dimanche, juillet 28, 2013

Les paraboles du Royaume, Matthieu 13, Suite


La parabole de l’ivraie.

Cette parabole dont nous avons si l’on peut dire l’explication puisque Jésus la donne spontanément, est pour moi encore plus difficile que la parabole du semeur, car il s’agit de la question du mal et aussi du jugement dernier. C’est donc une parabole déjà eschatologique, comme celle des 10 jeunes filles, des invités à la noce etc.

Que dit donc cette parabole quand Jésus la raconte à la foule? 

Tout d’abord il est question du « royaume de Dieu » qui est comparé à un champ dans le quel un homme a semé du bon grain. S’il s’agit du royaume est ce que le semeur est  Dieu ? Est ce que le champ est la terre, ou est ce que le champ est l’âme ? S'il s'agit de la terre, cela renvoie une création parfaite  conforme au texte de la genèse. Dans tous les cas la perfection renvoie à la création en Genèse 2. On reprend l’image de la parabole précédente du semeur. Ce semeur là sème dans la bonne terre, et il sème du bon grain. Ayant fait cela, toujours comme dans le Genèse, il se repose.

On dit souvent dans les évangiles que la nuit est comme le symbole des ténèbres, du mal. Il faut veiller durant ce temps là pour que l’ennemi ne vienne pas percer les murs de votre maison, ou réinvestir votre demeure. Jésus a d’ailleurs dans le chapitre précédent parlé du trop de confiance de l’homme délivré d’un démon et qui se retrouve à nouveau possédé par 7 autres (Mt, 13,40). Le sommeil qui est abandon de la vigilance n’est pas une bonne chose. Pour nous, cela évoque  aussi à ce que Jésus dira dans d’autres paraboles : veillez car vous ne savez ni le jour ni l’heure. 

Bref l’ennemi en profite pour semer de l’ivraie (qui signifie zizanie dit-on) en douce quand tout le monde dort. Celui qui fait cela pense que toute la récolte sera gâchée. Si personne ne s’en aperçoit, le pain qui serait fabriqué avec cette récolte sera mauvais, car l’ivraie est toxique et provoque chez l’homme des états d’ébriété proches de l’ivresse, d’où le nom de cette graminée.

Quand l’herbe eut poussée et produit des épis de blé (chaque herbe produira selon sa semence dit Dieu dans Genèse 2) et des épis d’ivraie, les serviteurs posent une question étonnante au maître, (or c’est bien une question que nous posons souvent à Dieu, quand nous ne comprenons plus ce qui se passe : « Est-ce que c’est toi qui t’es planté (trompé) et qui a fait cela. Ou encore « Est-ce toi qui est l’auteur de ce mal ?». La réponse du maître (donc du Fils de l’homme) est sans équivoque : "c’est un ennemi qui a fait cela", ce qui renvoie à  une notion de combat. Il est donc question du mal. 

Les serviteurs proposent une solution : puisque l’on peut faire la différence entre les deux plantes, alors arrachons la mauvaise herbe. Cela c’est un comportement très humain, auquel le maître répond en changeant de perspective (et cela c’est souvent ce que fait Jésus) : attendre que la moisson soit là et séparer ensuite l’ivraie du blé, brûler l’ivraie et mettre le blé dans le grenier.

Peut être que l’intérêt de la parabole, c’est de rappeler que le royaume ne se créera pas comme ça, que beaucoup n’en veulent pas (ce que vit Jésus dans son quotidien), mais qu’une justice existe et que le mal sera mis dehors. L'ivraie cela peut être aussi ce doute que les pharisiens sèment sans cesse dans le coeur des disciples, en voulant leur faire croire que Jésus est fils de Beelzébul, qu'il est possédé. Introduire le doute (la zizanie, autre sens  du mot ivraie) c'est bien faire l'oeuvre du Satan dans Genèse 3 et conduire l'homme à une sorte de folie (ivresse) où Dieu n'a plus sa place. 

Quant à l’explication que Jésus donne spontanément, elle est de l’ordre de l’eschatologie, ce à quoi les disciples ne s’attendaient peut être pas. Il est question de Lui, du monde (le champ), du bon grain (les disciples qui sont les sujets du royaume, qui reconnaissent Jésus comme fils), de l’ivraie (les sujets du Malin), de l’ennemi qui est le diable, de la moisson qui est la fin du monde, des anges qui sont les moissonneurs et qui feront le tri (ce qui renvoie un peu à Matthieu 25, où le tri se fait entre ceux qui ont reconnu le fils en chaque être humain si malheureux soit il, et les autres qui n’ont pas ouvert les yeux). La finale annonce d’autres finales: "les pleurs et les grincements de dents". Or dans les évangiles bien souvent les pharisiens grincent des dents quand Jésus fait ou dit quelque chose qui ne leur paraît pas conforme à leur Loi.

Alors que dire de cette parabole ? Le monde est ce qu’il est, il y a des bons et des mauvais, et un jour, ceux qui ont voulu empêcher la croissance du royaume, en pratiquant l’iniquité, ou qui ont été cause de chute (scandale) seront jetés dans le feu éternel alors que les autres brilleront d’un feu intérieur qui les fera resplendir. On peut dire que le bien finira par gagner. 

Bon, d'accord, c'est ce qu'une certaine lecture de ce texte peut me dire, seulement voilà, cela me laisse sur ma faim. 

Alors une petite voix en moi, me dit, et alors, tu en fais quoi de cette histoire ? Que les méchants aillent rôtir en enfer?  Cela te dit qu’il y a une justice, mais cette justice est celle de Dieu et ses critères ne sont pas tes critères, et puis l’enfer ce n’est pas ton truc.

Et puis une autre petite voix me dit : ne la remâche pas trop cette parabole, parce que tu risques de devenir ivre, puisque l’ivraie est une herbe toxique qui provoque chez l’homme des effets comparables à l’ivresse. Seulement voilà, j'aime bien remâcher pour que le texte me parle. et là, même si j'ai pu faire des liens avec le livre de la Genèse, cela ne me suffit pas.   

Et puis, il y a ces homélies déjà entendues qui disent que le champ c’est l’âme, et que en chacun d’entre nous, il y a du bon et du mauvais et qu’il nous faut nous regarder sans complaisance et arracher le mauvais (ce qui justement est déconseillé dans la parabole). Car finalement c’est peut être cela qui est le plus difficile : discerner ce qui est bon et ce qui ne l’est pas.

Si l’on regarde des photos de l’ivraie et des photos du blé, certes quand l’épi se forme il y a une différence. Il faut donc être attentif car quand tout est arrivé à maturité, la différence est beaucoup moins visible.


épis d'ivraie
épis d'ivraie à maturité
épis de blés et d'ivraie


 Plusieurs pistes me sont quand même apparues.

La première, c’est que l’ennemi si malin qu’il soit n’est pas arrivé à gâter toute la moisson. Certes le mal existe, mais il n’est pas vainqueur.

La seconde c’est que parfois "le mieux est l’ennemi du bien". Quand les serviteurs se rendent compte du malheur qui est arrivé à leur plantation, leur solution est d’arracher les plants toxiques, alors que ce qui leur est demandé c’est d’attendre, car arracher le toxique c’est prendre le risque d’arracher le blé. Il faut parfois ne pas se jeter tête baissée dans quelque chose, mais prendre du temps, prendre son temps. . Et je pense que cela est important.

Et puis surtout, finalement les deux épis se ressemblent beaucoup et il faut apprendre à discerner l'un et l'autre. or comme Jésus le dira nous avons tendance à voir la poutre du voisin et pas la paille qui est chez nous. Du mal il y en a, comme du bon il y en a. 

Il faut parfois être très patient avec soi même (et aussi avec ceux qui sont sur notre chemin) pour trouver le bon moment pour éradiquer le mal dont nous prenons conscience. Il y a des amputations qui provoquent des douleurs dites membre fantôme. Ce n’est pas parce que nous voulons arracher ce qui nous paraît mauvais en nous, que nous faisons forcément ce qu’il y a de mieux. Pour pouvoir déraciner, il faut parfois s’y prendre à plusieurs reprises, et ne pas léser ce qui est sain. 

Et finalement si ce sont les anges qui font la moisson, peut être faut il ne pas nous prendre nous pour des anges exterminateurs... Laissons leur faire leur travail qui n'est pas le notre. 

Finalement aujourd'hui cette parabole m'enseigne une certaine patience envers moi-même. Le mal ne s'arrache pas, il nécessite une attention permanente pour qu'il n'envahisse pas tout le champ, mais il est là, et il faut d'une certaine manière faire avec, jusqu'à ce que quelqu'un le brûle, le détruise et cela je pense que dès aujourd'hui c'est possible, mais pas avec mes forces, mais avec celles de l'Esprit Saint si je le laisse brûler en moi. Et malgré tout même si on parle de la douce chaleur de l'Esprit, il n'en demeure pas moins que le feu ça brûle. 

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