est peut être cela qu'il exprime aussi autrement: une source, on ne peut pas la retenir et c'est pour cela qu'elle irrigue tout autour d'elle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire