mardi, janvier 24, 2017

"Il a perdu la raison" Mc 3,21


Marc 3, 21-22

20 Puis il revient à la maison, et la foule se rassemble encore : ils ne pouvaient pas même manger. 21 À cette nouvelle, les gens de sa parenté sortirent pour se saisir de lui, car ils disaient : Il a perdu la raison. Traduction NBS.

Ce court morceau d'évangile semble montrer que la parenté de Jésus, vit très mal, et même très très mal d'avoir un prophète et un guérisseur comme parent. Elle va même jusqu'à penser qu'il a perdu la raison, donc qu'il est fou. Et un fou, ça s'enferme..

Très souvent de nos jours, quand dans une famille on déclare qu’un membre adulte est fou, - ce qui doit permettre de pouvoir le faire enfermer, donc à le mettre hors circuit en toute légalité- , c’est que cette personne est source de peur ou d’angoisse pour la famille, qu’elle est un danger ou que sa famille la considère comme dangereuse pour l’équilibre du groupe.  

Eviter la honte dans une famille est fondamental pour l’unité du groupe. Alors faire passer l’autre pour fou, le ramener à Nazareth  pour le garder sous contrôle,  est une solution. Mais mettre la main sur lui, la famille ne le pourra pas. La réponse que Jésus fera quand sa mère et ses frères demandent à lui parler  Mc 3, 31-35,« sa mère et ses frères sont ceux qui écoutent la volonté de Dieu », montre bien la rupture. Jésus désormais a une autre parenté, plus large que la parenté biologique à laquelle il ne reconnaît plus de droits sur lui.  

Si on reprend le texte, il est  quand même très étonnant que la parenté de Jésus s’émeuve pour si peu de choses : « ne pas prendre le temps de manger » ! Qu’est ce que cela peut faire qu’un adulte, saute son repas et le fasse sauter aux autres ? Cela semble vraiment être un faux prétexte. Et le terme « se saisir de lui » est très fort. Il s’agit bien de faire taire ce membre de la famille qui fait beaucoup trop de bruit. Et du bruit si on reprend le chapitre 3 de Marc, Jésus en fait en guérissant un jour de Sabbat, en expulsant les démons, en se mettant à la tête d'un groupe de disciples. Oui, il fait peur celui-là.

De quoi la famille de jésus peut-elle avoir peur ? Bien entendu, compte tenu de climat politique qui règne, Jésus peut se faire arrêter, comme Jean le Baptiste, et sa famille peut aussi le suivre dans les geôles d’Hérode. Cette peur là est relativement légitime, mais montre qu’ils n’ont pas compris que Jésus a une mission.

Mais, surtout, c’est qu’il y a un secret de famille à cacher. Or ces esprits, qui disent que Jésus est le Fils de Dieu, font certainement beaucoup de bruit; et les rumeurs, ça va vite. Alors, de Jésus est-il le fils. Quelle est sa filiation de Jésus ? S’il n’est pas le fils de Joseph, cela doit impérativement être tu. Marie risquerait d’être lapidée, mais surtout ce serait la honte pour toute la famille et la honte c’est insupportable. Alors il vaut mieux que Jésus stoppe sa mission, se taise, rentre dans le rang et que plus personne ne l’entende.
  

Et la honte adviendra si l’on peut dire, car par sa mort honteuse, la famille de Jésus ne peut être que disqualifiée aux yeux de tous.  Mais cette honte, par la résurrection et par l’envoi de l’Esprit se transformera en Gloire et la prophétie de Siméon  Luc 2, 32 «  lumière pour la révélation aux païens et gloire d’Israël ton peuple » sera pleinement réalisée.  

La fin du chapitre 3 dans l'évangile de Marc 21-31

Si on pense que les écrits des évangélistes sont des catéchèses qui s'adressent à ceux, qu'ils soient juifs ou païens, qui ont choisi de croire que Jésus est le messie, alors on peut lire les versets qui terminent ce chapitre un peu autrement. Comme si ces versets qui viennent après le choix de apôtres disaient qu'ils ont été aux aussi choisis, et que ce que Jésus a vécu, ils le vivront aussi.

Versets 20-21 Quand la parentèle de Jésus vient le chercher pour le ramener à la maison, cela revient à dire; vos proches vont penser que vous êtes fous , ils voudront vous faire taire. C'est normal, vous devez vous attendre à cela, mais ne les suivez pas.

Versets 22-29 Quand les autorités religieuses accusent Jésus de faire des miracles parce qu'il est possédé, cela revient à dire que les autorités religieuses vous condamneront, vous excluront. Mais ce sont eux qui s'excluent du Salut, car ile refusent de voir la Présence de Saint.

Versets 30-31 Quand enfin Jésus, en regardant ses disciples, affirment qu'eux sont sa famille, parce qu'ils l'écoutent et mettent ses paroles en pratique, cela revient à dire que désormais les disciples ne sont pas seuls, qu'ils ont une place importante auprès de Lui, et qu'ils ne doivent pas avoir peur, mais être dans la paix et la joie. Pouvoir se dire qu'on est le frère, la soeur ou la mère de Jésus, ce n'est pas rien.

mardi, janvier 17, 2017

La purification du lépreux en Marc 1, 40-45

" Et Jésus s'irritant contre lui, le chassa aussitôt en disant: garde toi de le dire à personne, va te montrer au prêtre et présente pour ta purification ce que Moïse  a prescrit. Ce sera pour eux un témoignage." Mc 1, 43-44. traduction NBS.

En relisant ce passage Mc 40-45, qui clôture le premier chapitre de cet évangile,  j'ai été très surprise, voire interloquée par le comportement de Jésus. On  a l'impression que brusquement cet homme qu'il vient de purifier lui fait horreur, qu'il le chasse comme on chasse un chien. D'autres traductions disent que Jésus "s'irrite" ou qu'il parle avec sévérité. Je me suis vraiment demandée ce que cela peut vouloir dire, à la fois pour nous aujourd'hui, mais aussi pour cet homme. On parle souvent du "secret messianique", quand Jésus ne veut pas être reconnu trop tôt comme le Messie, le Fils de l'homme, mais là il semble que ce soit différent.

On a l'impression que le lépreux purifié devient dangereux pour Jésus, comme si cette guérison intervenait trop tôt? Ne va-t-on pas le prendre pour Elisée? Si le lépreux va se montrer au prêtre, celui ci constatera la guérison et permettra la réintégration, mais il ne demandera pas comment le malade a été guéri, ce n'est pas sa fonction et le nom de Jésus ne sera prononcé. Et pourtant cette guérison doit être un témoignage. Témoignage de quoi? Peut-être que Dieu s'intéresse à la misère de son peuple, qu'il va le sortir de son péché, puisque la lèpre peut être une image du péché.

Mais comment cet homme a-t-il ressenti ce revirement? Jésus, il lui a parlé. Et Jésus lui a répondu, l'a touché, l'a purifié et voilà qu'il le met loin de lui, comme s'il était encore un pestiféré. Est ce que Jésus aurait vu autre chose en lui que cette atteinte de la peau? Si on pense au livre des Nombres, Myriam la soeur de Moïse devient lépreuse pendant une semaine en punition: punition de la jalousie envers Moïse. En d'autres termes, la lèpre est le châtiment d'un péché; ce qui ne se voit pas, qui est dans le coeur, est manifesté dans la chair et donc devient visible. Est ce que Jésus a vu quelque chose de l'ordre du péché dans cet homme?

SI on fait le lien avec la guérison du paralytique qui suit cette guérison, il est possible de penser qu'il s'agit bien de péché, puisque c'est ce qui va être dit en premier au paralytique: mon enfant tes péchés te sont remis. Alors peut-être que si l'homme avait obéi, quelque chose se serait passé en lui, quelque chose qui l'aurait délivré de ce qui au fond de lui était une sorte de lèpre.


Je me suis demandée si Jésus, comme il le fera avec les dix lépreux, ne vise pas une guérison en deux temps (ce qui va se passer juste après, avec la guérison du paralytique), une guérison somatique et une guérison liée à l'obéissance qui permet aussi une purification de tout l'être, un peu comme s'il était plongé dans une eau vivifiante.

Finalement en refusant de faire ce qui lui était demandé, il est possible que ce lépreux guéri de sa lèpre montre que quelque chose en lui n'est pas guéri, qu'il se sent au dessus de la loi. Et par cette non obéissance (qui se comprend très bien) non seulement il met Jésus dans une position difficile, puisque Jésus aux yeux de ses contemporains devient lui-même impur et ne peut entrer dans les villes, mais qu'il s'est privé d'une autre délivrance qui lui aurait permis de devenir témoin et peut-être disciple.

"Cela fait plusieurs mois que j'ai cette maladie de peau qui m'exclut de mon village, plusieurs mois que je suis à la porte de ma propre ville, plusieurs mois que personne ne me parle.  J'ai tout perdu avec cette maladie. Pourtant je ne comprends pas pourquoi que suis ainsi frappé. Je suis loin d'être parfait, de suivre tous les commandements de notre loi, mais nous savons bien que ce n'est pas possible. Est ce que je paye quelque chose pour mes parents, pour mes proches? Je ne sais pas, mais je suis très très malheureux. Et les prêtres ont été formels: je suis un lépreux. La tache sur ma peau ne part pas et je ne sens rien quand je touche cet endroit.

Aujourd'hui, j'ai vu qu'il y avait plus de monde que d'habitude dans mon village; j'aurais bien voulu savoir ce qui se passait. La femme qui dépose pour moi de la nourriture m'a dit, en restant bien loin de moi, que c'était Jésus de Nazareth, un nouveau prophète qui avait fait beaucoup de miracles, qui parlait et enseignait.

Je n'ai eu qu'une envie, essayer de le "choper" si on peut dire, mais comment faire; il ne passera sûrement pas de mon côté.

Et voilà que je le vois, et là je n'hésite pas. Je me jette à ses pieds et je lui dis que s'il veut me purifier il peut le faire. Je suis un peu étonné de mon audace, mais je sens vraiment qu'il y a une force en lui. A ma grande surprise, au lieu de prendre la fuite et de me traiter de tous les noms, ce qu'il aurait pu faire, il me touche et me dit qu'il veut que je sois purifié. Il ose me toucher: il s'est rendu impur pour moi... Il me dit que je suis purifié parce que lui le veut aussi. Mais je n'ose pas regarder mes mains qui sont attaquées par la maladie; je les sens redevenir comme avant. La peau ne me tire plus.  Je suis tout heureux et je voudrais le suivre, devenir son disciple.

Et puis j'ai l'impression qu'il se met en colère contre moi, comme si je lui avais arraché quelque chose; et il me chasse comme on chasse un chien, comme on chasse justement un lépreux, en me disant d'aller me montrer au prêtre et d'offrir ce qui est prescrit, ce qui veut bien dire que je suis guéri. Le prêtre, il y en a un qui n'est pas trop loin, seulement je suis tellement heureux que je ne peux m'empêcher de crier sur tous les toits de qui vient de m'arriver. Je sais bien que ce n'est pas ce qu'il veut, mais c'est plus fort que moi, un peu comme si j'étais possédé. 

L'ennui, c'est que Jésus maintenant que j'ai raconté, est considéré par tous comme un pestiféré, comme si je lui avais passé mon impureté, alors que c'est sa pureté à lui qui m'a envahi J'aimerais bien aller m'excuser, mais je n'ose pas. J'ai appris depuis qu'il est retourné à Capharnaüm et qu'il a guéri un homme paralysé. Alors peut-être que j'oserai revenir le toucher. et lui dire que je regrette. Peut-être qu'il m'expliquera pourquoi il s'est mis en colère contre moi. 

Je me dis que peut-être je suis le prototype d'Israël, ce peuple à la nuque raide, qui n'aime pas obéir et que ça, Jésus l'a vu, et qu'il savait que je garderais ma nuque raide, et cela l'a mis en colère et l'a peut-être rempli de tristesse. Il m'a guéri de ma lèpre, mais au dedans de moi, ce n'est pas encore guéri, parce que je n'ai pas su obéir. 

mardi, janvier 10, 2017

"Possédé par un esprit impur" Marc 1, 21

La liturgie propose la lecture de l'évangile de Marc en lecture "continue".

Jésus commence sa vie publique et il me semble que cet homme, possédé par un esprit impur, qui est pourtant là, dans la synagogue, pour participer à la prière du shabbat et qui rencontre Jésus qui ce jour là a pris la parole et commente les écrits, dit ce qu'on pourrait appeler de nos jours une parole de Science.

La phrase qu'il prononce:  "24« Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu. »montre bien qu'il a reconnu en Jésus le Saint de  Dieu, celui qui a été mis à part par Dieu, car une des significations de saint, est séparé, et qu'il annonce que dans le combat entre le bien et le mal, le mal sera perdant. 

Que Marc ait choisi comme premier miracle, l'expulsion de cet esprit mauvais, n'est pas neutre. D'emblée le combat de Jésus est explicité, il s'agit bien d'un combat avec celui qui met au coeur de l'homme la violence, l'envie, la cupidité et le mal. Il s'agit aussi d'un combat contre des forces qui existent et que nous ne voyons pas, car ces esprits du temps de Jésus se mouvaient entre ciel et terre, et pouvaient renvoyer à ce combat entre les forces du bien et du mal.

La traduction liturgique dit que l'homme fut saisi de convulsions au moment où l'esprit sort de lui et que ce dernier crie. Je pense que ce cri est comme un cri de rage: il a trouvé son maitre. L'image de l'homme qui est jeté au sol, et qui ne se maitrise plus, est un représentation du mal  qui se tortille comme un serpent, et de la puissance de Jésus sur ce mal. 

Je me disais aussi que dans le combat entre Jésus et les pharisiens, les pharisiens au fond d'eux même savent que Jésus est l'envoyé mais qu'il va leur faire perdre leur pouvoir alors ils le mettent à mort pour ne pas voir, pour ne pas entendre. La lumière a lui dans les ténèbres disait Jean dans le prologue de son évangile, Marc ne dit--il pas la même chose dans le début du sien, avec la même conclusion ou le même espoir: le mal sera vaincu et la lumière jaillira.

Peut-être que la lumière a jailli sur cet homme, après que Jésus ait chassé ce mauvais esprit.

"Je ne sais pas ce qui m'a pris ce matin. Comme tous les jours de Shabbat, je suis parti à la synagogue, cette synagogue construite par un centurion de l'armée romaine. Il y avait un certain Jésus, un rabbi, un de plus qui parlait. Manifestement il connaissait bien son métier, il ne se contentait pas de redire et de redire encore des phrases tirées de la Tora il avait de l'autorité ce type. Et tout d'un coup, une force s'est emparée de moi, je lui ai coupé la parole en lui demandant pourquoi il voulait nous perdre, et quand je disais cela, je pensais vraiment qu'il était une menace pour moi et pour tout mon peuple, qu'il allait nous conduire à lui ruine, et cette même force en moi m'a poussée à lui dire que je savais qui il était et je l'ai nommé le Saint de Dieu. Manifestement ma sortie verbale ne lui a pas plus du tout. Il m'a menacé, enfin pas moi, mais cette force qui était en moi. Je me suis retrouvé sur le sol, en train de bouger dans tous les sens, et en train de hurler; Puis tout s'est calmé, je me suis remis debout, j'étais rouge de honte, mais en même temps, je savais que cet homme était bien ce que j'avais dit: le béni et je l'ai suivi, j'avais trouvé le Messie. "

C comme Chercher

Trois questions de Jésus dans l'évangile de Jean: "que cherchez vous, qui cherchez vous, qui cherches tu," Jn 1, 38  Jn 18,4 et Jn 20, 15.


Jn 1,18.
Quand les disciples de Jean commencent à s'intéresser à celui qui est l'Agneau de Dieu, ils quittent Jean et suivent Jésus. Du moins ils vont vers lui, mais ils attendent que ce dernier les regarde, tienne compte de leur présence. Ils ne lui tapent pas sur l'épaule, ils attendent.

Et Jésus se retourne et leur demande "Que cherchez vous"? Curieusement André et son compagnon ne posent la question qui doit leur brûler les lèvres, à savoir, es-tu vraiment le Messie, mais posent une question sur le lieu où Jésus demeure. Cette phrase avec le verbe chercher, elle clôt plus ou moins l'évangile de Jean, puisque c'est la question qui est posée à Marie-Madeleine par deux fois. Une fois par les anges, une fois par celui qu'elle prend pour le jardinier. Et Marie répond bien à la question posée: je cherche le corps de mon Seigneur. Et la réponse de Jésus qui est juste le prénom, lui permet de trouver celui qu'elle cherche. Dans les deux cas, à la question posée, il y a une réponse.

Ce verbe chercher, on le trouve à plusieurs reprises dans cet évangile et la réponse ou les réponses renvoient toujours à la présence de Jésus, quelque soit le mode de sa présence.

Jn 20, 15
On le retrouve bien sur après la résurrection dans le dialogue avec Marie Madeleine? Qui cherches-tu? et la réponse sera "le corps", et c'est là, où quelque chose se passe, car le corps est là, mais il est devenu le corps du Tout Autre et Marie en est transformée, transfigurée.

Jn 18, 4
Je voudrais juste revenir sur le deuxième "qui cherchez vous" qui pour moi s'accroche à un souvenir très précis: la voix du Père Jean-Marie Lustiger, au jardin des Oliviers, un soir d'Août 1963, au milieu des torches, dans la nuit. Cette voix un peu rauque, je l'entends chaque vendredi saint, quand on lit la passion selon Saint Jean. La réponse de Jésus, "C'est moi, laissez partir les autres", est l'accomplissement de la phrase: aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Et les hommes qui tombent par terre, qui sont comme déstabilisés par cette voix tranquille, sont pour moi le signe de la maîtrise totale de Jésus sur ce qui se passe.


Alors quand on cherche Jésus, oui on le trouve ou on le retrouve, mais jamais comme on le pense, jamais peut-être comme on le souhaite. Il ne se laisse mettre la main dessus que quand il le veut bien, il se laisse découvrir nouveau, différent, autre à chaque fois, mais quand on le cherche il se laisse trouver.

mercredi, janvier 04, 2017

Jésus allait et venait" Jn 1,35-39

On retrouve cette phrase: "Jésus allait et venait dans le Temple" en Jn 10, 23 et aussi en Marc 11, 27. Dans le Temple, c'est l'occasion pour les pharisiens de prendre Jésus en défaut.Dans l'évangile de Jean, il y a une menace de mort, dans celui de Marc c'est l'occasion pour Jésus de reparler de Jean le Baptiste et de demander pourquoi ce prophète n'a pas été entendu. Le aller et venir évoque pour moi la liberté de Jésus.

Mais dans ce premier chapitre de l'évangile de Jean, cet "aller et venir" m'a toujours fait penser à une scène d'accouchement.

Je veux dire que pour moi, Jésus, cet homme qui va et qui vient, qui marche de long en large, il attend quelque chose. Il n'est pas statique, il marche, il bouge, il attend. Peut-être est-il impatient, mais il ne dit rien, il attend que Jean prenne l'initiative. Peut-être sait -il que c'est aujourd'hui que son Père va lui donner ceux qui seront le noyau, ceux qui seront ses disciples, ceux qui l'auront reconnu.

Et on va assister à une sorte de passation: Jean se dessaisit des deux de ses disciples pour les donner à Jésus: il les met en quelque sorte au monde: il les laisse partir, il se sépare d'eux, comme une mère se séparer de l'enfant qui est en elle, pour le mettre au monde, pour le donner au monde.

"35Le lendemain, Jean se trouvait de nouveau au même endroit avec deux de ses disciples. 36Fixant son regard sur Jésus qui marchait, il dit : « Voici l’agneau de Dieu. » 37Les deux disciples, l’entendant parler ainsi, suivirent Jésus. 38Jésus se retourna et, voyant qu’ils s’étaient mis à le suivre, il leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils répondirent : « Rabbi – ce qui signifie Maître –, où demeures-tu ? » 39Il leur dit : « Venez et vous verrez. »"

Et c'est ce qui se passe. L'affirmation de Jean, la parole de Jean, "Voici l'Agneau de Dieu" met quelque chose en route chez les disciples, un peu comme cette petite tape donnée souvent par la maman au moment où l'enfant est prêt pour marcher seul et qui lui permet de partir, de lâcher la sécurité de la main maternelle. C'est une phrase d'envoi. 

Souvent quand un enfant apprend à marcher seul, il y a aussi les bras du papa qui sont là pour le recevoir, et là les disciples, sont accueillis par une voix: que cherchez-vous? Et c'est bien une question fondamentale, une question d'ouverture. Si ces hommes ont été vers Jean, s'ils sont les disciples de Jean, c'est qu'ils attendent quelque chose, ils attendent quelqu'un. Mais ils savent que ce quelqu'un ce n'est pas Jean.

Et à cette question du "que" ils répondent par une autre question qui est celle du lieu. Mais il ne s'agit pas savoir réellement ou Jésus habite, mais où il demeure, ce qui dans le vocabulaire johannique est différent. 

Ce qui est certain c'est qu'ils on trouvé un lieu qui est pour eux le lieu de leur nouvel enracinent, de leur nouvelle naissance. 

Jean les enfante à Jésus qui lui les enfante à son Père.

dimanche, janvier 01, 2017

"Faire la vérité".

"Faire la vérité" est une phrase qui m'a toujours fascinée. Elle est dans Jn 3, 21 (traduction de la BJ) quand Jésus s'adresse à Nicodème: "Celui qui fait la vérité vient à la lumière", mais on la trouve aussi dans la première épitre de Jean, 1, 6 "Si nous disons : "Nous sommes en communion avec lui , tout en marchant dans les ténèbres, nous mentons, et nous ne faisons pas la vérité."

J'ai toujours associé cette phrase "faire la vérité" avec ce que Françoise Dolto a pu écrire sur le " parler vrai". C'est ce que j'ai toujours essayé de faire dans ma vie professionnelle, ne pas mentir, ne pas faire de faux semblants, dire ce qu'il en est. Parfois certes ne pas tout dire parce que la vérité ne se dit pas n'importe où, n'importe quand et n'importe comment, mais la dire, pour être dans le vrai avec ceux qui sont là, ceux qui sont dans la souffrance, dans le doute, dans la mort. Et quand on fait cela, on pose bien un acte volontaire, on fait quelque chose pour soi, mais aussi pour l'autre et avec l'autre, et on reçoit quelque chose de l'autre. Faire la vérité c'est être dans la relation et c'est permettre à l'autre de dire, de se dire. 



Alors faire la vérité, c'est faire quelque chose qui va vers la lumière. Simplement parler vrai, c'est déjà considérer l'autre comme un égal, comme un frère, comme une personne. Et déjà cela c'est sortir d'un regard qui abaisse ou qui abîme. 

Ce que je veux souligner, c'est que dans mon expérience, faire la vérité, met aussi quelque chose en route chez l'autre, celui avec lequel on essaye d'être en vérité. Et de ce fait, on reçoit quelque chose de lui. En d'autres termes, faire la vérité quand il s'agit de Dieu (ou du Tout Autre) fait que cela met aussi quelque chose en branle du côté de ce Tout Autre et que cela vous modifie petit à petit. Et c'est bien ce qui permet d'aller vers la lumière.

Cette phrase, "faire la vérité",  en général on l'emploie quand on dit que l'on veut faire la vérité ou faire la lumière sur un évènement. Cela concerne souvent des actes criminels (faire la lumière sur une affaire, faire la vérité sur une histoire du passé ou du présent). Dans ce verbe faire, il y a la notion de travail; cela ne se fait pas tout seul, cela ne vient pas tout seul. Le but étant de comprendre ce qui s'est passé, donc d'aller vers la lumière et  de quitter les zones d'ombre. Sortir du mensonge, des demi vérités. Car  il y a des vérités qui sont des demi vérités. Dans mon enfance il y avait des personnes qui parlaient de la vraie vérité  ce qui me posait bien des questions sur ce qu'est la vérité. 

Pour Jean, la vérité, a quelque chose à voir avec la reconnaissance de la divinité de Jésus. La vérité que Jésus annonce et proclame, c'est qu'il est le Fils, qu'il est obéissant, qu'Il n'est pas là pour juger ou condamner, mais qu'il est là pour envoyer l'Esprit de "vérité" qui dévoilera toutes choses. Il est reflet si l'on peut dire de la Lumière de Dieu (et c'est peut-être ce qui s'exprime lors de la transfiguration). 

Quand on essaye de parler vrai, d'être dans la vérité, alors je crois profondément que Dieu peut se révéler, pas du tout comme on l'imagine.  C'est quelque chose qui se passe dans l'intime de soi-même, qui permet de devenir plus vrai plus lumineux, plus humain, donc plus à l'image du Divin. 

Faire la vérité, c'est être à l'écoute. C'est être à l'écoute de ce qui est au fond de soi, parfois tout au fond, dont on n'a pas forcément conscience et qu'il faut laisser monter  à la surface pour pouvoir en vivre et en redonner quelque chose pour les autres. 

Faire la vérité, finalement c'est être en phase avec le Fils, qui révèle un peu du Père (qui me voit voir le Père), en se laissant mouvoir par le souffle de la Vie. C'est peut-être aussi accepter de ne pas comprendre, car c'est peut-être cela être dans la Lumière.