dimanche, novembre 12, 2023

Mt 25, les trois dernières paraboles. Introduction et généralités.

Ces trois dernières paraboles, le chapitre 25 de l’évangile de Matthieu, sont lues (et donc commentées) lors des trois derniers dimanches de l’année liturgique, le dernier dimanche étant celui du Christ-Roi. 


 

Il y a donc: la parabole des dix jeunes filles,les sages ou avisées et les sottes ou insensées; la parabole des talents (en Français la monnaie mentionnée - les talents - permet de faire un jeu de mots avec les talents qui sont les nôtres, ces talents donnés, mais cela doit être différent dans d’autres langues; et enfin la parabole du jugement dernier, mais est-ce une parabole?
Si on lit attentivement ces textes, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une mise en garde sévère: ce qui est fait sur cette terre est fait, et on ne peut plus revenir dessus. Dans l’évangile de Matthieu, il a été dit à de nombreuses reprises que les premiers (ceux qui sont sûrs d’être des élus) risquent d’être derniers. On peut penser que ces textes s’adressent aux pharisiens, et peut-être même à ceux qui se sont convertis par la suite et qui sont dans la nouvelle église.

 

Généralités sur les trois paraboles

 

Dans un premier temps, je pensais écrire un texte, je veux dire trouver un conteur pour chaque péricope, chacune étant séparée, autonome en quelque sorte. Mais c’est là que les difficultés ont commencé.


 Bien entendu, je pouvais donner la parole à un disciple de Jésus présent à Jérusalem qui aurait entendu tout ce qui est rapporté entre les chapitres 21 et 25, à savoir (je résume exprès): les paraboles adressées aux grands-prêtres et aux autorités (21 et 22); les réponses faites à ceux qui veulent le mettre à l’épreuve (lui faire la peau en le lapidant) (22);  les reproches - qui viennent un peu comme un cri de tristesse de Jésus - faits à ceux qui connaissent la Loi, et qui permettent aussi de montrer ce que Jésus attend lui de ses disciples: qu’ils soient comme lui des serviteurs et prennent toujours la place du petit (ce qui renvoie à ce petit peuple, ce petit reste que Dieu fait naître pendant et après l’exil, ceux qui font confiance) (23). Et ce que nous appelons le discours apocalyptique (24). qui précède donc les trois paraboles.  


Seulement cela ne me plaisait pas, et la seule idée qui me venait était de faire parler une jeune fille éconduite, le serviteur qui a enterré son talent par peur du maître, et un de ceux qui n’a pas su regarder les petits et les pas nantis qui étaient sur son chemin, mais c’était juste une idée. Seulement ils n'ont pas d'existence propre, puisque ce sont des personnages de fiction, créés par Jésus. 

 

Alors je me suis mise au travail sur les versets, en espérant que petit à petit quelque chose naîtrait. 


Mais je voudrais déjà, avant de passer au travail habituel sur les versets, revenir sur certains mots qui m’ont interpellée lors ma lecture. 

 

Le premier, c'est la finale de la première parabole, avec cette phrase brutale: "Je ne vous connais pas..."

 

    Jésus dit aux jeunes filles qui frappent à la porte qu’il ne les connaît pas. Quelque part, je trouve que c’est terrible. C’est comme s’il leur disait: vous n’avez pas d’existence pour moi, il n’y a pas de relation entre moi et vous, parce que la relation vous n’en n’avez pas voulu;et, si on en croit Luc, parce que vous ne vous êtes pas ajustés à moi. 

 

Si je reprends le texte, les jeunes filles qui toquent à la porte, qui sont dehors, disent « Seigneur, Seigneur », avec le doublement. Cela renvoie à ce que Jésus dit à la fin du premier discours de sa vie publique (Mt 7, 21): «Ce n’est pas en me disant Seigneur Seigneur que l’on entrera dans le royaume des Cieux, c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » 


Est-ce que ces jeunes filles, qui représentent une partie de l’humanité, une partie de ceux qui ont cru au message ou qui ont cru croire, ont fait la volonté du Père? Dans la suite du texte, on trouve un verbe qui m’interroge: connaître - Mt 7, 22: » Ce jour -là, beaucoup me diront, n’est -ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons chassé les démons, en ton nom que nous avons réalisé beaucoup de miracles ? Alors je leur déclarerai, je ne vous ai jamais connus, écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal. ».  

 

En d’autres termes, il me semble que pour être connu du Christ, avoir avec lui une vraie relation, pas une relation de surface, il faut être très vigilants, ne jamais se croire arrivé, et discerner si ce que l’on fait, même si cela paraît « bien », c’est pour Lui, pour que son règne arrive, ou pour nous, pour notre petit ego. 

 

Suit la parabole de l’homme prévoyant, celui qui construit sa vie sur les paroles dites par Jésus et qui les met en pratique.  Et cet adjectif, prévoyant (merci au Père François Lestang), est le même que celui est employé pour qualifier les jeunes filles. Être prévoyant, c’est bâtir sa maison sur le roc de la parole; c’est un travail qui se fait tous les jours. 

 

La lampe et l’huile pour la lampe

 

Si j’en crois le Ps 118 (119),  la lampe c’est la parole de Dieu. Mais pour que cette parole ne devienne pas lettre morte ou simple répétition, il faut que l’Esprit l’entretienne. 


Certes l’huile, c’est cette huile qui fait briller le visage de l’homme (ou l’adoucit - Ps 103,15), et aussi l'huile de l’onction du fils, futur Roi (Ps 45). Mais, je pense qu’il s’agit également de l’onction de l’Esprit, dont Paul dit qu’elle doit être renouvelée (2Tim 1,6). En d’autres termes, l’onction reçue doit être en permanence vivifiée, et c’est cela qui manque à cette humanité qui manque finalement de dynamisme (comme ce sera le cas du serviteur qui ne fait pas fructifier le don reçu). Cette huile-là, je ne sais pas si on peut en faire des provisions, et là encore c’est quelque chose qui ne se fait pas une fois pour toutes, mais qui se renouvelle. 

 

Le serviteur

 

Le chapitre 24 se termine par une description du serviteur chargé de donner aux gens de sa maison leur nourriture en temps voulu (en d’autres termes d’être l’intendant fidèle). Et là c’est une mise en garde, avec la nécessité de rester fidèle, de ne pas pactiser avec les ivrognes,  et surtout la nécessité de veiller. Au chapitre 25, si je schématise, car il est bien question de serviteurs dans la deuxième parabole, celle des Talents, on peut dire qu’on a les « bons » serviteurs, « les prévoyants » (première parabole), « les créatifs » (deuxième parabole), ceux qui font confiance, qui acceptent le don et le font vivre, et les « miséricordieux » (troisième parabole,) je dirais peut-être ceux qui ne sont pas aveugles au monde qui les entoure, qui s’occupent des petits, des malheureux, sans jugement, et les autres qui sont les «non prévoyants», les « craintifs » les « repliés sur eux-mêmes ».

 

La thématique du dehors et du dedans

 

Finalement les « bons » sont capables de sortir d’eux-mêmes, d’aller dans un autre espace, alors que les autres sont repliés sur eux-mêmes; ils restent dans un dedans mortifère. Alors à la fin des temps, ceux qui ont été capables de mouvements se trouvent dans un "nouveau dedans" décrit comme un lieu de relation avec le « l’Époux, » le « Maître » ou le « Roi », un lieu de lumière; de joie, et les autres sont propulsés dehors, et font la découverte d’un lieu de désespérance. Est-ce vraiment pour l’éternité ? Là j’aimerai dire comme Ézéchiel (Ez 37,3): « Toi Monseigneur, tu sais que ces os pourront revivre » (je change un peu les termes).

 

 

     Il y a un dedans ...

 

- Où vivront ceux qui ont gardé leur lampe allumée, et qui avaient de l’huile pour entretenir la flamme. 

- Où vivront ceux qui auront fait fructifier ce qui leur avait été donné par le maître.

-Et enfin ceux qui tout au long de leur vie se seront préoccupés de ceux qui sont considérés comme des petits, des pauvres, des humiliés, et même des mauvais: on peut être mis en prison pour un tas de raison, hélas. 

 

     Et un dehors, où se retrouveront,

 

-Les imprévoyants,  

-Ceux qui ont manqué de confiance en eux et qui avaient une fausse image de Dieu, 

-Ceux n’ont pas su ouvrir les yeux, qui sont restés centrés sur eux, qui n’ont pas su donner et se donner. 

 

Et ce dehors, celui auquel nous donnons le nom d’enfer, semble être un lieu où règne l’obscurité, donc la peur, mais aussi ces pleurs et ces grincements de dents qui évoquent une colère sans fin, une colère liée à la jalousie, à l’avidité, et peut-être à l’envie.

 

En d’autres termes, pour être sauvé, pour entrer dans le royaume, il ne s’agit pas tant de connaître la loi avec la tête, que d’agir avec son cœur.

 

Ce que nous disent aussi ces trois histoires, c’est que si dans la première, la moitié est sauvée, et les deux tiers dans la seconde, pour la troisième nous n’en savons rien, sauf que le critère ce n’est pas d’avoir respecté la Loi, mais d’avoir su mettre de la vie là où il n’y en avait pas ou plus, de ne pas laisser la mort avoir le dernier mot, et d’avoir su aimer et montrer de la miséricorde envers tous ceux qui souffrent. 

 

Qui sont les petits ?

 

Si je reste au texte, Jésus parle Mt 25, 40 de l’un de ces plus petits de mes frères,  ou c’est à moi que vous l’avez fait, ou l’un de ces plus petits.

 

Nous avons l’habitude de penser qu’il s’agit de ceux qui sont dans le besoin, quel que soit le besoin. Mais si j’en crois les Actes des Apôtres, quand Saül (Ac 9, 4-6) est renversé sur la route de Damas, alors qu’il s’y rend pour faire du mal à ceux qui sont les disciples de Jésus, Jésus s’adresse à lui, en lui demandant pourquoi il Le persécute. Les petits, ce sont les disciples, pas tous les hommes, mais aujourd’hui, cela s’est élargi, et les petits, les plus petits, ce sont ceux que l’on ne regarde pas ou peu, mais que Jésus lui, considère comme ses frères, et en qui est présent. 

 

 

La capacité.

 

Il est écrit que le maître donne à chacun selon ses capacités. Cela peut paraître un peu étonnant. Dans un premier sens, capacité va avec capable. Je te demande ce que je pense tu es capable de faire. En toi il y a la force de faire ce que je te demande. Du coup, on peut se dire que le maître demande à chacun ce dont il est capable. Et les capacités ne sont pas distribuées également. Sauf que parfois, même quand on en a, on ne s’en sert pas, elles peuvent même faire peur, peur de ne pas être à la hauteur. 

 

Mais la capacité, c’est aussi l’aptitude à contenir, c’est donc aussi être un contenant. Et du coup, pour moi cela évoque la phrase du Christ à Catherine de Sienne: « Fais toi capacité et je me ferai torrent » . Le troisième avait en lui la capacité à recevoir, mais il a renoncé à cette capacité, il s’est fermé sur lui-même, il s’est enterré avec ce don dont il n’a pas voulu. Alors que les deux autres ont accepté le don, ils l’ont fait leur; et avec cela, avec cette force là, ils ont pu créer.

 

Arrivée à ce premier stade de réflexion, je ne sais toujours pas qui pourra parler et raconter. Peut-être que le travail sur le texte pourra m’aider.

 

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Mt 25, les trois dernières paraboles. Travail sur les textes;

Travail sur les textes.

 

Parabole vierges sages

 

 

J'ai écrit trois textes sur cette parabole qui est tout, sauf une histoire simple. 

 

https://giboulee.blogspot.com/search?q=vierges+sages  2010

https://giboulee.blogspot.com/2013/09/a-propos-des-vierges-prevoyantes-et-des.html   2013

https://www.blogger.com/blog/post/edit/9807826/187882803740152511  2017

 

 

 

1: «Alors le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux

2 Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes :

 3 les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, 

4tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile

 

 

Le tableau est dressé et cela peut s’entendre comme une représentation de l’humanité. La première image est donc d’un groupe de dix jeunes filles, toutes sont belles, toutes désirent aller à la rencontre de l’époux. Elles veulent le voir, elles veulent entrer dans la salle des noces. Cela c’est leur désir. Et elles se mettent en route, avec une lampe pour voir dans la nuit, pour ne pas tomber. Elles sont invitées à des noces. Mais les noces de qui? Nous savons juste que Jésus parle du royaume, et ce n’est pas la première fois. Ce sera les trois dernières fois qu’il parlera du royaume dans cet évangile (52 occurrences). C’esr le lieu de la présence de Dieu, soit sur cette terre soit dans un ailleurs . 

 

Mais les unes partent, je dirais les mains dans les poches, alors que les autres se chargent de provisions pour leur lampe. Les unes ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Les autres se disent que cela pourra prendre un certain temps, et qu’il faudra bien se nourrir (elles ou leur lampe) et que, outre le pain, il y a la parole de Dieu qui est aussi nourriture: l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu). Et les prévoyantes, ce sont celles qui ont bâti et qui bâtissent leur maison sur le roc (Mt 7,24).

 

Ce qui me paraît étonnant, c’est que le mot « noces » ne figure pas dans le premier testament. Il est remplacé par Alliance. Il est question de fiançailles, de choix, mais pas de noces. Noces c’est un mot qui caractérise donc le nouveau testament, et qui renvoie à quelque chose dé définitif, lié à la nouvelle alliance. 


Dans le Premier testament, l’époux est le créateur: Is 54,5 "Car ton créateur est ton époux: L'Éternel des armées est son nom; et ton rédempteur est le Saint d'Israël: Il se nomme Dieu de toute la terre."  - Esaïe 62,4: "On ne te nommera plus délaissée, On ne nommera plus ta terre désolation; mais on t'appellera mon plaisir en elle, Et l'on appellera ta terre épouse; car l'Éternel met son plaisir en toi, et ta terre aura un époux.

 

Dans le Nouveau testament, dans les évangiles de Mc et Lc, on a la même définition: Jésus est l’époux : mais cela fait relativement peu d’occurrences: Luc 5:34 Il leur répondit: Pouvez-vous faire jeûner les amis de l'époux pendant que l'époux est avec eux ? Luc 5:35 Les jours viendront où l'époux leur sera enlevé, alors ils jeûneront en ces jours-là. Jean 3:29 Celui à qui appartient l'épouse, c'est l'époux ; mais l'ami de l'époux, qui se tient là et qui l'entend, éprouve une grande joie à cause de la voix de l'époux: aussi cette joie, qui est la mienne, est parfaite. 2 Corinthiens 11:2 Car je suis jaloux de vous d'une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure. Apocalypse 21:2 Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s'est parée pour son époux.

 

Autrefois on disait les vierges sages et les vierges folles. Sagesse et folie, cela évoque pour moi le livre des Proverbes, où le sot est opposé à celui qui fait bien les choses; il y a aussi ces comparaisons données par Jésus avec les serviteurs ou les intendants: il y a ceux qui veillent, et ceux qui cessent de veiller. Mais surtout il y a cet homme prévoyant qui a bâti sur le roc et non sur le sable, ce qui veut dire qu’il a travaillé dur, il n’a pas ménagé sa peine (Mt 7,24). Si la parole est la lampe, alors ce verset "l’homme prévoyant est celui qui entend mes paroles et les met en pratique" est bien le prototype de tous ceux qui ont écouté et mis en pratique, alors que les autres sont comme ce chemin sur lequel la graine n’a pas germé, ce champ qui n’a pas permis à la graine de s’enraciner et de donner du fruit. Au-delà de cette image de jeunes filles, il faut penser à l’humanité, qui a entendu, qui a produit du fruit ou pas. C’était bien la même parole, la même lampe, mais l’une avait ce qu’il faut pour l’alimenter, et sa lampe a brillé alors que la lampe de l’autre s’est éteinte. 

 

Dans le livre des Proverbes il y a une description de la femme parfaite, qui est celle qui prévoit tout.  Pr 31, 10-31. On peut penser que les jeunes filles prévoyantes seront ces femmes qui gèrent leur maison elles-mêmes, qui dirigent, qui pensent, qui agissent . 

 

 

5 Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. 

 

Et voilà, le voyage est plus long que prévu. Il faut dire qu’il n’est pas très bien élevé cet époux, mais c’est bien une image donnée souvent par Jésus, que ce maître qui s’en va en voyage, qui disparait et qui laisse la libre ceux auxquels il a laissé son héritage.

 

Il y a alors deux phases, s’assoupir, puis s’endormir. De fait il y a un premier temps où une certaine vigilance demeure, puis le sommeil prend le dessus, le sommeil profond. Est-ce le sommeil de la mort? Toujours est-il que de ce sommeil, un cri permet d'en sortir. Et là, les imprévoyantes ne perdent pas le nord, puisque d’emblée elles demandent de l’huile, de cette huile qui ne se partage pas.  Auraient-elles dû ou pu changer de comportement à ce moment là? On nous parle de marchands, mais qui vend de cette huile là? S'agit-il de l'église? 

 

On sait bien que lorsque des drames arrivent, beaucoup se souviennent qu’il y a un Dieu, et qu’il faut le prier. Revenir à lui avant qu’il ne soit trop tard. Est cela dont il est question? Est-ce qu’il y a une chance au moment du passage de la vie à la mort, de la mort à l’autre vie de trouver ce qui est nécessaire pour commencer une autre vie, une vie relation ? 

 

10 Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. 

 

Cela fait un peu penser à une morale: fin de l’histoire. Celles qui sont prêtes entrent dans cette salle mystérieuse; elles vont découvrir ce qui a été préparé, et la porte est fermée. On pourrait presque dire, fin.  Les gentils sont récompensés, les méchants (mais s’agit-il de méchants) sont punis. Ils resteront à tout jamais sur leur faim.

 

11 Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : “Seigneur, Seigneurouvre-nous !” 

12Il leur répondit : “Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.” 

 

Sauf que ce n’est pas fini. Qu’advient-il de celles (de ceux) qui sont allés se mettre en règle ? Elles peuvent penser que c’est tout bon. Alors elles frappent à la porte, et demandent que la porte leur soit ouverte. Sauf que la demande est entendue, mais non satisfaite, et que la réponse est terrible, cette réponse qui dit « Je ne vous connais pas ». Ne pas connaître, ne pas reconnaître, dire que celui qui frappe est un étranger. Et pourtant il a fait des efforts pour se mettre en règle, mais c’est trop tard. Et cela pose la question de cet « aujourd’hui de Dieu » ce temps favorable qu’il ne faut pas laisser passer. 


13 Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

 

 Finalement on pourrait presque dire, ce n’est pas au dernier moment que vous pourrez changer les choses. Si vous n’avez pas choisi de bâtir votre vie sur mes paroles et de les mettre en pratique, vous avez fait le mauvais choix, et vous ne pourrez pas changer les choses, malgré toute votre bonne volonté . 

   

 

Parabole des Talents

 

C’est une parabole qui a été traitée par Marie Balmary, psychanalyste, qui revient au sens des mots en grec. Il s’agit du livre "Abel ou la traversée de l’Eden". J’en retiens quelques idées pour l’étude du texte. Mais à utiliser les mots des autres, on perd les siens propres et après avoir fait une première lecture du texte, en me servant d’un travail « tout mâché », j’ai ressenti une grande insatisfaction, et je reprends plus avec mes mots à moi, en suivant le texte, tel que je le lis aujourd’hui. 

 

 

14: « Un homme qui partait en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens. 

15 À l’un il remit une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. Aussitôt ..

 

 

Il s’agit donc là simplement d’un homme riche, très riche, mais aussi qui sur le point de quitter son domaine, appelle ses serviteurs et leur confie ses biens. Ce qui veut dire qu’il donne tout. Il ne s’agit pas d’un prêt, mais d’un don total; c’est une transmission comme pour un héritage. On peut penser que partir et tout donner, c’est vraiment faire confiance. Il transmet les pleins pouvoirs sur ses biens, et il transmet la capacité de faire ce qu’il a fait lui, à savoir d’en devenir le répondant, le propriétaire. 

 

Que peut vouloir dire « à chacun selon ses capacités ». Pour Marie Balmary, il s’agit de quelque chose d’assez étonnant, à savoir la capacité à recevoir, à faire sien ce qui a été donné, à le faire œuvrer pour qu’il fructifie. Il donne à chacun selon sa capacité, sa propre force à faire sien ce qui lui est donné. On n’est pas dans une injustice. Mais cela veut dire que comme les deux autres, il est capable de faire quelque chose avec cette somme.  

 

Ceci dit, on trouve dans les Actes une parole de Jésus, disant qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir Ac 20, 35; or je trouve que parfois c’est bien plus facile de donner que de recevoir et je connais des personnes qui refusent tout don, parce que cela se termine mal d’après elles. 

 

Se pose pour moi la question de la place du aussitôt. 


Est-ce le maître qui donne et qui part aussitôt en voyage, qui fait comme le Dieu de la Genèse qui disparaît de la scène le septième jour ? Ce Dieu qui donne sa terre pour la faire fructifier, qui donne tout pouvoir sur les animaux de la terre et les oiseaux du ciel et qui laisse l’homme libre ? 

 

Ou bien, le aussitôt concerne ce que font les serviteurs, ce qui me semble plus cohérent. 

 

 

16 celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire valoir et en gagna cinq autres.

17 De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres.

18 Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla creuser la terre et cacha l’argent de son maître.

 

Il est évident que pour faire valoir ces sommes, il a fallu du temps, beaucoup de temps. Les deux doublent la mise et d’une certaine manière deviennent des égaux dans la manière de faire, puisque l’un comme l’autre doublent la mise. Peut-être même que parfois ils ont perdu de l’argent, mais cela ne les a pas empêchés de continuer, et d’arriver à beaucoup plus que ce qui avait été confié au démarrage. 

 

Par contre le troisième, qui n’a pas pu faire confiance, se faire confiance, va creuser la terre, et cache l’argent du maître. Jésus dans une parabole parle de l’homme qui a trouvé un trésor dans un champ et qui ne le rend pas au propriétaire du champ. Celui qui trouve a le droit de prendre, et de ce fait, si le trésor est volé, ce n’est pas de la faute de son propriétaire. Le troisième se dédouane complètement, se lave les mains, refuse. La somme est vraiment enterrée, mise en terre, pour mourir. Alors que les autres lui ont donné vie. 

 

 

19 Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et il leur demanda des comptes.

 

Demander des comptes. Cela donnerait raison au troisième qui se méfie du maître. Mais il faut, parait-il, entendre cela comme (parce qu’il y a le mot logos qui est employé), comme raconter ce qu’ils ont fait. Quand on rend compte, on raconte. Ce qui me parait important, dans cette interprétation, c’est qu’il n’y a pas de jugement, mais la demande de raconter ce qu’on a fait pendant le temps de l’absence. C’est une autre image du maître. Il s’absente, il donne du temps, et il s’informe. 

 

20 Celui qui avait reçu cinq talents s’approcha, présenta cinq autres talents et dit : “Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq autres.”

 

Tel que c’est raconté, il ne présente pas les talents initiaux au maître. Je peux imaginer le nombre de brouettes remplies de pièces qu’il a fallu trouver. Mais c’est une image d’une certaine plénitude. 

 

21 Son maître lui déclara : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.”

 

Et c’est les compliments. Tu es un bon serviteur, tu as été fidèle. Fidèle, c’est aussi une des caractéristiques de Dieu dans le premier testament, et cela caractérise aussi ceux qui ont été choisis et qui ont mené à bien leur mission : Moïse, Samuel, David. Et celui-là peut entrer dans la joie de son Seigneur. Il devient ainsi plus qu’un serviteur. Le maître se réjouit de ce que son serviteur a mené à bien. Et une promesse, en recevoir à nouveau .

 

22 Celui qui avait reçu deux talents s’approcha aussi et dit : “Seigneur, tu m’as confié deux talents ; voilà, j’en ai gagné deux autres.”

23 Son maître lui déclara : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.”

 

Ce qui se passe pour le deuxième est analogue avec ce qui vient de se dire pour le premier. 

Quand ces serviteurs d’adressent à leur maitre, ils disent Seigneur, tu m’as confié. On est dans le dialogue, ce qui sera différent pour le troisième. 

 

24 Celui qui avait reçu un seul talent s’approcha aussi et dit : “Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain.

25 J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient.”

 

Le "j’ai eu peur", peut évoquer Adam, qui se cache après que ses yeux se soient ouverts. Mais là, c’est la représentation du maître, une représentation d'un Dieu qui fait peur, qui est tout sauf un Dieu qui aime sa création. Ce Dieu là, est avide et injuste, et on ne peut  pas faire confiance. 

 

 26 Son maître lui répliqua : “Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu.

27 Alors, il fallait placer mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts.

 

Le troisième n’a pas pu croire au don. Mais il pense connaître son maître, il a un savoir sur lui. Et savoir l’autre c’est en faire un objet et être pour lui un objet.

S’il avait placé l’argent, il aurait au moins pu faire un choix, choisir un banquier, 

 

28 Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix.

29 À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a.

 

30 Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !” »

 

 

Cet homme qui a mis en terre le don est déjà lui-même dans la ténèbre, mais la ténèbre intérieure. Le jeter dehors, c’est le mettre en relation avec d’autres, le sortir de lui et lui permettre peut-être de faire un autre apprentissage. Enfin ça c’est ce que dit Marie Balmary. 

 

Là, il s’agit bien de ne pas rester inactif durant l’absence du maître qui a tout confié, mais finalement de faire ce qui est demandé dans la Genèse: faire fructifier.  

Le dehors est un peu précisé: c’est un lieu où a priori il ne fait pas bon vivre. Alors si on pense morale, c’est peut-être aussi un message pour faire comprendre que si on vit dans la peur de l’autre, on vit dans le malheur. 

 

 

Parabole du jugement dernier

 

 

31 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.

 

 

Comment entendre cette représentation de la fin des temps, surtout que cela est annoncé quelques jours avant la passion. Comment pouvoir imaginer que cet homme crucifié, cet homme pendu à une croix, sera un jour celui qui siège comme Dieu, sur un siège de gloire, ce que nous sommes incapables de nous représenter, enfin moi.

 

Est-ce une parole d’espoir pour les disciples? "Ne croyez pas que ce que vous allez voir. Souvenez -vous de ce qui je vous ai dit". 

 

32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs :

33 il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.

 

Et là apparait la figure du Roi Berger, le nouveau David. Il y a séparation, et cela évoque la parabole de l’ivraie et du blé. La séparation est faite. Le bon et le mauvais ne sont plus mélangés. Il faut espérer que cela se passe aussi à ce moment-là dans le cœur de tous les êtres. 

 

34 Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. 

 

C’est l’appel, c’est la reconnaissance de leur justice. Ils sont les bénis de son Père, et ils entrent dans un lieu, prévu depuis que Dieu est Dieu. 

 

35 Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ;

j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ;

j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;

 

36 j’étais nu, et vous m’avez habillé ;

j’étais malade, et vous m’avez visité ;

j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” 

 

Le verset 35, peut évoquer les Béatitudes, car cette faim et cette soif de justice, beaucoup la ressentent et œuvrent dans ce sens. 

 Mais ne peut-on pas aussi penser à Jésus durant les heures de la passion et de la crucifixion , même si tout a été vécu en 24 heures?

 

Il n’a pas eu à boire, sauf ce vin aigre, il a eu faim (si on croit la chronologie de l’arrestation, du procès, de Pilate, Jésus ne mange rien après avoir donné le pain et le vin à ses disciples). Il est devenu comme un étranger: personne ne l’a accueilli; un inconnu. 


Il s’est trouvé dénudé, et cela c’est aussi la honte suprême. Il est important d’aider celui qui est nu, et cela peut s’entendre aussi autrement que physiquement, à trouver un vêtement, c’est-à-dire une identité, et bien entendu à ne pas souffrir du froid ou de la chaleur. 


Malade: là aussi, il y a beaucoup de formes de maladie. Si on lit bien les évangiles, la maladie pour Jésus est quelque chose qui vous lie, qui vous empoigne et que vous empêche d’être des vivants. Alors lutter contre la maladie, en allant voir ceux qui en sont porteurs, et ce, quelle que soit la maladie (somatique, psychique, acquise), c’est regarder l’autre comme d’abord un être vivant, qui a en plus une maladie. 


Et cela va avec la prison, car la prison c’est l’absence de liberté, et Jésus vient pour rendre libre, et cela, ce peut aussi être un message. Il ne s’agit pas de faire sortir de prison, mais d’aller vers celui qui est dans sa prison, quelle qu’elle soit. 

 

37 Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ?

tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ?

tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?

38 tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ?

tu étais nu, et nous t’avons habillé ?

39tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”

 

40 Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

 

En d’autres termes, Jésus est dans tous ceux qui sont humiliés d’une manière ou d’une autre, dans ceux que l’on ne regarde pas ou plus, dans ceux qui n’ont pas de place. Faire cela c’est donner déjà à l’autre, simplement par un regard et parfois par une action, une place. Est-ce arriver à voir en ces personnes Jésus dedans ? Moi je ne sais pas, je sais que ça je n’y arrive pas. Mais ce que je sais, c’est que cela me fait moi devenir plus comme on dit « frère en humanité ». 

 

41 Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges.

42 Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ;

j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ;

43j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ;

j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ;

j’étais malade

et en prison, et vous ne m’avez pas visité.”

 

44 Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?”

 

 

Finalement c’est étonnant, parce que c’est un peu comme si ceux qui ont fait le mal (et là il y a ce qu’on appelle le mal par omission: vous n’avez pas fait) ne comprennent pas. C’est comme s’ils disaient: mais non tu te trompes, le mal on ne l’a pas commis, on n’a rien fait de mal; on ne nous a rien demandé, alors pourquoi aurions--nous agi ?  Ils n’ont pas vu, ils ont peut-être manqué de temps pour tout un tas de bonnes raisons (essayer les bœufs qu’ils ont acheté, ou leur nouvelle maison, ou leur changement d’état, je pense à la parabole des invités à la noce dans l’évangile de Luc, mais dans celui de Matthieu, avec la maltraitance et la mise à mort des serviteurs, on est bien au-delà de l’oubli.   

 

Ils sont sont restés avec leur bonne conscience. Parfois, on peut ne pas faire, mais au moins quelque part, s’en vouloir un peu. Ce qui est aussi étonnant, c’est la phrase « sans nous mettre à ton service ». Ceux qui sont à gauche connaissent Jésus, mais cela s’est arrêté là. Peut-être qu’ils sont comme les pharisiens, ils savent, mais la miséricorde ce n’est pas pour eux, parce qu’ils se mettent des œillères. 

 

45 Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”

 

Cette identification de Jésus aux petits évoque pour moi ce qui se passe sur le chemin de Damas. Saul entend Jésus lui dire : Saul Saul pourquoi me persécutes-tu, et demande: Seigneur qui es-tu; Jésus répond : Je suis Jésus que tu persécutes. Ces petits ce sont les siens, ceux qui l’ont choisi. 

 

46 Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

 

Là, c’est presque plus simple que ce qui est dit aux « justes » . Ce n’est plus « le plus petit de mes frères » (ce qui renvoie à une communauté) mais c’est l’un de ces plus petits, l’un de ceux qui sont considérés comme sans valeur, comme bons à jeter. Et c’est la cécité, l’aveuglement et souvent la bonne conscience. 

 

Mt 25: les trois dernières paraboles. Les Récits

Récits.

 

Dans un premier temps j’en suis restée à ma première idée, faire raconter par un auditeur. C’est le texte qui suit.

 

Dans un second temps comme je l'avais pensé, j’ai eu envie de laisser parler les personnages des paraboles, seulement eux sont dans l’histoire et ils ne savent pas que cette histoire est prétexte à parler de la fin des temps. Il y a une jeune fille imprévoyante, qui se retrouve à la porte et qui peut trouver que c’est injuste, parce qu’elle ne comprend pas ce qui lui arrive et qu’elle en veut à celle qui ne lui a pas donné d’huile, mais elle ne peut pas comprendre quelle est cette huile. Il y a ce serviteur qui n’a rien compris et qui peut en vouloir à la terre entière de tout avoir perdu, de ne pas avoir reçu l’aide des deux autres (sauf qu’il n’a rien demandé), et qui se fait une fausse idée de son maître, et enfin de ceux qui se retrouvent à gauche), les chèvres ou les boucs suivant les traductions, qui pour un grand nombre ne comprennent pas vraiment ce qu’ils ont fait de mal et qui doivent trouver que ce n’est pas juste. Ils sont des personnages, ils ne sont pas les auditeurs ou les lecteurs. Mais pourquoi ne pas les laisser parler parce que nous ne sommes peut-être pas si prévoyants que cela, même si nous avons des marchands à notre disposition (si toute fois c’est comme cela que nous voyons l’église), nous n’utilisons pas nos capacités pour un tas de raisons,  et nous sommes bien souvent aveugles à voir les difficultés dans lesquels se trouvent les voisins, les autres. Mais pourquoi ne pas essayer ? Ce sera le deuxième partir de ces récits.

 

Un disciple raconte.

 

Nous étions sur le point de quitter le temple, et après (pardonnez l’expression) tout ce que Jésus avait passé aux pharisiens et aux scribes, en les traitant au final d’engeance de vipères, cela valait mieux pour lui, et même pour nous. Et voilà que certains se sont approchés de lui, pour qu’il admire la beauté du Temple. Du coup il s’est arrêté de marcher et il a regardé le temple très longuement. Il faut dire qu’il venait de prophétiser sur Jérusalem et sur le Temple, en annonçant que le Temple serait vide. Le temple vide, pour moi, c’est ce que prophète Ézéchiel avait vu autrefois, quand le Temple a été détruit et que la Gloire avait quitté le lieu, qui était pourtant le lieu bâti pour lui.

 

Et au lieu de s’extasier, il a redit les mêmes choses, que tout serait détruit. Il a continué à parler d’un futur, et cela m’a fait peur. Il a parlé de gens qui parleraient en son nom, mais qui nous égareraient. Il a parlé de guerres, il a parlé de nous avec un futur affreux : être livrés en son nom, être détestés à cause de lui. En même temps, il affirmait que l’évangile du Royaume serait annoncé à toute la terre. Toute la terre ? Vous vous rendez compte ? Puis il a parlé à nouveau de destructions, de choses horribles, et de son retour à lui. Il reviendrait sur les nuées, des anges rassembleraient ses élus des quatre coins du monde, d’une extrémité des cieux jusqu’à l’autre. Même ça, je ne peux pas l’imaginer ; j’espère bien que je ne verrai pas ça, même s’il a affirmé que cette génération ne passerait pas avant que cela se produise. 

 

Il a affirmé que ses paroles à lui ne passeraient pas; alors que le ciel et la terre passeraient. Et puis, je crois qu’il a voulu nous faire comprendre que cela arriverait à l’improviste et qu’il fallait être prêt. Et il a raconté une petite histoire comme il en a le secret. 

 

Il a parlé du serviteur fidèle et sensé à qui le maître a confié la charge des gens de sa maison, et qui sera trouvé en train d’agir ainsi. Et il a fait la promesse de l’établir sur tous ses biens. Il a parlé ensuite d’un mauvais serviteur, qui s’imagine que le maître ne reviendra pas, et qui se prend pour le maître, mais un maître mauvais et méchant, ce que notre maître n’est pas. Il fait peser comme un joug sur toute la maison. Eh bien celui-là partagera le sort des infidèles. Je ne sais pas trop ce qu’il met derrière ce mot, mais, il vaut mieux être du bon côté si on veut être sauvé. 

 

Je pensais qu’il avait fini, que nous avions compris à peu près, mais il a continué à parler. Nous étions avec lui sur le Mont des Oliviers, et on voyait le Temple, et le mouvement de tous ceux qui entraient et sortaient.

 

Il nous a raconté trois histoires, et ces histoires, au fond je ne les ai pas aimées, elles m’ont fait un peu peur. Je crois qu’il voulait vraiment qu’on comprenne qu’être sauvés ça ne serait pas si évident que cela, qu’il fallait veiller, mais que durant le temps où nous étions sur cette terre, il fallait aussi vivre comme lui, et comme il nous l’avait appris. 

 

La première histoire

 

La première histoire racontait l’histoire de dix jeunes filles qui étaient invitées aux noces du fils du Roi. Il n’a pas dit que c’était le fils du Roi, mais pour moi, ça devait être comme ça. Mais cet homme, il n’est pas venu les chercher. C’est un peu étonnant quand même. Peut-être a-t-il envoyé des gens de sa maison pour leur indiquer le chemin. Il a dit que la moitié d’entre elles étaient des jeunes filles prévoyantes, et que l’autre moitié, elles étaient un peu des fofolles. Alors les prévoyantes, à mon avis, elles ont fait des bagages avec plein de choses, parce qu’on ne sait jamais, et surtout elles ont pris avec leur lampe, une bonne quantité d’huile. Parce que si on doit cheminer la nuit, il faut bien y voir clair pour ne pas tomber, ne pas trébucher ; elles devaient être bien chargées les pauvres. Les autres, elles ont voyagé léger. Elles ont bien pris leur lampe, parce que c’est impossible de faire autrement, mais comme elles ne pensaient pas loin que le bout de leur nez, elles n’ont pas pris d’huile pour recharger la lampe au cas où elle serait près de s’éteindre.

 

Et les voilà parties, toutes les dix. Et ça devait papoter entre elles. Elles ont marché, marché. Elles n’étaient pas encore arrivées au lieu fixé, mais elles ne pouvaient pas aller plus loin. Elles se sont allongées. Elles attendaient peut-être que l’époux se manifeste. Peu à peu elles se sont assoupies puis endormies. Et comme c’est un conte, peut-être que ce sommeil a duré longtemps. Cela je ne le sais pas.

 

Et tout à coup, elles se sont toutes réveillées en sursaut. Elles ont entendu une voix dans la nuit qui disait : voici l’époux, allez à sa rencontre. Bon, moi je trouve que c’est lui qui aurait dû venir les chercher, mais ça doit se passer dans un pays avec des coutumes différentes. Et comme elles devaient se mettre en route, qu’il faisait noir et que les lampes avaient brûlé le temps de leur sommeil, les fofolles se sont rendues compte que leurs lampes étaient en train de s’éteindre. Bien sûr elles ont demandé aux autres, celles qui s’étaient chargées de beaucoup de choses et qui avaient eu un peu mal à marcher, de leur donner de leur huile. Mais elles n’ont pas voulu, parce qu’elles se doutaient que la route serait encore longue et que les lampes de tout le monde allaient s’éteindre. Elles ont conseillé aux fofolles d’aller chez les marchands. Et les voilà parties, les unes vers les marchands les autres vers l’époux. Ces dernières ont été invitées à entrer dans la grande salle, et la porte a été fermée. Je peux imaginer leur joie. 

 

Et là, on arrive à la fin de l’histoire qui est triste. Parce que les jeunes filles imprévoyantes, elles ont bien trouvé de l’huile, mais quand elles sont arrivées au palais, la porte était fermée. Elles ont frappé à la porte, en demandant à entrer. Et là, le fils du Roi est sorti, il a dit qu’il ne les connaissait pas, et il fermé la porte. Elles sont restées dehors avec leur lampe, avec leur huile qui ne servait plus à rien. Je ne peux qu’imaginer leur tristesse. J’étais triste pour elles. Et Jésus a conclu en nous disant à nous les disciples de veiller, parce que nous ne savions ni le jour ni l’heure. Je me suis dit qu’il résumait un peu les choses, mais je n’ai pas trop eu le temps de penser, parce qu’il a raconté une autre histoire. Simplement je me dis que les paroles que le Maître a dites, il faut qu’elles soient dans mon cœur, un peu comme une lampe, que je me nourrisse d’elles, que je pense à faire ce qu’il demande de faire, un jour après l’autre, sans jamais le perdre de vue. 

 

La deuxième histoire

 

L’autre histoire c’est encore une histoire qui m’inquiète. Il s’agit là d’un homme, un homme à mon avis très riche, qui va partir au loin, en voyage. Et avant de partir, il décide de donner tous ses biens à trois de ses serviteurs. Et il donne vraiment, il leur fait totalement confiance. Ce sont des sommes énormes qu’il leur confie, cinq talents au premier, deux pour le deuxième et un pour le troisième. Et il fait cela en fonction des capacités de ses serviteurs;  cela veut dire qu’il les connaît bien, qu’il leur fait confiance, et qu’il part content, en toute sécurité. 

 

Pour deux des serviteurs, cela fonctionne bien. Ils doublent la mise, l’un comme l’autre. Et du coup, je pense qu’il peut se créer entre eux, comme une sorte de fraternité, ils ont doublé tous les deux, ils ont créé tous les deux, ils ont réussi tous les deux. Je pense aussi qu’il a dû leur en falloir du temps, qu’ils ont peut-être eu des mauvais placements, des déconvenues, mais ils ont réussi. Ils devaient être très fiers d’eux. 

 

Par contre pour le troisième, ça n’a pas marché du tout. Est-ce qu’il a eu peur de ne pas faire quelque chose de bien ? Est-ce qu’il a eu peur de faire de mauvais placements et que le maitre à son retour le fasse jeter en prison ? Ce que Jésus nous dit c’est que cette somme, le serviteur va l’enterrer dans un champ. Vous vous rendez compte ? Mettre dans la terre un pareil trésor ? Et l’argent dort; il peut même être trouvé par un autre. Mais lui s’estime tranquille. 

 

Le temps passe, et un jour le maître revient. Il demande aux trois ce qu’ils ont fait durant son absence, ce qui est advenu de ce qu’il leur avait donné. Alors les deux premiers, l’un comme l’autre, lui montrent ce qu’ils ont gagné. Ils ne rendent pas les cinq talents ou les deux talents au maître, parce que cela leur avait été donné. Et le maître est très heureux, il les félicite et les invite à partager sa joie. C’est un peu comme s’ils quittaient leur fonction de serviteur, pour devenir des maîtres avec leur maître, demeurer avec lui, vivre avec lui, se réjouir avec lui. 

 

Mais pour le troisième, les choses ne vont pas dans le bon sens. Lui, dès qu’il apprend que le maître est revenu, il va sortir l’argent qui dormait dans la terre, et il le prend avec lui, ce que les autres n’avaient pas fait. Il dit au maître qu’il lui rend son argent, et aussi lui explique que, comme pour lui ce maître est un homme dur, qui moissonne là où il n’a pas semé, qui ramasse là où il n’a pas répandu le grain, il a eu peur de ses réactions; et que l’argent, il l’a mis dans la terre, et qu’il le lui rend. 

 

Inutile de dire que cela n’a pas plus du tout au maître qui a été très déçu, parce que ce serviteur aurait pu, aurait dû faire confiance ; on peut même se demander qui lui a mis dans la tête de telles idées. C’est un peu comme si cet énorme cadeau, cette marque de confiance, pour lui c’était comme si le maître avait voulu lui tendre un piège. Et cela le maître ne l’a pas supporté. Il lui a dit qu’il était un serviteur paresseux et mauvais, que son talent on allait le donner à celui qui avait su faire confiance, et que lui serait jeté dehors, qu’il n’entrerait pas avec le maître, et que là où il serait condamné à vivre, sans rien, il y aurait des pleurs et des grincements de dents. Quand Jésus parle de grincements de dents, je pense toujours aux pharisiens qui grincent des dents de colère quand il leur rive leur clou, mais je sais que Jésus, cela lui fait mal de les voir ces hommes qui ont tout pour comprendre et qui ferment leur cœur et le remplissent de haine.

 

Alors oui, les bons sont récompensés, les mauvais sont punis, mais j’ai comme un gout d’amertume en moi. Comment peut-on se tromper à ce point sur les intentions du maître ? 

 

 

La troisième histoire

 

Il commençait à se faire tard. Dans trois jours ce serait la Pâque, et il y aurait bien des préparatifs à faire. Mais il a pris le temps de nous raconter quelque chose à propos du jugement dernier; comme je l’ai dit, il avait déjà évoqué la fin des temps, mais pas le jugement. 

 

Il nous a dit qu’à la fin des temps, lui Jésus, le Fils de l’homme, viendrait dans sa gloire, avec ses anges et qu’il serait assis sur son trône de gloire. Je dois dire, que j’aimerais tellement voir cela. Un peu comme les anciens qui sur le Sinaï ont vu le trône du Très Haut, ce pavement de saphir, limpide comme l’azur du ciel. Le voir Lui assis et juger les nations. 

 

Cela me faisait un peu penser à la parabole du bon grain et de l’ivraie, parce qu’il avait dit qu’à la fin des temps, les anges viendraient séparer les bons et les mauvais. Et c’est ce qui se passera, puisqu’il fera comme le berger qui séparer les brebis des boucs. 

 

Les brebis seront à droite, les boucs à gauche. C’est vrai que chez nous, les boucs n’ont pas bonne réputation. N’avons-nous pas la coutume du bouc émissaire, qui était chargé des péchés du peuple et allait mourir dans le désert? 

 

Puis il dira à ceux de droite qu’ils sont les bénis de son Père: qu’ils viennent prendre possession du royaume préparé pour eux depuis la fondation du monde. Et s’ils sont bénis, c’est parce qu’ils se sont occupés des plus petits d’entre ses frères, en leur donnant à manger quand ils avaient faim, à boire quand ils avaient eu soif, en les accueillant même s’ils venaient d’un autre pays, en leur procurant des vêtements, en les visitant quand ils étaient malades ou en prison. Et comme ils s’étonnaient de cela, il a affirmé que chaque fois que cela avait été fait pour l’un d’eux, cela avait été fait pour lui. Je dois dire que cela m’a un peu étonné, mais si lui le dit, il a sûrement raison. 

 

Puis il s’est adressé aux autres et leur a reproché de ne pas avoir pris soin de ceux qui avaient besoin d’eux. Et eux, j’ai eu l’impression qu’ils ne comprenaient pas le reproche de Jésus. Que s’ils n’avaient pas fait, ce n’était pas de leur faute, mais parce que personne ne leur avait dit, alors que Jésus, depuis qu’il enseigne, nous demande de nous occuper de notre prochain. Il dit même que le commandement qui dit d’aimer son prochain comme soi-même est aussi grand qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, et de toute son intelligence.

 

Voilà ce que sera le jugement.

 

Mais comme je vous l’ai dit, ces trois histoires me font un peu peur. Est-ce que je pourrai compter sur la miséricorde du Fils de l’homme, moi qui n’ai pas toujours veillé, moi qui n’ai pas toujours su ouvrir les yeux pour voir ceux qui avaient besoin de moi, peut-être simplement de mon regard, moi qui n’ai pas toujours su faire fructifier les cadeaux donnés ? Heureusement qu’il a dit et redit qu’il était venu pour les pécheurs dont je suis, et qu’il allait donner sa vie pour nous, parce que cela c’est la promesse qui me fait vivre. 

 

Mais je dois dire, que quand je suis allé prendre mon repos de la nuit, ça tournait en moi ces paraboles, ces histoires. Et au matin une idée m’est venue. Je crois que l’important c’est d’avoir en soi la Présence du maître, de penser à lui nuit et jour, de se laisser remplir par lui, par ses dons, de se faire comme il le dit, capacité, et d’avoir son regard sur ceux qui nous entourent. Cela, il l’a fait et c’est à moi de le faire si je veux entrer dans son royaume; et je le veux. Alors il me faut garder sa parole, la laisser en moi vivre, il me faut être comme lui créatif, mais avec lui, et penser à la joie que cela lui donne, et regarder ceux qui sont autour de moi comme des autres lui. Je ne dis pas que c’est facile, mais je désire être ce serviteur qu’il trouvera en train de veiller quand il reviendra.

 

 

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Récits de personnages.

 

Il s’agit donc de laisser raconter une des jeunes filles éconduites, par le serviteur qui n’a pas fait fructifier ou par un de ceux qui a fermé les yeux sur ceux qui l’entouraient. Je peux imaginer que tous commenceraient par dire que ce n’est pas juste, que ce n’est pas de leur faute. Ils ne se remettraient pas en cause. Or il me semble que c’est bien parce qu’ils n’ont pas su s’ajuster à la demande, ou qu’ils l’ont déformée, qu’ils ne sont pas entrés dans ce royaume. 

 

Une jeune fille raconte

 

Nous étions dix à être invitées au repas des noces. Avec nous, il y avait des filles très, très sérieuses, vous savez celles qui ne rient jamais, qui font tout bien. Elles avaient pris plein de provisions avec elles, des vêtements de rechange et même de l’huile pour leur lampe... Je me demandais bien pourquoi. Moi j’aime voyager lége, et il y aura bien des gens pour me dépanner si je manque de quelque chose; j'aime compter sur les autres. Nous nous sommes mises en route, mais la route était plus longue que ce que j’imaginais. Nous avons dû nous arrêter. Il faisait nuit, et nous avons allumé nos lampes. Nous nous sommes allongées et nous avons fini par nous endormir ; nous avons été réveillées en sursaut par un quelqu’un, qui disait que l’époux était arrivé et qu’il fallait nous mettre en route pour trouver la salle. 


Mais là, je me suis rendue compte, que ma lampe était près de s’éteindre, et que j’allais manquer d’huile. C’était pareil pour certaines de mes amies, nous n’avions pas imaginé que ce serait aussi compliqué, aussi long. Nous avons demandé de l’huile à celles qui en avaient d'avance, mais elles n’ont rien voulu entendre. 


Elles ont dit qu’elles n’en n’auraient pas assez pour elles et pour nous et que nous n’avions qu’à en acheter chez un marchand. Trouver un marchand qui veuille bien nous en vendre, ça n’a pas été une mince affaire, mais nous avons pu en avoir assez pour mettre dans nos lampes et aller nous aussi jusqu’à la salle. Nous étions assez en colère contre elles. Elles auraient bien pu nous en prêter un peu.  


Mais Il avait fallu du temps pour trouver un marchand qui nous vende de l'huile. Nous en avons trouvé un, mais les heures avaient filé. Et quand nous sommes arrivées, la porte était close et on entendait des bruits de fêtes. 


Nous avons toqué, toqué, personne ne venait. 


Nous avions froid et nous étions fatiguées. Dedans il devait faire bon et chaud et il devait y avoir de quoi manger. 


Nous avons frappé encore, et là c’est l’époux qui est sorti: enfin nous allions pouvoir rentrer. Mais alors là, au lieu de nous ouvrir, il a dit qu’il ne nous connaissait pas et il a fermé la porte. 


Et là, quelque chose s’est effondré en moi. J'avais tellement envie de voir les époux, de partager leur joie, de manger avec eux. Et en même temps j’étais vraiment très très en colère contre ces autres qui avaient gardé leur huile pour elles. Si elles nous en avaient prêté, nous aurions pu entrer avec elles.  


Ce n’est pas de ma faute si je ne suis pas une prévoyante comme elles. Je n’y peux rien, c’est comme ça. Et l’époux il aurait bien pu ouvrir, nous laisser entrer. 


Pourquoi nous punit-il comme ça ?  Je ne comprends pas. Je suis triste, j’ai faim, j’ai froid. Qu’est ce que j’aurais dû faire ?  Il me reste à rentrer à la maison en espérant que ma mère m’ouvrira. Elle va me dire que ça doit me servir de leçon… Il faut vraiment que je comprenne ce que j’ai fait de mal. Peut-être qu’elle m’aidera à changer, mais elle va sûrement être très déçue.

 

 

Le serviteur raconte

 

Je savais bien que je ne pouvais pas lui faire confiance à ce maître. Il nous a donné, à trois d’entre nous, de grosses sommes, de très grosses sommes; et il est parti en voyage. Enfin il a dit qu’il allait s’absenter. 


C’est un peu comme s’il avait vendu tout ce qui lui avait appartenu et nous l’avait déposé dans nos mains. Ces sommes elles étaient à nous, mais ça je ne pouvais pas le croire. Les autres ils ont eu beaucoup plus que moi, mais moi j’ai reçu une belle somme. 


Seulement tel que je le connais, il va vouloir que cet argent rapporte, et moi, je risque de tout perdre. Et si je perds, il sera furieux. Alors moi cet argent, je l’ai enterré dans un champ, un champ que je connais. Je sais que je prends le risque que quelqu’un le trouve et le prenne, mais là, je pourrai dire que ce n’est pas de ma faute. Pourquoi il m’a choisi moi? Pourquoi il s’est intéressé à moi? Je ne lui avais rien demandé. 

 

Et du temps a passé, beaucoup de temps. J’ai su que les deux autres, ils ont doublé ce que le maître avait donné, et qu’ils vivaient comme des pachas et qu’ils étaient dans l’abondance. Moi pas, mais au moins j’étais tranquille. 

 

Un beau jour il est revenu. Il paraît qu’il a fait appeler les deux autres, qui lui ont montré ce qu’ils avaient gagné et qu’il les a félicités et qu’il leur a même dit de venir habiter avec lui, sauf que je ne sais pas où il a choisi d’habiter. 


Et puis il m’a fait appeler aussi. Et j’y suis allé en traînant les pieds. J'aurais voulu qu'il ne rentre jamais. Qu'est-ce qu'il avait besoin de me confier une telle somme, une somme qui me brûlait les mains ? J’ai sorti l’argent du champ et je suis allé pour le lui rendre. 


Et là  je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire que j’avais peur de lui, parce que je savais qu’il est un homme dur en affaires, impitoyable et que c’était pour cela que son argent je le lui rendais, tel quel.  


Sauf qu’il l’a très très mal pris. Il m’a traité de serviteur paresseux et mauvais; paresseux oui, mauvais il exagère, je suis un pauvre type, c’est tout. Il a repris l'argent, et il l’a donné à celui qui avait le mieux réussi. 


Moi j’espérais quand même qu’il m’en aurait laissé un peu de son argent. 


Et il m’a mis dehors, il n’y a pas d’autre mots. Je n’ai plus rien, parce que j’avais un logement chez lui, et il me l’a repris. Il est vraiment méchant ce maître. Qu’est ce que je vais devenir ? 


Je suis en colère, je grince des dents contre lui, j’ai envie de pleurer de rage. Il a dit que j’étais un mauvais serviteur, et là oui, je suis vraiment mauvais et j’ai honte d’être comme ça, aussi mauvais. Je ne me supporte pas avec cette rage qui est en moi. Et je ne sais pas que faire. Peut-être que si je vais voir un des deux autres, il me logera chez lui. Peut-être….

 

 

 Un de ceux qui sont à gauche raconte.

 

Alors là, c’est la meilleure si je puis dire. Je suis considéré comme un bouc (la plupart des traductions emploient le mot chèvre, mais pas AELF), un animal qui sent mauvais, un animal qui pue, un animal même maudit puisqu’il est chassé dans le désert avec la faute de tout Israël sur son dos. 

 

Moi ma vie, je l’ai passée à la gagner, à essayer de m’occuper bien de ma famille, de trouver un travail, alors c’est vrai que les autres, eh bien je ne m’en suis pas trop occupé. Mais on ne peut pas tout faire. 

 

Et puis ceux dont il parle le Jésus, ceux qui ont faim, ceux qui ont soif, ceux qui sont en prison, et bien ils sont sales, ils ne sentent pas bon, et ils me font un peu peur. Alors oui je ne m’en suis pas occupé, mais ce n’est pas de ma faute; je ne peux pas tout faire.  

 

Et maintenant, on m’enverrait pout l’éternité avec les vraiment mauvais, avec le diable! Mais je n’ai rien à faire avec le diable moi, je n’ai pas renié mon Dieu, j’ai fait ce que je pouvais. Alors j’espère trouver un avocat qui fera comprendre au Roi que je ne suis pas si mauvais que cela, qu’il n’a pas le droit de me faire ça, et que je suis prêt maintenant à tenir vraiment compte de ce qu’il aurait voulu que je fasse mais que je n’ai pas fait. 

 

 

Mais les trois sont des personnages de fiction, à nous de ne pas l’oublier.