mardi, janvier 17, 2017

La purification du lépreux en Marc 1, 40-45

" Et Jésus s'irritant contre lui, le chassa aussitôt en disant: garde toi de le dire à personne, va te montrer au prêtre et présente pour ta purification ce que Moïse  a prescrit. Ce sera pour eux un témoignage." Mc 1, 43-44. traduction NBS.

En relisant ce passage Mc 40-45, qui clôture le premier chapitre de cet évangile,  j'ai été très surprise, voire interloquée par le comportement de Jésus. On  a l'impression que brusquement cet homme qu'il vient de purifier lui fait horreur, qu'il le chasse comme on chasse un chien. D'autres traductions disent que Jésus "s'irrite" ou qu'il parle avec sévérité. Je me suis vraiment demandée ce que cela peut vouloir dire, à la fois pour nous aujourd'hui, mais aussi pour cet homme. On parle souvent du "secret messianique", quand Jésus ne veut pas être reconnu trop tôt comme le Messie, le Fils de l'homme, mais là il semble que ce soit différent.

On a l'impression que le lépreux purifié devient dangereux pour Jésus, comme si cette guérison intervenait trop tôt? Ne va-t-on pas le prendre pour Elisée? Si le lépreux va se montrer au prêtre, celui ci constatera la guérison et permettra la réintégration, mais il ne demandera pas comment le malade a été guéri, ce n'est pas sa fonction et le nom de Jésus ne sera prononcé. Et pourtant cette guérison doit être un témoignage. Témoignage de quoi? Peut-être que Dieu s'intéresse à la misère de son peuple, qu'il va le sortir de son péché, puisque la lèpre peut être une image du péché.

Mais comment cet homme a-t-il ressenti ce revirement? Jésus, il lui a parlé. Et Jésus lui a répondu, l'a touché, l'a purifié et voilà qu'il le met loin de lui, comme s'il était encore un pestiféré. Est ce que Jésus aurait vu autre chose en lui que cette atteinte de la peau? Si on pense au livre des Nombres, Myriam la soeur de Moïse devient lépreuse pendant une semaine en punition: punition de la jalousie envers Moïse. En d'autres termes, la lèpre est le châtiment d'un péché; ce qui ne se voit pas, qui est dans le coeur, est manifesté dans la chair et donc devient visible. Est ce que Jésus a vu quelque chose de l'ordre du péché dans cet homme?

SI on fait le lien avec la guérison du paralytique qui suit cette guérison, il est possible de penser qu'il s'agit bien de péché, puisque c'est ce qui va être dit en premier au paralytique: mon enfant tes péchés te sont remis. Alors peut-être que si l'homme avait obéi, quelque chose se serait passé en lui, quelque chose qui l'aurait délivré de ce qui au fond de lui était une sorte de lèpre.


Je me suis demandée si Jésus, comme il le fera avec les dix lépreux, ne vise pas une guérison en deux temps (ce qui va se passer juste après, avec la guérison du paralytique), une guérison somatique et une guérison liée à l'obéissance qui permet aussi une purification de tout l'être, un peu comme s'il était plongé dans une eau vivifiante.

Finalement en refusant de faire ce qui lui était demandé, il est possible que ce lépreux guéri de sa lèpre montre que quelque chose en lui n'est pas guéri, qu'il se sent au dessus de la loi. Et par cette non obéissance (qui se comprend très bien) non seulement il met Jésus dans une position difficile, puisque Jésus aux yeux de ses contemporains devient lui-même impur et ne peut entrer dans les villes, mais qu'il s'est privé d'une autre délivrance qui lui aurait permis de devenir témoin et peut-être disciple.

"Cela fait plusieurs mois que j'ai cette maladie de peau qui m'exclut de mon village, plusieurs mois que je suis à la porte de ma propre ville, plusieurs mois que personne ne me parle.  J'ai tout perdu avec cette maladie. Pourtant je ne comprends pas pourquoi que suis ainsi frappé. Je suis loin d'être parfait, de suivre tous les commandements de notre loi, mais nous savons bien que ce n'est pas possible. Est ce que je paye quelque chose pour mes parents, pour mes proches? Je ne sais pas, mais je suis très très malheureux. Et les prêtres ont été formels: je suis un lépreux. La tache sur ma peau ne part pas et je ne sens rien quand je touche cet endroit.

Aujourd'hui, j'ai vu qu'il y avait plus de monde que d'habitude dans mon village; j'aurais bien voulu savoir ce qui se passait. La femme qui dépose pour moi de la nourriture m'a dit, en restant bien loin de moi, que c'était Jésus de Nazareth, un nouveau prophète qui avait fait beaucoup de miracles, qui parlait et enseignait.

Je n'ai eu qu'une envie, essayer de le "choper" si on peut dire, mais comment faire; il ne passera sûrement pas de mon côté.

Et voilà que je le vois, et là je n'hésite pas. Je me jette à ses pieds et je lui dis que s'il veut me purifier il peut le faire. Je suis un peu étonné de mon audace, mais je sens vraiment qu'il y a une force en lui. A ma grande surprise, au lieu de prendre la fuite et de me traiter de tous les noms, ce qu'il aurait pu faire, il me touche et me dit qu'il veut que je sois purifié. Il ose me toucher: il s'est rendu impur pour moi... Il me dit que je suis purifié parce que lui le veut aussi. Mais je n'ose pas regarder mes mains qui sont attaquées par la maladie; je les sens redevenir comme avant. La peau ne me tire plus.  Je suis tout heureux et je voudrais le suivre, devenir son disciple.

Et puis j'ai l'impression qu'il se met en colère contre moi, comme si je lui avais arraché quelque chose; et il me chasse comme on chasse un chien, comme on chasse justement un lépreux, en me disant d'aller me montrer au prêtre et d'offrir ce qui est prescrit, ce qui veut bien dire que je suis guéri. Le prêtre, il y en a un qui n'est pas trop loin, seulement je suis tellement heureux que je ne peux m'empêcher de crier sur tous les toits de qui vient de m'arriver. Je sais bien que ce n'est pas ce qu'il veut, mais c'est plus fort que moi, un peu comme si j'étais possédé. 

L'ennui, c'est que Jésus maintenant que j'ai raconté, est considéré par tous comme un pestiféré, comme si je lui avais passé mon impureté, alors que c'est sa pureté à lui qui m'a envahi J'aimerais bien aller m'excuser, mais je n'ose pas. J'ai appris depuis qu'il est retourné à Capharnaüm et qu'il a guéri un homme paralysé. Alors peut-être que j'oserai revenir le toucher. et lui dire que je regrette. Peut-être qu'il m'expliquera pourquoi il s'est mis en colère contre moi. 

Je me dis que peut-être je suis le prototype d'Israël, ce peuple à la nuque raide, qui n'aime pas obéir et que ça, Jésus l'a vu, et qu'il savait que je garderais ma nuque raide, et cela l'a mis en colère et l'a peut-être rempli de tristesse. Il m'a guéri de ma lèpre, mais au dedans de moi, ce n'est pas encore guéri, parce que je n'ai pas su obéir. 

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