mardi, octobre 15, 2019

"Le lendemain encore, Jean se trouvait là avec deux de ses disciples" Jn 1,35

"Le lendemain encore, Jean se trouvait là avec deux de ses disciples" Jn 1,35

Nous avons commencé à travailler en groupe l'évangile de Jean, c'est-à-dire à le lire, à le laisser résonner, mais aussi le laisser nous interroger, car c'est bien un texte qui interroge. Dès le prologue, on rencontre Jean le Baptiste. C'est un personnage avec lequel je reconnais avoir un peu d'affinités. Sa décapitation, pour moi, n'est pas liée à un témoignage sur Jésus, même s'il est celui qui l'a annoncé, mais vient de ce qu'il a, comme tout prophète, osé critiquer le pouvoir en place. 

Par ailleurs cet homme, avec son manteau en peau de bête, qui se nourrit de sauterelles et est décrit un peu comme un autre Elie, est un violent. Mais, car il y a un mais qui est de taille, il n'a pas retenu ses disciples, il les a donnés, il les a poussés à partir pour suivre Jésus. Et ce qui se passe là m'a toujours fait penser à un accouchement. Je m'explique. "Le lendemain, encore, Jean se trouvait là, avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit: "Voici l'agneau de Dieu". Les deux disciples entendirent ce qu'il disait et suivirent Jésus" Jn 1,35-37.
Jésus qui va et vient, cela a toujours évoqué pour moi ces pères qui, au moment d'une naissance, puisqu'ils étaient exclus de la salle de travail ou de la chambre, faisaient les cent pas en attendant. Les deux disciples, dont on ne sait pas alors le nom, sont en quelque sorte encore dans le giron de leur mère, ici Jean. Et ce dernier, en quelques mots, "Voici l'agneau de Dieu", leur donne comme l'envie de partir, de sortir de la sécurité de la communauté des disciples du Baptiste, pour aller vers Jésus qui attend. C'est pour moi une scène de gestation, d'enfantement et j'ai toujours admiré Jean, qui donne ceux qu'il a formés.

Je pense aussi que la manière dont je fais parler Jean le Baptiste, n'a pas grand chose à voir avec ce personnage, mais c'est comme cela que ça s'est formulé en moi ce matin.


Jean, le Baptiseur, raconte:

Ce jour là, j'avais baptisé, baptisé, et baptisé encore. Je n'en pouvais plus. Mes disciples baptisaient aussi. J'avais l'impression que mes paroles portaient du fruit, car du monde il y en avait. 

C'est vrai que je n'avais pas ménagé mes efforts pour que quelque chose se passe dans ce peuple sans foi ni loi, pour qu'il comprenne que quelqu'un allait venir qui mettrait de l'ordre, quelqu'un qui serait présence du Très Haut, quelqu'un qui enverrait brûler tous ces impies, tous ces voleurs, tous ces profiteurs, quelqu'un qui ferait le tri. 

Mais ce soir là, je n'en pouvais plus, même si je sentais une certaine joie en moi, la joie d'être un bon serviteur.

Il faut dire aussi que ces derniers jours j'avais dû me justifier.. Des hommes venus de Jérusalem m'avaient demandé si j'étais Elie; si j'étais le Messie; si j'étais le prophète annoncé par Moïse. Je les ai sûrement déçus, car tous nous attendons le retour du prophète Elie, tous nous attendons ce prophète promis par Moïse, tous nous attendons le Messie. Et moi, je ne suis aucun de ceux là. Moi je suis "la voix qui crie, qui hurle dans le désert", le désert des cœurs; et qui demande à tout homme de faire un travail en lui, de redresser ce qui est tortueux, de préparer en lui la venue de celui que j'annonce mais que je ne connais pas. 

Et comme si ça ne suffisait pas, il y a des pharisiens qui sont venus et qui eux aussi voulaient savoir pourquoi je faisais ce que je fais. Ils ne comprennent pas que si je propose ce baptême dans l'eau, c'est que c'est l'Esprit m'a dit de faire cela, pour préparer les cœurs à la venue de celui qui baptisera dans le Feu; et celui-là j'ai hâte qu'il arrive. Mais le temps me dure.

J'étais donc, ce soir là, à bout de souffle. Et voilà qu'arrive, alors que j'allais retrouver mes disciples, un homme relativement jeune. Comme à tous les autres, je lui demande de renoncer au mal qui est en lui et de changer, de mettre le Très Haut au centre de sa vie. Et je le vois sourire.

Il entre dans l'eau, et là, tandis que je le plonge dans les eaux du fleuve et qu'il se relève, je vois, et je dis bien je vois, comme une colombe qui descend du ciel, qui traverse les nuages et qui se pose sur sa tête et qui reste sur lui. Alors pour moi le temps s'arrête. La colombe, je sais que c'est l'Esprit du Seigneur: et je sais alors que cet homme qui souriait en m'écoutant, c'est celui que j'attendais. Sauf que cet homme je ne le connaissais pas, je ne l'avais jamais vu, parce que ma famille ou plutôt la famille de ma mère, je l'ai quittée très tôt pour vivre dans la solitude du désert.

Et en moi jaillit à la fois la joie de celui qui est l'ami de l'Epoux, et l'envie de me jeter aux pieds de celui que je sais être le Fils du Très Haut. Mais lui ne dit rien; il me regarde, et me sourit à nouveau; puis il part, il disparaît. J'aurais tant voulu qu'il demeure avec moi, moi qui ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales; pour lui présenter mes disciples, et parler avec lui de son avenir; mais il est parti.

Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit là, et le lendemain alors que mes disciples étaient auprès de moi, le voilà qui arrive. Et je dis à ceux qui étaient les plus proches de moi "Voici l'agneau de dieu, celui qui vient sauver Israël de ses péchés". Lui, il était là sur les rives du Jourdain, il allait de long en large, il ne disait rien..

Sans que je dise rien, André et Jean, Jean ce jeune prêtre qui vient de Jérusalem, se sont approchés de lui; enfin en restant un peu à distance. Lui s'est retourné, et leur a parlé. Je ne sais pas ce qu'il a dit, ni ce qu'ils ont dit eux, mais ils se sont éloignés tous les trois. 

Et à nouveau la joie a jailli dans mon cœur. Il allait pouvoir mettre le feu sur la terre, il allait pouvoir commencer sa mission. C'est un peu comme si j'avais enfanté ces hommes pour les lui donner. 
Oui, ma joie est parfaite.